PS/AM
Numéro 19/327
COUR D'APPEL DE PAU
1ère Chambre
ARRÊT DU 29/01/2019
Dossier N° RG 17/00836
N° Portalis DBVV-V-B7B-GPKA
Nature affaire :
Demande en bornage ou en clôture
Affaire :
[O] [R] épouse [C]
C/
[H] [N]
Grosse délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 29 janvier 2019, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 19 novembre 2018, devant :
Monsieur SERNY, magistrat chargé du rapport,
assisté de Madame FITTES-PUCHEU, greffier, présente à l'appel des causes,
Monsieur SERNY, en application des articles 786 et 907 du code de procédure civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame BRENGARD, Président
Monsieur CASTAGNE, Conseiller
Monsieur SERNY, Conseiller
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTE :
Madame [O] [R] épouse [C]
née le [Date naissance 1] 1932 à OLORON SAINTE MARIE (64)
de nationalité française
[Adresse 1]
[Adresse 2]
représentée et assistée de Maître Jean-Michel PARDO, avocat au barreau de PAU
INTIMES :
Monsieur [H] [N]
[Adresse 3]
[Adresse 2]
Intervenante volontaire :
Madame [T] [Y] épouse [N]
[Adresse 3]
[Adresse 2]
représentés et assistés de Maître Karine LHOMY de la SCP DOMERCQ - LHOMY, avocat au barreau de PAU
sur appel de la décision
en date du 08 DECEMBRE 2016
rendue par le TRIBUNAL D'INSTANCE D'OLORON SAINTE MARIE
Vu l'acte d'appel initial du 27 février 2017 ayant donné lieu à l'attribution du présent numéro de rôle,
Vu le jugement rendu le 08 décembre 2016 par le tribunal d'instance d'OLORON SAINTE MARIE,
Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 12 juin 2018 par [H] [N] et Mme [Y] épouse [N],
Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 10 octobre 2018 par [O] [R],
Vu l'ordonnance de clôture délivrée le 17 octobre 2018.
Le rapport ayant été fait oralement à l'audience.
Le jugement dont appel
Par le jugement dont appel, le tribunal d'instance d'OLORON SAINTE MARIE, statuant en lecture d'un rapport d'expertise dressé par l'expert judiciaire [R] [B] qu'il avait auparavant désigné, a homologué ce rapport et fixé les limites de séparatives des immeubles appartenant aux parties et portant les numéros 5 et [Adresse 4] d'une action en bornage et en ordonnant le partage des dépens par moitié.
Prétentions et moyens des parties
Se fondant sur un rapport non contradictoire, [O] [R] critique le jugement et demande une nouvelle expertise sur la base de la découverte récente d'un document qui serait survenue le 03 octobre 2018 soit 14 jours avant l'ordonnance de clôture.
Rappelant d'une part qu'elle tient ses droits dans la continuité de [S] [R] qui avait acquis le 30 janvier 1935 des époux [D] une propriété de 07 a 28 ca, qu'un plan est annexé à cet acte et se prévalant d'autre part d'un témoignage relatif à une clôture, elle estime que le mur séparatif actuel a été édifié trop à l'Ouest au détriment de son fonds.
[H] [N] soutient l'irrecevabilité de la demande d'expertise formée dans les dernières conclusions ; sur le fond, il demande la confirmation du jugement.
Il demande reconventionnellement l'allocation de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS
La demande d'expertise formée dans les dernières conclusions de [O] [R] procède de la discussion de fond ; il ne s'agit pas d'une demande nouvelle mais d'une demande de nouvelle mesure d'instruction au soutien d'une prétention inchangée consistant à faire reconnaître un empiétement de la construction voisine sur son fonds. La demande d'expertise est donc recevable.
La pièce n° 7 dont il est énoncé qu'elle aurait récemment été découverte le 03 octobre 2018 n'a pas le même rapport de réduction en largeur que le document annexé par l'expert judiciaire sous l'intitulé (Croquis extrait de l'acte de 1935) mais il présente le même rapport de réduction concernant la hauteur de la feuille ; il porte les mêmes côtes et les mêmes inscriptions ; le document prétendument nouveau ne porte qu'une indication supplémentaire, à savoir celle de l'échelle de 0,005 dont il est logique qu'elle ne se retrouve pas sur le document qualifié d'extrait par l'expert puisqu'il a modifié cette échelle à tout le moins dans une des deux dimentions ; de l'identité des côtes, on déduit que ce document contractuel a bien été consulté par l'expert judiciaire pour dresser le croquis inclus dans son rapport et que l'expert en a fait une retranscription fidèle sauf
à devoir tenir compte de la modification de l'échelle de reproduction dans la largeur àlaquelle il a procédé ; il n'y a donc aucun élément de fait nouveau ; ce document d'origine a été analysé par l'expert ; il est soumis à la libre discussion des parties sans que sa représentation modifiée ne puisse avoir faussé la discussion, l'original étant au demeurant à la disposition des parties chez le notaire. Il n'y a aucune nouveauté dans les faits à débattre et la demande est dilatoire.
[O] [R] est propriétaire de la parcelle AZ [Cadastre 1] alors que [H] [N] est propriétaire de la parcelle [Cadastre 1] ; jusqu'en 1935, ces deux parcelles étaient la propriété des époux [D] qui l'ont divisée longitudinalement mais sans suivre une ligne constamment perpendiculaire aux deux rues se situant de part et d'autre au Nord ([Adresse 5]) :
- une partie de 07 a 28 ca a été vendue à [S] [R] en se composant de 05 a 94 ca pris sur la parcelle [Cadastre 2] (partie arrière) de leur propriété) et 01 a 34 pris sur la parcelle [Cadastre 2] (partie avant) ;
- une autre partie, à la superficie non précisée, a été vendue à la famille [J] après réunion en une seule parcelle de ce qui restait des deux parcelles divisées ; [H] [N] a acquis en 1975 ;
- on est ainsi passé d'une division parcellaire antérieurement parallèle aux deux rues à une division désormais établie selon un tracé globalement perpendiculaire à celles-ci, sauf le décalage dû à la nécessité d'inclure dans la partie sud de la propriété [R] la largeur d'un bâtiment à usage de garage (depuis agrandi en 1992), situé à l'arrière de la maison d'habitation ; ce décalage a conduit à la création d'un segment séparatif non strictement perpendiculaire aux deux rues entrainant une variation de largeur des parcelles entre les deux segements restés perpendiculaires à ces rues.
Les propriétés ont dans le temps été séparées par une clôture grillagée à laquelle ont été substituées les constructions actuelles en dur ; elles ont été édifiées en plusieurs phases, d'abord à l'occasion de la construction par la famille [R] d'une extension de l'ancien garage (1992), puis à l'occasion de la construction d'une piscine (même époque) et enfin à l'occasion de l'édification d'une nouvelle construction en partie sud de la parcelle avec l'édification d'un mur construit en 2014 en remplacement d'une haie séparative prexistante en partie arrière ( vu de la rue Derème). Le permis de construire de ce mur indique qu'il est mitoyen et que le mur de la piscine (antérieur) est privatif à [O] [R].
La limite séparative des fonds part perpendiculairement à la rue Derème et cette perpendicularité est d'abord parallèle aux murs des maisons situées de part et d'autres sur les propriétés des parties ; ce mur cesse d'être perpendiculaire à la rue Derème et parallèle aux murs des maisons d'habitation en un point B qui se situe à hauteur de l'angle Sud Ouest de la propriété de [H] [N] et à 1,97 m de celui-ci ; à cet endroit, la propriété de ce dernier se rétrécit alors que celle de [O] [R] s'élargit pour pouvoir inclure la largeur du garage qui à partir de cette distance de la rue doit être contourné ; comme déjà expliqué, cette contrainte aboutit à ce que la partie Sud de la propriété [R] est plus large que sa partie Nord.
Le mur séparatif des propriétés reprend ensuite un tracé perpendiculaire à la rue Derème jusqu'à la rue Baradat située à l'opposé. Ce pan coupé a donc été créé lors de la division pour tenir compte de la construction présentée comme l'ancien garage dont le mur Est se trouve dans le prolongement du mur Nord de la propriété [N] ; ci ce pan coupé n'avait pas été créé, la propriété attribuée aux auteurs de [H] [N] n'aurait pas eu d'accès sur la rue Derème mais n'aurait pu en avoir que dans la rue opposée. (Un mur construit en 1978 barre aujourd'hui cette possibilité de circulation mais cela n'exclut pas que ce mur soit équipé d'une porte conservant un passage ; il reste hors débat).
La modification de largeur prévaut donc pour la propriété [N] dans le sens inverse.
Le mur cesse donc d'être perpendiculaire aux rues selon trois segments BC CD et DE dénommé 'pan coupé' dans le dernier plan du rapport d'expertise.
La ligne divisoire part d'un point A situé au Nord qui n'est pas contesté dans sa position fixée à partir des limites Ouest de la propriété [R] dont l'expert a vérifié la certitude à partir de la propriété située à l'Ouest (propriété [M] sur le plan de 1935).De la position de ce point A, il vérifie ensuite l'exactitude de l'implantation de l'autre extrémité du Mur sur la rue Baradat en appliquant les côtes figurant sur le plan ; ce point est référencé J.
L'expert expose que le mur séparatif est considéré au Nord comme étant mitoyen ; cela signifie que le segment AB est considéré comme mitoyen ; la limite des fonds passe donc par l'axe de ces murs.
En partant du Sud, les premières constructions sont d'une part un garage sur la propriété [R] (en sus de l'ancien garage au contact de la maison d'habitation) ; d'autre part ce nouveau garage et aussi au contact de l'abri construit sur la propriété [N], mais ce contact n'est pas total puisque si les bâtiments jointent à un angle, les murs ne sont pas accolés sur toute la longueur ; un espace de 3,5 cm est la résultante de ce défaut de contact à l'autre extrémité des murs qui forment entre eux un angle de 0,37 ° ; il n'y a donc pas mitoyenneté du mur de l'abri, mais il y nécessairement eu accord des parties pour considérer que le mur du garage l'est ; cet angle fait partie du mur séparatif que l'expert a segmenté sous les références EF, GH, HI, IJ mitoyen dans sa totalité et qui court perpendiculairement aux deux rues, depuis l'angle Sud Est de l'ancien garage jusqu'à la rue Baradat et qui passe par le point de contact du nouveau garage et de l'abri,
Dans la continuité des conclusions techniques et factuelles tirées de cette constatation, l'expert vérifie à 2 ou 3 centimètres près l'implantation des segments GH HI et IJ ; il précise que si l'on veut prendre pour repère l'axe du mur en se reportant aux côtes d'origine de 1935, il aurait empiétement de 2 cm ou de 3 centimètres en prenant en considération l'axe du mur séparatif ; mais il s'agit d'une conclusion purement géométrique dont il est impossible de déduire la réalité d'un empiétement imposant une démolition partielle car non seulement, toute mesure se fait avec un coefficient d'incertitude mais ensuite et surtout, le mur est qualifié devant lui par les parties de mur mitoyen ce qui équivaut, faute de contestation précise devant la cour, que ce mur représente bien la limite de propriété .
Il n'y a donc aucun empiétement entre l'angle sud est de l'ancien garage implanté sur la propriété [R] et le point J sur la rue BARADAT.
Les limites sont correctement implantées sur les 4 segments EF FG GH HI et IJ.
Le reste du litige concerne les trois segments BC CD et DE qui correspondent au « pan coupé ». Se référant à l'implantation des bâtiments qui est antérieure à la division à laquelle ont procédé les époux [D], l'expert vérifie que la thèse d'un empiétement de plusieurs mètres carrés avancée par [O] [R] ne se vérifie pas. Il vérifie en revanche les côtes du plan de 1935 et il relève que le début du pan coupé représenté par le segment BC courant du point B (angle déviant de la perpendiculaire venant de la rue) au point C est considéré comme mitoyen par les deux parties, ce qui équivaut encore à reconnaître que le mur est implanté sur la limite de propriété ; le point C est donc correct, tout comme le point D ; quant au point E, on ne peut que le situer à ce stade en deux points logiques : soit à l'angle des deux plans verticaux constitués par les murs de l'extension et de l'ancien garage mais cela n'est pas compatible à la qualification de mur mitoyen attribuée par les deux parties tant au mur de l'extension construite en 1992 qu'au mur réalisé deux ans plus tard, soit à l'intersection d'une ligne passant par les axes des constructions avec la conséquence qu'il y a une discontinuité de la limite entre les murs mitoyens situés au Nord entre parties non construites et le mur mitoyen ainsi reconnu du bâti sur la propriété [R] (la cour reporte ici sur le segment BCDE l'hypothèse C exposée et illustrée dans le rapport par un plan moins segmenté).
La reconnaissance de la mitoyenne du mur construit en 1994 entre les parties non construites de part et d'autre des segment BC et CD conforte de manière juridique les conclusions techniques de l'expert selon lesquelles le tracé qu'il retient correspond à la limite de propriété, tout en réservant cependant une incertitude mathématique ; celle-ci se trouve levée par la qualification admise par les parties pour le mur séparant les espaces non bâtis. La thèse de la mitoyenneté est aussi la seule compatible avec la reconnaissance par [O] [R] du fait que le plan du mur de l'ancien garage (parallèle à la construction du mur mitoyen) est un mur privatif situé en retrait de la ligne divisoire ; c'est donc bien sur ce retrait que le mur mitoyen a été construit en doublant le mur privatif du bâtiment.
A la jonction des segments CD (entre deux espaces non bâtis reconnus mitoyen) et DE (Mur de l'extension reconnu mitoyen) la limite de propriété se trouve brisée en raison du décalage existant entre les axes de ces deux murs mitoyens et dans la limite de ce décalage ; juriquement, la limite de propriété peut parfaitement suivre le tracé d'une ligne brisée.
Par ces motifs, confortant ceux non contraires du premier juge, la décision dont appel sera confirmée en toutes ses dispositions
L'équité commande d'allouer aux intimés une somme de 2.000 euros en compensation de frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort :
* accueille l'intervention volontaire de [T] [Y] épouse [N] en sa qualité de copropriétaire de la parcelle AZ [Cadastre 1],
* déclare [O] [R] recevable mais mal fondée dans sa demande de nouvelle expertise,
* confirme le jugement dans toutes ses dispositions,
* condamne [O] [R] à payer aux époux [N] une somme de 2.000 euros en compensation de frais irrépétibles,
* la condamne aux dépens d'appel.
Le présent arrêt a été signé par Mme Marie-Florence BRENGARD, Président, et par Mme Julie FITTES-PUCHEU, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,
Julie FITTES-PUCHEU Marie-Florence BRENGARD