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17/01/2019 | FRANCE | N°17/02775

France | France, Cour d'appel de Pau, Chambre sociale, 17 janvier 2019, 17/02775


DT/SL



Numéro 19/0225





COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale







ARRÊT DU 17/01/2019









Dossier : N° RG 17/02775







Nature affaire :



Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution















Affaire :



Florence X...



C/



SAS SUD AUTO













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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R Ê T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 17 Janvier 2019, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 ...

DT/SL

Numéro 19/0225

COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 17/01/2019

Dossier : N° RG 17/02775

Nature affaire :

Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution

Affaire :

Florence X...

C/

SAS SUD AUTO

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 17 Janvier 2019, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 14 Novembre 2018, devant :

Madame THEATE, Président

Madame COQUERELLE, Conseiller

Madame DIXIMIER, Conseiller

assistées de Madame LAUBIE, Greffière.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTE :

Madame Florence X...

[...]

Représentée par Maître Y..., avocat au barreau de PAU

INTIMEE :

SAS SUD AUTO agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés [...]

Représentée par la SELARL LEXAVOUE, avocats au barreau de PAU et par la SELARL SILEAS, avocats au barreau de BORDEAUX

sur appel de la décision

en date du 19 JUILLET 2017

rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE PAU

RG numéro : F 15/00452

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La SAS SUD AUTO (l'employeur) a pour activité principale le commerce de voitures et plus particulièrement de véhicules automobiles légers. Son effectif est compris entre 20 et 49 salariés. Elle relève de la convention collective nationale des services de l'automobile.

Par contrat à durée indéterminée à temps complet du 1er septembre 1981, elle a engagé Madame Florence X... (la salariée) en qualité de secrétaire après vente. Dans les derniers temps du contrat, cette salariée occupait un poste de secrétaire confirmée catégorie employée échelon 9.

Ses relations professionnelles avec une autre secrétaire de l'entreprise, Mme Barbara Z..., se sont dégradées à partir du mois de mai 2010.

Le 13 janvier 2014, Madame Florence X... a été placée en arrêt de travail pour maladie non professionnelle, situation qui s'est prolongée jusqu'au 1er septembre 2014.

Le 28 janvier 2014 elle a envoyé une lettre au directeur de la société pour se plaindre du comportement de Mme Z... et dénoncer une différence de salaire injustifiée entre elle et cette salariée.

Par lettre du 12 mars 2014, l'employeur a répondu que l'enquête effectuée au sein de l'entreprise n'avait révélé aucune discrimination, qu'en revanche il lui était accordé une augmentation de salaire portant celui-ci à 1.750 € brut/mois, sans toutefois pouvoir égaler celui de Mme Z....

Au retour de Madame Florence X... dans l'entreprise le 03 septembre 2014, le médecin du travail a préconisé un mi-temps thérapeutique avec aménagement de poste.

Le 08 octobre 2014, la salariée a été déclarée apte à reprendre son travail à temps complet.

Le 02 juillet 2015, Madame Florence X... a soutenu avoir été victime d'une de tentative d'empoisonnement et fait l'objet d'un arrêt de travail d'un jour.

Le 13 juillet 2015, Madame Z... a envoyé une lettre à la direction de l'entreprise pour dénoncer le harcèlement moral dont elle se déclarait victime de la part de Madame Florence X..., et menacé de démissionner si l'employeur ne rétablissait pas ses conditions de travail.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 15 juillet 2015, Madame Florence X... a été convoquée à se présenter le 06 août 2015 à un entretien préalable à une éventuelle sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'à une mesure de licenciement assortie d'une mise à pied à titre conservatoire à effet immédiat.

Le 22 juillet 2015 la salariée a rédigé une déclaration d'accident du travail relativement aux faits du 02 juillet 2015, et déclaré une rechute d'accident de travail le 25 juillet 2015.

La SAS SUD AUTO lui a notifié son licenciement pour faute grave par lettre recommandée avec accusé de réception du 11 août 2015.

Madame Florence X... a saisi le conseil de prud'hommes de Pau le 17 septembre 2015, pour obtenir l'annulation de son licenciement et la condamnation de l'employeur au paiement des créances indemnitaires consécutives, la rectification de son certificat de travail et des dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité de résultat, outre le versement d'une indemnité de procédure.

La tentative de conciliation ayant échoué, l'affaire et les parties ont été renvoyées devant la formation de jugement, où la demanderesse a maintenu ses prétentions initiales en augmentant le montant de la demande de rappel de salaire pendant la période de mise à pied.

La SAS SUD AUTO a conclu au débouté de la demanderesse de l'intégralité de ses prétentions, à sa condamnation aux dépens et au versement d'une indemnité de procédure.

Par jugement du 19 juillet 2017, auquel il conviendra de se reporter pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, le conseil de prud'hommes de Pau, section commerce, statuant en formation paritaire, a :

* jugé le licenciement de la salariée fondé sur une faute grave ;

* débouté Madame Florence X... de l'intégralité de ses demandes ;

* dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

* condamné Madame Florence X... aux dépens.

**************

Par déclaration transmise par voie électronique le 26 juillet 2017, l'avocat de Madame Florence X... a fait appel de ce jugement, au nom et pour le compte de sa cliente à qui il avait été notifié le 25 juillet 2017.

**************

Par conclusions transmises par voie dématérialisée le 02 août 2018, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, Madame Florence X... demande à la cour d'infirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions et statuant à nouveau :

* de prononcer la nullité du licenciement pour faute grave pour violation de l'article L 1152-2 du Code du travail ;

* de condamner en conséquence la SAS SUD AUTO à lui payer les sommes suivantes :

- 1.557,60 € bruts à titre de rappel de salaire pendant la période de mise à pied outre 155,76 € pour les congés payés y afférents ;

- 3.500 € bruts d'indemnité conventionnelle de préavis ;

- 350 € bruts de congés payés sur le préavis ;

- 17.266,65 € d'indemnité légale de licenciement ;

- 60.000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul sur le fondement de l'article L 1235-3 du Code du travail ;

Subsidiairement :

* de juger le licenciement de Madame Florence X... sans cause réelle et sérieuse;

* de condamner en conséquence la SAS SUD AUTO à lui payer les sommes suivantes :

- 1.557,60 € bruts à titre de rappel de salaire pendant la période de mise à pied outre 155,76 € pour les congés payés y afférents ;

- 3.500 € bruts d'indemnité compensatrice de préavis ;

- 350 € bruts de congés payés sur le préavis ;

- 17.266,65 € d'indemnité légale de licenciement ;

- 60.000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul sur le fondement de l'article L 1235-3 du Code du travail ;

En tout état de cause :

* de juger que la SAS SUD AUTO a violé son obligation de sécurité de résultat en matière de prévention de la santé dans l'entreprise, au préjudice de Madame Florence X... ;

* de condamner en conséquence la SAS SUD AUTO à lui payer la somme de 15.000 € à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L 4121-1 du Code du travail ;

* de dire que les sommes allouées porteront intérêts au taux légal à compter de la citation en justice (date de réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation) pour les créances de nature salariale et à compter de la réception de la notification de la décision à intervenir pour les créances de dommages et intérêts ;

* de condamner la SAS SUD AUTO à lui payer la somme de 3.000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens y compris les éventuels frais d'exécution forcée.

**************

Par conclusions transmises par voie dématérialisée le 05 septembre 2018, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens la SAS SUD AUTO demande à la cour de :

* confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions ;

* de débouter Madame Florence X... de l'ensemble de ses prétentions ;

* de la condamner au paiement d'une indemnité de procédure de 3.000 € outre les dépens.

*****************

L'ordonnance de clôture porte la date du 15 octobre 2018

*****************

MOTIFS

Sur la nullité du licenciement

Selon l'article L 1152-2 du Code du travail :

'Aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.'

Selon Madame Florence X... l'acharnement qui lui est reproché à l'égard de Mme Barbara Z... ne serait qu'un moyen détourné de la sanctionner pour avoir dénoncé la situation de violence morale qu'elle a subi de la part de cette collègue de travail, ce qui résulterait des termes mêmes de la lettre de licenciement, et qu'elle détaille dans ses écritures en reprenant non seulement les faits dont elle affirme avoir été victime mais également les dénonciations qu'elle en a faites, en vain, auprès de l'employeur.

En tout état de cause le seul fait de la sanctionner pour avoir dénoncé des actes de harcèlement moral - alors même que le harcèlement moral ne serait pas établi - suffit à entacher le licenciement de nullité, puisque l'employeur ne démontre pas que ces dénonciations ont été faites de mauvaise foi.

La SAS SUD AUTO rappelle que la lettre de licenciement fixe les limites du litige. Or, il n'a jamais été reproché à Madame Florence X... d'avoir dénoncé des faits de harcèlement moral non caractérisés dont elle se serait déclarée victime. Le licenciement de la salarié est fondé sur trois motifs distincts :

* acharnement à l'égard de Mme Barbara Z... s'analysant comme du harcèlement moral allant jusqu'à l'accuser sans preuve d'empoisonnement ;

* agissements troublant le fonctionnement de l'entreprise et perturbant les salariés ;

* rédaction d'une déclaration d'accident du travail à l'insu de l'employeur durant la mise à pied.

Elle en déduit que l'argumentation de la salariée à l'appui de sa demande de nullité est hors sujet.

En l'occurrence, la lettre de licenciement du 11 août 2015 est fondée sur trois griefs:

* 'l'acharnement de Madame Florence X... à l'égard de Mme Z... s'analysant comme du harcèlement moral et allant même jusqu'à l'accuser sans la moindre preuve de tentative d'empoisonnement' .

* le trouble au fonctionnement de l'entreprise et les perturbations des salariés occasionnées par les agissements de Madame Florence X....

* la rédaction d'une déclaration d'accident du travail à l'insu de l'employeur pendant la mise à pied conservatoire.

Aucun de ces griefs n'a trait à des agissements de harcèlement moral :

* dont Madame Florence X... aurait elle-même été victime,

* subis par un ou une autre salariée et que Madame Florence X... aurait dénoncés et pour lesquels elle serait sanctionnée.

Aucun d'eux n'est la conséquence ou ne peut s'expliquer par une situation de harcèlement moral qu'elle aurait subi, les faits énoncés dans la lettre de licenciement concernant seulement des agissements dont elle s'est elle même rendue coupable à l'égard d'une collègue de travail.

La circonstance que l'employeur ait pu écrire dans la lettre de licenciement 'vos accusations à l'égard de Mme Z... pouvaient dès cette époque s'analyser comme des propos diffamatoires' (à propos des caricatures de sorcières prétendument glissées dans les dossiers de Madame Florence X...) ne relève en rien de la dénonciation d'agissements de harcèlement moral dont elle aurait été victime mais bien d'accusations dénuées de fondement, portées par Madame Florence X... elle-même à l'encontre de sa collègue, étant précisé que la réalité de cette plaisanterie de mauvais goût et l'identité de son ou de ses auteurs n'ont jamais été établies.

La seule allusion, indirecte, à une dénonciation de harcèlement moral par Madame Florence X... découle de la phrase suivante :

'À l'occasion de cette conversation téléphonique, Mme Z... a appris que votre premier réflexe arrivée à l'hôpital avait été d'évoquer la situation conflictuelle avec elle, à l'accuser de harcèlement moral et bien plus, de tentative d'empoisonnement'.

Cependant, aucun reproche n'est fait dans la lettre de licenciement à Madame Florence X... pour avoir dénoncé auprès des services hospitaliers, des agissements de harcèlement qu'elle aurait affirmé avoir subi. Ce qui lui est reproché c'est d'avoir formulé des accusations graves, sans preuve ni fondement, et potentiellement préjudiciables, à l'encontre d'une collègue de travail.

Le premier juge qui a débouté Madame Florence X... de sa demande tendant à faire juger nul le licenciement prononcé à son encontre, est en conséquence confirmé.

Sur les motifs du licenciement

Aux termes de l'article L 1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.

La faute grave, dont la preuve incombe à l'employeur, se définit comme un fait ou un ensemble de faits imputables au salarié, qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail, d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis.

La lettre de licenciement sert de cadre strict au contrôle du juge.

Il importe de reprendre chacun des griefs énoncés par la SAS SUD AUTO dont Madame Florence X... conteste pour partie la matérialité, pour partie le caractère fautif.

S'agissant de 'l'acharnement de Madame Florence X... à l'égard de Mme Z... s'analysant comme du harcèlement moral', l'employeur invoque principalement l'accusation de tentative d'empoisonnement portée le 02 juillet 2015 par la salariée à l'encontre de cette collègue dans les conditions suivantes :

Pour en revenir aux faits du 2 juillet, vers 15:00, vous avez indiqué avoir bu de l'eau dans la bouteille d'eau qui se trouve depuis des mois sur votre bureau et absorbé un liquide (vraisemblablement du savon) qui aurait été mélangé à l'eau. Cependant, vos propos sont absolument invérifiables puisque la scène s'est déroulée sans témoin .

Immédiatement après avoir ingéré cette eau, votre réaction n'a pas été de vous rendre aux urgences mais de vous rendre dans le bureau de Mme A... (déléguée du personnel), puis de lui demander de faire venir le délégué du personnel suppléant, afin de lui faire constater qu'un produit avait été ajouté.

Vos propos à ce moment-là ont été quelque peu confus puisque, dans un premier temps, vous avez indiqué avoir ingéré une partie du contenu de la bouteille, puis la minute d'après, vous avez indiqué que vous n'en aviez pas bu et que c'était la panique qui aurait déclenché un malaise.

Immédiatement, vous avez accusé, sans la moindre preuve, Mme Barbra Z... d'avoir inséré un liquide étranger dans votre bouteille d'eau afin de vous empoisonner et ce, en présence de Messieurs B... et de Mme A....

Ensuite vous avez demandé à Mme A... de contacter la médecine du travail pour signaler les faits.

Ce n'est qu'après avoir tenté de faire faire aux délégués du personnel, dont le délégué du personnel suppléant, le constat impossible de ce qu'un liquide étranger avait été inséré par un tiers dans votre bouteille d'eau, et donc de vous ménager une preuve, demandé à Mme A... de contacter la médecine du travail, que vous avez finalement demandé à cette dernière de vous accompagner aux urgences de l'hôpital de Pau .

Votre comportement n'a donc pas été le comportement d'une personne qui fait un malaise puisque votre première réaction a été de porter des accusations, sans la moindre preuve, de tentative d'empoisonnement à l'encontre de Mme Z... et de tenter de vous en ménager la preuve en impliquant le délégué du personnel suppléant et deux collègues de travail, au lieu de vous rendre immédiatement aux urgences, ce qui aurait été la réaction logique si véritablement, vous vous sentiez mal.

Arrivée à l'hôpital de Pau , vous avez continué à proférer vos accusations, n'hésitant pas à parler de votre situation conflictuelle avec Mme Z..., à tel point que le Dr C... ,travaillant au service de toxicologie de l'hôpital de Pau, a contacté l'entreprise et demandé à parler à Mme Z... .

À l'occasion de cette conversation téléphonique, Mme Z... a appris que votre premier réflexe, arrivée à l'hôpital, avait été d'évoquer la situation conflictuelle avec elle, à l'accuser de harcèlement moral et bien plus, de tentative d'empoisonnement.(...)'

La chronologie des événements du 02 juillet 2015 telle que rapportée par l'employeur dans la lettre de licenciement est corroborée par les pièces produites et n'est pas discutée par la salariée sauf sur un point. Madame Florence X... conteste en effet avoir formulé la moindre mise en cause de personne dénommée.

Elle ne conteste pas en revanche avoir immédiatement retenu et divulgué la thèse 'criminelle' des faits et immédiatement organisé - au détriment de la prise en charge de son état de santé - un dispositif probatoire 'élargi' ce qui atteste d'une présence d'esprit et d'un sens de l'anticipation peu compatible avec l'état émotionnel que l'on peut attendre d'une personne victime d'une 'tentative d'empoisonnement'. Une telle réaction conforte incontestablement la thèse de la 'mise en scène' évoquée par la SAS SUD AUTO, et ce d'autant plus que contrairement à ses dires Madame Florence X... a immédiatement désigné Mme Barbara Z... comme la 'seule coupable' envisageable ce qui ressort de ses propres déclarations, le lendemain des faits aux services de police :

'Je travaille depuis 36 ans dans ce garage sans avoir aucun problème. Par contre depuis 2012, j'ai subi des désagréments de la part d'une collègue.

Hier à l'heure indiquée lorsque j'ai pris ma bouteille d'eau et que je l'ai bu en partie, j'ai recraché immédiatement car j'avais un fort goût de détergeant dans la bouche. Je me suis rendue aux urgences de l'hôpital de PAU en appelant les pompiers au préalable mais qui n'ont pu se déplacer. Je salivais de façon importante (...)

Je suppose que durant un moment d'absence notamment la veille que l'auteur des faits ait pu mettre du détergent dans ma bouteille. Je ne peux que soupçonner ma collègue Mme Z... Barbra car elle était seule dans la concession de 17h40 à 18h la veille (...)

les déclarations subséquentes n'ayant pour objet que de décrire le 'différend' qui l'opposait à cette collègue qui 'percevait un salaire plus important que le mien' et qui ne cessait de la harceler.

Or ces accusations formulées devant les services de police n'étaient que la réitération de celles dont elle avait fait part, la veille, au Docteur C..., avec suffisamment d'assurance pour que ce professionnel soit amené à poser des questions à Mme Z..., au téléphone, sur la 'tentative d'empoisonnement' dont Madame Florence X... s'était déclarée victime.

Il importe à ce stade de relever que ni les investigations du centre anti-poison, ni celles des services de police n'ont accrédité la thèse défendue par la salariée.

Il demeure que les accusations graves portées à l'encontre de Mme Z... :

* sans aucune base objective pour les étayer ;

* auprès d'autorités et dans des circonstances telles qu'elles ne pouvaient que nuire à la collègue qui en était la cible, établissent la faute qui lui est reprochée . Sa gravité résulte des conséquences d'un tel comportement sur Mme Z... d'abord, sur l'ensemble du personnel ensuite, l'employeur étant garant de la santé et de la sécurité du personnel placé sous ses ordres et ne pouvant tolérer des agissements propres à déstabiliser les personnes et les relations au sein de l'entreprise.

Il en va de même de la déclaration d'accident du travail rédigée à partir d'un formulaire destiné à l'employeur, à l'insu de ce dernier, et alors que Madame Florence X... faisait l'objet d'une mise à pied conservatoire. Elle ne peut sérieusement se défendre de ce manquement à ses obligations professionnelles en soutenant qu'elle aurait commis une 'erreur matérielle' ayant consisté à signer 'dans la case' réservée à l'employeur alors qu'il n'y a pas, sur cet imprimé, de case destinée à la signature du salarié, et que cette 'explication' laisse sans réponse le fait qu'elle se soit autorisée à se substituer à l'employeur alors qu'elle faisait l'objet d'une mise à pied conservatoire. Madame Florence X... ne peut davantage se défendre de ce manquement en produisant le courriel que lui a envoyé le contrôleur du travail le 04 août 2015, dans lequel est rappelé le droit pour les salariés de déclarer eux même les accidents du travail dont ils sont victimes en cas de carence de l'employeur, qui ne, les autorise évidemment pas à établir de faux documents.

Chacune de ces fautes étant incompatible avec la poursuite du contrat de travail et justifiant sa rupture immédiate, il apparaît que c'est à bon droit et sans qu'il soit nécessaire d'envisager les perturbations créées dans l'entreprise par les interventions intempestives de Madame Florence X... auprès des représentants du personnel, que le premier juge a validé le licenciement pour faute grave prononcé par la SAS SUD AUTO à l'encontre de Madame Florence X... et débouté celle-ci de ses demandes liées à la rupture du contrat de travail, le licenciement pour faute grave privant le salarié de tout droit à indemnité de licenciement et de préavis.

Sur le manquement à l'obligation de sécurité

Madame Florence X... expose que la SAS SUD AUTO n'ignorait pas la relation conflictuelle qui l'opposait à Mme Z.... Or, l'employeur n'a jamais pris au sérieux les dénonciations qu'elle a pu faire des agissements dont elle était victime, des répercussions sur son état de santé (arrêts de travail) pas plus que des fait graves dont elle a été la cible (tentative d'empoisonnement). Elle soutient que ce faisant l'employeur aurait gravement manqué à son obligation de protection de la santé des travailleurs. Elle reproche à la SAS SUD AUTO de n'avoir ni proposé aux salariés des formations adaptées sur la gestion du stress, ni mis en place une procédure d'évaluation des risques, et plus spécifiquement des risques psychosociaux, ni élaboré un plan de prévention en matière de harcèlement moral - formation, information, processus de médiation..- la carence de l'employeur en ce domaine justifiant sa demande de dommages et intérêts pour ce préjudice spécifique.

Sur l'obligation de sécurité de résultat, la SAS SUD AUTO fait valoir que l'arrêt de travail d'une durée de 8,5 mois de Madame Florence X... avait pour cause une maladie non professionnelle sans rapport avec ses conditions de travail, la salariée ne rapportant pas la preuve contraire. Elle rappelle à cet égard que la reprise, par les professionnels de santé, dans les certificats médicaux qu'ils établissent, des déclarations de leurs patients est inopérante, qu'à la suite de la seule lettre de Madame Florence X... où cette dernière se plaignait de harcèlement moral une enquête a été diligentée par l'employeur dans l'entreprise dont il a informé la salariée des résultats, bien qu'elle n'ait en rien confirmé les dires de cette dernière. Elle ajoute que la 'tentative d'empoisonnement'dont Madame Florence X... a affirmé avoir été victime s'est révélée - après enquête interne et de la gendarmerie - comme une mise en scène visant à nuire à Mme Z... et à l'employeur.

La SAS SUD AUTO précise enfin qu'elle a bien élaboré un document unique d'évaluation des risques régulièrement mis à jour conformément aux dispositions légales, ce dont elle justifie, de même qu'elle a toujours réagi aux signalements et mis en place les mesures préconisées par la médecine du travail, qu'enfin Madame Florence X... ne rapporte pas la preuve du moindre préjudice.

L' article L. 4121-1 du code du travail, dans sa version applicable à la cause, prévoit que l'employeur doit prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé des salariés, mesures qui doivent comprendre des actions de prévention, d'information et de formation, et la mise en place d'une organisation adaptée. D'autre part, l' article L. 4121-2 du code du travail, dans sa version applicable à la cause énumère les neuf principes généraux de prévention qui doivent guider la mise en 'uvre des mesures.

En l'occurrence, pour justifier des mesures de prévention d'information et de formation requises par la loi contre le harcèlement moral dans l'entreprise, la SAS SUD AUTO produit son règlement intérieur et des extraits du DUER. Ce document est cependant imprimé dans une police de caractère si minuscule qu'elle ne peut que dénoter l'intention de la SAS SUD AUTO de le rendre illisible. En tout état de cause cette pièce doit être considérée comme impropre à établir la preuve de quelconque mesure répondant aux exigences de la loi en matière de lutte contre le harcèlement moral. Quant au règlement intérieur il comporte deux articles dans lesquels sont reproduits les articles du Code du travail applicables en matière de harcèlement moral et de harcèlement sexuel sans autre développement. Si ces dispositions répondent à l'obligation d'information incombant à l'employeur, elles ne répondent ni à l'obligation de prévention ni à celle de formation.

Le manquement de l'employeur est en conséquence établi de ce chef.

Cependant, pour obtenir réparation de la faute commise par l'employeur il appartient à Madame Florence X... de rapporter la preuve du préjudice qu'elle affirme avoir subi à ce titre.

A cet égard la salariée soutient qu'elle aurait elle même été victime d'agissements de harcèlement moral imputables à Mme Barbara Z... à compter de 2012 /2013 (voir sa lettre du 28 janvier 2014). Cependant hormis ses propres allégations, Madame Florence X... ne produit pas la moindre pièce pour établir la réalité des faits qu'elle allègue: moqueries, méchancetés, brimades, caricatures de sorcières glissées dans ses dossiers, différence de salaire injustifiée (Mme Barbara Z... n'ayant pas exactement les mêmes attributions que Madame Florence X...), jusqu'à la 'tentative d'empoisonnement' dont il a déjà été dit qu'elle n'avait pas été établie. Il s'en déduit que ses déclarations ne constituent que des accusations sans preuve systématiquement portées à l'encontre de Mme Barbara Z....

D'ailleurs dans la lettre du 28 janvier 2014 dans laquelle la salariée reprend l'historique de son activité professionnelle au sein de la SAS SUD AUTO depuis1981 et où elle décrit la dégradation progressive de ses relations avec sa collègue de travail, Madame Florence X... n'emploie à aucun moment les termes de harcèlement moral. Or, comme le fait observer la SAS SUD AUTO, cette lettre est la seule dans laquelle elle s'est plainte de manquements à l'obligation de sécurité de résultat.

Il est en outre démontré que l'employeur n'est pas resté inerte face à cette situation puisque non seulement il a apporté des réponses écrites à la salariée (lettre du 12 mars 2014), mais a également organisé :

* une enquête pour rechercher les personnes qui auraient pu placer dans les dossiers de Madame Florence X... les caricatures qu'elle disait y avoir trouvées ;

* une rencontre entre Madame Florence X... et Mme Barbara Z... afin de mettre à plat et résoudre leurs différends ;

* procédé à une augmentation de son salaire.

Aucune autre correspondance de Madame Florence X... n'a fait suite à ces initiatives dont il y a lieu de déduire que d'une part l'employeur a réagi de façon adaptée, que d'autre part les mesures qu'il a mises en place ont été jugées satisfaisantes par la salariée.

Dans ce contexte d'absence d'élément matériel propre à étayer ses dires, les certificats médicaux produits par Madame Florence X..., ne permettent pas d'établir une relation entre la dégradation - incontestable - de son état de santé au début de l'année 2014 et des conditions critiquables d'emploi. Il importe en effet de rappeler que d'une part cet arrêt de travail n'a pas été pris en charge par la sécurité sociale comme maladie professionnelle - et qu'aucune démarche n'a été faite par la salariée en ce sens - d'autre part, que les documents médicaux qu'elle produit démontrent que la relation entre la dégradation de son état de santé et ses conditions de travail n'est alléguée que par cette dernière (voir pièce n° 31, 32, 33 de Madame Florence X...) les rédacteurs des différents certificats médicaux et attestation produits précisant bien qu'ils ne reprennent que les propos de la salariée de ce chef.

Enfin, il ressort des pièces produites que Madame Florence X... a subi en 2012 soit l'année à partir de laquelle ses relations avec Mme Barbara Z... ont commencé à se dégrader, un drame personnel dont elle n'a pas pu ne pas être affectée.

Au demeurant si lors de sa reprise d'activité en septembre 2014, un mi-temps thérapeutique avec aménagement de poste a été préconisé par le médecin du travail, Madame Florence X... ne soutient pas que les préconisations du médecin du travail n'ont pas été respectées. D'ailleurs un avenant temporaire au contrat de travail a été signé - certes avec restrictions - par Madame Florence X..., à cette fin (activité réduite, contacts limités avec la clientèle, horaires de travail aménagés). Cependant et de fait, un mois plus tard (8 octobre 2014) la salariée était autorisée à reprendre son activité antérieure à temps plein et avec maintien du suivi médical, cette fois sans observation de la salariée.

En conclusion, il apparaît que :

* d'une part Madame Florence X... ne justifie d'aucun fait comportement ou manquement dont elle aurait été victime qui aurait pu générer une souffrance au travail, et que la prétendue inertie de la SAS SUD AUTO à l'égard de tels comportements est dès lors sans objet ;

* d'autre part, il n'est pas non plus démontré que la dénonciation de ces agissements a été laissée sans réponse par l'employeur ni que l'employeur n'a pas mis en place les mesures préconisées par le médecin du travail pour permettre la reprise de son activité professionnelle par la salariée dans des conditions compatibles avec son état de santé.

Il en découle que Madame Florence X... ne rapporte pas la preuve du préjudice qu'aurait pu lui causer le manquement de l'employeur en matière de formation et de prévention du harcèlement moral au sein de l'entreprise.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Madame Florence X... de sa demande de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat.

Sur les demandes accessoires

Il appartient à Madame Florence X... qui succombe de supporter la charge des dépens de l'instance. Les circonstances de l'espèce ne justifient pas en revanche l'application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre des parties.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort et par arrêt mis à disposition au greffe :

CONFIRME le jugement dont appel en toutes ses dispositions ;

REJETTE les demandes fondées sur l'article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNE Madame Florence X... aux dépens de l'instance d'appel.

Arrêt signé par Madame THEATE, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE,LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17/02775
Date de la décision : 17/01/2019

Références :

Cour d'appel de Pau 3S, arrêt n°17/02775 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-01-17;17.02775 ?
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