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20/12/2018 | FRANCE | N°17/01838

France | France, Cour d'appel de Pau, 1ère chambre, 20 décembre 2018, 17/01838


PS/AM



Numéro 18/4932





COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre







ARRÊT DU 20/12/2018







Dossier N° RG 17/01838

N° Portalis DBVV-V-B7B-GR4H







Nature affaire :



Demande relative à un droit de passage













Affaire :



[K] [R]



C/



[G] [B] [L] [S]

Quitterie [B] [T] [O] épouse [S]

COMMUNE [Localité 1]























Grosse délivrée le :



à :

























RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R Ê T



prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 20 décembre 2018, les parties en ayant été préalablement avisées dans les condit...

PS/AM

Numéro 18/4932

COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre

ARRÊT DU 20/12/2018

Dossier N° RG 17/01838

N° Portalis DBVV-V-B7B-GR4H

Nature affaire :

Demande relative à un droit de passage

Affaire :

[K] [R]

C/

[G] [B] [L] [S]

Quitterie [B] [T] [O] épouse [S]

COMMUNE [Localité 1]

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 20 décembre 2018, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 05 novembre 2018, devant :

Monsieur SERNY, magistrat chargé du rapport,

assisté de Madame FITTES-PUCHEU, greffie, présente à l'appel des causes,

Monsieur SERNY, en application des articles 786 et 907 du code de procédure civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :

Madame BRENGARD, Président

Monsieur CASTAGNE, Conseiller

Monsieur SERNY, Conseiller

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANT :

Monsieur [K] [R]

né le [Date naissance 1] 1952 à [Localité 2]

de nationalité française

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représenté par la SCP PERSONNAZ - HUERTA - BINET - JAMBON, avocats au barreau de BAYONNE

INTIMES :

Monsieur [G] [B] [L] [S]

né le [Date naissance 2] 1959 à [Localité 3]

de nationalité française

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Madame Quitterie [B] [T] [O] épouse [S]

née le [Date naissance 3] 1966 à [Localité 4]

de nationalité française

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentés par la SCP DUALE - LIGNEY - MADAR, avocats au barreau de PAU

assistés de Maître Hervé COLMET, avocat au barreau de BAYONNE

COMMUNE [Localité 1]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

prise en la personne de son maire en exercice

assignée

sur appel de la décision

en date du 10 AVRIL 2017

rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BAYONNE

Vu l'acte d'appel initial du 16 mai 2017 ayant donné lieu à l'attribution du présent numéro de rôle,

Vu le jugement rendu par le tribunal de grande instance de BAYONNE le 10 avril 2017,

Vu les premières conclusions déposées par [K] [R] le 10 août 2017 signifiées à la commune [Localité 1] le 21 août 2017.

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 09 octobre 2018 par les époux [S],

Vu les conclusions transmises par voie électronique le 02 octobre 2018 par [K] [R],

Vu leur signification à la Commune [Localité 1] par acte du 04 octobre 2018,

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 10 octobre 2018 déposées par les époux [S] aux fins d'irrecevabilité des conclusions transmises le 02 octobre 2018 par [K] [R],

Vu l'absence de comparution de la commune [Localité 1].

Vu l'ordonnance délivrée le 18 octobre 2018 ayant révoqué l'ordonnance de clôture pour la reporter à l'ouverture des débats.

.

Vu la clôture de l'instruction du dossier prononcée à l'ouverture des débats.

Le rapport ayant été fait oralement à l'audience.

MOTIFS

Sur la procédure

Par ordonnance du 18 octobre 2018, le magistrat de la mise en état a prévu que la clôture de l'instruction serait prononcée lors de l'ouverture des débats. Le renvoi n'a pas été demandé. Par conséquent l'affaire est plaidée en l'état des conclusions et pièces échangées jusqu'à la date de l'audience.

Sur la recevabilité des prétentions de [K] [R]

[K] [R] ne revendique aucun droit de propriété sur la parcelle [Cadastre 1] ; il revendique seulement le droit de l'emprunter pour y circuler au motif qu'elle est restée un chemin rural au sens de l'article L 161-1 du code civil et il conclut qu'elle n'est pas la propriété des époux [S] dont il estime qu'ils sont titrés sur la parcelle [Cadastre 1] acquis en méconnaissance du droit de la propriété de la commune qui ne l'a jamais cédé ni perdu. En revendiquant le droit de passer sur un chemin rural, [K] [R] invoque un intérêt personnel et ne plaide donc pas par procureur, même si l'action en reconnaissance du droit dont il se prévaut est indivisible de la reconnaissance du droit de propriété de la commune et même si ses prétentions se heurtent au titre d'acquisition des époux [S] ; il a appelé la commune dans la cause pour que soit reconnu le droit de propriété de cette dernière sur la parcelle litigieuse ; cet appel en cause était un préalable indispensable et indivisible de sa prétention à pouvoir emprunter ladite propriété communale pour desservir son fonds. Son action tend donc à la fois à la reconnaissance de droits réels (le sien et celui de la commune) et à la dénégation du droit de propriété des époux [S]. La nature réelle de cette action - qui s'analyse en une action réelle en revendication pour son compte et celui de la commune - n'exige pas la présence du cocontractant des époux [S], à savoir [Q] [F], qui, avec son père, a reconnu en 2009 ne pas être propriétaire de la parcelle litigieuse.

Par la nature de sa demande et par l'intérêt personnel dont il justifie ainsi pour se prévaloir de la propriété communale au contradictoire de cette dernière, [K] [R] a qualité pour revendiquer à la fois son droit de passage ainsi que la propriété communale en lieu et place de la collectivité publique qui reste passive ; son action, pour ce qui est de la reconnaissance de la propriété de la commune, constitue une application implicite mais nécessaire de l'article 1341-1 du code civil, anciennement 1166 dudit code.

Corrélativement, et de manière tout aussi nécessaire, il agit contre les époux [S] en dénégation de leur droit de propriété, action réelle qui ne passe pas par l'annulation préalable de leur acquisition de [Q] [F], non appelé en cause.

Il n'est pas contesté qu'il y a bien un chemin rural Haïtz Bidéa ; l'objet du litige consiste à savoir si la commune est propriétaire du prolongement qu'en constitue aujourd'hui un tènement cadastré [Cadastre 1] depuis 2011.

[K] [R] justifie donc de la recevabilité de son action.

Absence d'enclave légale

L'article 682 du code civil n'est pas utilement invoqué par [K] [R] car la parcelle [Cadastre 2] dont il est propriétaire n'est pas enclavée pour être desservie par une autre voie publique située au Sud (voie publique limitrophe de la commune de [Localité 5]). Il y a d'ailleurs son portail d'entrée.

Intéressé à l'éventuelle division de sa propriété, il revendique bien une desserte de sa parcelle par sa partie Nord par emprunt la parcelle [Cadastre 1] dont il soutient qu'elle constitue un élément d'un chemin rural appartenant à la commune qui n'en a jamais perdu la propriété. L'absence d'état d'enclave ne porte aucune atteinte au droit de desserte par le chemin rural qu'il invoque, la seule condition permettant d'utiliser un chemin rural étant, au regard du droit civil, de le border.

L'acquisition a non domino de la parcelle [Cadastre 3] par la famille [F] ([X] et [N]) qui n'a pu céder aux époux [S] plus de droit qu'elle n'en avait - Permanence du droit de propriété de la commune

Propriétaire de la parcelle cadastrée section [Cadastre 2] (anciennement [Cadastre 4]) sur la commune [Localité 1], [K] [R] revendique aussi son droit de passage au visa de l'article L 161-1 du code rural en soutenant que cette parcelle appartient toujours à la commune pour être l'élément terminal du chemin rural Haïtz Bidéa, qui desservait par leur Nord les parcelles [Cadastre 2] (sa propriété) ainsi que les parcelles [Cadastre 5] (Epoux [S]) et [Cadastre 6] ([I] [J]) provenant toutes deux de la division de la parcelle [Cadastre 7] (ayant appartenu à la famille [T]).

- [K] [R] revendique ainsi le droit d'utiliser un chemin rural en déniant le fait que son assiette ait jamais été cédée à la famille [F] qu'il n'appelle pas en cause ; il soutient donc que la famille [F] n'a pu en céder la propriété aux époux [S],

- mais il se heurte néanmoins au titre de propriété des époux [S] qui ont acquis cette parcelle de [Q] [F] selon acte du 28 août 2012 publié le 18 septembre 2012 volume 2012 P N° 2012 P n° 2715 en lui payant un prix,

- il ajoute que la commune comme les membres de la famille [F] ([Q] [F] et son père [X] [F] époux [G]) ont reconnu par écrit en 2009, en présence de la famille [T] (parcelle [Cadastre 7] devenue [Cadastre 5] et [Cadastre 6]), ce qui constitue l'aveu de leur absence de droit de propriété sur le fonds,

- il conclut que les époux [S] n'ont pas plus de droits sur la parcelle que n'en avaient leurs auteurs.

[K] [S] verse ainsi au débat un acte sous-seing privé en date du 23 novembre 2009, à 09 h 30, qui n'a jamais été repris dans un acte authentique publié, selon lequel :

- le maire,

- [F] [T] propriétaire de la parcelle [Cadastre 7] (anciennement [Cadastre 8] sur [Localité 1] et [Cadastre 9] sur [Localité 5] réunies après modification des limites communales),

- [X] [F], usufruitier et [Q] [F], nu-propriétaire, propriétaire de la parcelle [Cadastre 10] anciennement [Cadastre 11] (non concernée par la rectification communale pour se situer à l'opposé au Nord du chemin rural litigieux) actent ensemble dans les termes suivants :

'Le 23 novembre 2009 à 09 h 30, M le Maire a organisé en Mairie [Localité 1] en présence de Mme [T] [F], MM. [F] [X] et [N] afin de constater une erreur sur le cadastre concernant le chemin Haïtz Bidéa menant à leur propriété.

En effet, sur le plan cadastral de 1984, le chemin rural desservait les parcelles [Cadastre 8], [Cadastre 4] et [Cadastre 11] comme indiqué sur l'extrait du cadastre ci-joint. Puis une erreur de transcription au cadastre s'est produite raccourcissant le chemin au profit unique de la propriété de M. [F] section [Cadastre 10] (anciennement section [Cadastre 11]).'

Les documents cadastraux, au nombre desquels figurent d'anciens plans, montrent ainsi que la famille [A] avait autrefois partagé sa propriété en 4 lots en créant, compte tenu des limites communales de l'époque, 4 parcelles sur la commune [Localité 1] ([Cadastre 8], [Cadastre 4], [Cadastre 12], et [Cadastre 13]) ainsi que 4 parcelles sur la commune de [Localité 5] ([Cadastre 9], [Cadastre 14], [Cadastre 15], [Cadastre 16]) ; sa propriété s'étendait en effet entre les deux voies publiques dont l'une est le chemin rural Haïtz Bidéa situé sur la commune [Localité 1] alors que l'autre est le [Adresse 4] qui se trouvait alors sur la commune de [Localité 5]. La limite intercommunale traversait la propriété de cette famille mais ce n'est plus le cas aujourd'hui puisque, selon les plans actuels, les limites communales ont été reportées plus au sud sur la voie communale sud (CV2) de sorte que les anciens terrains de la famille [A] qui étaient cadastrés sur la commune de [Localité 5] ont été rattachés à la commune [Localité 1] et réunis aux parcelles jointives qui se trouvaient déjà sur la commune [Localité 1] ; pour ce qui est des parcelles concernant le présent litige, la parcelle [Cadastre 9] (SJDL) va être réunie à la parcelle [Cadastre 8] (GH) pour former la parcelle [Cadastre 7] (famille [T]) et la parcelle [Cadastre 14] (SJDL) va être rattachée à la parcelle [Cadastre 4] (GH) pour former la parcelle [Cadastre 2] (qui sera transmise à [K] [R]) ; sur ces plans et documents cadastraux, le chemin Haïtz Bidéa ' pas plus qu'aujourd'hui - ne porte de numéro de parcelle et sa surface n'est pas indiquée, mais le tracé qui est reporté sur les plans les plus anciens dessert bien la parcelle [Cadastre 4], c'est à dire le fond qui porte aujourd'hui la référence [Cadastre 2] appartenant à [K] [R]. Le chemin dessert auparavant la parcelle [Cadastre 7] mais il ne se prolonge pas vers les autres parcelles issues du partage de la propriété [A] ; la parcelle [Cadastre 4] aujourd'hui en [Cadastre 2] ([K] [R]) ne peut être que le fonds terminal de ce chemin.

S'agissant de la propriété des consorts [F], elle était anciennement cadastrée [Cadastre 11] selon le procès-verbal susdit, elle est devenue la parcelle [Cadastre 10] ; d'après l'acte du 23 novembre 2009, l'erreur a consisté à y inclure la partie terminale du chemin d'Haïtz Bidéa qui graphiquement ne dessert plus la parcelle [Cadastre 4] (ce numéro de parcelle est bien indiqué dans le procès-verbal de réunion) ; l'erreur a pu être commise lors de la renumérotation de la parcelle [Cadastre 4] en [Cadastre 10] ; elle a en tout cas été reprise lors la division de cette parcelle [Cadastre 10] en 2011 (soit 27 ans après le remaniement cadastral de 1984 et malgré la teneur de l'acte sous-seing privé reçu en mairie en date du 23 novembre 2009) lorsque la propriété [F], à son tour, a fait l'objet d'une division ; quatre nouvelles parcelles ont été dessinées et présentées comme issues de sa division, dont la parcelle [Cadastre 1] qui n'aurait pas dû l'être, jointive de la parcelle [Cadastre 2], en contradiction avec la teneur de l'acte du 23 novembre 2009.

Aucune des parties ne produit les documents cadastraux opérant ces changements de numérotation alors qu'ils devraient normalement contenir des informations permettant de vérifier les transferts de contenances ; on dispose d'un document procédant à la division cadastrale de la parcelle [Cadastre 10], qui aboutit à l'indication d'une superficie totale ; de même la donation-partage de 2007 intervenue au sein de la famille [F] n'est pas produite qui pourrait contenir des indications précises ; néanmoins, le document du 23 novembre 2009, mentionne expressément que la propriété [F] référencée [Cadastre 10] depuis 1984, par rapport à la surface que recouvrait cette parcelle précédemment référencée 369, s'est trouvée à tort agrandie d'une surface correspondant à la surface de l'ancien chemin communal qui constituera deux ans plus

tard la parcelle [Cadastre 1]. Ce fait y est reconnu par toutes les parties signataires à savoir [Q] et [X] [F] ainsi que la famille [T] dont les époux [S] tiennent leurs droits ; il y a donc eu reconnaissance de l'erreur antérieurement à l'acte titrant les époux [S] et reconnaissance du droit de la propriété sur cette superficie aujourd'hui cadastrée [Cadastre 1]. Il n'est pas nécessaire de procéder à des vérifications supplémentaires.

Bien que les tables de conversion cadastrale et l'historique des surfaces qui ont pu y être reportées ne soient pas produites, cet acte du 23 novembre 2009 emporte reconnaissance non équivoque de la propriété communale sur la parcelle [Cadastre 1], d'abord par la famille [T] (qui a vendu la parcelle [Cadastre 7] après l'avoir divisée en deux sous les références 225 et 226, la première étant vendue aux époux [S]) mais ensuite et surtout, par les consorts [N] et [X] [F] ; [Q] [F] vendra pourtant ladite parcelle [Cadastre 1] aux époux [S] en 2012.

Cet acte récognitif signé en mairie par les consorts [F] prive ces derniers comme leurs ayants-droits, à compter de sa date et pour une nouvelle période de 30 ans, de toute possibilité de se prévaloir de toute prescription acquisitive sur cette parcelle, quand bien même ils auraient alors été justifiés à le faire jusque-là en raison d'une désuétude plus que trentenaire dans laquelle le chemin rural serait tombé. L'acte du 23 novembre 2009 prouve ainsi qu'en 2012, les époux [S] ont acquis a non domino la parcelle [Cadastre 1]. Il prouve aussi que la commune n'a jamais perdu son droit de propriété sur cette parcelle. C'est donc sans disposer de ce droit et en contradiction avec la signature qu'il avait lui-même apposée sur l'acte du 23 novembre 2009, que [Q] [F] a ensuite titré les époux [S] sur la parcelle [Cadastre 1].

[K] [R] revendique ainsi à bon droit la parcelle [Cadastre 1] pour le compte de la commune et pour pouvoir personnellement en avoir l'usage conformément à la nature du chemin public du chemin Haïtz Bidéa, et c'est également à bon droit qu'il agit en dénégation de cette propriété contre les époux [S] en se fondant sur ce même acte du 23 novembre 2009 puisque les consorts [F] et [F] [T] y reconnaissent que le chemin rural atteignait bien la parcelle [Cadastre 4] devenue [Cadastre 2] en incluant la surface litigieuse qui doit donc demeurer ouverte à tous, même si elle reste classée dans le domaine privé communal.

Il en découle que [K] [R] dispose d'un second accès à sa propriété par ce chemin public d'Haïtz Bidéa pour en être un riverain.

Quant à la commune, il convient de préciser que l'acte du 23 novembre 2009 qu'elle a pris le soin de faire établir, n'est pour elle ni un acte d'acquisition et n'emporte aucune contrepartie ; cet acte est purement recognitif de sa propriété et son autorité ne suppose aucune décision du conseil municipal. Sa publication eut évité tout procès.

Aucun titre de cession de tout ou partie du chemin d'Haïtz Bidéa à la famille [F] n'est produit de sorte qu'aucune difficulté d'opposabilité aux tiers ne faisait obstacle à la publication par la commune de l'acte authentique passé entre la famille [F] pour vendre aux époux [S]. Si un tel acte avait existé, l'acte des époux [S] n'aurait pas pu être publié ; il n'a pu l'être qu'en raison de la création de la parcelle [Cadastre 1] et à son rattachement (erroné) à la division de la parcelle [Cadastre 10] ; il s'agit d'une erreur dans le travail cadastral, reconnue, qui tient à ce qu'en 1984, la parcelle [Cadastre 10] a été numéroté par référence à la parcelle [Cadastre 4] antérieure sans vérification suffisante des superficies ; cette erreur a été reproduite lors de la division cadastrale de 2011 qui n'a pas pris en compte la teneur de l'acte reçu en mairie le 23 novembre 2009.

Les époux [S] bénéficient, comme tous les riverains du chemin, du libre accès à la parcelle [Cadastre 1].

Une contradiction entre les titres de propriété [S] apporte confirmation

La lecture des deux actes d'acquisition des époux [S] qui révèle une contradiction, confirme que la parcelle [Cadastre 1] créée postérieurement à leur acquisition de la famille [T] est bien l'extrémité d'un chemin rural.

Il faut se reporter à la description parcellaire générale :

- En limite Ouest de la parcelle [Cadastre 1] s'étend la parcelle [Cadastre 2] appartenant à [K] [R] au bénéfice de qui aucune servitude n'a été prévue sur la parcelle [Cadastre 1].

- Au nord, on trouve les parcelles [Cadastre 17], [Cadastre 18] et [Cadastre 19] situées qui ont été créées lors de la division cadastrale de la parcelle [Cadastre 10] (avec la parcelle [Cadastre 1] qui n'aurait pas du l'être comme étant issue de cette même parcelle), propriété de la famille [F] ; l'esquisse cadastrale du 23 novembre 2011 (postérieure à la reconnaissance d'erreur de 2009) effectuée à la demande de la famille [F], propriétaire, a préparé la division de cette parcelle [Cadastre 10] en quatre lots de 3875 m² (lot A) + 3555 m² (lot B) + 4725 m² (Lot C) + 115 (Lot D) ce dont on déduit que la parcelle [Cadastre 20] aurait eu 12 270 mètres carrés ; il est certain que le lot D de 115 m² correspond à la parcelle litigieuse [Cadastre 1] dont la superficie est finalement estimée à 119 mètres carrés, ce qui n'est pas significatif d'une erreur de contenance mais seulement d'une incertitude d'arpentage.

Ce projet de division prévoit qu'une servitude de passage doit être créée sur le lot D au profit de la parcelle [Cadastre 6] provenant de la parcelle [Cadastre 7] ayant appartenu à la famille [T], créée par la division de celle-ci et vendue à des tiers (époux [J]) ; il est donc reconnu par la famille [F] que cette parcelle [Cadastre 1] portée à leur compte doit être utilisée par un tiers, à savoir le propriétaire de la parcelle [Cadastre 6], issue de la parcelle [Cadastre 7]. La création de cette parcelle [Cadastre 1] constitue la reconnaissance factuelle (mais non juridique) que la famille [F], quoique portée comme propriétaire, n'a en réalité pas d'utilité économique et ce bien pour devoir respecter les droits d'autrui alors qu'aucune servitude n'est constituée dans un acte ; ce n'est cependant pas la reconnaissance de la propriété d'autrui mais la reconnaissance de ce que cette superficie devait être utilisé par des tiers.

A ce jour, aucune des parties n'indique si cet acte de servitude prévu a été dressé mais il est inutile comme le montre la lecture de l'acte d'acquisition de la parcelle [Cadastre 5] des époux [S].

- Au Sud s'étendent donc les parcelles [Cadastre 5] et [Cadastre 6] toutes deux issues d'une parcelle [Cadastre 7] qui appartenait à la famille [T] qui l'a divisée sous ces deux numéros pour la vendre en deux lots : la première de ces parcelles appartient aujourd'hui aux époux [S] en vertu d'un acte du 30 juin 2011 publié le 17 août volume 2011 P n° 2284 alors que la parcelle [Cadastre 6] appartient à un tiers non appelé en cause ([I] [J]) qui l'avait acquise d'[U] [T] par acte du 23 octobre 2009 publié le 22 décembre 2009 volume 2009 P N°2888 en se voyant consentir sur la parcelle [Cadastre 5] conservée par le vendeur ; la division remonte donc à une date antérieure à celle de création de la parcelle [Cadastre 1]. Or, au titre des servitudes, l'acte des époux [S] contient un rappel de la création, par leur auteur ([T]) d'une servitude grevant leur fonds [Cadastre 5] au profit du fonds [Cadastre 6] d'[I] [J] 'pour rejoindre à partir du bien présentement acquis le chemin public le plus proche' ; or, ce chemin public ne peut être d'après la configuration des lieux que le chemin rural d'Haïtz Bidéa (et non la route située au Sud en limite de la commune de [Localité 5] sans quoi le tracé de la division cadastrale de la parcelle [Cadastre 7] eut été différent et n'aurait pas abouti à la création de la bande de terrain étroite et inutile de la parcelle [Cadastre 5] située entre la parcelle [Cadastre 21] et la parcelle [Cadastre 6], bande de terrain qui n'a d'utilité que pour la desserte de ces deux parcelles) ; l'entrée de la parcelle [Cadastre 5] des époux [S] doit donc être contractuellement partagée avec [I] [J], pour déboucher sur un chemin public qui est nécessairement la superficie litigieuse qui à l'époque de l'acte d'acquisition n'avait pas été cadastrée [Cadastre 1] mais demeurait indéterminée.

L'acte ne fait référence à aucune desserte au travers de la parcelle [Cadastre 10] bénéficiant à la parcelle [Cadastre 5] ni au bénéfice de la parcelle [Cadastre 6]. Cela montre donc que la famille [T] et les époux [J] ne situaient pas leur droit de desserte sur la propriété [F] et que le chemin public visé dans l'acte de 2009 (que l'on n'a pas mais l'acte d'acquisition des époux [S] reprend) incluait la surface qui a ensuite été cadastrée [Cadastre 1].

Les époux [S] sont ainsi détenteurs d'un titre de propriété sur la parcelle [Cadastre 5] qui se réfère à un droit de desserte sur une voie publique qui ne peut aujourd'hui être que la parcelle [Cadastre 1] ; cela est contradictoire avec l'acte postérieur de 2012 par lequel ils ont acquis cette parcelle [Cadastre 1] comme si elle était la propriété privée de la famille [F]. La commune considère que la parcelle lui appartient en indiquant que des réseaux enterrés la traversent et que cela correspond à sa vocation de desserte, perdue de vue par erreur.

Sur les mesures à prendre demandées par [K] [R]

Le régime de la publicité foncière ne constitue pas un obstacle pour se prononcer sur le présent litige de propriété entre les parties comparantes ; en effet, l'objet du litige ne consiste pas à trancher un conflit entre ayants droits d'un même auteur se prévalant de droits concurrents, mais à tirer les conséquences de l'absence de droit des auteurs des époux [S]. [K] [R] n'a d'ailleurs pas qualité pour agir en nullité de l'acte passé entre les consorts [F] et les époux [S] ; il ne peut que revendiquer pour son compte ou celui de la commune, laquelle n'a conféré aucun titre à la famille [F], ce que reconnaît l'acte du 23 novembre 2009.

Néanmoins, le régime de la publicité foncière, en l'absence au présent procès de [Q] [F] ou de ses ayants droits, fait obstacle à la publication du présent arrêt. S'il peut être ainsi jugé que la commune est toujours restée propriétaire, le présent arrêt ne peut pas être publié sans être complété par un nouveau titre authentique (décision de justice ou acte notarié) auquel [Q] [F] doit être partie afin que l'effet relatif de la publicité foncière puisse être respecté par rapport à l'acte de vente a non domino par lequel il a vendu aux époux [S]. Depuis 2012 et l'acquisition par les époux [S], cette vente empêche la commune [Localité 1] de publier aucun acte authentique, administratif ou notarié, reprenant la teneur de l'acte sous-seing privé du 23 novembre 2009 signé de [Q] [F] et de [X] [F] par lequel ils ont reconnu leur absence de droit de propriété sur la parcelle litigieuse et reconnu la propriété communale. Il faut un nouvel acte publié pour le rapporter.

Les mesures à prendre ne consistent donc pas dans une démarche d'arpentage qui ne peut concerner que la délimitation physique des parcelles ; la parcelle [Cadastre 1] peut rester ainsi numérotée et il suffit de la reporter au compte de la commune comme faisant partie du chemin rural, ce qui pourrait être l'occasion pour la commune de numéroter l'autre partie du chemin afin d'éviter de nouvelles erreurs, et en précisant sa superficie globale.

Sur les demandes annexes

Les époux [S] n'étaient pas parties à l'accord de 2009 ; aucun abus de procédure ne peut leur être reproché. Ils ont pu croire à la réalité du droit de propriété des consorts [F], même s'ils ne se sont pas aperçus de la contradiction existante entre l'acte par lequel ils ont acquis la parcelle [Cadastre 5] et l'acte par lequel ils ont acquis a non domino la parcelle [Cadastre 1].

Il ne sera pas fait application de l'article 700 du code de procédure civile.

Sans préjudice d'actions récursoires, les dépens seront en revanche mis à la charge des époux [S] et à la charge de la commune, chacun d'eux devant les supporter par moitié, car d'une part la commune n'a pas comparu défendre son droit de propriété sur un chemin communal alors qu'elle disposait d'un titre levant toute ambiguïté, et ensuite parce que les époux [S] n'ont pas agi en nullité contre leur propre vendeur qui n'était pas propriétaire.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort :

Vu l'article L 161-1 du code rural,

* déclare recevables toutes conclusions et pièces échangées jusqu'à la clôture de l'instruction de l'affaire prononcée avant l'ouverture des débats,

* infirme le jugement dont appel,

* accueille [K] [R] dans ses prétentions émises le 10 août 2017,

* dit que la commune [Localité 1] est propriétaire de la parcelle aujourd'hui cadastrée [Cadastre 1] et qu'elle n'en a jamais perdu la propriété,

* dit que cette parcelle constitue la partie terminale du chemin rural d'Haïtz Bidéa limitrophe de la parcelle cadastrée [Cadastre 2] anciennement [Cadastre 4] appartenant aujourd'hui à [K] [R],

* dit que les époux [S] ne sont pas propriétaires de cette parcelle et que leur titre de propriété constitue une acquisition "a non domino" reconnue par leurs vendeurs [Q] et [X] [F] par acte sous-seing privé du 23 novembre 2009,

* dit que [K] [R], propriétaire de la parcelle [Cadastre 2], limitrophe de la parcelle [Cadastre 1], faisant partie de ce chemin rural, dispose du libre accès à ce chemin pour lui en permettre l'usage dans les limites du gabarit reconnu aux autres riverains,

* dit qu'il ne peut se voir opposer l'absence d'état d'enclave légale,

* dit que les époux [S] ne sont pas les débiteurs des obligations réelles de rétablissement du passage à son profit et qu'ils sont aussi bénéficiaires pour eux-mêmes de cette desserte par le chemin rural d'Haïtz Bidéa,

* déboute [K] [R] de sa demande de dommages-intérêts compensatoires visant les époux [S]

* dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au préjudice des époux [S],

* condamne la commune [Localité 1] et les époux [S] in solidum aux dépens de première instance et d'appel à charge d'en supporter la charge définitive par moitié entre eux.

Le présent arrêt a été signé par Mme Marie-Florence BRENGARD, Président, et par Mme Julie FITTES-PUCHEU, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

Julie FITTES-PUCHEU Marie-Florence BRENGARD


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 17/01838
Date de la décision : 20/12/2018

Références :

Cour d'appel de Pau 01, arrêt n°17/01838 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-12-20;17.01838 ?
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