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20/12/2018 | FRANCE | N°16/00321

France | France, Cour d'appel de Pau, Chambre sociale, 20 décembre 2018, 16/00321


DT/SB



Numéro 18/04963





COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale







ARRÊT DU 20/12/2018







Dossier : N° RG 16/00321 - N° Portalis DBVV-V-B7A-GDAS





Nature affaire :



Demande d'indemnités ou de salaires liée à la rupture autorisée ou non d'un contrat de travail d'un salarié protégé















Affaire :



SA EPTA FRANCE





C/



[G] [E]

Syndicat CGT BO

NNET NEVE

















































RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R Ê T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 20 Décembre 2018, les parties en ayant été préalableme...

DT/SB

Numéro 18/04963

COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 20/12/2018

Dossier : N° RG 16/00321 - N° Portalis DBVV-V-B7A-GDAS

Nature affaire :

Demande d'indemnités ou de salaires liée à la rupture autorisée ou non d'un contrat de travail d'un salarié protégé

Affaire :

SA EPTA FRANCE

C/

[G] [E]

Syndicat CGT BONNET NEVE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 20 Décembre 2018, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 10 Octobre 2018, devant :

Madame NICOLAS, faisant fonction de Président et Madame DIXIMIER, Conseiller

assistées de Madame LAUBIE, Greffière

Madame NICOLAS, en application des articles 786 et 910 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries, en présence de Madame DIXIMIER et en a rendu compte à la Cour composée de :

Madame THEATE, Président

Madame NICOLAS, Conseiller

Madame DIXIMIER, Conseiller

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTE :

SA EPTA FRANCE venant aux droits de la SA BONNET NEVE

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentée par Maître CLAIR de la SCPA ACTEIS, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMES :

Monsieur [G] [E]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 2]

Représenté par Maître MENDIBOURE de la SCP MENDIBOURE-CAZALET, avocat au barreau de BAYONNE

Syndicat CGT d'EPTA

[Adresse 3]

[Localité 1]

Comparant en la personne de Monsieur [U]

sur appel de la décision

en date du 21 JANVIER 2016

rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DEPARTAGE DE BAYONNE

RG numéro : F 13/00379

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La société EPTA FRANCE a pour activité principale la fabrication de matériels aérauliques et frigorifiques industriels. Son siège est situé à HENDAYE.

Elle emploie 470 salariés a un chiffre d'affaires de 160.000.000 € et relève de la convention collective de la métallurgie. Elle fait partie du groupe EPTA qui emploie près de 4.000 salariés et a un chiffre d'affaires de 650.000.000 €.

A compter du 13 novembre 1979, Monsieur [G] [E] a commencé à travailler en intérim, puis en contrat à durée déterminée (23 juin 1980) pour le compte de la société BONNET NEVE (ultérieurement reprise par la société EPTA FRANCE).

Par contrat à durée indéterminée à temps complet du 23 décembre 1980, il a été engagé en qualité de 'technicien méthode' coefficient 240. Ce coefficient a évolué au cours des années : 270 en 1981, 285 à compter du 1er janvier 1982.

En 1982, le salarié a adhéré au syndicat FO CGT et en mai 1984, a été élu délégué du personnel titulaire.

En 1985, Monsieur [G] [E] a obtenu un congé individuel de formation et l'année suivante, un diplôme d'ingéniorat de gestion maîtrise des énergies.

En 2003, le salarié a été transféré au service 'Hand made' et a dû accepter, en raison des difficultés économiques rencontrées par l'entreprise, une baisse de coefficient (255) et une augmentation du temps de travail (12 heures supplémentaires par mois) sans compensation financière, pour conserver un emploi dans l'entreprise.

Deux ans plus tard, soit en avril 2005, le coefficient de Monsieur [G] [E] a été porté à 305, en contrepartie de nouvelles fonctions de 'coordinateur administratif' du service 'hand made' .

Fin 2009, il a été désigné représentant syndical de la CGT à laquelle il avait adhéré l'année précédente, ce dont l'employeur a été informé par lettre du 25 janvier 2010.

Considérant que sa situation professionnelle n'évoluait pas de la même manière que celles des salariés de l'entreprise placés dans une situation comparable, Monsieur [G] [E] a provoqué deux réunions avec la direction en juin 2012, qui n'ont pas permis de trouver un accord.

Sur requête de Monsieur [G] [E], le juge des référés du conseil de prud'hommes de BAYONNE a ordonné, le 13 juin 2013, la communication sous astreinte par la société EPTA FRANCE à Monsieur [G] [E], des bulletins de salaires d'entrée en fonction (ou à défaut contrats de travail) de novembre 1979 à juin 1989 et des bulletins de salaires de février 2013 avec mention du coefficient acquis, des salariés titulaires de DUT ou BTS.

Le 15 octobre 2013, Monsieur [G] [E] a saisi le conseil de prud'hommes de Bayonne, pour obtenir la condamnation de l'employeur au paiement d'une somme de 221.000 € à titre de dommages et intérêts pour discrimination syndicale, et son positionnement au coefficient 365, outre le versement d'une indemnité de procédure.

Monsieur [G] [E] a été convoqué à un entretien préalable qui a eu lieu le 22 mai 2015 et à la suite duquel il a été licencié, le 28 mai 2015, pour faute grave, ce qui a amené le salarié à présenter de nouvelles demandes devant le conseil de prud'hommes, et de conclure à la nullité du licenciement prononcé, au paiement d'une indemnité de licenciement de préavis et de dommages et intérêts.

L'employeur a conclu au débouté de Monsieur [G] [E] de l'ensemble de ses demandes.

Selon procès verbal de partage des voix du 27 avril 2015, le conseil de prud'hommes a renvoyé l'affaire et les parties en audience de départage.

Par jugement du 21 janvier 2016, auquel il conviendra de se reporter pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, le juge départiteur du conseil de prud'hommes de Bayonne, section industrie, après avis des conseillers présents, a :

* dit que Monsieur [G] [E] a fait l'objet de discrimination syndicale au sein de la société BONNET NEVE devenue EPTA FRANCE dans le déroulement de sa carrière ;

* condamné en conséquence cette dernière à payer à Monsieur [G] [E] la somme de 75.000 € au titre de dommages et intérêts ;

* rejeté la demande de Monsieur [G] [E] et des chefs de harcèlement moral et nullité du licenciement ;

* dit que le licenciement de Monsieur [G] [E] est fondé non sur une faute grave mais sur une cause réelle et sérieuse ;

* condamné en conséquence la société EPTA FRANCE à payer à Monsieur [G] [E] les sommes suivantes :

- 7165 € à titre d'indemnité de préavis ;

- 38'285 € à titre d'indemnité de licenciement ;

* rejeté les autres demandes de Monsieur [G] [E] ;

* déclaré recevable l'intervention du syndicat CGT BONNET NEVE devenu EPTA FRANCE ;

* condamné la société EPTA FRANCE à lui payer la somme de 2.000 € à titre de réparation ;

*ordonné l'exécution provisoire pour les sommes attribuées à titre d'indemnité de préavis et indemnité de licenciement ;

* condamné la société EPTA FRANCE à payer à

- Monsieur [G] [E] la somme de 1.000 € ;

- le syndicat CGT BONNET NEVE devenu EPTA FRANCE la somme de 500 € ;

sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

**************

Par lettre recommandée portant la date d'expédition du 29 janvier 2016 l'avocat de la société EPTA FRANCE a fait appel de ce jugement, au nom et pour le compte de sa vue cliente à qui il avait été notifié le 25 janvier 2016.

**************

Par conclusions enregistrées au greffe le 15 juin 2018, reprises oralement à l'audience du 10 octobre 2018, et auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, la société EPTA FRANCE demande à la cour d'infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a :

* dit que Monsieur [G] [E] a fait l'objet d'une discrimination syndicale au sein de la société EPTA FRANCE et de débouter en conséquence Monsieur [G] [E] de toutes ses demandes à titre de dommages-intérêts pour discrimination syndicale ;

* condamné la société EPTA FRANCE à payer la somme de 2.000 € à titre de dommages-intérêts au syndicat CGT BONNET NEVE, et de débouter ce syndicat de l'ensemble de ses demandes ;

* jugé que le licenciement de Monsieur [G] [E] n'était pas fondé sur une faute grave, et de débouter Monsieur [G] [E] de sa demande d'indemnité compensatrice de préavis et indemnité de licenciement ;

Subsidiairement :

*de réformer le jugement en ce qu'il a fixé à 38.285 € le montant de l'indemnité de licenciement et de fixer cette indemnité à la somme de 29.063 € ;

* de l'infirmer en ce qu'il a alloué à Monsieur [G] [E] un montant de 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

* de confirmer le jugement pour le surplus ;

* de condamner Monsieur [G] [E] à lui payer la somme de 4.000 € à titre d'indemnité de procédure.

**************

Par conclusions enregistrées au greffe le 26 juillet 2018, reprises oralement à l'audience du 10 octobre 2018, et auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, Monsieur [G] [E] demande à la cour de confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a jugé qu'il avait été victime de discrimination syndicale ;

* de l'infirmer pour le surplus ;

Et statuant à nouveau :

* de condamner la société EPTA FRANCE à lui payer la somme de 250.000 € (subsidiairement de 154.000 €) à titre de dommages et intérêts pour discrimination syndicale ;

* de juger que Monsieur [G] [E] a été victime de harcèlement moral à visée discriminatoire ;

* de condamner la société EPTA FRANCE à lui payer la somme de 80.000 € à titre de dommages et intérêts pour harcèlement discriminatoire ;

* de juger que du fait de la discrimination syndicale et/ou du harcèlement moral le licenciement prononcé le 28 mai 2015 est nul ;

* de condamner la société EPTA FRANCE à lui payer la somme de 150.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ;

Subsidiairement :

* de juger le licenciement de Monsieur [G] [E] sans cause réelle et sérieuse ;

* de condamner la société EPTA FRANCE à lui payer la somme de 150.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

En toute hypothèse :

* de condamner la société EPTA FRANCE à lui payer les sommes suivantes :

- 7.165 € bruts d'indemnité compensatrice de préavis ;

- 38.285 € d'indemnité légale de licenciement ;

- 3.500 € à titre d'indemnité de procédure outre les dépens de première instance

et d'appel.

*****************

Par écrits enregistrés au greffe le 07 août 2018, repris oralement à l'audience du 10 octobre 2018, et auxquels il convient de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, le syndicat CGT EPTA FRANCE demande à la cour :

* d'accueillir son intervention volontaire ;

* de condamner la société EPTA FRANCE pour discrimination syndicale et à payer au syndicat CGT EPTA FRANCE la somme de 7.500 € à titre de dommages et intérêts en raison du préjudice causé à l'intérêt collectif de la profession ;

* de condamner la société EPTA FRANCE au paiement d'une somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

*****************

MOTIFS

Sur la discrimination syndicale

Après un rappel des règles applicables en matière de charge de la preuve, la société EPTA FRANCE conteste en premier lieu la réalité de l'engagement syndical de Monsieur [G] [E] qui n'a été titulaire d'aucun mandat de 1985 à 2010, soit pendant une durée de 25 ans au cours de laquelle non seulement il ne peut se prévaloir de l'exercice du moindre mandat, mais pas même d'une adhésion ou activité syndicale, dont l'employeur aurait pu avoir connaissance.

La société EPTA FRANCE conteste ensuite toute corrélation entre le ralentissement allégué de la carrière de Monsieur [G] [E] et cet engagement, qui ne serait pas démontré par le tableau que produit le salarié lui-même, et dont l'employeur soutient qu'il est dépourvu de pertinence. Il en va de même des deux panels établis par Monsieur [G] [E] à partir des pièces fournies par l'employeur, qui seraient, selon ce dernier, contestables et n'auraient pas été analysés par le premier juge.

Il ajoute que le coefficient atteint par le salarié au moment de la demande était supérieur à celui qui aurait été le sien par application de la Convention collective de la métallurgie et que le salarié a bénéficié d'augmentations de salaire individuelles. Il rappelle qu'en 2003, les difficultés de l'entreprise étaient réelles qu'elles ont imposé un plan de réorganisation de l'entreprise qui n'a pas touché que Monsieur [G] [E]. Quant à la formation suivie en 1985, à la demande du salarié, l'employeur n'avait pas connaissance de son contenu et Monsieur [G] [E] ne démontre pas l'impact qu'elle aurait pu avoir sur l'exercice de ses fonctions.

Il est vrai qu'à deux reprises le salarié a postulé pour occuper le poste de son supérieur hiérarchique, et que sa candidature n'a pas été retenue, cependant la disponibilité du poste ayant été diffusée, une sélection a été effectuée entre les postulants en regard de leurs profils respectifs, et sur la base de critères objectifs et adaptés. Or le premier juge s'est contenté de relever que Monsieur [G] [E] n'avait pas été retenu sur ces postes.

La société EPTA FRANCE fait enfin valoir que le comportement de Monsieur [G] [E] n'a cessé de se dégrader au fil des mois (agressivité provocations...)

Après rappel des règles de preuve spécifiques applicables en matière de discrimination syndicale, Monsieur [G] [E] considère qu'il rapporte des éléments qui laissent supposer l'existence d'une discrimination syndicale et ce, depuis l'exercice de son premier mandat représentatif jusqu'à la date de son licenciement, affirme que la jurisprudence n'exige pas l'exercice d'un mandat représentatif pour pouvoir invoquer la discrimination syndicale, l'appartenance et l'activité syndicale étant suffisantes. Or à la suite de l'exercice de ses deux mandats en 1982 et 1984, la société EPTA FRANCE était nécessairement informée de son engagement syndical.

L'intimé déclare ensuite avoir établi le déroulement de carrière de collègues présentant à l'origine le même profil que lui et procédé à une comparaison, selon la méthode CLERC reconnue par les tribunaux comme pertinente. Or l'évolution de sa carrière démontre qu'en 36 ans les seules évolutions dont il a bénéficié sont celles qui résultaient de l'application de la convention collective et qu'il n'a bénéficié que d'une seule augmentation individuelle à la suite d'une rétrogradation de deux ans.

Il ajoute que ses capacités et compétences ont toujours été reconnues par ses supérieurs et ne peuvent dès lors être mises en cause. Pourtant lorsqu'en 2007, il s'est agi, à deux reprises, de remplacer son responsable de service, sa candidature a été écartée alors qu'il était le mieux placé pour occuper ce poste, ce qui caractérise la discrimination syndicale dont il a fait l'objet.

Par application de l'article L.1132-1 du code du travail, dans sa version applicable à la cause, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie par l'article 1er de la loi du 27 mai 2008, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison notamment, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes (...).

Plus spécifiquement, l'article L2141-5 du code du travail, au titre de la discrimination syndicale, interdit à l'employeur, pour arrêter ses décisions, de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'activités syndicales, pour arrêter ses décisions.

Selon l'article L 1134-1 du Code du travail :

'Lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-46 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.'

L'article 1er de la loi du 27 mai 2008, dans sa version applicable à la cause, définit comme suit les différentes formes de discrimination :

- constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race, sa religion, ses convictions, de ses activités syndicales ou mutualistes, une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre, ne l'est, ne l'a été, ou ne l'aura été, dans une situation comparable,

- constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère ou une pratique, neutre en apparence, mais susceptible d'entraîner, pour l'un des motifs précités, un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d'autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires ou appropriés,

- la discrimination inclut tout agissement lié à l'un des motifs précités et tout agissement à connotation sexuelle, subis par une personne et ayant pour objet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement hostile, dégradant, humiliant ou offensant.

A cette fin, il incombe pour le moins au salarié d'établir que l'employeur avait connaissance de cette appartenance ou de cette activité.

En l'espèce, il n'est pas discuté qu'en 1982 puis en 1984 Monsieur [G] [E] a occupé les fonctions de délégué du personnel, mandat qu'il n'a plus exercé à partir du mois de novembre 1985 date à laquelle il a commencé une formation d'ingéniorat en énergétique qui s'est poursuivie jusqu'au mois de juin 1986.

Par la suite et jusqu'au 25 janvier 2010 - date à laquelle l'Union locale des syndicats CGT [Adresse 4] et environs a informé la direction de la société EPTA FRANCE qu'elle désignait Monsieur [G] [E] 'comme représentant syndical au comité d'établissement' - ce salarié n'a plus exercé aucun mandat ou représentation.

Il ne justifie en outre par aucune pièce, de la manifestation de son engagement au sein de l'entreprise, ni même à l'extérieur de l'entreprise dans des conditions de publicité telles que l'employeur n'aurait pu les ignorer et ne fait état d'aucun acte propos ou positionnement au cours des 24 ans et deux mois d'interruption d'activité syndicale qui aurait pu révéler à la société EPTA FRANCE une appartenance syndicale dont Monsieur [G] [E] ne justifie d'ailleurs pas.

Il en découle que pendant cette période Monsieur [G] [E] invoque vainement avoir pu être victime d'une discrimination syndicale.

S'agissant de la période située entre 1982 et 1986, il n'est pas davantage établi que l'employeur ait été informé de l'appartenance syndicale du salarié avant le dépôt de sa candidature aux élections de délégués du personnel en 1983.

Cependant même les documents produits par Monsieur [G] [E] n'établissent aucun infléchissement dans l'évolution de sa carrière ou de sa rémunération, la différence établie avec ses collègues par les pièces produites lui étant alors plutôt favorable.

Monsieur [G] [E] produit certes les attestations de Messieurs [I] [W], délégué CE du syndicat CFDT, et [P] [Q], attaché commercial salarié des Etablissements BONNET REFRIGERATION entre 1985 et 1987 qui déclarent l'un et l'autre qu'en tant que délégué du personnel Monsieur [G] [E] ' dérangeait la direction de par ses convictions syndicales', que 'pour pouvoir évoluer et être soulagé des pressions qu'il subissait, il avait demandé à bénéficier d'un congé C.I.F. (....) Pour l'octroi duquel les 'syndicats en place s'étaient mobilisés, mais qu'à son retour, qui n'était pas trop souhaité il avait été mis à l'écart au niveau de sa fonction'.

Cependant ces attestations qui sont directement contredites par celle qu'a rédigée Monsieur [I] [K] salarié de la société BONNET NEVE de septembre 1969 à mars 1994, représentant du personnel de 1972 à 1986, et représentant de la section syndicale FO de 1980 à 1986 qui déclare que Monsieur [G] [E] ne s'est jamais plaint 'd'éventuelles mesures de discrimination syndicale dont il aurait été victime'. L'attestation de Monsieur [I] [K] n'est pas moins crédible que celles de Messieurs [I] [W] et [Q]. Elle est surtout confortée par les conclusions du salarié qui ne confirme nullement que la formation universitaire de longue durée qu'il a suivie avait pour objet de lui permettre d'échapper aux 'pressions' (dont la nature reste indéterminée) qu'il aurait subies en 1984 et 1985.

Les attestations de Messieurs [I] [W] et [Q], partisanes, non circonstanciées et non reprises dans leur contenu par le salarié lui-même ne peuvent en conséquence être considérées comme des éléments de nature à établir une discrimination syndicale.

S'agissant enfin de la période comprise entre le mois de janvier 2010 et le 28 mai 2015 -date de son licenciement - Monsieur [G] [E] invoque en premier lieu une stagnation de sa carrière et une rémunération significativement inférieure à celle de salariés entrés dans l'entreprise à une date proche de la sienne avec un niveau d'études équivalent.

Pour les établir, il a constitué à partir des documents communiqués par l'employeur (voir procédure de référé), deux panels de salariés dont l'un ferait ressortir, à la fin du mois de février 2013, une différence de salaire à son détriment, de 976 € , l'autre une différence de 601 €, selon que le salaire de Monsieur [G], forfaitairement évalué à 5.000 €, est ou non intégré dans les calculs.

Pour la société EPTA FRANCE ces panels ne sont pas probants.

Outre la période de référence de 10 ans, qui, selon l'appelante, est bien trop étendue pour pouvoir déterminer une base fiable de comparaisons, le critère relatif au diplôme (DUT) qui n'est au demeurant d'aucune utilité à Monsieur [G] [E] pour exercer les fonctions qui sont les siennes, est tout aussi dépourvu de pertinence.

De plus, le salarié a intégré dans le panel, des salariés dont la situation professionnelle et les compétences ne sont pas comparables aux siennes (M. [G], M. [P], M..[N], M. [T]...) et en a exclu d'autres dont la formation et le parcours sont à l'inverse tout à fait similaires (M. [H], M.[S]). Or ni le coefficient, ni le salaire de ces salariés ne sont supérieurs à ceux de Monsieur [G] [E].

Cependant comme la cour a déjà eu l'occasion de le rappeler, si la discrimination syndicale peut être constituée par un traitement particulier discriminatoire en matière de rémunération, lequel résulte d'une différence de traitement établie par comparaisons, elle n'est pas limitée à cet aspect et peut aussi se traduire dans plusieurs domaines de la vie professionnelle, en particulier dans celui de l'évolution de carrière.

Pour vérifier si le salarié a pu subir une discrimination dans l'évolution de sa carrière, il importe de comparer son parcours professionnel à celui de salariés placés dans une situation comparable c'est-à-dire engagés à la même époque avec un même niveau de diplôme et de formations afin que les trajets professionnels suivis par les différents salariés puissent être comparés. Le point de départ étant le même, l'élément déterminant de l'évolution de carrière réside dans la situation de chacun de ces salariés au même moment après écoulement de la même durée.

En l'occurrence, le panel réalisé par Monsieur [G] [E] est établi par référence à la situation des salariés suivants, recrutés sur la base d'un niveau BAC + 2, et permet de procéder à la fois à des comparaisons de rémunérations et de parcours professionnels :

* Monsieur [Q] [V] :

- entré dans l'entreprise le 09 mai 1984 sur un poste de dessinateur avec un coefficient 285 niveau IV échelon 3 (pièce n° 27 de la société EPTA FRANCE) ;

- dont la rémunération brute en février 2013 s'élevait, hors prime d'ancienneté, à 2.780 € calculée sur la base d'un coefficient 365 niveau 5 échelon 3, assimilé cadre (pièce n° 26 de la société EPTA FRANCE) pour un poste de responsable d'études Short Term ;

* Monsieur [A] [T] :

- entré dans l'entreprise le 1er février 1985 sur un poste de technicien méthodes avec un coefficient 285 niveau IV échelon 3,(pièce n° 27 de la société EPTA FRANCE) ;

- dont la rémunération brute en février 2013 s'élevait, hors prime d'ancienneté, à 2.584,58 € ( soit 2.369 € de base + 215,58 € de forfait heures) calculée sur la base d'un coefficient 305 niveau 5 échelon 1, ETAM (pièce n° 26 de la société EPTA FRANCE) pour un poste de technicien G.B.D. ;

* Monsieur [M] [P] :

- entré dans l'entreprise le 1er mars 1985 sur un poste de dessinateur projeteur avec un coefficient 285 porté à 305 dès expiration de la période d'essai (pièce n° 27 de la société EPTA FRANCE) ;

- dont la rémunération brute en février 2013 s'élevait, hors prime d'ancienneté, à 3.720 € calculée sur la base d'un coefficient 120 niveau 2 échelon 1, statut cadre (pièce n° 26 de la société EPTA FRANCE) pour un poste de coordinateur G.B.D. ;

* Monsieur [F] [N] :

- entré dans l'entreprise le 03 janvier 1989 sur un poste de dessinateur bureau d'études avec un coefficient 255 niveau IV échelon 1 (pièce n° 27 de la société EPTA FRANCE) ;

- dont la rémunération brute en février 2013 s'élevait, hors prime d'ancienneté, à 2.370 € calculée sur la base d'un coefficient 335 niveau 5 échelon2, assimilé cadre (pièce n° 26 de la société EPTA FRANCE) pour un poste de chef de projet ;

* Monsieur [V] [S] :

- entré dans l'entreprise le 03 janvier 1989 sur un poste de dessinateur bureau d'études avec un coefficient 255 niveau IV échelon 1 (pièce n° 27 de la société EPTA FRANCE).

- dont la rémunération brute en février 2013 s'élevait, hors prime d'ancienneté, à 2.305,09 € ( soit 2.112,82 € de base + 192,27 € de forfait heures) calculée sur la base d'un coefficient 285 niveau 4 échelon 3, ETAM (pièce n° 26 de la société EPTA FRANCE) pour un poste d'assistant acheteur/ approvisionnement ;

à rapprocher de sa propre situation :

* Monsieur [G] [E] :

- entré dans l'entreprise le 23 juin 1980 sur un poste de technicien méthodes avec un coefficient 240 niveau III échelon 3,(pièce n° 1 de la société EPTA FRANCE) ;

- dont la rémunération brute en février 2013 s'élevait, hors prime d'ancienneté, à 2.151,38 € calculée sur la base d'un coefficient 305 niveau 5 échelon 1, statut ETAM (pièce n° 26 de la société EPTA FRANCE) pour un poste de technicien G.B.D.

Monsieur [G] [E] ajoute à ces éléments de comparaison, la situation de M. [G]. Cependant, le parcours professionnel, le niveau d'études, le poste ou le coefficient appliqué lors du recrutement de ce salarié sont ignorés tout comme l'est sa rémunération en février 2013, l'intimé procédant par simple présomption, sans aucun élément de preuve relatif au parcours de ce salarié qui occupait en dernier lieu les fonctions de directeur de recherche et développement de la société. La situation de ce salarié n'apparaît pas dès lors établie avec suffisamment de certitude pour être prise en compte.

La société EPTA FRANCE évoque quant à elle la situation de Monsieur [B] [H] entré dans l'entreprise le 21 janvier 1981 (soit à une date proche de celle de Monsieur [G] [E] ) sur un poste d'ouvrier avec un coefficient 165 niveau I échelon 3 (pièce n° 27 de la société EPTA FRANCE) et dont la rémunération brute en février 2013 s'élevait, hors prime d'ancienneté,) et pour un poste de dépanneur maintenance, à 1.934,05 € calculée sur la base d'un coefficient 285 niveau 4 échelon 3, statut ETAM (pièce n° 26 de la société EPTA FRANCE). L'intimé affirme que la situation de ce salarié n'est pas pertinente au regard de son niveau de recrutement. Pourtant, Monsieur [B] [H] a été recruté à une date proche de celle de Monsieur [G] [E] et avec un même niveau d'études, ce qui constitue les critères de composition du panel élaboré par le salarié, il apparaît donc pertinent de le retenir.

Cependant, et en tout état de cause, la société EPTA FRANCE fait à juste titre observer que ce panel ne constitue pas une base de comparaison fiable dans la mesure où :

* d'une part la fourchette des dates de recrutement est très large (1980 pour Monsieur [G] [E] ; 1989 pour Messieurs [N] et [S]) ce qui a nécessairement une incidence sur les conditions d'embauche ;

* d'autre part le nombre de salariés 'comparés' est réduit ;

* enfin, les niveaux de recrutement à l'embauche sont effectivement disparates (coefficient 240 pour Monsieur [G] [E] ; 285 pour Messieurs [T], [V], [P]). Dès lors l'évolution de carrière de ces salariés qui a permis à deux d'entre eux (Messieurs [V], [P]) de bénéficier en 2013 du statut cadre ou assimilé n'est pas significative d'une discrimination par rapport à Monsieur [G] [E] puisqu'ils ont débuté dans l'entreprise avec un coefficient plus élevé que le sien.

De plus et si les compétences professionnelles de Monsieur [G] [E] dans le poste qu'il occupait n'ont jamais été discutées par la société EPTA FRANCE, l'employeur explique les évolutions de carrière plus rapides de salariés tels que Messieurs [T], [V], [P] et [N] par la maîtrise de langues étrangères (dont l'anglais) que ne possédait pas Monsieur [G] [E] et qui au regard de la dimension internationale du marché sur lequel elle intervient, constituait un atout professionnel valorisant, ce que ne conteste pas l'intimé. Cet élément objectif est de nature à justifier une promotion que n'a pas connue Monsieur [G] [E].

A l'inverse la formation universitaire effectuée en 1985/1986 et dont l'employeur affirme sans être contredit qu'il ignorait qu'elle avait permis à Monsieur [G] [E] d'obtenir un diplôme, n'était pas de nature, au regard de son objet, à justifier une progression de sa carrière dès lors que l'intimé n'apporte aucune indication sur le type de poste sur lequel cette formation lui aurait permis de postuler au sein de l'entreprise et n'a d'ailleurs jamais présenté de candidature à un poste autre que celui de chef du service dans lequel il exerçait (Hand Made) et pour lequel elle ne présentait pas d'utilité.

A cet égard et s'il est vrai que la candidature de Monsieur [G] [E] a par deux fois été rejetée, au profit de candidats plus expérimentés (notamment en management), ces choix qui relèvent du pouvoir de direction de l'employeur, et qui ont été effectués sur la base de critères objectifs définis par ce dernier (pièces 46 et 47), ont été opérés en 2007 et 2009 soit à une époque à laquelle :

* Monsieur [G] [E] n'exerçait aucune fonction syndicale ;

* l'employeur ignorait tant son appartenance (à la supposer établie), que des sympathies syndicales qu'il n'avait pas manifestées en sorte que ces choix, ne sauraient être imputés à une discrimination syndicale.

Enfin la rétrogradation de coefficient qu'a subie Monsieur [G] [E] en 2003 en raison des difficultés économiques que rencontrait alors l'entreprise et qu'il a acceptée pour conserver son emploi, a été 'compensée' deux ans plus tard par un 'rattrapage' de coefficient porté à 305, en contrepartie de nouvelles fonctions de 'coordinateur administratif' du service 'hand made'.

Il en découle que d'une part l'évolution de carrière de Monsieur [G] [E] n'a pas été inexistante et que les évolutions plus rapide d'autres salariés s'expliquent par des critères objectifs étrangers à toute discrimination syndicale.

Il en va de même de la rémunération du salarié dont il n'est pas démontré qu'elle était inférieure à celles de salariés occupant des fonctions et responsabilités similaires.

Dès lors le jugement dont appel qui a jugé que Monsieur [G] [E] avait été victime d'une discrimination syndicale doit être infirmé.

Sur le harcèlement moral

Monsieur [G] [E] affirme qu'il a été victime de harcèlement moral et présente à cette fin, les éléments de fait suivants :

* des propos vexatoires (son supérieur l'ayant traité 'd'enfoiré') ;

* un retrait partiel de ses fonctions compensé par l'attribution de multiples missions complémentaires ;

* en décembre 2014, la disparition de son nom sur la plaquette du BE où figure celui de tous les autres salariés du service ;

* l'interdiction notifiée par son supérieur Monsieur [F], de se rendre dans l'atelier sans autorisation de ce dernier, interdiction qui a engendré l'incident du 10 avril 2015 au cours duquel il a été verbalement agressé par M. [F] ;

* son licenciement pour insubordination consécutif à l'incident du 10 avril précité ;

dont il affirme qu'ils ont eu des répercussions sur sa santé, et qu'ils sont à l'origine de ses arrêts de travail.

La société EPTA FRANCE conteste que les éléments allégués par Monsieur [G] [E] soient susceptibles de laisser supposer un harcèlement moral imputables à l'employeur. Elle souligne que l'inspecteur du travail auprès de qui le salarié s'en était plaint, a effectué une enquête, et a clairement écarté ces allégations dans une lettre du 15 juillet 2015. L'employeur reprend cependant point par point l'ensemble des faits invoqués par Monsieur [G] [E] pour les expliquer, ou les réfuter.

Le harcèlement moral est caractérisé par des agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits du salarié et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Il résulte des dispositions des articles L.1152-1, L.1152-2 et L.1154-1 du code du travail, que dès lors que le salarié présente des éléments de faits laissant supposer l'existence d'un harcèlement, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l'espèce et à l'exception du 'retrait partiel des fonctions compensés par de multiples missions complémentaires' invoqué par Monsieur [G] [E] les autres griefs sont précis et objectifs. Aucune précision ni justification n'est en revanche apportée par le salarié sur les fonctions ou missions relevant de sa fiche de poste, dont il aurait été privé à compter d'octobre 2014, pas plus que sur celles - étrangères au périmètre de son activité - qui lui auraient été confiées à titre complémentaire, l'ensemble de ces allégations ne ressortant que de ses seuls écrits. Ce fait imprécis et non étayé est en conséquence écarté.

Les autres griefs reposent en revanche sur des faits précis, circonstanciés et matériellement établis qui, pris dans leur ensemble, sont susceptibles de caractériser un harcèlement moral dès lors que l'employeur n'est pas en mesure de démontrer qu'ils sont étrangers à de tels agissements.

A cet égard, l'interdiction de se rendre dans l'atelier sans autorisation du responsable du service, expressément notifiée courant mars 2014, a fait suite à des mises en garde réitérées de M. [F], chef du service, restées sans effet. Monsieur [G] [E] non seulement ne conteste pas qu'il ne respectait pas ces consignes mais produit des attestations établissant qu'il se rendait régulièrement dans l'atelier. Ces pièces démontrent que ce comportement était devenu au fil des mois le point de cristallisation du différend qui opposait Monsieur [G] [E], à son responsable M. [F] qui estimait que ces déplacements en atelier n'étaient pas motivés par les besoins de l'activité du salarié et qu'ils étaient l'occasion 'de discussions stériles' sans rapport avec le travail. Il n'est pas inutile de relever que cette interdiction avait été appuyée par le directeur des ressources humaines, M. [C] [L], dans une lettre du 16 avril 2014.

Selon les indications fournies par la direction de l'entreprise (attestation de Monsieur [T] [J] ), en effet :

'Les seuls cas pour lesquels Monsieur [G] [E] doit se rendre à l'atelier Hand made sont les suivants :

- récupérer les plaquettes signalétiques pour les meubles Rework sur l'imprimante au niveau du poste BTE Hand made ( dépend du nombre de dossiers Rework à traiter : une à deux fois par semaine) ;

- pour faire le diagnostic des vitrines qui ont fait l'objet d'un retour clients pour traiter le dossier Rework administratif par la suite (environ dix meubles /an)'.

Force est de constater que le salarié ne mentionne aucune autre tâche précise relevant de ses fonctions qui aurait justifié son déplacement dans l'atelier.

Les attestations communiquées par Monsieur [G] [E] corroborent les indications données par Monsieur [T] [J] selon lesquelles les seuls motifs de déplacement de Monsieur [G] [E] en atelier étaient la récupération des plaques signalétiques et le diagnostic des vitrines ayant fait l'objet d'un retour clients (attestations de Messieurs [M], [Z], [X], [D]) mais n'expliquent ni la fréquence (plusieurs fois par jour) ni la durée de ces déplacements qui sont établis - et non contestés - par les attestations produites par l'employeur (celles de Messieurs [O] [Y], [K] [C], [Z] [I], [B]).

Au demeurant, l'inspecteur du travail qui a été amené à effectuer une enquête au sein de l'atelier quant à la légitimité de ces déplacements, a conclu après avoir entendu les protagonistes que :

'La demande réitérée par M. [F] sur les déplacements en atelier de Monsieur [G] [E] n'apparaît pas en considération du descriptif du poste et des déclarations des salariés de l'atelier comme un comportement abusif de la part du responsable dès lors que cela était motivé par une volonté de gérer le service dont il avait la charge et que cela n'entraînait pas un refus systématique mais le fait de devoir motiver la demande de déplacement.'

Il en découle :

- d'une part, que l'interdiction faite à Monsieur [G] [E] de se rendre en atelier sans autorisation préalable, était justifiée par l'employeur par des raisons objectives étrangères à tout harcèlement moral ;

- d'autre part, que le fait pour le salarié de passer outre l'ordre donné constitue un acte d'insubordination matériellement et juridiquement établi qui - au-delà de la discussion sur son bien fondé et sa gravité - exclut que le licenciement dont il constitue le motif puisse être assimilé à un acte de harcèlement moral.

S'agissant ensuite de la 'disparition' en décembre 2014, sur la plaquette relative au 'plan d'implantation Plateau BE',du nom de Monsieur [G] [E] alors qu'y figure celui des autres salariés du service, il importe en premier lieu de constater que le salarié ne démontre pas que son nom a 'disparu' en décembre 2014, la plaquette produite ne comportant aucune date et Monsieur [G] [E] ne produisant aucun document analogue sur lequel son nom aurait été antérieurement mentionné.

S'il n'est pas contestable que le nom de l'intimé n'apparaît pas sur le document cité à l'inverse de celui de ses autres collègues de 'l'open space', la société EPTA FRANCE l'explique par le fait que la plaquette litigieuse avait pour objet de répertorier les postes d'ordinateurs des seuls 'personnels R&D' dont Monsieur [G] [E] ne faisait pas partie (puisqu'il appartenait au service Hand made).

Non seulement l'intimé ne réfute pas cette explication, mais elle est corroborée par le fait que l'ordinateur de Monsieur [G] [E] est représenté sur la plaquette litigieuse, par un carré noir placé au centre de son bureau, ce qui va dans le sens de l'explication donnée par la société EPTA FRANCE et ne peut dès lors, au regard de l'objet de ce document, être considéré comme une marque de stigmatisation (ou de dénigrement).

Restent :

* l'insulte proférée en mars 2014 ('enfoiré') par le supérieur hiérarchique de Monsieur [G] [E] que la société EPTA FRANCE ne dément pas et qui est en tout état de cause établi par l'attestation d'un témoin, Monsieur [R] [X]. Le caractère insultant et inapproprié du propos est incontestable. Cependant cet incident isolé et ancien n'est pas susceptible de faire ressortir un comportement de l'employeur justifiant la qualification de harcèlement moral ;

* les nombreux courriers de Monsieur [G] [E] invoquant la procédure prud'homale en cours comme explication probable des agissements de harcèlement moral dont il se déclarait victime qui sont cependant sans emport dès lors que les agissements dénoncés ne sont pas caractérisés.

Le premier juge qui a débouté Monsieur [G] [E] de ses demandes fondées sur le harcèlement moral est en conséquence confirmé.

Sur le licenciement

Selon Monsieur [G] [E] les motifs de son licenciement ne seraient, dans un contexte de contentieux prud'homal relatif à la discrimination syndicale, que des prétextes en ce que :

* ses déplacements dans l'atelier étaient liés à l'exercice de ses fonctions, ce qu'il déclare démontrer par plusieurs attestations et par une lettre de l'inspecteur du travail ;

* l'agression du 10 avril 2015 est le fait de M. [F] qui l'a publiquement invectivé ('tu mérites des claques'), non le sien, Monsieur [G] [E] contestant avoir répondu qu'il faisait ce qu'il voulait... ;

* la lettre qu'il a adressée le 12 avril 2015 à la direction pour dénoncer les faits dont il avait été victime ne dépasse pas les limites du droit d'expression reconnu au salarié.

La société EPTA FRANCE soutient à l'inverse que le licenciement du salarié trouve sa cause dans l'altercation ayant eu lieu le 10 avril 2015 au cours de laquelle le salarié a eu des propos déplacés à l'égard de son supérieur hiérarchique et a fait preuve d'insubordination en présence de ses collègues, ce que l'enquête diligentée par la direction à la suite de ces faits a totalement confirmé et qui n'était pas tolérable. Or, le 15 avril 2015, Monsieur [G] [E] a envoyé une lettre à sa direction en inversant les rôles, en se présentant comme la victime et le souffre-douleur de son supérieur hiérarchique, comportement qu'il mettait en lien avec la procédure prud'homale en cours.

Pour l'employeur les actes de provocation et d'insubordination du salarié caractérisent une faute grave, dont la procédure prud'homale en cours ne pouvait le protéger des conséquences, et la société EPTA FRANCE critique le juge départiteur pour avoir écarté la gravité de la faute tout en retenant la cause réelle et sérieuse du licenciement.

Selon les dispositions des articles L 1232-1 et L 1233-2 du Code du travail, tout licenciement, qu'il soit prononcé pour motif personnel ou pour motif économique doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

Aux termes de l'article L 1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse. La faute grave, dont la preuve incombe à l'employeur, se définit comme un fait ou un ensemble de faits imputables au salarié, qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail, d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis.

La lettre de licenciement sert de cadre strict au contrôle du juge.

En l'espèce, la lettre de licenciement pour faute grave du 28 mai 2015 est ainsi rédigée :

' (...) Par courrier reçu le 15 avril 2015, vous m'avez informé d'une agression et de graves menaces et insultes qui se seraient déroulées le 10 avril 2015. Cette agression serait le fait de votre responsable. Votre responsable m'a également écrit par email en date du 14 avril 2015 sur ces mêmes faits.

Afin de caractériser les faits, d'autant plus que vous qualifiez la situation de harcèlement moral, je me suis vu dans l'obligation d'organiser une enquête auprès des participants et témoins dans les meilleurs délais.

Après avoir audité individuellement les participants et témoins à partir d'un questionnaire identique, il apparaît comme je vous l'ai écrit par courrier du 5 mai 2015, qu' il ne s'agit nullement d'une situation de harcèlement moral à votre encontre.

En revanche, tous les témoignages des personnes présentes à la réunion ou présentes à proximité dont l'open Space sont concordants. L'ensemble des témoignages confirme que votre responsable est venu vous rappeler les règles d'organisation afin de favoriser l'efficacité au travail. Ainsi, contrairement à ce qui est rapporté dans votre courrier, alors que votre responsable vous indiquait de ne plus aller dans l'atelier sans son aval, vous lui avez répondu immédiatement de manière provocante « je fais ce que je veux ».

Suite à ces propos, la discussion a alors dérapé, devant votre entêtement, sans pour autant devenir grossière ou insultante.

Nous ne pouvons admettre que vous remettiez en cause le lien de subordination, le lien hiérarchique, et son autorité, au demeurant, devant des collègues de travail. Ce d'autant, que nous avions déjà par le passé, précisé par courrier en date du 16 avril 2014, cette règle en vous demandant d'intervenir dans l'atelier qu'à la demande de votre responsable afin d'éviter tout déplacement inutile.

Compte tenu de votre comportement, des propos tenus, il s'avère impossible pour votre responsable, que vous traitez également par écrit le 12 avril 2015, d'incompétent notoire, de vous manager. Contrairement à ce que vous pensez, vous devez vous conformer au règlement intérieur et prendre en compte les instructions et règles que vous fixe votre responsable.

Votre comportement constitue une insubordination.

Depuis plusieurs mois, votre comportement s'est dégradé et il a fallu intervenir dans différents dossiers vous concernant . À mots à peine voilés, vous justifiez cette situation par la procédure prud'homale en cours qui vous oppose à votre employeur. A contrario, le fait de saisir le conseil de prud'hommes ne saurait vous affranchir de tout respect de votre hiérarchie et plus globalement du fonctionnement interne.

En conséquence et compte tenue de ces faits et propos graves, nous sommes dans l'obligation de vous notifier votre licenciement pour faute grave, sans indemnité et préavis .

Votre licenciement prendra effet à la première présentation de la présente par le préposé de la poste (...).'

Les précédents développements ont établi l'insubordination du salarié qui refusait de respecter l'interdiction qui lui avait été faite par son responsable M. [F], avec le soutien du directeur des ressources humaines, de 'n'intervenir dans l'atelier que sur sa demande', cette injonction ayant été qualifiée par l'inspection du travail de 'motivée par une volonté de gérer le service dont il avait la charge' et donc légitime. Il n'est pas nécessaire d'y revenir plus amplement.

De même l'enquête diligentée par l'employeur auprès de l'ensemble des personnes présentes dans 'l'open space' le 10 avril 2015 a révélé que l'altercation survenue entre M. [F] et Monsieur [G] [E] trouvait sa cause dans cette attitude d'insubordination (qui persistait depuis plus d'un an) et dans les propos provocateurs tenus, en présence de ses collègues, par le salarié réclamant à son responsable de lui adresser ses griefs 'par écrit' et lui répliquant 'je fais ce que je veux'. De tels propos sont à juste titre qualifiés de provocation et la circonstance que M. [F] ait rétorqué qu'il entendait s'adresser à lui 'd'homme à homme' et lui ait signifié qu'il se comportait 'comme un gamin qui mérite des claques' n'enlève rien au comportement fautif et inacceptable du salarié, ces paroles replacées dans leur contexte, n'apparaissant ni insultantes, ni menaçantes.

Quant à la dégradation de l'attitude du salarié également reprochée par l'employeur dans la lettre de licenciement elle est établie par :

* les témoignages recueillis lors de l'enquête sur les faits du 10 avril 2015 qui relatent que Monsieur [G] [E] était 'difficile à manager' (M. [V]) 'refusait l'autorité de M. [F]', et soulignent que Monsieur [G] [E] était une personne avec qui il était 'très difficile de travailler à cause de son caractère, pour lui c'est toujours la faute des autres' (M. [D] [O]) ;

* l'envoi systématique, sans motif, et perturbateur de ses messages professionnels tant à la direction des ressources humaines, qu'au directeur de l'établissement.

* les propos outranciers utilisés par le salarié dans sa correspondance avec la direction pour qualifier son supérieur hiérarchique ('Je refuse d'être le 'souffre-douleur, le bouc émissaire' de l'incompétence notoire de R. [F] à manager le service Hand Made': lettre du 12 avril 2015 adressée à M. [L]), révélateur de son état d'esprit vis à vis de ce dernier et en parfaite cohérence avec l'attitude d'opposition qui était la sienne.

Il apparaît dès lors que les actes d'insubordination réitérés, établis à l'encontre de Monsieur [G] [E], étaient d'une gravité rendant incompatible la poursuite du contrat de travail même pendant la durée du préavis en ce qu'ils faisaient ouvertement obstacle à l'exercice par son responsable de service de l'autorité hiérarchique dont il était investi.

Il y a donc lieu d'infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a dit que le licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse sans caractère de gravité et de débouter Monsieur [G] [E] de l'ensemble de ses demandes, le licenciement pour faute grave privant le salarié du droit au paiement d'une indemnité de licenciement et de préavis.

Sur l'intervention du SYNDICAT CGT D'EPTA

La demande de dommages et intérêts du syndicat CGT d'EPTA formulée au soutien de la demande de Monsieur [G] [E] et conditionnée au succès de ses prétentions doit être rejetée dès lors que le salarié est intégralement débouté.

Sur les dépens et l'application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile

Il appartient à Monsieur [G] [E] et au syndicat CGT d'EPTA qui succombent de supporter la charge des dépens de première instance et d'appel et de verser, chacun pour moitié, à la société EPTA FRANCE une indemnité de procédure de 1.200 €, leurs prétentions respectives fondées sur les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile étant rejetées.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement contradictoirement en dernier ressort et par arrêt mis à disposition au greffe :

CONFIRME le jugement dont appel en ce qu'il a débouté Monsieur [G] [E] de ses demandes fondées sur le harcèlement moral et de nullité du licenciement,

L'INFIRME pour le surplus ;

ET STATUANT À NOUVEAU :

JUGE que Monsieur [G] [E] n'a pas été victime de discrimination syndicale et LE DÉBOUTE des demandes indemnitaires formées à ce titre ;

JUGE fondé le licenciement de Monsieur [G] [E] pour faute grave et DÉBOUTE le salarié des demandes indemnitaires formées à ce titre ;

LE DÉBOUTE également de ses demandes en paiement d'indemnité de licenciement et de préavis ;

DÉBOUTE le syndicat CGT d'EPTA de l'ensemble de ses demandes ;

CONDAMNE Monsieur [G] [E] et le syndicat CGT d'EPTA à payer, chacun pour moitié, à la société EPTA FRANCE la somme de 1.200 € (mille deux cents euros) - soit 600 € (six cents euros) chacun - à titre d'indemnité de procédure ;

REJETTE les demandes de Monsieur [G] [E] et du syndicat CGT d'EPTA fondées sur les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNE Monsieur [G] [E] et le syndicat CGT d'EPTA aux dépens de première instance et d'appel.

Arrêt signé par Madame THEATE Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE,LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 16/00321
Date de la décision : 20/12/2018

Références :

Cour d'appel de Pau 3S, arrêt n°16/00321 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-12-20;16.00321 ?
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