CM/MC
Numéro 18/ 4572
COUR D'APPEL DE PAU
2ème CH - Section 1
ARRÊT DU 29/11/2018
Dossier : N° RG 17/00023 - N° Portalis DBVV-V-B7B-GNP2
Nature affaire :
Prêt - Demande en remboursement du prêt
Affaire :
Maurice X..., Association UDAF HAUTES-PYRENEES
C/
SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE
Grosse délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 29 Novembre 2018, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 06 Septembre 2018, devant :
Madame Cécile Y..., magistrat chargé du rapport,
assisté de Madame SAYOUS, greffier présent à l'appel des causes,
Madame Cécile Y..., en application des articles 786 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame Valérie SALMERON, Président
Madame Cécile Y..., Conseiller
Monsieur MarcMAGNON, Conseiller
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTS :
Monsieur Maurice X...
né le [...] à OSSEN (65100)
de nationalité Française
[...]
Association UDAF HAUTES-PYRENEES CURATEUR DE MONSIEUR X...
[...]
[...]
Représentés par Me Julien Z... de la A... , avocat au barreau de TARBES
INTIMEE :
SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE
[...]
Représentée par Me Philippe B..., avocat au barreau de PAU
sur appel de la décision
en date du 08 NOVEMBRE 2016
rendue par le TRIBUNAL D'INSTANCE DE TARBES
Exposé des faits et procédure :
Dans le cadre d'un démarchage à domicile et pour financer la pose de portes et volets, la Sa Cetelem, aux droits de laquelle vient la Sa BNP Paribas Personal Finance, a consenti à Monsieur Maurice X..., par acte sous seing privé du 5février 2013, un prêt d'un montant de 25 000 € remboursable au taux nominal de 6,69 %, en 84 échéances mensuelles de 373,54 €, assurance comprise.
A partir du 15 novembre 2013, Monsieur Maurice X... a cessé le remboursement des échéances.
Par jugement du 11 mars 2014, il a été placé sous curatelle renforcée et l'UDAF des Hautes-Pyrénées a été désignée curatrice.
Par acte du 18 février 2015, la BNP Paribas Personal Finance a mis en demeure Monsieur Maurice X... de lui rembourser la somme de 23 687,71 €.
Par acte des 8 et 9 juin 2015, la SA BNP Personal Finance a fait assigner Monsieur Maurice X... et son curateur, l'UDAF des Hautes Pyrénées devant le tribunal d'instance de Tarbes afin de le voir condamner au paiement de la somme de 23 951,10 € correspondant au solde du prêt impayé avec intérêts au taux contractuel de 6,90 % à compter du 10 avril 2014 et de la somme de 1748,15€ correspondant à l'indemnité légale de 8 %. Elle demande également de déclarer le jugement à intervenir opposable à l'UDAF des Hautes-Pyrénées, de prononcer l'exécution provisoire et de condamner Monsieur Maurice X... au paiement de la somme de 800 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Par jugement avant dire droit du 17 mai 2016, le tribunal d'instance de Tarbes a prononcé la réouverture des débats pour obtenir la communication de divers documents.
Par jugement du 8 novembre 2016, auquel il y a lieu de se reporter pour un plus ample exposé des faits et des prétentions initiales des parties, le tribunal d'instance de Tarbes a :
- rejeté le moyen tiré de la nullité du prêt,
- faisant application des dispositions de l'article 464 alinéa 1er du code civil, dit que l'obligation de Monsieur Maurice X... à l'égard du prêteur sera réduite de moitié,
- condamné Monsieur X... à payer à la SA BNP Personal Finance les sommes suivantes:
- 11 869,35 € en principal, avec intérêts au taux conventionnel de 6,69 % à compter du 9 juin 2015,
- 10 € à titre d'indemnité légale avec intérêts au taux légal,
- débouté pour le surplus,
- dit la décision opposable à l'UDAF des Hautes-Pyrénées, curateur,
- dit que Monsieur X... assisté de son curateur pourra saisir la commission de surendettement des particuliers des Hautes-Pyrénées d'une nouvelle demande de traitement de sa situation,
- ordonné l'exécution provisoire,
- dit n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné le défendeur aux dépens.
Par déclaration en date du 4 janvier 2017, Monsieur Maurice X... et l'association UDAF Hautes-Pyrénées, en sa qualité de curateur, ont relevé appel de ce jugement.
La clôture initialement annoncée pour le 4 juillet 2018 est intervenue le 6 septembre 2018.
Prétentions et moyens des parties:
Par conclusions notifiées le 27 janvier 2017 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, Monsieur Maurice X... et l'UDAF des Hautes-Pyrénées demandent de :
- infirmer le jugement dont appel,
A titre principal,
- prononcer la nullité du prêt en date du 5 février 2013 sur le fondement des articles 414-1,464,1128 et 1137 du code civil,
A titre subsidiaire, si le prêt était reconnu comme valide et opposable,
- juger que la BNP Personal Finance n'a pas respecté son obligation d'information et de mise en garde,
- condamner la SA BNP Paribas Personal Finance à lui verser la somme de 26000€ à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1217 du code civil,
- dire que l'ensemble de ces sommes portera intérêts au taux légal à compter du jugement à intervenir avec capitalisation des intérêts au terme d'un délai d'un an et renouvelable tous les ans,
A titre infiniment subsidiaire,
- juger que la BNP Personal Finance n'a pas respecté les obligations concernant le bordereau de rétractation,
- déclarer la déchéance du droit aux intérêts de la BNP Personal Finance,
A titre très infiniment subsidiaire,
- si une somme devait lui être imputée, juger qu'il bénéficiera d'un délai de 24mois pour s'acquitter de son éventuelle dette, sur le fondement de l'article 1244-1 du code civil, et de dire que les sommes correspondant aux échéances porteront intérêts au taux légal et que les paiements s'imputeront d'abord sur le capital,
En toute hypothèse,
- condamner la SA BNP Paribas Personal Finance à lui verser la somme de 5000€ à titre de dommages et intérêts pour les préjudices d'anxiété et moral subis,
- dire que l'ensemble de ces sommes portera intérêts au taux légal à compter du jugement à intervenir avec capitalisation des intérêts au terme d'un délai d'un an et renouvelable tous les ans,
- débouter la BNP Personal Finance de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- condamner la SA BNP Paribas Personal Finance à verser la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la SA BNP Paribas Personal Finance aux entiers dépens.
Par conclusions notifiées le 27 mars 2017 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, la SA BNP Paribas Personal Finance demande de :
- confirmer le jugement rendu par le tribunal d'instance de Tarbes,
Y ajoutant :
- infirmer le jugement en ce qu'il a réduit de moitié la dette de Monsieur X..., et réduit à 10€ l'indemnité légale de 8 %,
En conséquence :
- condamner Monsieur X... à lui payer la somme de 25 699,25 € (en ce compris l'indemnité légale de 8 %), outre les intérêts au taux contractuel de 6,90% l'an à compter du 10 avril 2014,
En tout état de cause :
- débouter Monsieur X... de l'ensemble de ses demandes plus amples ou contraires,
- condamner Monsieur X... aux entiers dépens et à une indemnité de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Au-delà de ce qui sera repris pour les besoins de la discussion et faisant application en l'espèce des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, la cour entend se référer pour l'exposé plus ample des moyens et prétentions des parties aux dernières de leurs écritures visées ci-dessus.
MOTIFS DE LA DECISION :
Sur la nullité du contrat de prêt :
En premier lieu, Monsieur Maurice X... et son curateur, l'UDAF des Hautes-Pyrénées, invoquent la nullité du prêt sur le fondement de l'article 414-1 du code civil qui dispose que 'pour faire un acte valable, il faut être sain d'esprit' et que 'c'est à ceux qui agissent en nullité de prouver l'existence d'un trouble mental au moment de l'acte'.
Le premier juge a parfaitement caractérisé l'impossibilité, en l'état des pièces produites et notamment du certificat médical du 15 novembre 2013, de retenir l'existence d'un trouble mental plusieurs mois auparavant en février 2013, de nature à justifier l'annulation de cet acte de prêt.
Par conséquent, après examen des pièces produites aux débats et en l'absence d'élément nouveau soumis à son appréciation, la cour retient que le tribunal, par des motifs précis et pertinents qu'elle approuve, a fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties sur ce point.
En second lieu, Monsieur Maurice X... invoque l'existence d'un vice du consentement par manoeuvres dolosives. Cependant, l'appelant se contente de procéder par voie d'affirmation sans rapporter la démonstration positive de manoeuvres exercées par la banque pour tromper son consentement et lui faire souscrire un engagement dont il ne voulait pas.
La demande de nullité reposant sur ce fondement sera rejetée ainsi que la demande de dommages et intérêts, aucune manoeuvre dolosive n'ayant été démontrée à l'encontre de la Sa BNP Personal Finance qui a accordé un prêt classique et non affecté.
Enfin, Monsieur Maurice X... et l'UDAF des Hautes-Pyrénées soutiennent que le premier juge devait faire application de l'article 464 du code civil in fine en raison du préjudice subi par Monsieur Maurice X....
La Sa BNP Personal Finance s'oppose à cette demande considérant que le certificat médical produit n'est pas suffisamment probant et qu'elle n'avait pas les moyens de déceler l'altération à venir des capacités personnelles de Monsieur Maurice X....
Il résulte des dispositions de l'article 464 du code civil que 'les obligations résultant des actes accomplis par la personne protégée moins de deux ans avant la publicité du jugement d'ouverture de la mesure de protection peuvent être réduites sur la seule preuve que son inaptitude à défendre ses intérêts par suite de l'altération de ses facultés personnelles était notoire ou connue du cocontractant à l'époque où les actes ont été passés. Ces actes peuvent, dans les mêmes conditions, être annulés s'il est justifié d'un préjudice subi par la personne protégée'.
En l'occurrence, le financement accordé avait bien une contrepartie réelle puisqu'il est démontré et non contesté que les fonds ont été versés en février 2013 sur le compte personnel de Monsieur Maurice X... et ont servi au moins pour partie à l'installation de volets neufs. A aucun moment, Monsieur Maurice X... n'a prétendu que l'installation ne lui aurait pas donné satisfaction ou que les prestations n'auraient pas été exécutées. La démonstration d'un préjudice n'est donc pas faite. Dans ces conditions, la nullité ne peut être encourue sur ce fondement.
Il ressort par ailleurs des pièces produites que Monsieur Maurice X... a été placé sous curatelle renforcée par décision du 11 mars 2014 au regard d'un certificat médical établi par le Docteur C... le 15 novembre 2013 qui, après avoir retenu que l'intéressé ne présente pas au jour de l'examen les éléments cliniques en faveur d'une pathologie démentielle ou psychiatrique, considère qu'il est mis en évidence une certaine fragilité, une lenteur d'idéation avec manque de discernement (oenolisme chronique) expliquant ses difficultés financières.
Cependant, outre que ce certificat n'est pas suffisant pour établir qu'à la date de conclusion du contrat de crédit, l'altération de ses facultés personnelles était apparentes et de nature à limiter ses capacités de sauvegarde de ses intérêts, il n'est pas non plus établi que la banque était en mesure de connaître son état de vulnérabilité.
En effet, le prêt a été accordé sous forme de crédit classique à Monsieur Maurice X..., les fonds ont été versés sur son compte personnel et l'organisme de crédit n'avait aucune connaissance du contexte de l'octroi de ce crédit et en particulier du démarchage agressif commis par les employés de huis clos qui ont conduit Monsieur Maurice X... a signé successivement plusieurs bons de commande.
L'examen de l'offre de crédit ne permet pas d'avantage de considérer que les commerciaux de la société huis clos ont agi en qualité de mandataires de la Sa BNP Personal Finance.
C'est donc à tort que le premier juge a considéré que l'altération des facultés personnelles de Monsieur Maurice X... justifiait de réduire de moitié l'obligation contractée à l'égard de la Sa BNP Personal Finance. Le jugement sera donc infirmé sur ce point.
Sur les manquements du prêteur à ses obligation de conseil, d'information et de mise en garde :
Le premier juge a répondu sur ces différents points en considérant que le prêteur justifiait du respect des dispositions des articles L.312-14 et L.312-17 du code de la consommation. En particulier, il est démontré que le prêteur a satisfait à son obligation de conseil et de mise en garde en faisant remplir à l'emprunteur une fiche de renseignement, aux termes de laquelle il s'est avéré que l'endettement résultant du prêt n'était pas excessif, puisqu'il était de moins de 30 % des revenus de Monsieur Maurice X... qui était par ailleurs propriétaire de son logement.
Par ailleurs, la Sa BNP Personal Finance a respecté son obligation d'information en remettant à l'emprunteur la fiche d'informations pré-contractuelles européenne normalisée en matière de crédit aux consommateurs. Il est également démontré la consultation du fichier national recensant les incidents de paiement.
Par conséquent, la Sa BNP Personal Finance s'est montrée suffisamment vigilante et aucune faute au regard de son obligation de mise en garde ne sera retenue.
Monsieur Maurice X... et l'UDAF des Hautes-Pyrénées seront déboutés de leur demande de dommages et intérêts à ce titre.
Sur l'absence de bordereau de rétractation :
Monsieur Maurice X... et l'UDAF des Hautes-Pyrénées invoquent le non-respect des dispositions de l'article L.311-12 du code de la consommation pour justifier la déchéance du droit aux intérêts.
En vertu de ce texte, le consommateur peut dans un délai de 14 jours exercer son droit de rétractation en utilisant le formulaire détachable de rétractation joint à son exemplaire du contrat de crédit.
La reconnaissance écrite, par l'emprunteur, dans le corps de l'offre préalable, de la remise d'un bordereau de rétractation détachable joint à cette offre laisse présumer la remise effective de celui-ci.
Aucun texte n'impose que ce formulaire figure également sur l'exemplaire conservé par le prêteur.
En l'espèce, sur la page 4 de l'offre préalable et immédiatement avant la signature de l'emprunteur, figure la mention suivante ' je reconnais rester en possession d'un exemplaire de cette offre doté d'un formulaire détachable de rétractation et de la notice d'information d'assurance'
Dès lors que Monsieur Maurice X... a souscrit une telle reconnaissance et qu'il n'apporte pas la preuve de l'absence de remise du bordereau ou, à défaut, de son caractère irrégulier, il ne peut se prévaloir de la déchéance du droit aux intérêts du prêteur.
Monsieur Maurice X... et l'UDAF des Hautes-Pyrénées seront en conséquence déboutés de leur demande à ce titre.
Sur la fixation de la créance :
La Sa BNP Personal Finance justifie de sa créance en produisant le contrat de prêt, le tableau d'amortissement, l'historique du compte et la mise en demeure du 18 février 2015 portant déchéance du terme.
Monsieur Maurice X... sera en conséquence condamné à lui payer la somme de 23 687,71 € à titre principal avec intérêts au taux contractuel de 6,69 % à compter du 18 février 2015, outre la somme de 10 € au titre de l'indemnité légale qui sera réduite d'office en raison de son caractère excessif.
Sur les délais de paiement :
L'article 1244-1 du code civil permet au juge, de reporter ou d'échelonner le paiement des sommes dues par un débiteur de bonne foi, en considération de sa situation et des besoins du créancier, dans la limite de deux années.
Monsieur Maurice X... ne produit aucun élément de nature à permettre d'apprécier l'état de sa situation financière et les circonstances économiques qu'il invoque, il ne peut donc être fait droit à sa demande de délais.
Sur les frais et dépens :
Monsieur Maurice X... qui succombe doit supporter les dépens de l'instance d'appel, avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
L'équité ou la situation économique des parties ne commande pas l'application de l'article 700 du Code de Procédure Civile au bénéfice de l'une ou l'autre des parties.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Confirme le jugement rendu en ce qu'il a rejeté la demande de nullité de Monsieur Maurice X... et l'UDAF des Hautes-Pyrénées,
L'infirme pour le surplus et statuant à nouveau,
Rejette la demande fondée sur les dispositions de l'article 464 du code civil,
Condamne Monsieur Maurice X... à payer à la Sa BNP Personal Finance la somme de 23 687,71 € à titre principal avec intérêts au taux contractuel de 6,69% à compter du 18 février 2015, outre la somme de 10 € au titre de l'indemnité légale avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision,
Déboute les parties de toutes demandes plus amples ou contraires,
Condamne Monsieur Maurice X... aux dépens d'appel,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
Autorise les avocats de la cause qui en ont fait la demande à recouvrer directement ceux de dépens d'appel dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu provision,
Le présent arrêt a été signé par Madame Y..., Conseiller, suite à l'empêchement de Madame SALMERON, Président, et par Madame SAYOUS, greffier suivant les dispositions de l'article 456 du Code de Procédure Civile.
Le Greffier Le Président