MC/SL
Numéro 18/ 04522
COUR D'APPEL DE PAU
Chambre sociale
ARRÊT DU 29/11/2018
Dossier : N° RG 15/03758
Nature affaire :
A.T.M.P. : demande d'un employeur contestant une décision d'une caisse
Affaire :
SAS EIFFAGE CONSTRUCTION SUD AQUITAINE
C/
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE PAU- PYRENEES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 29 Novembre 2018, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
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APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 12 Septembre 2018, devant :
Madame THEATE, Président
Madame COQUERELLE, Conseiller
Madame DIXIMIER, Conseiller
assistées de Madame LAUBIE, Greffière.
Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTE :
SAS EIFFAGE CONSTRUCTION SUD AQUITAINE prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés de droit audit siège [...]
Représentée par la SCP VANHAECKE & BENTZ, avocats au barreau de LYON
INTIMEE :
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE PAU- PYRENEES
[...]
Représentant : Madame Y... C..., responsable des affaires juridiques, munie d'un pouvoir régulier
sur appel de la décision
en date du 04 SEPTEMBRE 2015
rendue par le TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE DE BAYONNE
RG numéro : 20120023
FAITS ET PROCEDURE
Monsieur Fabrice Z... est salarié de la société EIFFAGE CONSTRUCTION SUD AQUITAINE.
Le 13 octobre 2010, la société EIFFAGE CONSTRUCTION SUD AQUITAINE a établi une déclaration d'accident du travail pour ce salarié survenu le 12 octobre 2010 à 15 heures rédigée en ces termes «'en manipulant une brouette remplie de béton, l'ouvrier aurait ressenti une douleur violente sur le côté gauche, niveau de l'épaule et le bras'». Le certificat médical établi le 12 octobre 2010 par le Docteur A... faisant état de «'névralgies cervico-brachiales gauche'».
Le 24 novembre 2010, la CPAM a réceptionné un certificat médical du même jour établi par le Dr B... (remplaçant du Dr A...) faisant état d'une nouvelle lésion soit «'dorsalgie basse et moyenne + palpation des épineuses dorsales douloureuses + contractures musculaires paravertébrales'».
Le 07 décembre 2010, la CPAM a notifié à la société appelante la prise en charge de l'accident du travail du 12 octobre 2010 au titre de législation sur les risques professionnels.
Puis le 03 janvier 2011, elle lui a également notifié la prise en charge d'une nouvelle lésion constatée le 24 novembre 2010.
Par courrier reçu le 10 janvier 2012, la société EIFFAGE CONSTRUCTION a saisi le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BAYONNE en contestation de la décision de la commission amiable de la CPAM qui a rejeté ses recours contre les deux prises en charge dans sa séance du 12 décembre 2011.
La société EIFFAGE CONSTRUCTION sollicitait à titre principal, l'inopposabilité à son encontre tant de la prise en charge du sinistre du 12 octobre 2010 que de celui du 24 novembre 2010, et à titre subsidiaire, demandait au Tribunal d'ordonner une expertise ainsi qu'en tout état de cause le versement d'une indemnité de procédure.
La CPAM concluait au rejet de l'ensemble des demandes de la société ainsi qu'à sa condamnation au versement d'une indemnité de procédure.
Par jugement contradictoire en date du 4 septembre 2015, le tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BAYONNE a rejeté le recours de la société EIFFAGE CONSTRUCTION, confirmé la décision de la commission de recours amiable de la CPAM du 12 décembre 2011 et débouté les parties de leurs demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par lettre recommandée adressée au greffe et portant d'expédition du 23 octobre 2015, la société EIFFAGE CONSTRUCTION SUD AQUITAINE a interjeté appel de cette décision qui lui avait été notifiée le 25 septembre 2015.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par conclusions enregistrées au greffe de la chambre sociale sous la date du 30 novembre 2017, reprises oralement à l'audience, auxquelles il y a lieu de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, la société EIFFAGE CONSTRUCTION SUD AQUITAINE conclut à l'infirmation du jugement déféré. Elle sollicite que les décisions de prise en charge du sinistre survenu le 12 octobre 2010 et de la nouvelle lésion du 24 novembre 2010 lui soient déclarés inopposables. Subsidiairement, elle sollicite une expertise judiciaire. En tout état de cause, elle réclame une indemnité de 2.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
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Par conclusions enregistrées au greffe de la chambre sociale sous la date du 12 février 2018, reprises oralement à l'audience, auxquelles il y a lieu de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, la CPAM de PAU PYRENEES conclut à la confirmation du jugement déféré et à la condamnation de la société EIFFAGE CONSTRUCTION SUD AQUITAINE à lui payer une indemnité de 2.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS
Sur l'accident déclaré le 13 octobre 2010
Sur la procédure
La société EIFFAGE CONSTRUCTION SUD AQUITAINE soutient que la décision de prise en charge de l'accident déclaré le 13 octobre 2010 et des prestations afférentes lui sont inopposables en raison des manquements suivants, qu'il conviendra successivement d'examiner':
*le non respect du délai prévu à l'article R 441-10 du code de la sécurité sociale :
La société EIFFAGE CONSTRUCTION SUD AQUITAINE soutient ne pas avoir été informée d'un délai complémentaire d'instruction ni de la décision de prise en charge. Elle en déduit qu'à défaut du respect du principe du contradictoire cette décision ne lui est pas opposable.
La CPAM fait au contraire valoir qu'elle a parfaitement respecté les dispositions des articles R441-10 et R 441-14 du code de la sécurité sociale.
Aux termes des dispositions, dans leur version applicable aux faits, des articles :
*R 441-10 : 'La caisse dispose d'un délai de trente jours à compter de la date à laquelle elle a reçu la déclaration d'accident et le certificat médical initial ou de trois mois à compter de la date à laquelle elle a reçu la déclaration de la maladie professionnelle et le certificat médical initial pour statuer sur le caractère professionnel de l'accident ou de la maladie'.
*R441-14 : 'Lorsqu'il y a nécessité d'examen ou d'enquête complémentaire, la caisse doit en informer la victime ou ses ayants droit et l'employeur avant l'expiration du délai prévu au premier alinéa de l'article R. 441-10 par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. A l'expiration d'un nouveau délai qui ne peut excéder deux mois en matière d'accidents du travail ou trois mois en matière de maladies professionnelles à compter de la date de cette notification et en l'absence de décision de la caisse, le caractère professionnel de l'accident ou de la maladie est reconnu'.
Force est de constater qu'en l'espèce, la société EIFFAGE CONSTRUCTION SUD AQUITAINE a établi la déclaration du sinistre survenu le 12 octobre 2010, le 13 octobre 2010. La CPAM ne conteste pas avoir réceptionné cette déclaration le 14 octobre 2010, cette circonstance étant avérée selon l'accusé de réception produit par l'employeur (pièce 2 appelante).
Dès lors le délai imparti à la caisse pour statuer sur le caractère professionnel de l'accident ou informer l'employeur de la nécessité d'examen ou d'enquête complémentaire expirait le 14 novembre 2010 à minuit.
La date de computation du délai de notification est à l'égard de l'organisme qui y procède celle de l'expédition.
Or en l'espèce, la CPAM a transmis un courrier qui, d'une part n'a été notifié qu'à la date du 16 novembre 2010, soit après l'expiration du délai, et d'autre part informait en réalité l'employeur d'une clôture de l'instruction.
Ce faisant, la CPAM de PAU PYRENEES n'a pas respecté les dispositions des articles R 441-10 et R441-14 du code de la sécurité sociale, privant l'employeur d'être en temps utile informé de l'état du dossier relatif au sinistre déclaré le 12 octobre 2010.
Ce manquement au respect du principe du contradictoire prive en conséquence la décision de prise en charge de l'accident du travail déclaré le 12 octobre 2010, de son caractère opposable à l'employeur.
Sur la nouvelle lésion en date du 24 novembre 2010
Il s'en suit que les conséquences attachées à l'accident du travail initial du 12 octobre 2010, soit la nouvelle lésion constatée le 24 novembre 2010, du fait du lien de causalité direct et exclusif invoqué par la caisse entre ces événements, deviennent inopposables à l'employeur, sans qu'il y ait lieu d'examiner la régularité ou la justification de la décision de prise en charge au titre de législation sur les risques professionnels de la nouvelle lésion par la caisse.
Le jugement entrepris est donc infirmé en l'ensemble de ses dispositions.
Sur les dépenses de contentieux et l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
Alors qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les dépens eu égard aux dispositions de l'article L 144-5 du code de la sécurité sociale, il convient de condamner la CPAM de PAU PYRENEES à verser à la société EIFFAGE CONSTRUCTION SUD AQUITAINE la somme de 1.500€ sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et de rejeter la demande de la CPAM de PAU PYRENEES fondée sur les mêmes dispositions.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement contradictoirement en dernier ressort et par arrêt mis à disposition au greffe :
INFIRME le jugement dont appel dans l'ensemble de ses dispositions';
ET STATUANT A NOUVEAU':
DIT que les décisions de prise en charge au titre de législation sur les risques professionnels du sinistre survenu le 12 octobre 2010 et de la nouvelle lésion du 24 novembre 2010 sont inopposables à la société EIFFAGE CONSTRUCTION SUD AQUITAINE';
Y AJOUTANT :
CONDAMNE la CPAM de PAU PYRENEES à verser à la société EIFFAGE CONSTRUCTION SUD AQUITAINE la somme de 1.500€ (mille cinq cents euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile';
REJETTE la demande présentée par la CPAM de PAU PYRENEES à ce titre';
RAPPELLE que la présente procédure est indemne de dépens.
Arrêt signé par Madame THEATE, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,