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22/11/2018 | FRANCE | N°17/01104

France | France, Cour d'appel de Pau, Chambre sociale, 22 novembre 2018, 17/01104


MC/SL



Numéro 18/04318





COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale







ARRÊT DU 22/11/2018









Dossier : N° RG 17/01104





Nature affaire :



Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution















Affaire :



Marc X...



C/



Société DJO FRANCE













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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R Ê T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 22 Novembre 2018, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 4...

MC/SL

Numéro 18/04318

COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 22/11/2018

Dossier : N° RG 17/01104

Nature affaire :

Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution

Affaire :

Marc X...

C/

Société DJO FRANCE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 22 Novembre 2018, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 05 Septembre 2018, devant :

Madame THEATE, Président

Madame COQUERELLE, Conseiller

Madame NICOLAS, Conseiller

assistées de Madame HAUGUEL, Greffière.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANT :

Monsieur Marc X...

[...]

Représenté par la SELARL PICOT VIELLE & ASSOCIÉS, avocats au barreau de BAYONNE

INTIMEE :

S.A.S. DJO FRANCE Représentée par son représentant légal domicilié en cette qu

alité au siège social sis

Centre Européen de Frêt

[...]

Représentée par Maître Y..., avocat au barreau de PAU et Maître Z... de la A..., avocat au barreau de VAL D'OISE,

sur appel de la décision

en date du 24 FEVRIER 2017

rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE BAYONNE

RG numéro : F 15/00419

FAITS ET PROCEDURE

Monsieur X... est entré au service de la SAS DJO France à compter du 12 novembre 2007 en qualité de directeur administratif et financier du groupe, sa rémunération étant constituée lors de son embauche d'une partie fixe annuelle de 72'000 euros à laquelle s'ajoutait une partie variable pour partie trimestriellement.

La SAS DJO France fabrique et commercialise des produits de rééducation et des appareils d'orthopédie mais, également, des implants destinés à la chirurgie réparatrice. Elle emploie plus de 200 salariés en France.

En date du 20 novembre 2015, par lettre remise en main propre contre décharge, la SAS DJO France a convoqué Monsieur X... à un entretien préalable à un éventuel licenciement. Cet entretien s'est déroulé le 27 novembre suivant et par courrier recommandé avec avis de réception en date du 2 décembre 2015, Monsieur X... s'est vu notifier son licenciement pour faute grave.

Dans les mois précédant la fin des relations contractuelles, Monsieur X... percevait un salaire mensuel brut de 9'524,83 euros dont 310,83 euros d'avantages en nature.

La convention collective nationale applicable est celle de la fabrication et du commerce des produits à usage pharmaceutique, parapharmaceutique et vétérinaire du 1er juin 1989.

Contestant son licenciement, Monsieur X... a saisi le conseil de prud'hommes de BAYONNE par requête réceptionnée le 29 décembre 2015 aux fins de faire juger son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et d'obtenir la condamnation de son employeur à lui verser des indemnités de rupture ainsi que des dommages et intérêts. Il sollicitait, également, le paiement d'un bonus au titre de l'année 2015, un rappel de salaire au titre d'heures supplémentaires et de repos compensateurs ainsi que des dommages et intérêt pour travail dissimulé et une indemnité de procédure.

Par jugement contradictoire en date du 24 février 2017, auquel il conviendra de se reporter pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions initiales des parties et des moyens soulevés, le conseil de prud'hommes de BAYONNE, section «'encadrement » a débouté le salarié de l'intégralité de ses prétentions, l'a condamné aux dépens ainsi qu'à payer à la partie adverse une indemnité de 1'000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration en date du 21 mars 2017, Monsieur X... a interjeté appel de cette décision qui lui a été notifiée le 2 mars 2017.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 août 2018.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions enregistrées au greffe de la chambre sociale sous la date du 4 avril 2018, Monsieur X... conclut à la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a dit qu'il n'avait pas le statut de cadre dirigeant et à son infirmation pour le surplus.

Il sollicite que son licenciement soit jugé abusif et que la société DJO France soit condamnée à lui payer les sommes suivantes':

- 40'060 euros à titre d'indemnité de préavis, outre les congés payés y afférents (4006 euros)

- 32'050 euros à titre d'indemnités de licenciement

- 160'000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 30'000 euros au titre du bonus 2015, outre les congés payés y afférents (3000 euros)

- 105'543 euros au titre des heures supplémentaires, outre les congés payés y afférents (10 554 euros)

- 17'520 euros au titre des repos compensateur

- 80'119 euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé

- 4'500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il sollicite, également, la condamnation de la société DJO France à lui remettre un certificat de travail, une attestation Pôle Emploi rectifiés et conformes à la décision à intervenir.

En tant que de besoin, il estime que la cour pourra procéder à l'audition du témoin, Monsieur B... demeurant [...] qui pourra confirmer que la hiérarchie était bien au courant des modalités de calcul de la taxe litigieuse.

A l'appui de ses prétentions, Monsierur X... invoque tout d'abord la prescription du grief n°1 qui porte sur «'de graves manquements dans le cadre des déclarations de contribution auprès de l'URSSAF ayant engendré un redressement fiscal de grande ampleur'». Il se prévaut de deux mails en date des 15 avril et 23 juillet 2015 adressés à sa hiérarchie dans lesquels il met celle-ci au courant d'un prochain contrôle de l'URSSAF sur la contribution de l'entreprise assise sur ses dépenses de promotion de ses dispositifs médicaux et précise, même, de manière très claire que le redressement sera de l'ordre de 145'000 euros sur une période de trois ans.

Monsieur X... considère, donc, qu'à ces dates, l'employeur avait parfaitement connaissance de l'omission délibérée et de la sous- évaluation intentionnelle de l'assiette des cotisations, qui lui sont reprochés. Il avait même connaissance du montant de redressement. Il avait ainsi en sa possession tous les éléments lui permettant d'engager une procédure de licenciement et le montant du redressement n'est pas déterminant dans le licenciement puisque c'est son comportement qui est sanctionné.

Monsieur X... considère, également, que ce premier grief n'est pas de nature disciplinaire. Il souligne, que si la cour considère que le motif principal de la lettre de licenciement est prescrit (son comportement), il ne resterait plus que le redressement proprement dit qui ne relève plus du motif disciplinaire mais de l'insuffisance professionnelle, laquelle ne saurait être prise en considération comme motif légitime de licenciement.

Au surplus, il est faux de prétendre qu'il aurait agi de manière cachée, alors que la manière de calculer la taxe litigieuse avait l'aval de la hiérarchie, chacun sachant, par ailleurs, qu'un risque de redressement était possible.

Sur le second grief constitué «'d'erreurs répétées dans le cadre du processus budgétaire 2016 et dans l'estimation des résultats du quatrième trimestre 2015 entraînant un manque de fiabilité et une volatilité des données financières de DJO France'», Monsieur X... souligne que les termes utilisés sont ceux « d'erreurs, d'omission, de manque de confiance'», ce qui tend à prouver que si des erreurs ont été commises, il ne s'agit nullement de faute délibérée. Il produit aux débats des échanges de mails qui selon lui, établissent qu'il n'a fait qu'exécuter les instructions qui lui étaient données, les faits reprochés étant, en réalité, la conséquence des choix stratégiques de sa hiérarchie depuis 2015 déjà de sorte que l'employeur n'a pas découvert cet état de fait au moment de la mise en 'uvre de la procédure de licenciement.

En réalité, le vrai motif de son licenciement réside dans la volonté de son employeur de réaliser des économies importantes sur sa rémunération, sa remplaçante ayant été embauchée sur la base d'une rémunération nettement moindre que la sienne et d'autres licenciements étant intervenus à la même époque.

Sur les demandes indemnitaires

Il expose avoir subi un préjudice particulièrement important même s'il a retrouvé un emploi à compter du 22 février 2016. Effectivement, il percevait, au moment de la rupture de son contrat de salaire, un revenu de 151'000 euros annuel, hors bonus 2015. Il réclame une somme de 160'000 euros à titre de dommages et intérêts ainsi qu'une indemnité compensatrice de préavis et une indemnité de licenciement calculées sur une rémunération mensuelle moyenne brute de 13'353 euros.

Concernant son bonus 2015, il considère que le caractère abusif de son licenciement ne peut être de nature à le priver du bonus auquel il aurait pu prétendre s'il n'avait pas été licencié à tort, et relève, que compte-tenu du préavis, il était bien présent dans l'entreprise à la date de clôture de l'exercice, soit le 31 décembre 2015. Il souligne que son contrat de travail prévoit parfaitement les conditions dans lesquelles ce bonus lui est accordé.

Concernant sa qualité de cadre dirigeant, il rappelle que l'article 7 de son contrat de travail précise qu'il est soumis à une convention de forfait annuelle en jours. De ce seul fait, il résulte qu'il ne peut être considéré comme cadre dirigeant. A titre subsidiaire, et au regard de sa fiche de poste, il souligne qu'il ne disposait pas de l'autonomie nécessaire dans la prise de décision pour pouvoir bénéficier de ce statut. De même, il ne bénéficiait d'aucune indépendance dans l'organisation de son emploi du temps. Enfin, il ne participait pas à la direction effective de l'entreprise, son statut de représentant du personnel étant incompatible avec une telle participation.

Concernant la détermination des heures supplémentaires effectuées, Monsieur X... explique qu'au vu de ses fonctions, il avait un horaire de travail nettement supérieur à la durée légale de travail.

Il réclame le paiement de 730 heures de travail de la semaine 27 de l'année 2014 à la date de la rupture de son contrat de travail. Il a établi un planning type de travail qui met en évidence qu'il travaillait bien 45 heures par semaine, soit 190 heures par mois. A partir de ces données, le salarié extrapole en vue de faire constater qu'il effectuait régulièrement des heures supplémentaires, y compris dans la période antérieure à celle visée ci-dessus, c'est-à-dire pour la période, non prescrite, courant de janvier 2013 à la semaine 26 de l'année 2014. Il réclame, au total, une somme de 105'343 euros, outre les congés payés y afférents. De même, le contingent annuel ayant été dépassé en 2014 de 10 heures et en 2015 de 279 heures, il est en droit de réclamer la somme de 17'520 euros au titre des repos compensateurs.

***************

Par conclusions notifiées par RPVA le 25 janvier 2018, la société DJO France conclut à la confirmation du jugement déféré et sollicite, à titre reconventionnel, une somme de 4'000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

A titre principal, la société intimée soulève l'irrecevabilité des demandes du salarié au motif qu'il ne fait nulle référence, dans ses conclusions, et alors qu'il sollicite des sommes particulièrement conséquentes, à un texte du code du travail et à une convention collective.

Par conséquent ses demandes sont irrecevables au regard des dispositions de l'article 56 du code de procédure civile.

Sur la prescription'

La société DJO France rappelle que le point de départ du délai de prescription est constitué par le jour où l'agissement fautif est personnalisé, c'est-à-dire le jour où l'employeur a une connaissance exacte de la réalité de la nature et de l'ampleur des faits reprochés.

En l'espèce, ce n'est qu'à partir du 26 octobre 2015, date de notification du redressement par l'URSSAF qu'elle a été susceptible de prendre une sanction à l'encontre du salarié pour les manquements graves qu'il avait opéré. La notification du contrôle le 26 octobre est le fait déclencheur qui permet de déterminer avec certitude la faute grave invoquée. Il convenait d'attendre le redressement définitif et non de se fier aux mails d'aveux du salarié qui évoque un risque et non une certitude.

Ainsi, moins d'un mois sépare le fait déclencheur et la lettre de convocation à l'entretien préalable de sorte qu'aucune prescription ne saurait être encourue.

Sur le premier grief

La société DJO France souligne que Monsieur X... ne conteste pas la matérialité des faits. Il a agi en contradiction avec ses obligations contractuelles, contrairement à la réglementation sociale et fiscale, sciemment et délibérément sans avoir avisé son équipe, sa hiérarchie, les faits s'étendant du 1er janvier 2012 au 1er juin 2015.

Elle considère que les mails de Monsieur X... des 15 avril et 23 juillet 2015 sont des pièces essentielles puisqu'elles constituent un aveu de la part de ce dernier qui reconnaît sa turpitude et avoir agi seul. Jamais il ne lui a été demandé de soustraire l'entreprise à ses obligations légales, fiscales ou réglementaires et le représentant légal de la société en France n'a jamais été informé des déclarations frauduleuses perpétrées entre 2009 et 2015 par le salarié. En aucune façon, M. X... ne peut prétendre qu'il aurait reçu l'accord de son supérieur hiérarchique, celui-ci étant de nationalité étrangère et ne pouvant apprécier une réglementation complexe fiscalement.

Sur le second grief

Ce grief concerne l'établissement du budget prévisionnel annuel. Monsieur X... devait établir le budget de l'année N+1 après avoir consulté les équipes opérationnelles et commerciales et s'être entretenu avec sa hiérarchie locale. Il lui est précisément fait grief ne n'avoir pas respecté sa hiérarchie et d'avoir seul et sciemment transmis, à plusieurs reprises des chiffres complètement erronés et approximatifs présentant des versions de résultat différentes, des chiffres sans justificatif. Il a envoyé, en quelques jours, une série de budgets totalement irréalistes, ne s'appuyant sur aucun chiffre, ce qui a eu pour conséquence de perturber l'équipe dirigeante. Au lieu de s'expliquer, Monsieur X... s'est emporté et a critiqué sa hiérarchie.

Le licenciement pour faute grave étant parfaitement fondé, Monsieur X... ne saurait prétendre à aucune indemnité de rupture ni à des dommages et intérêts.

Sur la remise en cause du forfait annuel jour

La société DJO France soutient que Monsieur X... avait la qualité de cadre dirigeant et s'étonne de ce que, pour la première fois, le salarié, indique être soumis à une convention de forfait annuel en jour'; elle rappelle que, depuis un accord de substitution intervenu le 26 janvier 2010, tous les salariés sont soumis à la convention collective de la fabrication et du commerce des produits à usage pharmaceutique, parapharmaceutique et vétérinaire';

Si la cour devait estimer que Monsieur X... n'a pas la qualité de cadre dirigeant, il aurait appartenu à ce dernier d'obtenir une autorisation écrite pour effectuer des heures supplémentaires, preuve que le salarié ne rapporte pas. Au surplus, il déclare des heures supplémentaires pour des jours durant lesquels il était en congé. Il ne justifie d'aucune nécessité d'heures supplémentaires par une quelconque charge de travail conséquente, un simple relevé de messagerie n'étant pas suffisant.

Enfin, M. X... gérait son temps de travail de façon autonome, il a toujours refusé de signer les avenants qui lui était proposés'; de même, se considérant lui-même comme cadre dirigeant, hors convention de forfait, il a toujours considéré que l'obligation de l'entretien individuel tel que défini à l'article L 3121-46 du code du travail ne s'imposait pas à lui. Monsieur X... réunit toutes les conditions pour pouvoir être considéré comme un cadre dirigeant.

En outre, la société intimée relève le caractère approximatif des calculs des heures supplémentaires faites par le salarié et souligne qu'il ne peut prétendre à une prétendue reconstitution d'un horaire journalier à partir d'une semaine en particulier.

Il en résulte que la demande d'heures supplémentaires ne pourra qu'être rejetée, de même que celle relative au travail dissimulé, aucune volonté de dissimulation n'étant établie.

Concernant le bonus 2015

La société DJO France fait valoir, d'une part, que Monsieur X... n'était pas éligible à ce bonus puisqu'il est prévu que le salarié doit être employé à la date du paiement et ne doit pas avoir donné ou reçu de préavis de la part de la société'; d'autre part, qu'il ne justifie pas des modalités de calcul de ce bonus.

La Cour se réfère expressément aux conclusions ci-dessus pour un plus ample exposé des moyens de fait et de droit développés par les parties.

SUR QUOI LA COUR

L'appel, interjeté dans les formes et les délais prévus par la loi, est recevable, en la forme.

Sur l'irrecevabilité des demandes

La société DJO France soutient que les demandes de Monsieur X... seraient irrecevables au regard des dispositions de l'article 56 du code de procédure civile, aucun texte du code du travail ou d'une convention collective n'étant invoqué à l'appui des demandes qui doivent, dès lors, être déclarées irrecevables.

L'article 56 du code de procédure civile prévoit que': «'l'assignation contient à peine de nullité, outre les mentions prescrites pour les actes d'huissier de justice':

1° l'indication de la juridiction devant laquelle la demande est portée

2° l'objet de la demande avec un exposé des moyens de fait et de droit

3° l'indication que, faute pour le défendeur de comparaître, il s'expose à ce qu'un jugement soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire

4° le cas échéant, les mentions relatives à la désignation des immeubles exigées pour la publication au fichier immobilier

Elle comprend, en outre, l'indication des pièces sur lesquelles la demande est fondée. Ces pièces sont énumérées sur un bordereau qui lui est annexé.

Elle vaut conclusions'».

Cependant, le fait pour Monsieur X... de préciser qu'il a saisi les juridictions prud'homales pour voir reconnaître le caractère abusif de son licenciement, obtenir réparation du préjudice qui en résulte ainsi que le paiement de son bonus 2015, d'heures supplémentaires, de repos compensateur et de dommages et intérêt pour travail dissimulé est suffisant à définir l'objet des demandes présentées et le fondement juridique de l'action engagée.

Par conséquent, l'exception tirée de l'irrecevabilité des demandes de Monsieur X... sera rejetée.

Sur le licenciement pour faute grave

Aux termes de l'article L 1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.

La faute grave dont la preuve appartient à l'employeur se définit comme un fait ou un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis.

Pour qualifier la faute grave il incombe donc au juge de relever le ou les faits constituant pour le salarié licencié une violation des obligations découlant de son contrat de travail ou des relations de travail susceptible d'être retenue, puis d'apprécier si le dit fait était de nature à exiger le départ immédiat du salarié.

La lettre de licenciement sert de cadre strict au contrôle du juge.

En l'espèce, la lettre de licenciement du 2 décembre 2015 est ainsi motivée':

«'Monsieur,

Nous sommes au regret de vous informer que nous avons décidé de vous licencier pour les motifs ci-dessous qui vous ont été présentées lors de l'entretien du 27 novembre dernier '

Les faits qui motivent votre licenciement sont les suivants':

1) Graves manquements dans le cadre des déclarations de contributions auprès de l'URSSAF ayant engendré un redressement fiscal de grande ampleur

Dans un courrier du 10 avril 2015, l'URSSAF du Rhône- Alpes informait la société d'un contrôle des contributions dues sur les dépenses de promotion par les entreprises assurant la fabrication, l'importation ou la distribution de dispositifs médicaux donnant lieu à remboursement.

Suite à ce courrier, dans un message électronique du 15 avril 2015, vous nous informiez que le risque encouru par la société était grand car vous aviez délibérément minimisé l'assiette de contribution sur 2 aspects': la part du chiffre d'affaires des produits concernés et le niveau des dépenses inhérentes à la promotion des dits produits.

Le contrôle a eu lieu fin juillet. La période vérifiée s'étend du 1er janvier 2012 au 1er juin 2015.

Le contrôle porte sur l'assiette de contribution. La contribution est assise sur les charges suivantes':

- rémunérations et charges sociales et fiscales afférentes des personnes qui interviennent pour présenter, promouvoir ou vendre les produits dits «' de titre I «' auprès des professionnels de santé

- le remboursement des frais (transport ,repas , hébergement) de ces mêmes personnes

- les frais de publication ou les achats d'espaces ou d'objets publicitaires , les frais de congrès ou autres manifestation de même nature

- le Contrôle des modalités de calcul , qui nous a été communiqué le 26 octobre dernier, a démontré d'importantes anomalies et a ainsi confirmé vos graves manquements que nous ignorions et que vous avez évoqués suite à l'annonce du contrôle.

le montant des chiffres d'affaires déclarés pour l'ensemble des produits fabriqués, importés ou distribués est erroné et ne correspond pas aux montants relevés en comptabilité , ce qui implique que le ration Produits Titre 1 /Ensemble des produits est, de ce fait factice

vous saviez pertinemment que la contribution était due sur certaines orthèses mais vous avez décidé , seul, de continuer à déclarer et à payer sur la base des seuls produits de rééducation et ce , depuis, la fusion des 3 sociétés françaises du groupe DJO en 2009 , exposant ainsi la société à un risque fiscal certain

la totalité des personnes en charge de la promotion et de la vente des dispositifs médicaux visés par la taxe n'a pas été prise en compte dans l'assiette des contributions pour leur rémunération et frais

Ce que vous avez confirmé dans un email du 23 juillet 2015 dans lequel vous admettez avoir retenu comme assiette de cotisation les charges liées à la seule division rééducation (anciennement CefarCompex France)

l'ensemble des frais de publication et d'achat d'espace ou objet publicitaire figurant dans le compte 6234000 Cadeaux la clientèle n'a pas été pris en compte.

les frais de congrès et manifestations de même nature n'ont pas été pris en compte en 2014 et 2015

Le total des régularisations pour la période contrôlée, à savoir que 1er janvier 2012 au 1er juin 2015 s'élève à 178'504 euros hors majoration de retard . Le total des contributions versées par DJO France sur la base des déclarations que vous avez faite, s'élève à 29'511 euros pour les années 2012, 2013 et 2014, soit 7 fois moins que le montant dû si les déclarations avaient été effectuées correctement et avec intégrité.

De telles inobservations d'obligations fiscales graves et répétées sont inacceptables de la part d'un cadre ayant votre niveau de responsabilité et votre pouvoir de décision. Elles sont d'autant plus graves qu'il s'agit là d'omissions délibérées et d'une sous-évaluation intentionnelle de l'assiette de contribution. C'est ce que vous nous apprenez dans deux messages électroniques l'un en date du 15 avril 2015 à l'annonce du contrôle, et l'autre le 23 juillet 2015, une fois le contrôle réalisé.

Choqués par votre démarche contraire aux valeurs d'intégrité et de conformité de l'entreprise, et malgré des estimations assez précises de votre part, il nous a fallu attendre le 26 octobre 2015, date à laquelle nous avons reçu le courrier d'observations émanant de l'URSSAF pour engager une procédure disciplinaire à votre encontre. C'est en effet à compter de cette date que nous avons eu une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur de votre faute et que nous avons pu en mesurer ses conséquences. Nous ne pouvions pas décemment nous baser sur vos seules estimations et propos pour décider de l'éventualité d'une poursuite disciplinaire': il nous était nécessaire que l'administration statue et confirme ces manquements.

En agissant ainsi, de votre propre chef et sans en aviser préalablement la direction générale de la société, vous avez exposé DJO France à un risque important de redressement ' ce qui a été avéré le 26 octobre dernier par le courrier d'observations de l'URSSAF ' alors qu'il est du devoir du directeur administratif et Financier de soumettre la société aux contributions fiscales et sociales à laquelle elle est assujettie, en toute probité.

Vous ne pouvez ignorer non plus que de telles pratiques sont contraires aux valeurs d'intégrité, de conformités aux lois et réglementation, d'exactitude de l'information transmises aux organismes extérieurs'valeurs éthiques essentielles promues par le code de bonne conduite du groupe DJO.

En tant que directeur Administratif et Financier, vous êtes le garant de cette conformité aux prescriptions comptables et fiscales et vous devez, au contraire de ce que vous faites, encourager l'intégrité à tous les niveaux de l'entreprise.

La minimisation intentionnelle de l'assiette de contribution constitue bien une infraction au code de bonne conduite qui précise , par ailleurs, que «' la présentation d'informations falsifiées à des personnes ou des organismes extérieurs à l'entreprise peut donner lieu à des poursuites''»Ce code définit clairement la falsification de document comme étant «' la dissimulation partielle ou non d'informations, la présentation d'informations équivoques et la présentation d'information dont la signification ou l'importance réelle sont détournées'».

en plus de ces inobservations d'obligations fiscales et infractions au code de bonne conduite, nous avons à déplorer depuis plusieurs moins une très nette dégradation de vos prestations.

2) Erreurs répétées dans le cadre du processus budgétaire 2016 et dans l'estimation des résultats du 4ième trimestre 2015 entraînant un manque de fiabilité et une volatilité des données financières de DJO France

A plusieurs reprises, au cours du processus d'élaboration du budget 2016 et des prévisions de résultats du 4ième trimestre 2015, vous avez transmis des fichiers comportant des erreurs importantes générant des écarts en termes de résultats financiers pour l'entité DJO France de plus de 60%.

Ces erreurs ont mobilisé pendant la période du 16 au 22 octobre 2015 des cadres seniors du management, en France et à l'International, au cours de nombreuses conférences téléphoniques afin de comprendre et d'analyser vos chiffres. Parmi ces cadres de direction, certains ne reconnaissaient pas les chiffres qu'ils vous ont transmis dans le cadre de l'élaboration des prévisions budgétaires.

A titre d'exemple d'erreur qui vous est directement imputable':

Dans le cadre des prévisions du 4ième trimestre, vous étiez en charge des chiffres prévisionnels relatifs aux coûts de distribution, ceux relatifs aux recettes étant fournis par le GM. Vous avez renseigné des chiffres dans les fichiers de reporting, sans validation préalable du vice-président Opérations Internationales. Ainsi, sur les 6 derniers mois, vous avez retenu 8,9 % de frais de distribution au lieu de 11,5% sans fournir d'explication. Ces chiffres erronés ont engendré un écart d'environ 700'000 USD sur le résultat prévisionnel de l'entreprise.

De plus, vous avez omis de répartir ces frais de distribution entre le Médical France et la Consumer, imputant ainsi intégralement ces coûts au Médical.

Au cours de cette période du 16 au 22 octobre, vous avez présenté pas moins de 6 versions de votre fichier, comportant toutes des résultats très différents, comme le résume le tableau de compilation ci-dessous ( cf tableau dans la lettre de licenciement ) sans jamais expliquer les écarts, pourtant importants , sans non plus vous approprier les éléments soumis , ni remettre vos chiffres en question.

Ces itérations et la volatilité des résultats présentés, sans réelle justification est inadmissible de la part d'un cadre assumant un tel niveau de responsabilité.

Au lieu de vous expliquer et de justifier les écarts, vous vous êtes emporté, critiquant violemment votre hiérarchie et remettant en cause la stratégie du groupe et son mode de fonctionnement, tout en mettant en avant le fait que vous subissiez stress et pression. En plus des erreurs commises et de l'absence de fiabilité des résultats que vous présentez successivement, vus démontrez là encore une attitude irresponsable et indigne d'un cadre de direction.

Ces anomalies, voire négligences- préoccupantes et de grande ampleur, dans l'exécution de votre travail, la manque de fiabilité des chiffres que vous communiquez, ont considérablement altéré la confiance que nous avions en vous.

il est inutile de vous rappeler qu'il est de la responsabilité d'un directeur Administratif et Financier de soumettre la société aux taxes et autres obligations fiscales en vigueur, d'identifier , mesurer et limiter les risques encourus et de garantir l'exactitude des informations financières et comptables.

Par deux fois, vous avez failli gravement à vos obligations. Ces faits sont tous deux constitutifs d'une faute grave et votre maintien dans l'entreprise s'avère impossible. Au cours de notre entretien du 27 novembre, vous n'avez fourni aucune explication, ce qui ne nous a pas permis de modifier notre appréciation à ce sujet /

En conséquence nous avons décidé de vous licencier pour faute grave''».

A la lecture de cette lettre de licenciement, il est constant que deux griefs sont formulés à l'encontre du salarié':

- Graves manquements dans le cadre des déclarations de contributions auprès de l'URSSAF ayant engendré un redressement fiscal de grande ampleur.

- Erreurs répétées dans le cadre du processus budgétaire 2016 et dans l'estimation des résultats du 4ième trimestre 2015 entraînant un manque de fiabilité et une volatilité des données financières de DJO France.

1° Sur le premier grief

Monsieur X... soutient que le premier grief serait prescrit et invoque, à cet effet, les dispositions de l'article L 1332-4 du code du travail aux termes desquels «'aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jours où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales'».

En l'espèce, sa convocation à l'entretien préalable date du 20 novembre 2015 de sorte que tous les faits dont l'employeur a eu connaissance avant le 20 septembre 2015 sont nécessairement prescrits. Il se prévaut de deux messages qu'il a lui-même fait parvenir à son employeur sous les dates des 15 avril et 23 juillet 2015, dates qui constituent selon lui la date de prise de connaissance par l'employeur des faits reprochés.

De son côté, l'employeur considère que c'est la date du 26 octobre 2015 qui doit être prise en considération, date de la notification de la lettre d'observations des contrôleurs de l'URSSAF. Il considère, effectivement, que c'est cette date de notification du contrôle qui révèle la fraude

Il est constant que le point de départ de délai de prescription des faits reprochés est constitué par le jour où l'agissement fautif est personnalisé, c'est-à-dire le jour où l'employeur a une connaissance de la réalité de la nature et de l'ampleur des faits reprochés.

En l'occurrence, les deux mails adressés par Monsieur X... sont rédigés comme suit':

- mail du 15 avril 2015 adressé à M. C... Frédéric et à M. F... D...': «' cet email pour vous informer que nous sommes l'objet d'au audit fiscal concernant la taxe de promotion des dispositifs médicaux.

Ceci sera mené par l'URSSAF, les inspecteurs de la sécurité sociale française, comme cette taxe est collectée par leur organisme.

Il y a un risque réel de correction, comme je minimise à la fois la base de la taxe (le pourcentage de chiffre d'affaire) et les dépenses base de la taxe

Je vous tiendrais bien sûr informés des résultats de ce contrôle''».

- mail du 23 juillet 2015 adressé à M. F... D... et M. E... Pascal, représentant légal de la société DJO France': «' le contrôle URSSAF relatif à la taxe sur la promotion des matériels médicaux remboursés au titre 1 est maintenant terminé.

La notification formelle sera adressée en septembre mais voici une première estimation des découvertes des contrôleurs et de l'impact sur vos comptes.

Pour information, cette taxe était due sur certaines attelles (immobilisateurs d'épaules), stimulateurs TENS et les sondes de rééducation, mais étaient originellement seulement payées par CEFAR COMPEX France et négligées du coté du business des attelles.

J'ai continué à la payer uniquement du côté de la réhabilitation depuis l reprise de l'activité CEFAR COMPEX en 2009 ce qui a minoré de façon consciente la base de taxe sur six années.

Le contrôle a porté sur les trois dernières années avec le rattrapage important aussi bien entendu de notre déclaration 2014.

Vous trouverez les montants payés originellement et ces montants du redressement''ceci aura un impact unique de 145'000 euros de rattrapage et une taxe additionnelle d'environ 60'000 euros annuelle ensuite. Ce montant peut être réduit, comme les dispositifs médicaux du titre 1 ne représentant au cours des ans de moins en moins de notre chiffre d'affaires grâce à 'addition d'autres produits. Ces montant seront repris dans l'estimé à fournir demain''»

A la lecture de ces mails, il est constant que':

- dès le 15 avril 2015, l'employeur avait connaissance non seulement de l'existence d'un contrôle des services de l'URSSAF mais également du risque encouru quant à un éventuel redressement et de la' « faute'» commise par Monsieur X..., à savoir une minimisation de la base de la taxe et des dépenses.

- dès le 23 juillet 2015 , il avait, en outre , connaissance de la réalité du redressement opéré ainsi que d'une première évaluation du montant de celui-ci.

Il est, ainsi, établi, qu'à cette dernière date, la seule incertitude de l'employeur pesait sur le montant exact du redressement opéré. Il connaissait la réalité de celui-ci ainsi que la nature du comportement «'fautif'» de son directeur Administratif et Financier, à savoir une sous-évaluation intentionnelle de l'assiette des cotisations.

Le montant exact du redressement est sans emport sur la question de la prescription des faits reprochés puisque ce n'est pas lui qui justifie la mesure de licenciement prise à l'encontre du salarié mais le comportement fautif de ce dernier. Or, celui-ci était connu de l'employeur dès le 15 avril 2015 puisque dans son mail daté de ce jour, Monsieur X... reconnaît l'existence d'une omission délibérée (aveu de la faute commise) et dès le 23 juillet 2015, suite au contrôle opéré du 20 au 23 juillet, l'employeur avait connaissance des conséquences du comportement de son salarié, puisqu'à cette date, le redressement n'était plus un simple risque mais une réalité.

Il en découle que dès le 15 avril 2015, et à tout le moins dès le 23 juillet 2015, l'employeur avait connaissance des faits, objet du licenciement de Monsieur X....

Ce dernier ayant été convoqué à l'entretien préalable par courrier en date du 20 novembre 2015, il est établi que les faits constitutifs du premier grief relevé à l'encontre de Monsieur X... était prescrits.

Ces faits ne peuvent donc être évoqués au soutien de la mesure de licenciement et le jugement déféré sera infirmé sur ce point.

2° Sur le second grief

Le second grief relève davantage de l'insuffisance professionnelle que de la faute disciplinaire, ceci au regard des termes utilisés pour caractériser le grief allégué.

Effectivement, sont reprochés au salarié des «'erreurs répétées'», des «'chiffres erronés'», des «'omissions'», des versions présentant toutes «'des résultats très différents'», la «'volatilité des résultats présentés'», des «'anomalies'», des «'négligences'préoccupantes et de grande ampleur dans l'exécution de votre travail'», un «'manque de fiabilité des chiffres'».

Le terme de faute n'est donc pas mis en avant et si des erreurs ont pu être commises par Monsieur X... dans l'exécution de son contrat de travail, il ne ressort nullement de la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, que celles-ci auraient été commises de façon intentionnelle, délibérée. De même, la «'perte de confiance'» ne peut à elle seule constituer un motif de licenciement.

Il en résulte que si l'insuffisance professionnelle, qui se caractérise par l'incapacité du salarié à effectuer la prestation de travail que son employeur est en droit d'attendre de lui, sans qu'il en résulte, toutefois, un comportement fautif, peut être envisagée comme cause réelle et sérieuse de licenciement, il n'en reste pas moins qu'en se plaçant sur le terrain exclusivement disciplinaire, la société DJO France a choisi une voie inappropriée à la situation, le licenciement pour faute ne pouvant être requalifié en licenciement pour insuffisance professionnelle.

Dès lors, ce second grief ne saurait légitimer le licenciement pour faute grave prononcé à l'encontre de Monsieur X..., licenciement qui doit être considéré comme étant abusif et ouvrant droit à indemnité au profit du salarié.

Le jugement déféré sera infirmé de ce chef.

Sur l'indemnisation de Monsieur X...

1° Sur l'indemnité de préavis

Monsieur X... sollicite une somme de 40'059 euros à titre d'indemnité de préavis, se basant sur une rémunération brute au cours des douze mois qui ont précédé son licenciement de 160'238 euros, soit une moyenne mensuelle de 13'353 euros.

Ces chiffres ne sont pas contestés par la partie adverse qui se contente de dénier au salarié un droit à indemnité de préavis en raison de la faute grave ayant motivé son licenciement.

Au regard des fonctions exercées par Monsieur X..., celui-ci peut prétendre à une indemnité de préavis équivalente à trois mois de salaire, soit la somme de 40'059 euros, outre les congés payés y afférents.

2° Sur l'indemnité de licenciement

Le montant de l'indemnité de licenciement réclamé en application des dispositions de la convention collective applicable, soit la somme de 32'047 euros n'est pas davantage contesté, et il sera, par conséquent, fait droit à la demande.

3° Sur les dommages et intérêts

Concernant les dommages et intérêts, M X... sollicite une somme de 160'000 euros faisant valoir son ancienneté, les circonstances de la rupture de son contrat de travail et l'importance du préjudice subi.

Au regard de l'ancienneté du salarié (8 années), au regard de l'importance de la société DJO France, ce sont les dispositions de l'article L 1235-3 du code du travail qui doivent recevoir application.

Monsieur X... produit aux débats son nouveau contrat de travail dont la lecture permet de constater qu'il a retrouvé un emploi très rapidement, par le biais d'un contrat à durée indéterminée, en qualité de «'directeur Contrôle de Gestion Groupe'», statut cadre dirigeant, moyennant une rémunération brute annuelle de 110'000 euros incluant la prime annuelle. Si cette pièce ainsi que les avis d'imposition des années 2014, 2015 et 2016 permettent de mettre en exergue l'existence d'un préjudice, celui-ci sera amplement réparé, compte tenu des circonstances de la rupture, par l'octroi d'une somme de 80'200 euros correspondant à 6 mois de salaire.

4° Sur le bonus 2015

Monsieu X... fait valoir qu'il peut prétendre, sur la base des dernières estimations du résultat à fin novembre 2015 à un bonus de 27'865 euros. Il sollicite, dans le cadre du dispositif de ses conclusions, une somme de 30'000 euros à ce titre. Il estime, qu'en tout état de cause, le principe même de droit à bonus n'étant pas contesté, il appartient à la cour d'en fixer le montant.

Il n'est pas discuté entre les parties que':

- le bonus n'est acquis que si le salarié est présent dans l'entreprise au terme de l'exercice fiscal, en l'espèce, au 31 décembre 2015 et qu'il n'a reçu ni donné de préavis

- le contrat de travail de M. X... a été rompu le 2 décembre 2015 et le salarié n'était donc plus présent dans l'entreprise au moment de la clôture de l'exercice.

La société DJO France fait valoir':

- qu'elle a été contrainte de licencier Monsieur X... pour faute grave

- que Monsieur X... ne justifie pas de son mode de calcul.

Sur le premier point, il est indéniable que le licenciement de Monsieur X... ayant été jugé abusif, son absence dans la société à la date de clôture de l'exercice, soit au 31 décembre 2015 ne saurait lui être opposé.

Le contrat de travail de Monsieur X... prévoit en son article 6': Rémunération

«'Partie fixe

En rémunération de ses services, le salarié percevra un salaire fixe annuel brut de 72'000 euros. Ce salaire rémunère le salarié pour l'intégralité de ses services.

Partie variable

- Compte tenu de la fonction occupée, le salarié se verra attribuer une partie variable brute annuelle versée pour partie par trimestre et calculée de la manière suivante':

25 % de la rémunération brute annuelle au maximum, bonus acquis, comme suit':

un tiers en cas d'atteinte par la société de l'objectif de chiffre d'affaires fixé par le groupe

un tiers en cas d'atteinte par la société de l'objectif de maîtrise des dépenses opérationnelles (OPEX)

- un tiers octroyé par le directeur Financier Europe en fonction de la réussite des missions confiées au salarié et de la qualité de son travail

Ce bonus sera calculé trimestriellement et fera l'objet d'un versement à hauteur de 50% à la fin de chaque période, et d'une régularisation en fin d'année'».

Il est constant que le principe du « bonus'» ne fait pas débat. D'ailleurs, les bulletins de salaire produits aux débats attestent que ce bonus a été payé à Monsieur X... aux mois de février 2015 (32'328 euros), mai 2015 (4 973 euros), août 2015 (4 027 euros) et novembre 2015 (2 697 euros).

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que, non seulement les bonus versés à Monsieur X... sont très variables quant à leur montant, mais, qu'en outre, le versement de ce bonus est soumis à des conditions de résultats notamment d'atteintes d'objectifs et de réussite de missions et de qualité du travail.

Or, ces résultats sont méconnus et Monsieur X... n'offre aucune proposition de calcul.

Au surplus, et au regard des faits qui lui sont reprochés, il est probable qu'aucun bonus ne lui aurait été versé en cas de poursuite de relations contractuelles.

Monsieur X... sera débouté de ses prétentions par confirmation, mais pour d'autres motifs, du jugement déféré.

Sur la remise en cause du forfait jours et de ses effets et la qualité de cadre dirigeant

Le contrat de travail signé entre Monsieur X... et la société DJO France stipule en son article 7 relatif à la durée du travail que «'le salarié est embauché à temps complet pour la durée légale du travail et bénéficiera d'un forfait jours de 217 journées. Les bulletins de salaire du salarié prévoient, également, que celui-ci fait partie de la catégorie » cadre au forfait'».

Monsieur X... soutient que pour diverses raisons, cette convention de forfait serait irrégulière et que dès lors elle ne pourrait produire d'effet.

Toutefois, il apparaît, au regard de la jurisprudence de la Cour de Cassation, que cette question est sans emport sur le litige opposant les parties quant à la qualité de cadre dirigeant de Monsieur X....

Effectivement, si la qualité de cadre dirigeant suppose la réunion de trois conditions cumulatives au regard des dispositions de l'article L 3111-2 du code du travail (avoir des responsabilités importantes impliquant une large indépendance dans l'organisation de son temps de travail, être habilité à prendre des décisions de manière largement autonome et percevoir l'une des rémunérations les plus élevées de l'établissement), le juge n'a pas à rechercher si les fonctions réellement exercées par un salarié pourraient permettre de lui conférer la qualité de cadre dirigeant dès lors qu'il ressort du contrat de travail que l'employeur avait entendu le placer sous le régime du forfait jours. Ainsi, l'employeur ne peut revendiquer le statut de cadre dirigeant, notamment, pour échapper au paiement d'heures supplémentaires, y compris lorsque la convention de forfait jours est jugée nulle ou privée d'effet (Cass 7 septembre 2017).

Il en résulte clairement que la société DJO France ayant soumis, dans le cadre de son contrat de travail, Monsieur X... à une convention de forfait jours, peu important que celle-ci soit licite ou non, elle s'est placée dans l'impossibilité de revendiquer pour ce salarié la qualité de cadre dirigeant.

Dès lors, Monsieur X... est fondé, sur le principe, à réclamer le paiement des heures supplémentaires qu'il aurait effectuées et qui ne lui auraient pas été rémunérées, sous réserve, toutefois, de l'illicéité de la convention du forfait jours car à défaut, (clause de forfait jours valable), le salarié ne pourrait revendiquer que les heures effectuées au-delà de son forfait annuel (en l'espèce, 217 journées article 7 de son contrat de travail) selon les modalités fixées par la convention collective.

Monsieur X... fait valoir l'illicéité de la clause de forfait jours pour plusieurs raisons':

- la mise en place d'un nouveau système de forfait jours prévu par un nouvel accord d'entreprise suppose l'adhésion du salarié'; or, en l'espèce, aucun avenant à ce sujet ne lui a été proposé.

- l'article L 3121-46 du code du travail prévoit l'organisation d'un entretien annuel individuel pour tout salarié ayant conclu une convention de forfait en jours sur l'année'; or, il n'a jamais bénéficié d'un tel entretien.

L'article L 3121-46 du code du travail, dans sa version en vigueur au 20 août 2008, applicable aux faits de l'espèce, prévoit qu'«'un entretien annuel individuel est organisé par l'employeur avec chaque salarié ayant conclu une convention de forfait en jours sur l'année. Il porte sur la charge de travail du salarié, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, ainsi que sur la rémunération du salarié'».

De même, l'accord collectif de substitution du 26 janvier 2010, qui est valide (procès-verbal de validation de la commission sociale paritaire) prévoit expressément en son article 3.3.2. (IV) «' un entretien annuel sera organisé avec le personnel bénéficiant d'une convention de forfait annuel en jours qui donnera lieu à la rédaction d'un document écrit dont la finalité sera':

- d'évoquer l'amplitude de ses journées de travail et la charge de travail

- d'aborder l'articulation entre activité professionnelle et vie personnelle et familiale et plus, généralement, d'échanger sur l'organisation du travail dans l'entreprise et de détecter les éventuelles problématiques rencontrées dans l'accomplissement de ses fonctions

- d'évaluer ses performances au cours de l'année écoulée

- d'apprécier le niveau de réalisation de ses objectifs

de fixer les objectifs à atteindre pour l'année à venir et le cas échéant, de définir les moyens pour y parvenir

- de recueillir ses demandes en termes d'évolution de compétences et/ou de formation

- d'aborder les questions relatives à sa rémunération ».

En l'espèce, la société DJO France, sur laquelle pèse la charge de la preuve de l'existence de ses entretiens annuels individuels au bénéfice de Monsieur X... est défaillante sur ce point. Aucun entretien n'est produit aux débats alors qu'il est expressément prévu qu'ils feront l'objet d'un écrit.

Or, le non-respect par l'employeur des clauses de l'accord collectif destiné à assurer la protection de la sécurité et de la santé des salariés soumis au régime du forfait en jours prive d'effet la convention de forfait.

Il en résulte que Monsieur X... est fondé à soutenir le caractère illicite de la convention de forfait en jours à laquelle il était soumis dans le cadre de son contrat de travail. Dès lors, que celle-ci est dépourvue de tout effet, il est en droit de solliciter paiement des heures supplémentaires qu'il aurait effectuées et qui ne lui auraient pas été rémunérées, sous réserve des règles applicables en la matière.

Sur les heures supplémentaires

En cas de litige relatif à l'existence et au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments.

En l'espèce, Monsieur X... formule une demande de paiement d'heures supplémentaires d'une part, pour la période courant du mois de juillet 2014 (semaine 27) jusqu'à la rupture de son contrat de travail intervenue sous la date du 2 décembre 2015, d'autre part pour la période antérieure, dans les limites de la prescription, c'est à dire de fin janvier 2013 à la semaine 26 de l'année 2014.

Il fait valoir que le décompte de ses heures de travail permet de mettre en évidence, pour cette période, 730 heures supplémentaires représentant une somme de 105'343 euros, outre les congés payés y afférents.

A l'appui de ses prétentions, il produit aux débats':

- un listing informatique établi pour les besoins de la cause reconstituant ses horaires de travail à compter de la semaine 27 jusqu'à la semaine 49 (annexe 4)

- un planning informatique portant sur un mois type (190 heures prestées soit 45 heures/ semaine).

Ces pièces sont, cependant, insuffisantes à étayer la demande d'heures supplémentaires de Monsieur X....

D'une part, le salarié procède par extrapolation, ce qui est impossible en matière de demande de paiement d'heures supplémentaires. Il effectue des moyennes hebdomadaires d'heures supplémentaires. D'autre part, son décompte d'heures supplémentaires à la semaine (annexe 4) établi pour les besoins de la cause et donc non contemporain des faits est totalement imprécis, et approximatif, il ne comporte, notamment, aucune indication sur les heures d'embauche, de débauche et par conséquent, sur l'amplitude horaire quotidienne de travail de Monsieur X....

De même, son annexe 37 est un «'mois type'» de travail comportant une durée de travail pour chaque mission exécutées par le salarié (par ex': 24 h pour le mangement des équipes comptables, 2h pour la mise en place de procédures de gestion et indicateurs, 4 h pour superviser les contentieux, 2 h pour superviser la paie').

Enfin, il résulte de l'instruction locale de travail, page 4 article 3.2, dont le salarié ne conteste pas avoir eu connaissance que «'toute heure supplémentaire effectuée, comme toute demande d'absence, doit faire l'objet d'une demande préalable auprès du supérieur hiérarchique par le formulaire 1'000. 106 ' Demandes heures supplémentaires et absence exceptionnelles.

Ce document doit être signé par le demandeur ainsi que par son responsable et transmis à la comptabilité pour établissement de la fiche de paie'».

Monsieur X... ne démontre pas avoir respecté cette procédure.

Il en résulte que les pièces produites aux débats par Monsieur X... ne pouvant être considérées comme constituant un justificatif suffisamment probant des horaires de travail qu'il aurait effectivement effectués, celui-ci ne pourra qu'être débouté de ses prétentions de ce chef ainsi que de toutes demandes en lien avec celles-ci, demande de congés payés, de repos compensateur, d'indemnisation sur le fondement du travail dissimulé.

Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

Il convient d'ordonner la remise à Monsieur X... d'un certificat de travail, et d'une attestation Pôle Emploi dûment rectifiés au regard de la présente décision.

La société DJO France, qui succombe partiellement dans ses prétentions, sera condamnée aux entiers dépens. Il n'apparaît pas inéquitable de lui laisser la charge de ses frais irrépétibles.

Par contre, il apparaît équitable d'allouer à Monsieur X... une indemnité de 1'200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant contradictoirement, en dernier ressort et par mise à dispositions au greffe

CONFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de BAYONNE du 24 février 2017 en ce qu'il a débouté Monsieur X... de ses demandes au titre du bonus 2015, des heures supplémentaires, des congés payés, des repos compensateurs et du travail dissimulé et en ce qu'il a déclaré privée d'effet la convention de forfait en jours faute de respecter les conditions de validité prévues dans l'accord collectif de substitution

L'INFIRME pour le surplus

ET STATUANT A NOUVEAU

DIT QUE le licenciement de Monsieur X... est dépourvu de cause réelle et sérieuse

CONDAMNE la société DJO France à payer à Monsieur X... les sommes suivantes:

- 40'059 euros à titre d'indemnité de préavis, outre la somme de 4'005,90 euros au titre des congés payés y afférents

- 32'047 euros à titre d'indemnité de licenciement

- 80'200 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse

ORDONNE la remise par la société DJO France à Monsieur X... d'un certificat de travail et d'une attestation Pôle Emploi rectifiés au regard de la présente décision

DEBOUTE Monsieur X... du surplus de ses prétentions

CONDAMNE la société DJO France aux entiers dépens ainsi qu'à payer à M. X... une indemnité de 1'200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

DEBOUTE la société DJO France de ses prétentions au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Arrêt signé par Madame THEATE, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE,LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17/01104
Date de la décision : 22/11/2018

Références :

Cour d'appel de Pau 3S, arrêt n°17/01104 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-11-22;17.01104 ?
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