DT/SB
Numéro 18/4343
COUR D'APPEL DE PAU
Chambre sociale
ARRÊT DU 22/11/2018
Dossier : N° RG 16/04318 - N° Portalis DBVV-V-B7A-GM4G
Nature affaire :
Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution
Affaire :
SARL OUATECO
C/
[J] [J]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 22 Novembre 2018, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 05 Septembre 2018, devant :
Madame THEATE, Président
Madame COQUERELLE, Conseiller
Madame NICOLAS, Conseiller
assistées de Madame HAUGUEL, Greffière.
Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTE :
SARL OUATECO
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par la SELARL THEMIS - V GUADAGNINO & ASSOCIÉS, avocats au barreau de BAYONNE et Maître ROUSSEL, avocat au barreau de BAYONNE
INTIME :
Monsieur [J] [J]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représenté par la SELARL SAVARY-GOUMI, avocats au barreau de MONT-DE-MARSAN
sur appel de la décision
en date du 22 NOVEMBRE 2016
rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DEPARTAGE DE DAX
RG numéro : F 15/00215
FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
La SARL OUATECO (l'employeur) a pour activité principale la fabrication de ouate de cellulose à partir de journaux issus du recyclage, et la vente de ce produit à des entreprises d'isolation des bâtiments. Elle emploie moins de 11 salariés.
Par contrat à durée indéterminée à temps complet du 10 décembre 2009, elle a engagé Monsieur [J] [J] (le salarié) en qualité d'opérateur sur ligne niveau II, échelon 3, coefficient 160, moyennant une rémunération de 1.500 € bruts par mois.
Au mois d'octobre 2010, le salarié a été promu chef de production niveau III échelon 2 coefficient 185 et son salaire porté à 1.690,97 €, pour 35 heures hebdomadaires. En dernier lieu son salaire mensuel s'élevait à 1.741,70 € bruts.
Il a été placé en arrêt de travail du 26 mars 2012 au 2 avril 2012 .
Les 17 avril et 18 mai 2013, il a fait l'objet d'avertissements.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 22 novembre 2013, Monsieur [J] [J] a été convoqué à se présenter le 6 décembre 2013 à un entretien préalable à son licenciement.
L'employeur lui a notifié son licenciement, pour motif personnel, par lettre recommandée avec accusé de réception du 12 décembre 2013. Le contrat de travail a pris fin le 16 avril 2014, à l'issue du délai de préavis de deux mois.
Le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Dax, le 14 août 2014, pour faire annuler le licenciement prononcé à son encontre en raison du harcèlement moral dont il déclarait avoir été victime, subsidiairement, faire déclarer ce licenciement sans cause réelle et sérieuse et obtenir la condamnation de l'employeur au paiement des indemnités consécutives, outre le versement d'une indemnité de procédure de 3.000 € .
La tentative de conciliation ayant échoué, l'affaire et les parties ont été renvoyées devant la formation de jugement, où le demandeur a maintenu l'intégralité des prétentions initiales. La SARL OUATECO a conclu au débouté du demandeur de l'intégralité de ses prétentions, subsidiairement à la réduction des montants réclamés et à la condamnation de Monsieur [J] [J] aux dépens et au versement d'une indemnité de procédure de 3.000 €.
Par jugement du 22 novembre 2016, auquel il conviendra de se reporter pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, le juge départiteur du conseil de prud'hommes de Dax, section industrie, après avis des conseillers présents a :
* dit que Monsieur [J] [J] avait été exposé par son employeur à un harcèlement moral ;
* condamné en conséquence la SARL OUATECO à lui payer la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement ;
* dit que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse ;
* condamné en conséquence la SARL OUATECO à payer à Monsieur [J] [J] les sommes de :
- 10.500 € au titre de ses 'diverses indemnités de licenciement', avec intérêts au taux légal à compter du 25 août 2014, date de réception de la convocation de l'employeur à la séance de conciliation ;
- 2.000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ou en réparation de son préjudice moral, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement ;
* limité l'exécution provisoire à l'exécution provisoire de droit ;
* condamné la SARL OUATECO à verser à Monsieur [J] [J] la somme de 1.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.
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Par déclaration transmise par voie électronique le 15 décembre 2016, l'avocat de la SARL OUATECO a fait appel de ce jugement, au nom et pour le compte de sa cliente.
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Par conclusions transmises par voie dématérialisée le 28 mars 2018, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, la SARL OUATECO demande à la cour de réformer le jugement dont appel en ce qu'il a dit que le salarié avait été exposé à un harcèlement moral et que la rupture du contrat de travail était dépourvue de cause réelle et sérieuse. Il demande à la cour, statuant à nouveau :
* de juger que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse ;
* de débouter en conséquence Monsieur [J] [J] de l'intégralité de ses prétentions ;
* de le condamner au paiement d'une indemnité de procédure de 3.500 € outre les entiers dépens.
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Par conclusions transmises par voie dématérialisée le 27 mars 2018, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, Monsieur [J] [J] demande à la cour de confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a :
* dit que le salarié avait été exposé par son employeur à un harcèlement moral ;
* condamné en conséquence la SARL OUATECO à lui payer la somme de 10.000 € à titre de dommages-intérêts et de 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile outre les dépens ;
* de l'infirmer pour le surplus ;
Et statuant à nouveau :
* de juger le licenciement nul, et de condamner la SARL OUATECO à lui payer la somme de 25.000 € à titre de dommages et intérêts sur le fondement du licenciement nul ;
* subsidiairement, de déclarer le licenciement sans cause réelle et sérieuse et de condamner la SARL OUATECO à lui payer les sommes de :
- 25.000 € à titre de dommages et intérêts sur le fondement du licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- 5.000 € à titre de dommages et intérêts en raison du caractère abusif vexatoire du licenciement ;
En tout état de cause :
* de dire que ces sommes sont productives d'intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil des prud'hommes de DAX le 14 août 2014;
* d'ordonner la rectification des documents de fin de contrat sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter du prononcé de la décision ;
* de débouter la SARL OUATECO de l'intégralité de ses prétentions ;
* de condamner la SARL OUATECO au paiement d'une indemnité de procédure de 3.000 € outre les entiers dépens.
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L'ordonnance de clôture porte la date du 29 mars 2018.
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MOTIFS
Sur le harcèlement moral
Le harcèlement moral est caractérisé par des agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits du salarié et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Il résulte des dispositions des articles L.1152-1, L.1152-2 et L.1154-1 du code du travail, que dès lors que le salarié présente des éléments de faits laissant supposer l'existence d'un harcèlement, il appartient à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
A cet égard Monsieur [J] [J] fait état :
* à partir de 2012, de pratiques managériales pathogènes, d'ordres contradictoires ainsi que de critiques et avertissements infondés d'autant plus inacceptables qu'aucune fiche de poste ne lui avait été remise ;
* d'une surveillance accrue et permanente ;
* d'une très lourde charge de travail et d'un rythme très élevé ( travail de deux opérateurs) ;
* d'une discrimination par rapport : aux horaires de travail ( 20 minutes de travail supplémentaires par rapport aux autres), à la rémunération (absence d'augmentation de salaire quand d'autres en bénéficiaient), aux congés payés (périodes imposées), ou à des tâches dévalorisantes (nettoyage hebdomadaire de l'atelier jusqu'en 2013) ;
* de la suppression d'outils de travail ( téléphone professionnel et ligne Internet coupée à son retour d'arrêt maladie) ;
* de critiques et brimades permanentes devant le personnel de l'entreprise ;
qu'il déclare établir par des attestations concordantes.
Selon Monsieur [J] [J], d'autres salariés victimes des mêmes agissements, ont rapidement quitté l'entreprise (quatre des cinq commerciaux engagés et deux stagiaires qui ont décidé d'interrompre leur stage) ce qui explique le turn-over très important de cette entreprise.
Ces agissements ont fini par porter atteinte à sa santé (épisode dépressif grave, médicalement traité et désordres somatiques) puis provoquer son effondrement psychique à l'annonce de la mise en place de la procédure de licenciement ce que démontrent les certificats médicaux produits. Il demande en conséquence à la cour de prononcer la nullité de son licenciement et de l'indemniser du préjudice subi.
L'employeur considère à l'inverse que le salarié ne rapporte aucun élément de fait laissant présumer qu'il a été victime de tels agissements. Il rappelle que le simple exercice du pouvoir de direction ne peut constituer un élément de fait caractérisant un harcèlement moral, et ce, même si le salarié n'accepte pas les remontrances qui lui sont faites.
Pour la SARL OUATECO, les avertissements donnés, dont elle relève que le salarié ne demande pas l'annulation, étaient motivés et fondés. Il s'agissait de sanctionner :
* la première fois : le non respect des consignes ;
* la seconde, la prise d'une pause cigarette non autorisée pendant le temps de travail.
L'employeur conteste la surcharge de travail alléguée par Monsieur [J] [J], la ligne de production sur laquelle il était affecté fonctionnant à 75 % de ses capacités, et ses collègues de travail se plaignant d'un déséquilibre par rapport à leur propre charge. Quant aux heures supplémentaires prétendument réalisées, aucune preuve n'en est rapportée.
Les griefs invoqués par Monsieur [J] [J] sont les mêmes que ceux dont il avait fait état en première instance. Pris dans leur ensemble, ils sont susceptibles de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral pour peu qu'ils soient établis.
Cependant la charge excessive de travail et les ordres contradictoires allégués ne reposent que sur les allégations du salarié, les exemples qu'il cite faisant à l'inverse la démonstration de l'absence de contradiction et de la déformation par le salarié des propos de l'employeur : ainsi des consignes données à Monsieur [J] [J] de ne pas faire attendre les transporteurs pour les déchargements et de les orienter vers les bureaux pour toute question administrative, de mauvaise foi présentées par Monsieur [J] [J] comme contradictoires.
Les autres éléments invoqués reposent essentiellement sur les attestations produites : celles de Madame [L] [Z], qui a occupé un poste d'assistante commerciale du 04 février 2013 au 23 avril 2014 date de son licenciement ; de Madame [W] [Q] stagiaire d'avril à juin 2013 au sein de l'entreprise OUATECO ; de Madame [Y] [R] qui a également effectué un stage de fin d'étude dans cette entreprise au début de l'année 2011 et de Monsieur [O] [C] opérateur qui a fait l'objet d'un licenciement économique.
Ces attestations ont cependant pour principal objet de décrire les difficultés que leurs rédacteurs (et rédactrices) ont personnellement rencontrées avec Monsieur [F] [P] gérant de la SARL OUATECO. Tel est notamment le cas de l'attestation de Monsieur [C] qui évoque exclusivement les 'brimades' dont il affirme avoir été lui-même victime sans jamais évoquer la situation de Monsieur [J] [J], en sorte que cette attestation ne peut être retenue pour justifier les éléments de fait allégués par ce dernier pour son propre compte.
Madame [Y] [R] elle ne faisait plus partie de l'entreprise lorsque, selon Monsieur [J] [J], les agissements 'pathogènes' de l'employeur ont débuté (2012) puisqu'elle a quitté la SARL OUATECO au mois de juin 2011. Son attestation est en conséquence également inopérante.
Quant à Mesdames [Z] et [Q] qui, pour la partie de leurs attestations relatives aux conditions de travail du salarié - dont elles soulignent les qualités humaines et professionnelles - dénoncent :
* les 'critiques systématiques et injustifiées' du travail fourni par Monsieur [J] [J], les emportements du gérant de l'entreprise à son encontre et ses propos désobligeants ;
* les interruptions 'incessantes' de ses pauses et la 'pression' exercée à son encontre ;
* la circonstance que le gérant de la SARL OUATECO lui ait demandé de 'décharger' son véhicule ;
outre la partialité, et en tous cas la subjectivité qu'elles révèlent ('Monsieur [P] m'avait demandé d'éviter de discuter avec Monsieur [J] [J] pendant les pauses déjeuner mais aussi de ne pas divulguer des informations concernant l'entreprise. L'objectif de cette démarche étant de faire en sorte qu'il se sente exclu'..... 'Monsieur [J] [J] était vraiment dénigré au point qu'il n'était informé des visites d'usine des personnes extérieures qu'au dernier moment' ) ne constituent pas des éléments de preuve fiables en raison de :
* la généralité et l'imprécision des accusations portées à l'encontre de Monsieur [F] [P] ('mépris', 'discrimination', 'pression', 'humiliations') qui ne reposent sur aucun fait précis et circonstancié, ou l'absence de cohérence entre les accusations portées et les faits cités pour les étayer (voir ci-dessus l'exemple de 'dénigrement' donné par Mme [Q]) les privant dès lors de valeur probante ;
* des propos évasifs et contradictoires en particulier sur les temps de pauses dont il sera rappelé qu'à deux reprises (et en particulier dans la lettre de licenciement ) l'employeur a fait reproche à Monsieur [J] [J] de ne pas les respecter.
Quant aux critiques (systématiquement qualifiées 'd'injustifiées') sur la qualité du travail fourni par le salarié, responsable de production, il est manifeste qu'aucune de ces salariées (une étudiante ayant effectué un stage de trois mois dans l'entreprise, une attachée commerciale) n'avait la compétence requise pour émettre un avis pertinent de ce chef et ce d'autant moins que là encore ces appréciations ne sont fondées sur aucun fait précis.
Or si les nombreux rappels à l'ordre, répétition de consignes, mises en garde effectivement adressés au salarié ont certainement contribué à créer un 'climat de tension' tel que relevé par le premier juge, cette situation ne peut suffire à établir l'existence de faits laissant présumer un harcèlement moral dès lors que ces interventions de l'employeur sont justifiées par les carences du salarié.
A cet égard, les deux avertissements dont Monsieur [J] [J] a fait l'objet les 17 avril 2013 et 28 mai 2013, et qu'il n'a contesté que les 28 novembre et 4 décembre 2013 (soit après notification de sa convocation à l'entretien préalable à son licenciement), visent des faits dont la matérialité n'est pas discutée. Il s'agit pour le premier d'un échantillon qui aurait été jeté en dépit des consignes données, fait que ne conteste pas l'intimé mais dont il impute la responsabilité à l'un de ses subordonnés, pour l'autre d'une 'pause cigarette' hors des temps de pause que le salarié revendique, estimant qu'au regard de ses attributions il est en droit de 'fumer une cigarette le matin vers 11 heures et une l'après-midi vers 16 heures'.
Cependant et à supposer même que la disparition de l'échantillon, reprochée par l'employeur, soit imputable à l'un de ses subordonnés comme Monsieur [J] [J] l'affirme sans preuve, il lui appartenait, en tant que responsable, non seulement de respecter les consignes mais aussi de les faire respecter par les salariés placés sous ses ordres, en sorte que ses explications sont à ce titre, sans emport.
Quant aux 'pauses cigarette', les explications données confirment que les consignes données ont été sciemment et délibérément enfreintes confortant ainsi l'attestation de Mme [U] [N], responsable administrative et financière: '(...)Monsieur [J] [J] ne respectait pas ces consignes, il prenait sa pause lorsqu'il le souhaitait, au-delà du temps réglementaire de travail, allant ainsi à l'encontre des règles de sécurité de façon volontaire. A plusieurs reprises, M. [P] a dû intervenir car Monsieur [J] [J] refusait d'appliquer les consignes que je lui donnais(...)'.
S'agissant des remontrances verbales dont il faisait l'objet dans l'exécution de son travail, Monsieur [J] [J] fait valoir, de manière assez contradictoire, tantôt qu'elles étaient 'injustifiées', tantôt qu'elles s'expliquaient par le fait qu'aucune fiche de poste ne lui avait été remise laissant ainsi entendre que ses insuffisances étaient dues à une absence d'information ou de formation. Cependant il suffit de prendre connaissance de la pièce n°3 produite par Monsieur [J] [J] dans laquelle il décrit l'ensemble des apports techniques que lui doit l'entreprise, ses réalisations en matière d'organisation de la production du stockage et de la maintenance voire sa participation à l'élaboration des projets du gérant ('nous avons eu à déplorer de gros problèmes liés au démarrage qui ont, par la suite, été résolus par les différentes améliorations que j'ai apportées, en collaboration avec la société MAKRON') pour constater que, loin d'ignorer les tâches qui lui incombaient, Monsieur [J] [J] était parfaitement informé de la consistance et de l'étendue des missions d'un chef de production et qu'il était convaincu de maîtriser les compétences à mettre en oeuvre pour les accomplir.
Quant au nettoyage de l'usine et aux déchargements, dont il ressort de la lettre du 17 avril 2013 de l'employeur qu'il était précisément reproché au salarié de ne pas y participer assez fréquemment, il ne s'agissait pas d'une tâche 'dévalorisante' mais d'un travail demandé à tous les salariés affectés à la 'production' dans une petite entreprise dont l'effectif total était inférieur à 10 personnes. Dans ce contexte, la participation requise de Monsieur [J] [J] à ces travaux ne peut être considérée comme susceptible de caractériser un harcèlement moral.
S'agissant de la 'discrimination' et plus précisément de la différence de traitement dont Monsieur [J] [J] affirme avoir été victime, il apparaît qu'un seul salarié affecté à la production a effectivement perçu une augmentation réduite de salaire (63,82 €/par mois) ce qui relève du pouvoir de direction de l'employeur, et qu'un salarié faisant l'objet de rappels réitérés des consignes ne saurait considérer comme significatif d'une différence injustifiée de traitement.
Quant aux congés d'été, ils ont été pris par l'ensemble du personnel au cours de la période de fermeture de l'entreprise, ce qui là encore ne constitue nullement un agissement répréhensible imputable à l'employeur.
Monsieur [J] [J] invoque ensuite un 'turn-over' important des salariés de l'entreprise. Il ne peut toutefois inclure comme il le fait dans cette rotation, les deux stagiaires (Mesdames [R] et [Q]) dont le stage a en effet été écourté mais pour des motifs tenant à leur comportement dont se sont excusés leurs maîtres de stage. Il ressort en outre des pièces que Mme [Z] a été licenciée pour motif personnel, l'extrême brièveté du passage d'autres salariés dans l'entreprise (moins de trois mois) à des dates non précisées étant équivoque.
S'agissant enfin de la dégradation de l'état de santé du salarié, si elle est réelle, rien ne permet de dire qu'elle soit imputable à l'employeur, alors même :
* que ses demandes pour une prise en charge au titre de la législation professionnelle ont été rejetées par la Caisse primaire d'assurance maladie,
* que Monsieur [J] [J] était affecté de pathologies sans rapport manifeste ou démontré avec son activité professionnelle (pièce n° 44 du salarié),
* qu'il reconnaît avoir dû faire face à des événements familiaux gravement éprouvants et que plusieurs années après son licenciement son état de santé mentale nécessitait la mise en place d'un suivi médical (pièce n° 43 de Monsieur [J] [J]).
Les agissements reprochés à la SARL OUATECO n'étant pas établis, ou étant justifiés par l'employeur, la décision dont appel qui a jugé le contraire est infirmée et la demande de dommages et intérêts de Monsieur [J] [J], rejetée.
Sur le licenciement
Faute de harcèlement moral, la demande de Monsieur [J] [J] tendant à faire prononcer la nullité de son licenciement est sans objet.
Monsieur [J] [J] a été licencié le 12 décembre 2013 pour 'non respect des consignes qu'il vous appartient d'appliquer', à savoir :
* le 14 novembre 2013 : la pause de 12 heures que Monsieur [J] [J] n'a pas respectée ;
* le 14 novembre 2013 encore : l'absence de vérification sur le tableau de contrôle des 'codes de traçabilité' lesquels ne correspondaient pas à la production en cours ;
* le 23 octobre 2013 : le démarrage avec retard de la ligne de production.
Sur ces trois griefs le premier juge a estimé que seul le premier - reconnu par le salarié - était établi (mais a jugé qu'il s'agissait d'un motif insuffisant).
De fait non seulement Monsieur [J] [J] n'a jamais contesté le non respect du temps de la pause méridienne mais les précédents développements ont démontré qu'il ne s'agissait pas d'un premier manquement de cet ordre et qu'il avait déjà fait l'objet de mise en garde pour ce motif (pièce n° 28 de l'employeur : attestation de Mme [N]).
Dans ce contexte les explications données par Monsieur [J] [J] (et non établies) sur la nécessité de se maintenir à son poste pour atteindre les objectifs de production du jour sont inopérantes, et le manquement du salarié aux règles impératives du Code du travail certainement établi.
S'agissant de l'absence de contrôle des codes de traçabilité, la SARL OUATECO produit à hauteur d'appel, l'attestation de Monsieur [R] [F], responsable de recherche et Développement Qualité, engagé en 2010, qui confirme :
* que les contrôles de ces codes 'font partie de la mission de responsable de production' et sont nécessaires au maintien des certifications de l'entreprise indispensables à la poursuite de son activité ;
* qu'à son arrivée dans la SARL OUATECO les registres n'étaient pas conformes à la procédure établie dans le manuel qualité de l'entreprise et ne permettaient pas de prétendre au maintien de ces certifications ;
* qu'un travail approfondi a dû être effectué 'pour reconstituer les registres de contrôle sur l'année 2012 et 2013, ce qui a demandé un travail de plusieurs semaines' dont il déduit que Monsieur [J] [J], qui était responsable de ces contrôles, n'a pas 'respecté la demande de l'entreprise et du CSTB attaché à la mission de responsable de production'.
Cependant ce manquement 'généralisé' et concernant indistinctement la période 2010 à '2013" n'est pas celui qui est visé dans la lettre de licenciement (laquelle fixe les limites du litige) et qui ne porte que sur un seul incident prétendument survenu le 14 novembre 2013 que le salarié conteste et dont la SARL OUATECO ne rapporte pas la preuve.
La réalité du second grief n'est donc pas établie.
Quant au démarrage avec retard (une heure) de la ligne de production, le 23 octobre 2013 enfin, Monsieur [J] [J] ne le conteste pas et l'impute - comme le non-respect de la pause méridienne - au retard 'd'un intérimaire'. Il soutient cependant que ce motif ne peut justifier son licenciement dans la mesure où il n'a eu aucune répercussion sur la production de la journée.
Cependant le non-respect de la consigne est avéré (non-respect de l'horaire de travail)et illustre l'insubordination récurrente du salarié, l'explication qu'il en donne n'est ni prouvée ni pertinente et l'incidence sur la production du jour est, contrairement à ses allégations, démontrée (pièce n° 59 de l'employeur). Le grief est en conséquence fondé.
Les manquements avérés de Monsieur [J] [J] aux règles relatives aux temps de pauses et à l'horaire de travail, sont des motifs réels et sérieux de licenciement et ce d'autant plus que le salarié avait déjà été sanctionné dans le passé pour non respect des consignes de l'employeur.
Il y a donc lieu d'infirmer le premier juge qui a déclaré le licenciement sans cause réelle et sérieuse et accordé au salarié des dommages et intérêts à ce titre.
Sur le caractère abusif et vexatoire du licenciement
Même fondé sur une cause réelle et sérieuse, un licenciement peut donner lieu à indemnisation, si les conditions et/ou formes de ce licenciement peuvent être reprochées à l'employeur et causent préjudice au salarié licencié.
En l'occurrence Monsieur [J] [J] fait valoir :
* que le licenciement n'est que l'ultime illustration du contexte de harcèlement moral qu'il a subi ;
* la futilité des motifs invoqués par l'employeur.
Cependant ni le harcèlement moral ni le licenciement abusif n'ayant été retenus, la demande d'indemnisation qui n'est au demeurant pas distincte de celles formées de ces deux chefs, apparaît dépourvue de fondement.
Le jugement dont appel est en conséquence également infirmé sur ce point.
Sur les demandes annexes
Il appartient à Monsieur [J] [J] qui succombe de supporter la charge des dépens de première instance et d'appel. Ni les circonstances du litige ni la situation économique et financière respective des parties ne justifient l'application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile. Les demandes respectives des parties à ce titre sont en conséquence rejetées.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement contradictoirement en dernier ressort et par arrêt mis à disposition au greffe :
INFIRME le jugement dont appel en toutes ses dispositions ;
ET STATUANT À NOUVEAU :
DÉBOUTE Monsieur [J] [J] de l'ensemble de ses demandes ;
LE CONDAMNE aux dépens de première instance et d'appel ;
REJETTE les demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Arrêt signé par Madame THEATE, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE,LA PRÉSIDENTE,