MHD/CD
Numéro 18/04025
COUR D'APPEL DE PAU
Chambre sociale
ARRÊT DU 08/11/2018
Dossier : N° RG 15/03833
Nature affaire :
A.T.M.P. : demande relative à la faute inexcusable de l'employeur
Affaire :
SA ÉLECTRICITÉ DE FRANCE
C/
[X] [X]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 08 Novembre 2018, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 04 Juillet 2018, devant :
Madame THEATE, Président
Madame COQUERELLE, Conseiller
Madame DIXIMIER, Conseiller
assistées de Madame HAUGUEL, Greffière.
Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTE :
SA ÉLECTRICITÉ DE FRANCE
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par la SCP CAPSTAN AVOCATS, avocats au barreau de TOULOUSE
INTIMÉ :
Monsieur [X] [X]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 1]
Comparant, assisté de la SCP MICHEL LEDOUX & ASSOCIÉS, avocats au barreau de PARIS
sur appel de la décision
en date du 07 AOÛT 2015
rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DÉPARTAGE DE MONT DE MARSAN
RG numéro : F 13/00200
FAITS ET PROCÉDURE
Jusqu'en 1992, la SA EDF a exploité une centrale de production thermique, située sur le site [Localité 2], destinée à la production d'énergie électrique.
Cet établissement était alimenté par le lignite, roche sédimentaire organique, extrait du sous-sol et d'une mine à ciel ouvert située à [Localité 2].
Embauché par la SA EDF en tant qu'agent titulaire d'Electricité de France, le 15 mars 1976, soumis au statut national du personnel des industries électriques et gazières, issu du décret n° 46-1541 du 22 juin 1946 et relevant du régime spécial de la sécurité sociale applicable (IEG).
Monsieur [X] [X] a successivement occupé les postes suivants :
- conducteur d'appareils, du 15 mars 1976 au 31 octobre 1979, sur la mine [Localité 2],
- ouvrier professionnel du 1er novembre 1979 au 30 juin 1980, sur la centrale [Localité 2],
- agent technique du 1er juillet 1981 au 31 octobre 1982, sur la centrale [Localité 2],
- technicien maintenance du 1er novembre 1982 au 30 décembre 1990, sur la centrale [Localité 2], puis au CNPE [Localité 3],
- contremaître du 1er janvier 1991 au 30 juin 1993 au CNPE [Localité 3],
- préparateur maintenance du 1er juillet 1993 au 30 avril 2003, au CNPE [Localité 3].
Il a pris sa retraite courant de l'année 2003.
Estimant avoir été indûment exposé à l'inhalation de poussières de produits cancérogènes, mutagènes, reprotoxiques (ci-après CMR) et agents chimiques dangereux, au cours de sa carrière professionnelle, sans mise en 'uvre effective par l'employeur des moyens de protection adaptés pour supprimer ou réduire le risque en contradiction avec des mesures légales et réglementaires sur l'hygiène et la sécurité, il a saisi, par requête du 17 juin 2013, le conseil de prud'hommes de Mont de Marsan, section industrie, aux fins de voir condamner l'employeur au paiement de diverses sommes, en réparation de son préjudice d'anxiété, de son préjudice découlant du bouleversement dans les conditions d'existence, et en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à la délivrance de l'attestation aux agents CMR et agents chimiques dangereux conforme aux dispositions des articles D. 461-25 du code de la sécurité sociale et R. 4412-58 du code du travail assortie d'une astreinte de 80 euros par jour de retard.
La tentative de conciliation s'étant révélée vaine, l'affaire et les parties ont été renvoyées devant la formation de jugement au 27 novembre 2014.
Par procès-verbal de partage de voix en date du 26 février 2015, l'affaire a été renvoyée devant le conseil de prud'hommes présidé par le juge départiteur à l'audience du 28 mai 2015.
Par jugement du 7 août 2015, auquel il convient de se reporter pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, le conseil de prud'hommes de Mont de Marsan, présidé par le juge départiteur, a :
* condamné la SA EDF à verser à Monsieur [X] [X] la somme de 3.010,41 € à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter de la décision ;
* condamné la SA EDF à remettre à Monsieur [X] [X] l'attestation d'exposition à des agents cancérogènes prévue par l'article D. 461-25 du code de la sécurité sociale et l'attestation d'exposition aux agents chimiques dangereux prévues par l'ancien article R. 4412-58 du code du travail arrêtée au 30 janvier 2012, le tout dans un délai de trois mois suivant la signification de la décision et passé ce délai sous astreinte de 25 € par jour de retard ;
* condamné la SA EDF à verser à Monsieur [X] [X] la somme de 300 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
* dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la SA EDF ;
* condamné la SA EDF aux entiers dépens,
* dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la décision,
Par lettre recommandée adressée au greffe, en date du 27 octobre 2015, le conseil de la SA EDF a interjeté appel de cette décision, dans des conditions de recevabilité qui ne sont pas discutées par les parties.
Par lettre recommandée adressée au greffe en date du 03 novembre 2015, le conseil de Monsieur [X] [X] a interjeté appel de la décision dans des conditions de recevabilité qui ne sont pas discutées par les parties et l'a limité au montant des sommes allouées en réparation du préjudice d'anxiété.
L'ensemble des procédures a été joint par ordonnance en date du 21 janvier 2016.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par conclusions en date du 04 juillet 2018, reprises oralement à l'audience et auxquelles il y a lieu de se référer pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens, la SA EDF demande à la Cour :
* à titre principal :
* de réformer le jugement entrepris, en ce qu'il a alloué des dommages et intérêts pour préjudice d'exposition, ordonné la délivrance d'attestations d'exposition aux agents cancérogènes et aux agents chimiques dangereux, ainsi qu'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et condamné le défendeur aux dépens,
* de déclarer prescrite et irrecevable l'action indemnitaire de l'agent,
* de constater qu'elle ne relève pas des dispositions de l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998,
* de constater qu'elle a pris les mesures de prévention adaptées afin de protéger ses salariés,
* de constater que la preuve du manquement de la société EDF à son obligation de sécurité de résultat n'est pas rapportée,
* de constater que la preuve d'un préjudice indemnisable n'est pas rapportée,
* de constater l'absence de preuve d'un lien de causalité entre la faute prétendue et le préjudice allégué,
* de déclarer irrecevable ou injustifiée la demande de dommages et intérêts de l'agent en réparation d'un préjudice découlant d'une exposition à l'amiante, ainsi que celles présentées au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens,
* de constater qu'aucune obligation réglementaire en matière d'ACD n'était en vigueur au moment du départ de l'agent,
* de constater que la preuve d'une exposition aux produits cancérogène et chimique dangereux n'est pas rapportée,
* de débouter l'agent de sa demande de délivrance d'attestations d'exposition aux agents cancérogènes et aux agents chimiques dangereux,
* en tout état de cause,
* de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes de l'agent,
* de rejeter les demandes de l'agent contraires aux présentes écritures,
* de condamner l'agent à lui payer la somme de 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
* de condamner l'agent à supporter les entiers dépens.
Par conclusions en date du 04 juin 2018, reprises oralement à l'audience et auxquelles il y a lieu de se référer pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens, Monsieur [X] [X] demande à la Cour de :
* déclarer recevable et non prescrite l'action ;
* confirmer le jugement rendu le 7 août 2015 en ce qu'il a reconnu l'existence d'un préjudice d'exposition fautive et condamné la société EDF à lui verser, la somme de 300 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
* l'infirmer sur le quantum alloué.
* Statuant à nouveau,
* condamner la société EDF à lui verser, la somme de 15.000 €, en réparation de son préjudice lié à une exposition fautive à l'amiante,
* confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné EDF à remettre « l'attestation d'exposition à des agents cancérogènes prévue par l'article D. 461-25 du code de la sécurité sociale et l'attestation d'exposition aux agents chimiques dangereux prévues par l'ancien article R. 4412-58 du code du travail arrêté au 30 janvier 2012, le tout dans un délai de trois mois suivant la signification de la présente décision et passé ce délai sous astreinte de 25 € par jour de retard »,
* condamner la société EDF à lui verser la somme de 2.000 € supplémentaire au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
SUR QUOI
I - SUR LA PRESCRIPTION :
En application de l'article 2262 du code civil en vigueur jusqu'au 19 juin 2008 :
'Toutes les actions, tant réelles que personnelles, sont prescrites par 30 ans, sans que celui qui allègue cette prescription soit obligé d'en rapporter un titre ou qu'on puisse lui opposer l'exception déduite de la mauvaise foi'.
La loi du 17 juin 2008, applicable à compter du 19 juin 2008, portant réforme de la prescription, a réduit ce délai à cinq ans.
La loi du 14 juin 2013 qui a créé l'article L. 1471-1 du code du travail et réduit le délai d'action sur le fondement du contrat de travail à deux ans est entrée en vigueur à compter du 17 juin 2013 (jour de la saisine du conseil de prud'hommes).
Cependant, en application de l'article 2224 du code civil et en l'absence de dispositions spéciales contraires c'est 'à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer' que le délai de prescription applicable commence à courir.
De surcroît, selon l'article 2222 du même code et dans les mêmes conditions 'en cas de réduction de la durée du délai de prescription ou du délai de forclusion, ce nouveau délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure'.
En l'espèce, la discussion porte essentiellement sur le point de départ du délai de prescription. La SA EDF soutient en effet que Monsieur [X] [X] a eu connaissance avant 1983 du risque inhérent à l'inhalation de poussières d'amiante, que de ce fait, la prescription trentenaire ayant commencé à courir, au plus tard, le 31 décembre 1982, il pouvait agir jusqu'au 31 décembre 2012, qu'en conséquence, son action engagée le 17 juin 2013 est prescrite.
Cependant, elle ne produit aucun élément permettant d'établir, que le salarié avait une connaissance personnelle des faits litigieux avant le 17 juin 1983.
En effet, elle ne démontre pas que les notes, les rapports ou les circulaires, le carnet de prescription du personnel édition 1982 qu'elle verse aux débats, étaient diffusés à chacun des membres du personnel et notamment à Monsieur [X] [X].
De même, elle n'établit pas que les extraits des procès-verbaux du CHSCT des 18 février 1981 et 13 mai 1981 qu'elle produit et qui n'évoquent en fait aucun risque particulier lié à des substances dangereuses ou à l'amiante ont été effectivement communiqués personnellement au salarié qui a pu en prendre connaissance.
Il en découle que Monsieur [X] [X] n'a eu connaissance des risques liés à l'inhalation d'amiante qu'après le 17 juin 1983, en sorte que lors de l'entrée en vigueur le 19 juin 2008 de la loi du 17 juin 2008, le délai de prescription n'était pas expiré pas plus que le délai quinquennal ne l'était lors de l'entrée en vigueur de la loi du 14 juin 2013 (soit le 17 juin 2013).
En conséquence, faute pour elle de démontrer que lors de l'introduction de son action devant le conseil de prud'hommes, le salarié connaissait depuis plus de trente ans le risque mortel inhérent à l'inhalation d'amiante à l'origine du préjudice dont il sollicite la réparation, elle doit être déboutée de la fin de non-recevoir qu'elle soulève et Monsieur [X] [X] doit être déclaré recevable dans son action.
II - SUR L'INDEMNISATION DU PRÉJUDICE SUBI
L'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (ACAATA), créée par la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 de financement de la sécurité sociale pour 1999, a pour objectif de permettre aux travailleurs de l'amiante de partir de façon anticipée à la retraite, en compensant la perte éventuelle des droits à la retraite qu'ils peuvent subir, découlant d'un risque d'espérance de vie plus courte en raison de l'inhalation de fibres d'amiante.
Seuls peuvent prétendre au versement de cette prestation, les salariés travaillant ou ayant travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi précitée et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où l'amiante et des matériaux contenant de l'amiante étaient fabriqués et où traités.
De même, il est de jurisprudence désormais constante, que le préjudice moral résultant pour un salarié du risque de développer une maladie induite par son exposition à l'amiante est constitué par le seul préjudice d'anxiété dont l'indemnisation, qui n'est ouverte qu'au salarié qui a travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante, répare l'ensemble des troubles psychologiques résultant de la connaissance d'un tel risque.
Il en résulte que, sauf dans le cadre de la prise en charge d'une maladie professionnelle découlant d'une exposition à l'amiante, un salarié exposé à l'amiante dans une entreprise non listée ACAATA ne peut prétendre à l'indemnisation du préjudice d'anxiété qui recouvre l'ensemble des préjudices moraux et psychologiques résultant d'une exposition à l'amiante, y compris sur le fondement d'un manquement à l'obligation de sécurité de résultat de l'employeur.
En l'espèce, Monsieur [X] [X] ne conteste pas le fait qu'EDF ne soit pas classée ACAATA mais soutient que cette situation crée une inégalité de traitement en sa défaveur dans la mesure où, bien qu'exposé à l'amiante comme les salariés qui travaillaient au sein d'un établissement listé ACAATA, il ne peut pas, à la différence de ceux ci, être indemnisé de son préjudice d'anxiété.
Il maintient sa demande en réparation du préjudice d'anxiété et du préjudice résultant d'une exposition fautive à l'amiante (pages 9 et 81 de ses conclusions reprises oralement à l'audience) sur le fondement du droit commun de la responsabilité contractuelle - article 1147 du code civil pris dans sa numérotation ancienne - et sur les articles L. 4121-1 et suivants du code du travail.
Il soutient que ce préjudice est d'autant plus établi qu'en 2013, sur les 115 victimes de l'amiante qui avaient été employées au sein de la centrale [Localité 2], 33 sont décédées des suites d'une maladie professionnelle liée à ce matériau.
Il affirme que la faute de l'employeur au regard du manquement à l'obligation de sécurité de résultat se caractérise :
- d'une part, par une méconnaissance des mesures réglementaires sur l'hygiène et la sécurité qui a eu pour effet de l'exposer à un risque d'inhalation des poussières d'amiante, sans mise en 'uvre effective par l'employeur des moyens de protection adaptés pour supprimer ou réduire ce risque,
- d'autre part, par un défaut d'information sur les risques encourus alors que l'information était rendue obligatoire pour les entreprises utilisatrices d'amiante depuis le décret du 17 août 1977.
Il ajoute que la société EDF, du fait de son activité, ne pouvait ignorer la présence d'amiante sur le lieu de travail de ses salariés et était particulièrement avertie des dispositions légales et de l'état des connaissances scientifiques sur les graves maladies provoquées par ce matériau et ce, dès son embauche.
Cependant :
* dès lors qu'il a déjà été rappelé aux termes d'une jurisprudence constante :
- d'une part, le préjudice dit d'anxiété recouvre l'ensemble des préjudices moraux et psychologiques et/ou les troubles dans les conditions d'existence nés de l'exposition à l'amiante ;
- d'autre part, la réparation de ce préjudice 'spécifique' est réservée aux salariés ayant travaillé dans des entreprises listées ACAATA ;
* que par ailleurs, Monsieur [X] [X] n'a jamais été employé par une telle entreprise,
* qu'en outre, pour être mise en oeuvre la responsabilité contractuelle de droit commun impose, notamment la démonstration d'un préjudice réparable,
* qu'enfin, Monsieur [X] [X] invoque vainement le principe d'égalité de traitement qui ne peut se concevoir qu'entre salariés placés dans une situation identique ou similaire ce qui n'est précisément pas le cas des salariés ayant travaillé pour le compte d'une entreprise listée à l'ACAATA et de ceux dont l'employeur ne figure pas sur cette liste ;
L'intimé doit être débouté de sa demande d'indemnisation du préjudice qu'il qualifiait d'exposition en première instance et d'anxiété devant la cour.
Le jugement attaqué est donc infirmé.
III - SUR LA REMISE DES ATTESTATIONS AUX AGENTS CMR ET AGENTS CHIMIQUES DANGEREUX
La Société EDF s'oppose à la remise des attestations d'exposition aux agents cancérogènes et agents chimiques dangereux au motif que le salarié était parti à la retraite avant l'établissement de la réglementation applicable en l'espèce et que de surcroît, il s'abstiendrait de rapporter la preuve qu'il a été exposé aux produits litigieux.
Monsieur [X] [X], retraité depuis 2003, maintient sa demande formée contre EDF de remise des attestations d'exposition aux agents chimiques dangereux et aux CMR au motif qu'il incombe à l'employeur d'assurer la traçabilité des expositions aux agents chimiques dangereux, et ou agents cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction. Il précise que cette obligation relève de l'obligation générale de sécurité prévue par les dispositions de l'article L. 4121-1 et suivants du code du travail, dont l'employeur ne peut s'exonérer s'agissant, d'un principe général de prévention.
Il fonde sa demande sur les articles :
* D 461-25 du code de la sécurité sociale qui prévoit que :
'La personne qui au cours de son activité salariée a été exposée à des agents cancérogènes figurant dans les tableaux visés à l'article L. 461-2 du code de la sécurité sociale ou au sens de l'article R. 231-56 du code du travail et de l'article 1er du décret du 2 octobre 1986, peut demander, si elle est inactive, demandeur d'emploi ou retraitée, à bénéficier d'une surveillance médicale post-professionnelle prise en charge par la caisse primaire d'assurance maladie ou l'organisation spéciale de la sécurité sociale. (...) Cette surveillance est accordée par l'organisme mentionné à l'alinéa précédent sur production par l'intéressé d'une attestation d'exposition remplie par l'employeur et le médecin du travail',
* R. 4412-58 du code du travail pris dans sa rédaction antérieure au 30 janvier 2012.
Il conteste que la remise de ces attestations soit subordonnée à la preuve par le salarié de l'exposition à ces substances. Il ajoute que diverses notes internes à EDF-GDF rappelaient l'obligation de délivrer systématiquement des attestations d'exposition à un risque cancérogène à tout salarié, ayant occupé un emploi faisant partie de la liste des emplois exposés et qu'en tout état de cause, la société employeur ne peut se retrancher derrière l'absence d'outil d'information alors qu'elle dispose d'une matrice intitulée « MATEX » pouvant retracer toutes les expositions, poste par poste.
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L'attestation d'exposition a pour seul objet la prise en charge financière par les organismes de sécurité sociale de la surveillance médicale post-professionnelle des salariés.
Sa production permet ainsi :
- de faire procéder à des examens médicaux très réguliers sur la personne exposée afin de dépister précocement une éventuelle pathologie,
- de ne pas faire supporter aux salariés le coût important de ces examens automatiquement réalisés en cas d'exposition avérée.
L'obligation pour l'employeur de délivrer des attestations d'exposition s'est construite dans le code du travail de la façon suivante :
* le décret du 26 mars 1993, complété par son arrêté d'application du 28 février 1995, publié au Journal Officiel le 22 mars 1995 a créé l'article D. 461-25 du code de la sécurité sociale ainsi rédigé :
'La personne qui au cours de son activité salariée a été exposée à des agents cancérogènes au sens de l'article R. 231-56 du code du travail et de l'article 1er du décret n° 86-1103 du 2 octobre 1986 peut demander, si elle est inactive, demandeur d'emploi ou retraitée, à bénéficier d'une surveillance médicale post-professionnelle prise en charge par la caisse primaire d'assurance maladie ou l'organisation spéciale de sécurité sociale. Les dépenses correspondantes sont imputées sur le fonds d'action sanitaire et sociale.
Cette surveillance post-professionnelle est accordée par l'organisme mentionné à l'alinéa précédent sur production par l'intéressé d'une attestation d'exposition remplie par l'employeur et le médecin du travail.
Le modèle type d'attestation d'exposition et les modalités d'examen sont fixés par arrêté'.
* le décret du 4 janvier 1995 a élargi le champ d'application du texte aux situations d'exposition aux agents cancérogènes figurant dans les tableaux de maladie professionnelle visés à l'article L. 461-2 du code de la sécurité sociale.
* le décret du 1er février 2001, publié le 3 février 2001, au Journal Officiel, a établi les règles particulières de prévention des risques cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction en créant dans le code du travail, l'article R. 231-56-11 (ancienne numérotation) imposant à l'employeur notamment de délivrer au salarié une attestation d'exposition aux produits cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction.
* le décret du 23 décembre 2003, publié le 28 décembre 2003 au Journal Officiel, entré en vigueur le 1er juillet 2004 - premier jour du septième mois suivant la publication du présent décret au Journal Officiel - relatif à la prévention du risque chimique a étendu la délivrance de l'attestation aux agents chimiques dangereux, obligation reprise par l'article R. 4412-58 du code du travail après sa recodification qui prévoyait que 'une attestation d'exposition aux produits chimiques dangereux mentionnées à l'article R. 4412-40, remplie par l'employeur et le médecin du travail, est remise au travailleur à son départ de l'établissement, quel qu'en soit le motif'.
* le décret du 30 janvier 2012, publié au Journal Officiel le 31 janvier 2012, entré en vigueur le 1er février 2012, tirant les conséquences de la création de la fiche prévue à l'article L. 4121-3-1 du code du travail a abrogé les articles R. 4412- 58 et R. 4412-40 à R. 4412-43 du même code et a prévu en son article 4 que 'l'attestation d'exposition aux agents chimiques dangereux établie pour l'application de l'article R. 4412-58 jusqu'à la date d'entrée en vigueur du présent décret est remise au travailleur à son départ de l'établissement'.
Il en résulte que sur le fondement de l'article 2 du code civil selon lequel 'la loi ne dispose que pour l'avenir ; elle n'a point d'effet rétroactif', les attestations ne peuvent être délivrées qu'aux salariés ayant quitté l'entreprise à compter du 22 mars 1995 pour les agents cancérogènes (qui ont pris ensuite la dénomination d'agents CMR) et du 1er juillet 2004 pour les agents chimiques dangereux.
* Pour la remise d'exposition aux agents chimiques dangereux :
Monsieur [X] [X] a été placé en inactivité avant le 1er juillet 2004, soit avant l'entrée en vigueur du texte imposant la délivrance de cette attestation.
Par application du principe de non rétroactivité de la loi, il convient de le débouter de sa demande de remise d'attestation d'exposition aux agents chimiques dangereux et d'infirmer le jugement attaqué.
* Pour la remise d'exposition aux agents CMR :
Comme rappelé précédemment, l'obligation pour l'employeur - dont le salarié est exposé à des agents cancérogènes - de remettre une attestation au salarié, notamment lorsqu'il part à la retraite, a été instaurée par le décret du 26 mars 1993, complété par l'arrêté du 28 février 1995 qui est devenue opposable à l'employeur le 22 mars 1995.
En l'espèce, les pièces versées aux débats démontrent que :
* dès le mois de décembre 1990, le service général de médecine du travail interne à EDF a annoncé la création d'un projet pour l'évaluation des expositions professionnelles, utilisable pour des études épidémiologiques à EDF-GDF qui s'appuyait sur deux instruments :
- une matrice d'emplois/expositions dite MATEX spécifique à EDF,
- une fiche individuelle d'exposition dite FINDEX qui permettrait un suivi permanent des expositions professionnelles,
* le 26 juin 1996, le département de protection sociale d'EDF a prévu, par une note diffusée à l'ensemble de ses établissements, les modalités de remise de l'attestation aux produits cancérogènes et un schéma pour le traitement des demandes antérieures au 1er janvier 1995,
* le 18 juin 1998, la direction a demandé un recensement des produits et matériaux dangereux pour la fin de l'année,
* courant août 2006, le service de médecine du travail interne à EDF a réalisé une analyse sur vingt ans de la mortalité des travailleurs et ex-travailleurs d'EDF-GDF en utilisant les fichiers MATEX et FINDEX qui ont permis de déterminer tous les métiers exercés à EDF-GDF et d'avoir des informations sur 27 substances chimiques utilisées dans l'entreprise dont certaines avaient des effets cancérogènes avérés ou supposés,
* à partir de ces documents, EDF a déterminé pour chaque métier et chaque substance, selon différentes périodes d'emploi, des indices d'exposition.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que dès 1990, la société était consciente de l'exposition à des produits cancérogènes et que par la suite, elle a élaboré plusieurs notes pour maîtriser ces risques et déterminer une méthode pour la délivrance des attestations d'exposition notamment pour la période d'exposition antérieure à 1995.
Compte tenu des postes occupés par Monsieur [X] [X], parti en retraite postérieurement au 22 mars 1995 et de ses périodes d'emploi :
- conducteur d'appareils, du 15 mars 1976 au 31 octobre 1979, sur la mine [Localité 2],
- ouvrier professionnel, du 1er novembre 1979 au 30 juin 1980, sur la centrale [Localité 2],
- agent technique, du 1er juillet 1981 au 31 octobre 1982, sur la centrale [Localité 2],
- technicien maintenance, du 1er novembre 1982 au 30 décembre 1990, sur la centrale [Localité 2], puis au CNPE [Localité 3],
le croisement des différentes pièces produites et citées ci-dessus - fichiers MATEX et FINDEX, détermination des métiers exposés et fiches de poste - permet de présumer l'exposition de l'intimé aux produits cancérogènes et/ou chimiques pour lesquels il demande des attestations.
La SA EDF ne rapporte aucune preuve contraire.
Il en découle que cette dernière, était tenue de lui remettre les attestations visées ci-dessus, ce qu'elle n'a pas fait.
Il convient en conséquence de condamner la SA EDF à lui remettre l'attestation d'exposition à des agents cancérogènes prévue par l'article D. 461-25 du code de la sécurité sociale ; le tout dans un délai de trois mois suivant la signification de la présente décision et passé ce délai sous astreinte provisoire de 25 € par jour de retard pendant trois mois.
Le jugement attaqué sera confirmé.
IV - SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES :
Les dépens seront partagés par moitié entre les parties qui succombent partiellement dans leurs prétentions.
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Il n'apparaît pas inéquitable de débouter les parties de leur demande respective formée en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré, statuant, publiquement, contradictoirement, en dernier ressort et par arrêt mis à disposition au greffe,
Rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action soulevée par la SA EDF ;
Déclare recevable l'action engagée par Monsieur [X] [X],
Infirme le jugement prononcé le 7 août 2015 par le conseil de prud'hommes de Mont de Marsan, sauf en ce qu'il a condamné la SA EDF à remettre à Monsieur [X] [X] l'attestation d'exposition à des agents cancérogènes prévue par l'article D. 461-25 du code de la sécurité sociale, le tout dans un délai de trois mois suivant la signification de la décision et passé ce délai sous astreinte de 25 € par jour de retard ;
Y AJOUTANT :
Limite la durée de l'astreinte provisoire à trois mois ;
ET STATUANT À NOUVEAU POUR LE SURPLUS,
Déboute Monsieur [X] [X] de sa demande de dommages intérêts en réparation du préjudice d'anxiété ;
Déboute Monsieur [X] [X] de sa demande de remise d'attestation d'exposition aux agents chimiques dangereux ;
Déboute les parties de leur demande respective formée en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Partage par moitié les dépens entre les parties.
Arrêt signé par Madame THEATE, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE,LA PRÉSIDENTE,