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08/11/2018 | FRANCE | N°15/03825

France | France, Cour d'appel de Pau, Chambre sociale, 08 novembre 2018, 15/03825


MHD/CD



Numéro 18/03971





COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale







ARRÊT DU 08/11/2018









Dossier : N° RG 15/03825





Nature affaire :



A.T.M.P. : demande relative à la faute inexcusable de l'employeur















Affaire :



SA ÉLECTRICITÉ DE FRANCE



C/



[R] [L],



SA GRT GAZ,



SA ENGIE









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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R Ê T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 08 Novembre 2018, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450...

MHD/CD

Numéro 18/03971

COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 08/11/2018

Dossier : N° RG 15/03825

Nature affaire :

A.T.M.P. : demande relative à la faute inexcusable de l'employeur

Affaire :

SA ÉLECTRICITÉ DE FRANCE

C/

[R] [L],

SA GRT GAZ,

SA ENGIE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 08 Novembre 2018, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 04 Juillet 2018, devant :

Madame THEATE, Président

Madame COQUERELLE, Conseiller

Madame DIXIMIER, Conseiller

assistées de Madame HAUGUEL, Greffière.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTE :

SA ÉLECTRICITÉ DE FRANCE

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentée par la SCP CAPSTAN AVOCATS, avocats au barreau de TOULOUSE

INTIMÉS :

Monsieur [R] [L]

[Adresse 2]

[Localité 2]

Comparant, assisté de la SCP MICHEL LEDOUX & ASSOCIÉS, avocats au barreau de PARIS

SA GRT GAZ venant aux droits de la société GDF SUEZ

[Adresse 3]

[Localité 3]

SA ENGIE anciennement GDF SUEZ

[Adresse 4]

[Localité 4]

Représentées par la SCP TOISON & ASSOCIÉS, avocats au barreau de PARIS

sur appel de la décision

en date du 07 AOÛT 2015

rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DÉPARTAGE DE MONT DE MARSAN

RG numéro : F 13/00277

FAITS ET PROCÉDURE

Jusqu'en 1992, la SA EDF a exploité une centrale de production thermique, située sur le site d'[Localité 5], destinée à la production d'énergie électrique.

Cet établissement était alimenté par le lignite, roche sédimentaire organique, extrait du sous-sol et d'une mine à ciel ouvert située à [Localité 5].

Embauché par la SA EDF en tant qu'ouvrier professionnel mécanicien, le 1er juillet 1974, soumis au statut national du personnel des industries électriques et gazières, issu du décret n° 46-1541 du 22 juin 1946 et relevant du régime spécial de la sécurité sociale applicable (IEG), Monsieur [R] [L] a été muté, à compter du 1er août 1987, en qualité d'agent d'exploitation auprès de la société GDF SUEZ, devenue au 1er janvier 2005, la SA GRT GAZ.

Le 30 juin 2008, il a pris sa retraite.

Estimant avoir été indûment exposé à l'inhalation de poussières de produits cancérogènes, mutagènes, reprotoxiques (ci-après CMR) et agents chimiques dangereux, au cours de sa carrière professionnelle, sans mise en 'uvre effective par l'employeur des moyens de protection adaptés pour supprimer ou réduire le risque en contradiction avec des mesures légales et réglementaires sur l'hygiène et la sécurité, il a saisi, par requête du 19 juin 2013, le conseil de prud'hommes de Mont de Marsan, section industrie, aux fins de voir condamner l'employeur au paiement de diverses sommes, en réparation de son préjudice d'anxiété, de son préjudice découlant du bouleversement dans les conditions d'existence, et en application de l'article 700 du code de procédure civile, voir ordonner la mise hors de cause de la société GDF SUEZ, ainsi qu'à la délivrance de l'attestation d'exposition aux agents CMR et agents chimiques dangereux conforme aux dispositions des articles D. 461-25 du code de la sécurité sociale et R. 4412-58 du code du travail assortie d'une astreinte de 80 euros par jour de retard.

La tentative de conciliation s'étant révélée vaine, l'affaire et les parties ont été renvoyées devant la formation de jugement au 27 novembre 2014.

Par procès-verbal de partage de voix en date du 26 février 2015, l'affaire a été renvoyée devant le conseil de prud'hommes présidé par le juge départiteur à l'audience du 28 mai 2015.

Par jugement du 07 août 2015, auquel il convient de se reporter pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, le conseil de prud'hommes de Mont de Marsan, présidé par le juge départiteur, a :

* rejeté l'exception d'incompétence territoriale soulevée par la SA GRT GAZ et la SA GDF SUEZ ;

* ordonné la mise hors de cause de la SA GDF SUEZ ;

* rejeté la demande de mise hors de cause formée par la SA GRT GAZ ;

* condamné la SA EDF à verser à Monsieur [R] [L] la somme de 5.560,41 € à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter de la décision ;

* débouté Monsieur [R] [L] de sa demande de dommages-intérêts formée contre la société GRT GAZ ;

* condamné la SA GRT GAZ à remettre à Monsieur [R] [L] l'attestation d'exposition à des agents cancérogènes prévue par l'article D. 461-25 du code de la sécurité sociale et l'attestation d'exposition aux agents chimiques dangereux prévue par l'ancien article R. 4412-58 du code du travail arrêtée au 30 janvier 2012, le tout dans un délai de trois mois suivant la signification de la décision et passé ce délai sous astreinte de 25 € par jour de retard ;

* condamné la SA EDF et la SA GRT GAZ à verser à Monsieur [R] [L] la somme de 300 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

* dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la SA EDF et la SA GRT GAZ ;

* partagé par moitié les dépens entre les sociétés EDF et GRT GAZ ;

* dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la décision.

Par lettre recommandée adressée au greffe en date du 27 octobre 2015, le conseil de la SA EDF a interjeté appel de cette décision dans des conditions de recevabilité qui ne sont pas discutées par les parties.

Par lettre recommandée adressée au greffe en date du 29 octobre 2015, le conseil de la SA GRT GAZ a interjeté appel de la décision dans des conditions de recevabilité qui ne sont pas discutées par les parties et l'a limité en ne le dirigeant qu'à l'encontre de Monsieur [R] [L] et aux condamnations prononcées à son profit.

Par lettre recommandée adressée au greffe en date du 2 novembre 2015, le conseil de Monsieur [R] [L] a interjeté appel de la décision dans des conditions de recevabilité qui ne sont pas discutées par les parties et l'a limité au montant des sommes allouées en réparation du préjudice d'anxiété.

Ces trois procédures ont été jointes par ordonnances en date du 21 janvier 2016.

PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Par conclusions en date du 04 juillet 2018, reprises oralement à l'audience et auxquelles il y a lieu de se référer pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens, la SA EDF demande à la Cour :

* à titre principal :

* de réformer le jugement entrepris, en ce qu'il a alloué des dommages et intérêts pour préjudice d'exposition, une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamné le défendeur aux dépens,

* de déclarer prescrite et irrecevable l'action indemnitaire de Monsieur [R] [L],

* de constater qu'elle ne relève pas des dispositions de l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998,

* de constater qu'elle a pris les mesures de prévention adaptées afin de protéger ses salariés,

* de constater que la preuve de son manquement à son obligation de sécurité n'est pas rapportée,

* de constater que la preuve d'un préjudice indemnisable n'est pas rapportée,

* de constater l'absence de preuve d'un lien de causalité entre la faute prétendue et le préjudice allégué,

* de déclarer irrecevable ou injustifiée la demande de dommages et intérêts de l'agent en réparation d'un préjudice découlant d'une exposition à l'amiante, ainsi que celles présentées au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et des dépens,

* en tout état de cause,

* de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes de Monsieur [R] [L],

* de rejeter les demandes de Monsieur [R] [L] contraires aux présentes écritures,

* condamner Monsieur [R] [L] à lui payer la somme de 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

* condamner Monsieur [R] [L] à supporter les entiers dépens.

***************

Par conclusions en date du 11 juin 2018, reprises oralement à l'audience et auxquelles il y a lieu de se référer pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens, Monsieur [R] [L] demande à la Cour de :

* déclarer recevable et non prescrite son action ;

* confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a ordonné la mise hors de cause de la SA GDF SUEZ et rejeté la demande de mise hors de cause formée par la SA GRT GAZ,

1) sur l'exposition fautive à l'amiante,

* confirmer le jugement rendu le 7 août 2015 en ce qu'il a reconnu l'existence d'un préjudice d'exposition fautive et condamné la société EDF et la société GRT GAZ à lui verser, la somme de 300 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

* l'infirmer sur le quantum alloué.

* Statuant à nouveau,

* condamner la société EDF à lui verser, la somme de 15.000 € en réparation de son préjudice lié à une exposition fautive à l'amiante,

2) sur la délivrance des attestations

* confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société GRT GAZ à remettre à Monsieur [R] [L] les attestations qu'il réclame.

* enfin condamner la société EDF à lui verser la somme de 2.000 € supplémentaire au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

***************

Par conclusions en date du 04 juillet 2018, reprises oralement à l'audience et auxquelles il y a lieu de se référer pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens, la société GRT GAZ venant aux droits de la Société GDF SUEZ au 1er janvier 2005 et la société ENGIE anciennement dénommée GDF SUEZ demandent à la Cour de :

* vu les articles 1147, 1150 et 1315 du code civil,

* vu les articles L. 452-1 et L. 452-3, D. 461-25 du code de la sécurité sociale,

* vu l'article R. 1412-1 du code du travail,

* vu l'ancien article R. 4412-58 du code du travail,

* vu les jurisprudences précitées,

* vu tout ce qui précède,

* confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la mise hors de cause d'ENGIE (anciennement GDF-SUEZ),

* infirmer le jugement en ce qu'il a :

- rejeté la demande de mise hors de cause formée par la société GRT GAZ,

- condamné la société GRT GAZ à remettre au salarié les attestations d'exposition à des agents cancérogènes et aux agents chimiques dangereux, le tout sous astreinte,

- fait masse des dépens et condamné la société GRT GAZ à régler au salarié la moitié des dépens,

* Statuant à nouveau,

* à titre principal,

* mettre hors de cause la société GRT GAZ,

* à titre subsidiaire,

* juger que le salarié ne justifie pas d'une exposition aux agents CMR/ACD dans des conditions donnant droit à la délivrance d'attestations d'exposition,

* retenir qu'elles font leurs les exceptions de procédure, fin de non-recevoir, défenses au fond et pièces régularisées par les sociétés EDF et ENEDIS,

* en tout état de cause,

* débouter le salarié de l'ensemble de ses demandes,

* condamner le salarié à leur payer la somme de 1.000 € chacune en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

SUR QUOI

A titre liminaire il y a lieu de constater qu'aucune des parties ne remet en cause, ni ne forme de prétentions contraires à la décision du conseil de prud'hommes, en ce qu'il s'est déclaré compétent pour statuer sur les demandes dont il était saisi et a ordonné la mise hors de cause de la SA GDF SUEZ. Il y a donc lieu de confirmer le jugement de ces chefs.

I - SUR LA PRESCRIPTION :

En application de l'article 2262 du code civil en vigueur jusqu'au 19 juin 2008 :

'Toutes les actions, tant réelles que personnelles, sont prescrites par 30 ans, sans que celui qui allègue cette prescription soit obligé d'en rapporter un titre ou qu'on puisse lui opposer l'exception déduite de la mauvaise foi'.

La loi du 17 juin 2008, applicable à compter du 19 juin 2008, portant réforme de la prescription, a réduit ce délai à cinq ans.

La loi du 14 juin 2013 qui a créé l'article L. 1471-1 du code du travail et réduit le délai d'action sur le fondement du contrat de travail à deux ans est entrée en vigueur à compter du 17 juin 2013.

Cependant, en application de l'article 2224 du code civil et en l'absence de dispositions spéciales contraires c'est 'à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer' que le délai de prescription applicable commence à courir.

De surcroît, selon l'article 2222 du même code et dans les mêmes conditions 'en cas de réduction de la durée du délai de prescription ou du délai de forclusion, ce nouveau délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure'.

En l'espèce, la discussion porte essentiellement sur le point de départ du délai de prescription.

La SA EDF soutient en effet, que Monsieur [R] [L] a eu connaissance avant 1983 du risque inhérent à l'inhalation de poussières d'amiante, que de ce fait, la prescription trentenaire ayant commencé à courir, au plus tard, le 31 décembre 1982, il pouvait agir jusqu'au 31 décembre 2012, qu'en conséquence, son action engagée le 19 juin 2013 est prescrite.

Cependant, elle ne produit aucun élément pertinent permettant d'établir qu'effectivement, le salarié avait une connaissance personnelle des faits litigieux avant le 19 juin 1983.

En effet, elle ne démontre pas que les notes, les rapports ou les circulaires, le carnet de prescription du personnel édition 1982 qu'elle verse aux débats étaient diffusés à chacun des membres du personnel et notamment à Monsieur [R] [L].

De même, elle n'établit pas que les extraits des procès-verbaux du CHSCT des 18 février 1981 et 13 mai 1981 qu'elle produit et qui n'évoquent en fait aucun risque particulier lié à des substances dangereuses ou à l'amiante ont été effectivement communiqués personnellement au salarié qui a pu en prendre connaissance.

Il en découle que Monsieur [R] [L] n'a eu connaissance des risques liés à l'inhalation d'amiante qu'après le 19 juin 1983, en sorte que lors de l'entrée en vigueur le 19 juin 2008, de la loi du 17 juin 2008, le délai de prescription n'était pas expiré pas plus que le délai quinquennal ne l'était lors de l'entrée en vigueur de la loi du 14 juin 2013 (soit le 17 juin 2013).

En conséquence, faute pour elle de démontrer que lors de l'introduction de son action devant le conseil de prud'hommes le 19 juin 2013, le salarié connaissait depuis plus de trente ans le risque mortel inhérent à l'inhalation d'amiante à l'origine du préjudice dont il sollicite la réparation, elle doit être déboutée de la fin de non-recevoir qu'elle soulève et Monsieur [R] [L] doit être déclaré recevable dans son action.

II - SUR LA MISE HORS DE CAUSE DE LA SA GRT GAZ :

En application des articles :

- R. 4412-58 du code du travail : 'Une attestation d'exposition aux agents chimiques dangereux mentionnés à l'article R. 4412-40, remplie par l'employeur et le médecin du travail, est remise au travailleur à son départ de l'établissement, quel qu'en soit le motif'.

- D. 461-25 du code de la sécurité sociale : 'La personne qui au cours de son activité salariée a été exposée à des agents cancérogènes figurant dans les tableaux visés à l'article L. 461-2 du code de la sécurité sociale ou au sens de l'article R. 231-56 du code du travail et de l'article 1er du décret n° 86-1103 du 2 octobre 1986 peut demander, si elle est inactive, demandeur d'emploi ou retraitée, à bénéficier d'une surveillance médicale post-professionnelle prise en charge par la caisse primaire d'assurance maladie ou l'organisation spéciale de sécurité sociale (...) Cette surveillance post-professionnelle est accordée par l'organisme mentionné à l'alinéa précédent sur production par l'intéressé d'une attestation d'exposition remplie par l'employeur et le médecin du travail'.

Il en résulte que l'obligation de délivrance des attestations en cause pèse sur l'employeur ou en cas de restructuration - fusion, apport partiel d'actifs - sur la personne morale qui a repris dans son patrimoine les obligations de l'employeur concerné dans la mesure où l'entreprise bénéficiaire doit répondre du passif de la société apporteuse.

Plus précisément, la société bénéficiaire de l'apport peut voir sa responsabilité engagée au titre du préjudice d'anxiété invoqué par le salarié postérieurement à l'opération de restructuration dès lors que l'obligation n'est pas étrangère à la branche d'activité apportée ou n'a pas été expressément exclue par le traité d'apport.

En l'espèce, Monsieur [R] [L] sollicite de GRT GAZ la délivrance des attestations d'exposition aux agents CMR et agents chimiques dangereux.

La société GRT GAZ s'y oppose et sollicite sa mise hors de cause en soutenant :

- qu'elle n'y a jamais eu aucune transmission universelle de patrimoine entre EDF et GDF SUEZ devenue, par la suite, GRT GAZ pour l'activité de transport gaz,

- que de ce fait, sa responsabilité ne peut être engagée pour des activités ne relevant pas de surcroît, pas de son activité de transport de gaz,

- qu'ainsi, contrairement à ce qu'a jugé le conseil de prud'hommes, la société GRT GAZ ne pouvait être tenue de délivrer des attestations d'exposition - à supposer qu'une telle exposition soit établie, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Elle verse aux débats des extraits Kbis de GRT GAZ et de GDF SUEZ.

Il en résulte que :

- GRT GAZ a été créée le 1er janvier 2005 pour faire suite à l'ouverture à la concurrence des marchés du gaz en France et plus largement en Europe,

- GRT GAZ est le gestionnaire de réseau de transport chargé de la gestion du réseau de transport de gaz naturel dans toute la France à l'exception de son quart sud-ouest,

- effectivement, il n'y a pas eu de transmission universelle de patrimoine entre EDF et GDF SUEZ devenue GRT GAZ,

- de surcroît, le site d'[Localité 5] n'avait pas pour activité le transport de gaz naturel mais la production d'électricité.

Ainsi, la société GRT GAZ ne dispose d'aucune qualité pour délivrer les attestations litigieuses.

En conséquence, il convient de mettre hors de cause la SA GRT GAZ et d'infirmer le jugement attaqué de ce chef, tout en le confirmant quant à la mise hors de cause de la SA GDF SUEZ qui n'est contestée par aucune des parties.

III- SUR L'INDEMNISATION DU PRÉJUDICE SUBI :

L'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (ACAATA), créée par la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 de financement de la sécurité sociale pour 1999, a pour objectif de permettre aux travailleurs de l'amiante de partir de façon anticipée à la retraite, en compensant la perte éventuelle des droits à la retraite qu'ils peuvent subir, découlant d'un risque d'espérance de vie plus courte en raison de l'inhalation de fibres d'amiante.

Seuls peuvent prétendre au versement de cette prestation, les salariés travaillant ou ayant travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi précitée et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où l'amiante et des matériaux contenant de l'amiante étaient fabriqués et où traités.

De même, il est de jurisprudence désormais constante, que le préjudice moral résultant pour un salarié du risque de développer une maladie induite par son exposition à l'amiante est constitué par le seul préjudice d'anxiété dont l'indemnisation, qui n'est ouverte qu'au salarié qui a travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante, répare l'ensemble des troubles psychologiques résultant de la connaissance d'un tel risque.

Il en résulte que, sauf dans le cadre de la prise en charge d'une maladie professionnelle découlant d'une exposition à l'amiante, un salarié exposé à l'amiante dans une entreprise non listée ACAATA ne peut prétendre à l'indemnisation du préjudice d'anxiété qui recouvre l'ensemble des préjudices moraux et psychologiques résultant d'une exposition à l'amiante, y compris sur le fondement d'un manquement à l'obligation de sécurité de résultat de l'employeur.

En l'espèce, Monsieur [R] [L] ne conteste pas le fait qu'EDF ne soit pas classée ACAATA mais soutient que cette situation crée une inégalité de traitement en sa défaveur dans la mesure où, bien qu'exposé à l'amiante comme les salariés qui travaillaient au sein d'un établissement listé ACAATA, il ne peut pas, à la différence de ceux-ci, être indemnisé de son préjudice d'anxiété.

Il maintient sa demande en réparation du préjudice d'anxiété et du préjudice résultant d'une exposition fautive à l'amiante (pages 11 et 82 de ses conclusions reprises oralement à l'audience) sur le fondement du droit commun de la responsabilité contractuelle - article 1147 du code civil pris dans sa numérotation ancienne - et sur les articles L. 4121-1 et suivants du code du travail.

Il soutient que ce préjudice est d'autant plus établi qu'en 2013, sur les 115 victimes de l'amiante qui avaient été employées au sein de la centrale d'[Localité 5], 33 sont décédées des suites d'une maladie professionnelle liée à ce matériau.

Il affirme que la faute de l'employeur au regard du manquement à l'obligation de sécurité de résultat se caractérise :

- d'une part, par une méconnaissance des mesures réglementaires sur l'hygiène et la sécurité qui a eu pour effet de l'exposer à un risque d'inhalation des poussières d'amiante, sans mise en 'uvre effective par l'employeur des moyens de protection adaptés pour supprimer ou réduire ce risque,

- d'autre part, par un défaut d'information sur les risques encourus alors que l'information était rendue obligatoire pour les entreprises utilisatrices d'amiante depuis le décret du 17 août 1977.

Il ajoute que la société EDF, du fait de son activité, ne pouvait ignorer la présence d'amiante sur le lieu de travail de ses salariés et était particulièrement avertie des dispositions légales et de l'état des connaissances scientifiques sur les graves maladies provoquées par ce matériau et ce, dès son embauche.

Cependant :

* dès lors qu'il a déjà été rappelé aux termes d'une jurisprudence constante :

- que d'une part, le préjudice dit d'anxiété recouvre l'ensemble des préjudices moraux et psychologiques et/ou les troubles dans les conditions d'existence nés de l'exposition à l'amiante ;

- que d'autre part, la réparation de ce préjudice 'spécifique' est réservée aux salariés ayant travaillé dans des entreprises listées ACAATA ;

* que par ailleurs, Monsieur [R] [L] n'a jamais été employé par une telle entreprise,

* qu'en outre, pour être mise en oeuvre la responsabilité contractuelle de droit commun impose, notamment la démonstration d'un préjudice réparable,

* qu'enfin, Monsieur [R] [L] invoque vainement le principe d'égalité de traitement qui ne peut se concevoir qu'entre salariés placés dans une situation identique ou similaire ce qui n'est précisément pas le cas des salariés ayant travaillé pour le compte d'une entreprise listée à l'ACAATA et de ceux dont l'employeur ne figure pas sur cette liste ;

L'intimé doit être débouté de sa demande d'indemnisation du préjudice qu'il qualifiait d'exposition en première instance et d'anxiété devant la cour.

Le jugement attaqué est donc infirmé.

IV - SUR LA REMISE DES ATTESTATIONS :

Monsieur [R] [L] ne sollicite la remise des attestations d'exposition aux agents chimiques dangereux et aux agents cancérogènes qu'auprès de la société GRT GAZ qui vient d'être mise hors de cause pour les motifs précités.

En conséquence, il convient de le débouter de ses demandes et d'infirmer le jugement attaqué de ce chef.

V - SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES :

Les dépens seront supportés par Monsieur [R] [L] qui succombe dans l'intégralité de ses prétentions.

Il n'apparaît pas inéquitable de débouter l'ensemble des parties de leur demande respective formée en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré, statuant, publiquement, contradictoirement, en dernier ressort et par arrêt mis à disposition au greffe,

Rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action soulevée par les SA EDF,

Déclare recevable l'action engagée par Monsieur [R] [L],

Infirme le jugement prononcé le 7 août 2015 par le conseil de prud'hommes de Mont de Marsan, sauf en ce qu'il a :

- rejeté l'exception d'incompétence territoriale,

- ordonné la mise hors de cause formée par la SA GDF SUEZ,

- débouté Monsieur [R] [L] de sa demande de dommages-intérêts formée contre la société GRT GAZ,

ET STATUANT À NOUVEAU POUR LE SURPLUS,

Met hors de cause la SA GRT GAZ,

Déboute Monsieur [R] [L] de sa demande de dommages intérêts en réparation du préjudice d'anxiété,

Déboute Monsieur [R] [L] de ses demandes de remise des attestations d'exposition aux agents chimiques dangereux et aux agents cancérogènes formées à l'encontre de la SA GRT GAZ,

Déboute les parties de leur demande respective formée en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Monsieur [R] [L] aux dépens.

Arrêt signé par Madame THEATE, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE,LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 15/03825
Date de la décision : 08/11/2018

Références :

Cour d'appel de Pau 3S, arrêt n°15/03825 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-11-08;15.03825 ?
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