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08/11/2018 | FRANCE | N°15/03819

France | France, Cour d'appel de Pau, Chambre sociale, 08 novembre 2018, 15/03819


MHD/CD



Numéro 18/03982





COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale







ARRÊT DU 08/11/2018









Dossier : N° RG 15/03819





Nature affaire :



A.T.M.P. : demande relative à la faute inexcusable de l'employeur















Affaire :



SA ÉLECTRICITÉ DE FRANCE,



SA ENEDIS



C/



[L] [I] [O]







































RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R Ê T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 08 Novembre 2018, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de...

MHD/CD

Numéro 18/03982

COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 08/11/2018

Dossier : N° RG 15/03819

Nature affaire :

A.T.M.P. : demande relative à la faute inexcusable de l'employeur

Affaire :

SA ÉLECTRICITÉ DE FRANCE,

SA ENEDIS

C/

[L] [I] [O]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 08 Novembre 2018, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 04 Juillet 2018, devant :

Madame THEATE, Président

Madame COQUERELLE, Conseiller

Madame DIXIMIER, Conseiller

assistées de Madame HAUGUEL, Greffière.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTES :

SA ÉLECTRICITÉ DE FRANCE

[Adresse 1]

[Adresse 1]

SA ENEDIS anciennement ERDF

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentées par la SCP CAPSTAN AVOCATS, avocats au barreau de TOULOUSE

INTIMÉ :

Monsieur [L] [I] [O]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Comparant, assisté de la SCP MICHEL LEDOUX & ASSOCIÉS, avocats au barreau de PARIS

sur appel de la décision

en date du 07 AOÛT 2015

rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DÉPARTAGE DE MONT DE MARSAN

RG numéro : F 13/00262

FAITS ET PROCÉDURE

Jusqu'en 1992, la SA EDF a exploité une centrale de production thermique, située sur le site d'[Localité 1] (40110), destinée à la production d'énergie électrique.

Cet établissement était alimenté par le lignite, roche sédimentaire organique, extrait du sous-sol et d'une mine à ciel ouvert située à [Localité 1].

Embauché par la SA EDF en tant qu'agent titulaire d'Electricité de France en août 1982, soumis au statut national du personnel des industries électriques et gazières, issu du décret n° 46-1541 du 22 juin 1946 et relevant du régime spécial de la sécurité sociale applicable (IEG),

Monsieur [L] [I] [O] a successivement occupé les postes suivants :

- conducteur d'appareils, d'août 1982 à octobre 1987, sur la mine d'[Localité 1],

- ouvrier professionnel, d'octobre 1987 à avril 1989, sur la centrale d'[Localité 1],

- agent PI, d'avril 1989 à juin 1997, au centre Sud Aquitaine [Localité 2],

- agent technique d'intervention clientèle, de juin 1997 à avril 2009,

- coordonnateur, d'avril 2009 à février 2016, au centre Sud Aquitaine.

Le 1er janvier 2008, son contrat a été transféré à la société SAS ERDF.

Il a été placé en inactivité en février 2016.

Estimant avoir été indûment exposé à l'inhalation de poussières de produits cancérogènes, mutagènes, reprotoxiques (ci-après CMR) et agents chimiques dangereux, au cours de sa carrière professionnelle, sans mise en 'uvre effective par l'employeur des moyens de protection adaptés pour supprimer ou réduire le risque en contradiction avec des mesures légales et réglementaires sur l'hygiène et la sécurité, il a saisi, par requête du 19 juin 2013, le conseil de prud'hommes de Mont de Marsan, section industrie, aux fins de voir condamner l'employeur au paiement de diverses sommes, en réparation de son préjudice d'anxiété, de son préjudice découlant du bouleversement dans les conditions d'existence, et en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à la délivrance de l'attestation d'exposition à l'amiante, aux agents CMR et agents chimiques dangereux conforme aux dispositions des articles D. 461-25 du code de la sécurité sociale et R. 4412-58 du code du travail assortie d'une astreinte de 80 euros par jour de retard.

La tentative de conciliation s'étant révélée vaine, l'affaire et les parties ont été renvoyées devant la formation de jugement au 27 novembre 2014.

Par procès-verbal de partage de voix en date du 26 février 2015, l'affaire a été renvoyée devant le conseil de prud'hommes présidé par le juge départiteur à l'audience du 28 mai 2015.

Par jugement du 07 août 2015, auquel il convient de se reporter pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, le conseil de prud'hommes de Mont de Marsan, présidé par le juge départiteur, a :

* rejeté la demande de mise hors de cause de la SAS ERDF ;

* condamné la SA EDF à verser à Monsieur [L] [I] [O] la somme de 2.833,28 € à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter de la décision ;

* débouté Monsieur [L] [I] [O] de sa demande tendant à la remise de la fiche d'exposition à l'amiante, de l'attestation d'exposition aux produits chimiques dangereux et de celle de l'exposition à des agents cancérogènes ;

* condamné la SA EDF à verser à Monsieur [L] [I] [O] la somme de 300 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

* dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la SA EDF et de la SAS ERDF ;

* condamné la SA EDF aux entiers dépens ;

* dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la décision.

Par lettre recommandée adressée au greffe, en date du 27 octobre 2015, le conseil des sociétés EDF et ENEDIS anciennement dénommée ERDF a interjeté appel de cette décision, dans des conditions de recevabilité qui ne sont pas discutées par les parties.

Par lettre recommandée adressée au greffe en date du 03 novembre 2015, le conseil de Monsieur [L] [I] [O] a interjeté appel de la décision dans des conditions de recevabilité qui ne sont pas discutées par les parties et l'a limité au montant des sommes allouées en réparation du préjudice d'anxiété et à la délivrance des fiches d'exposition.

L'ensemble des procédures a été joint par ordonnance en date du 21 janvier 2016. 

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par conclusions en date du 05 juillet 2018, reprises oralement à l'audience et auxquelles il y a lieu de se référer pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens, les sociétés EDF et ENEDIS anciennement dénommée ERDF demandent à la Cour :

* à titre principal :

* de réformer le jugement entrepris, en ce qu'il a alloué des dommages et intérêts pour préjudice d'exposition, une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamné le défendeur aux dépens,

* déclarer prescrite et irrecevable l'action indemnitaire de l'agent,

* de constater qu'EDF ne relève pas des dispositions de l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998,

* de constater qu'EDF a pris les mesures de prévention adaptées afin de protéger ses salariés,

* de constater que la preuve du manquement d'EDF à son obligation de sécurité n'est pas rapportée,

* de constater que la preuve d'un préjudice indemnisable n'est pas rapportée,

* de constater l'absence de preuve d'un lien de causalité entre la faute prétendue et le préjudice allégué,

* de déclarer irrecevable ou injustifiée la demande de dommages et intérêts de l'agent en réparation d'un préjudice découlant d'une exposition à l'amiante,

** de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté l'agent de sa demande de délivrance d'attestations d'exposition,

* en tout état de cause,

* de rejeter l'intégralité des demandes de l'agent ;

* de condamner l'agent à payer à EDF la somme de 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

* de condamner l'agent à supporter les entiers dépens.

Par conclusions en date du 05 juin 2018, reprises oralement à l'audience et auxquelles il y a lieu de se référer pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens, Monsieur [L] [I] [O] demande à la Cour de :

* déclarer recevable et non prescrite son action ;

1) sur l'exposition fautive à l'amiante,

* confirmer le jugement rendu le 7 août 2015 en ce qu'il a reconnu l'existence d'un préjudice d'exposition fautive et condamné la société EDF à lui verser, la somme de 300 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

* l'infirmer sur le quantum alloué.

* Statuant à nouveau,

* condamner la société EDF à lui verser, la somme de 15.000 € en réparation de son préjudice lié à une exposition fautive à l'amiante,

2) sur la délivrance des attestations

* infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a débouté de ses demandes relatives aux fiches d'exposition,

* En conséquence,

* vu les dispositions de l'article 566 du code de procédure civile,

* vu les dispositions des articles D. 461-25 du code de la sécurité sociale,

* vu le décret n° 2012-134 du 30 janvier 2012,

* ordonner à la société EDF de lui remettre les attestations d'exposition aux CMR et aux agents chimiques dangereux conformes aux dispositions des articles précités, le tout sous astreinte de 80 € par jour de retard concernant la remise de ces attestations,

* condamner la société EDF à lui verser la somme de 2.000 € supplémentaire au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

SUR QUOI

A titre liminaire, il y a lieu de constater qu'aucune des parties ne remet en cause ni ne forme de prétentions contraires à la décision du conseil de prud'hommes, en ce qu'il a rejeté la demande de mise hors de cause de la SAS ERDF devenue ENEDIS. Il y a donc lieu de confirmer le jugement de ce chef.

Le jugement attaqué est donc confirmé.

I - SUR LA PRESCRIPTION :

En application de l'article 2262 du code civil en vigueur jusqu'au 19 juin 2008 :

'Toutes les actions, tant réelles que personnelles, sont prescrites par 30 ans, sans que celui qui allègue cette prescription soit obligé d'en rapporter un titre ou qu'on puisse lui opposer l'exception déduite de la mauvaise foi'.

La loi du 17 juin 2008, applicable à compter du 19 juin 2008, portant réforme de la prescription, a réduit ce délai à cinq ans.

La loi du 14 juin 2013 qui a créé l'article L. 1471-1 du code du travail et réduit le délai d'action sur le fondement du contrat de travail à deux ans est entrée en vigueur à compter du 17 juin 2013.

Cependant, en application de l'article 2224 du code civil et en l'absence de dispositions spéciales contraires c'est 'à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer' que le délai de prescription applicable commence à courir.

De surcroît, selon l'article 2222 du même code et dans les mêmes conditions 'en cas de réduction de la durée du délai de prescription ou du délai de forclusion, ce nouveau délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure'.

En l'espèce, la discussion porte essentiellement sur le point de départ du délai de prescription.

Les sociétés EDF et ERDF soutiennent en effet, que Monsieur [L] [I] [O] a eu connaissance avant 1983 du risque inhérent à l'inhalation de poussières d'amiante, que de ce fait, la prescription trentenaire ayant commencé à courir, au plus tard, le 31 décembre 1982, il pouvait agir jusqu'au 31 décembre 2012, qu'en conséquence, son action engagée le 19 juin 2013 est prescrite.

Cependant, elles ne produisent aucun élément pertinent permettant d'établir qu'effectivement, le salarié avait une connaissance personnelle des faits litigieux avant le 19 juin 1983.

En effet, elles ne démontrent pas que les notes, les rapports ou les circulaires, le carnet de prescription du personnel édition 1982 qu'elles versent aux débats étaient diffusés à chacun des membres du personnel et notamment à Monsieur [L] [I] [O].

De même, elles n'établissent pas que les extraits des procès-verbaux du CHSCT des 18 février 1981 et 13 mai 1981 qu'elles produisent et qui n'évoquent en fait aucun risque particulier lié à des substances dangereuses ou à l'amiante ont été effectivement communiqués personnellement au salarié qui a pu en prendre connaissance.

Il en découle que Monsieur [L] [I] [O] n'a eu connaissance des risques liés à l'inhalation d'amiante qu'après le 19 juin 1983 en sorte que lors de l'entrée en vigueur le 19 juin 2008, de la loi du 17 juin 2008, le délai de prescription n'était pas expiré pas plus que le délai quinquennal ne l'était lors de l'entrée en vigueur de la loi du 14 juin 2013 (soit le 17 juin 2013).

En conséquence, faute pour elles de démontrer que lors de l'introduction de son action devant le conseil de prud'hommes le 19 juin 2013, le salarié connaissait depuis plus de trente ans le risque mortel inhérent à l'inhalation d'amiante à l'origine du préjudice dont il sollicite la réparation, elles doivent être déboutées de la fin de non-recevoir qu'elles soulèvent et Monsieur [L] [I] [O] doit être déclaré recevable dans son action.

II - SUR L'INDEMNISATION DU PRÉJUDICE SUBI

L'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (ACAATA), créée par la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 de financement de la sécurité sociale pour 1999, a pour objectif de permettre aux travailleurs de l'amiante de partir de façon anticipée à la retraite, en compensant la perte éventuelle des droits à la retraite qu'ils peuvent subir, découlant d'un risque d'espérance de vie plus courte en raison de l'inhalation de fibres d'amiante.

Seuls peuvent prétendre au versement de cette prestation, les salariés travaillant ou ayant travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi précitée et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où l'amiante et des matériaux contenant de l'amiante étaient fabriqués et où traités.

De même, il est de jurisprudence désormais constante, que le préjudice moral résultant pour un salarié du risque de développer une maladie induite par son exposition à l'amiante est constitué par le seul préjudice d'anxiété dont l'indemnisation, qui n'est ouverte qu'au salarié qui a travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante, répare l'ensemble des troubles psychologiques résultant de la connaissance d'un tel risque.

Il en résulte que, sauf dans le cadre de la prise en charge d'une maladie professionnelle découlant d'une exposition à l'amiante, un salarié exposé à l'amiante dans une entreprise non listée ACAATA ne peut prétendre à l'indemnisation du préjudice d'anxiété qui recouvre l'ensemble des préjudices moraux et psychologiques résultant d'une exposition à l'amiante, y compris sur le fondement d'un manquement à l'obligation de sécurité de résultat de l'employeur.

En l'espèce, Monsieur [L] [I] [O] ne conteste pas le fait qu'EDF ne soit pas classée ACAATA mais soutient que cette situation crée une inégalité de traitement en sa défaveur dans la mesure où, bien qu'exposé à l'amiante comme les salariés qui travaillaient au sein d'un établissement listé ACAATA, il ne peut pas, à la différence de ceux-ci, être indemnisé de son préjudice d'anxiété.

Il maintient sa demande en réparation du préjudice d'anxiété et du préjudice résultant d'une exposition fautive à l'amiante (pages 9 et 79 de ses conclusions reprises oralement à l'audience) sur le fondement du droit commun de la responsabilité contractuelle - article 1147 du code civil pris dans sa numérotation ancienne - et sur les articles L. 4121-1 et suivants du code du travail.

Il soutient que ce préjudice est d'autant plus établi qu'en 2013, sur les 115 victimes de l'amiante qui avaient été employées au sein de la centrale d'[Localité 1], 33 sont décédées des suites d'une maladie professionnelle liée à ce matériau.

Il affirme que la faute de l'employeur au regard du manquement à l'obligation de sécurité de résultat se caractérise :

- d'une part, par une méconnaissance des mesures réglementaires sur l'hygiène et la sécurité qui a eu pour effet de l'exposer à un risque d'inhalation des poussières d'amiante, sans mise en 'uvre effective par l'employeur des moyens de protection adaptés pour supprimer ou réduire ce risque,

- d'autre part, par un défaut d'information sur les risques encourus alors que l'information était rendue obligatoire pour les entreprises utilisatrices d'amiante depuis le décret du 17 août 1977.

Il ajoute que la société EDF, du fait de son activité, ne pouvait ignorer la présence d'amiante sur le lieu de travail de ses salariés et était particulièrement avertie des dispositions légales et de l'état des connaissances scientifiques sur les graves maladies provoquées par ce matériau et ce, dès son embauche.

Cependant :

* dès lors qu'il a déjà été rappelé aux termes d'une jurisprudence constante :

- que d'une part, le préjudice dit d'anxiété recouvre l'ensemble des préjudices moraux et psychologiques et/ou les troubles dans les conditions d'existence nés de l'exposition à l'amiante ;

- que d'autre part, la réparation de ce préjudice 'spécifique' est réservée aux salariés ayant travaillé dans des entreprises listées ACAATA ;

* que par ailleurs, Monsieur [L] [I] [O] n'a jamais été employé par une telle entreprise ;

* qu'en outre, pour être mise en oeuvre la responsabilité contractuelle de droit commun impose, notamment la démonstration d'un préjudice réparable ;

* qu'enfin, Monsieur [L] [I] [O] invoque vainement le principe d'égalité de traitement qui ne peut se concevoir qu'entre salariés placés dans une situation identique ou similaire ce qui n'est précisément pas le cas des salariés ayant travaillé pour le compte d'une entreprise listée à l'ACAATA et de ceux dont l'employeur ne figure pas sur cette liste ;

L'intimé doit être débouté de sa demande d'indemnisation du préjudice qu'il qualifiait d'exposition en première instance et d'anxiété devant la cour.

Le jugement attaqué est donc infirmé.

III - SUR LA REMISE DES ATTESTATIONS :

A - Sur la demande de remise d'attestation aux agents CMR et agents chimiques dangereux

En application des articles :

- R. 4412-58 du code du travail : 'Une attestation d'exposition aux agents chimiques dangereux mentionnés à l'article R. 4412-40, remplie par l'employeur et le médecin du travail, est remise au travailleur à son départ de l'établissement, quel qu'en soit le motif'.

- D. 461-25 du code de la sécurité sociale : 'La personne qui au cours de son activité salariée a été exposée à des agents cancérogènes figurant dans les tableaux visés à l'article L. 461-2 du code de la sécurité sociale ou au sens de l'article R. 231-56 du code du travail et de l'article 1er du décret n° 86-1103 du 2 octobre 1986 peut demander, si elle est inactive, demandeur d'emploi ou retraitée, à bénéficier d'une surveillance médicale post-professionnelle prise en charge par la caisse primaire d'assurance maladie ou l'organisation spéciale de sécurité sociale. (...)Cette surveillance post-professionnelle est accordée par l'organisme mentionné à l'alinéa précédent sur production par l'intéressé d'une attestation d'exposition remplie par l'employeur et le médecin du travail'.

Il en résulte que l'obligation de délivrance des attestations en cause pèse sur l'employeur ou en cas de restructuration - fusion, apport partiel d'actifs - sur la personne morale qui a repris dans son patrimoine les obligations de l'employeur concerné dans la mesure où l'entreprise bénéficiaire doit répondre du passif de la société apporteuse.

De même, l'article L. 1224-2 du code du travail prévoit que le nouvel employeur est tenu à l'égard des salariés dont les contrats de travail subsistent aux obligations qui incombaient à l'ancien employeur à la date de la modification.

En l'espèce, Monsieur [L] [I] [O] sollicite de la SA EDF la délivrance des attestations d'exposition aux agents CMR et agents chimiques dangereux.

La société EDF s'y oppose au motif que n'étant pas le dernier employeur de Monsieur [L] [I] [O], aucune obligation de remise ne lui incombe, qu'en tout état de cause, le salarié s'abstient de rapporter la preuve qu'il a été exposé aux produits litigieux. Elle verse aux débats la fiche de carrière du salarié (pièce EDF n° 71).

En effet, page 80 des dernières conclusions enregistrées et visées par le greffe le 05 juin 2018, Monsieur [L] [I] [O] en inactivité depuis le 1er février 2016, sollicite de voir ordonner à la société EDF de lui remettre les attestations d'exposition aux CMR et aux agents chimiques dangereux conformes aux dispositions des articles précités, le tout sous astreinte de 80 € par jour de retard concernant la remise de ces attestations, sans pour autant répondre au moyen tenant au défaut de qualité d'employeur opposé par la SA EDF.

Or, il résulte de la fiche de carrière de Monsieur [L] [I] [O] (pièce EDF n° 71), que suite à la filialisation des activités de distribution d'EDF et de GDF (page 57 salarié) son contrat de travail a effectivement été transféré, à compter du 1er janvier 2008, à la société ERDF (devenue ENEDIS) et ce, jusqu'à son départ en inactivité le 1er février 2016, tel qu'il ressort notamment de son bulletin de pension, (conclusions salarié page 6, 8, 10 - pièce 2 EDF).

Ainsi conformément à l'article L. 1224-1 du code du travail, la société EDF ne dispose d'aucune qualité pour délivrer les attestations litigieuses.

Il convient en conséquence de débouter Monsieur [L] [I] [O] de sa demande de remise des attestations d'exposition aux CMR et aux agents chimiques dangereux.

Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

B - Sur la remise des attestations d'exposition à l'amiante

Si Monsieur [L] [I] [O] sollicite l'infirmation du jugement attaqué, en ce qu'il l'a débouté de sa demande de remise des attestations d'exposition à l'amiante, aux agents CMR et agents chimiques dangereux, en revanche il ne réclame aux termes de ses dernières conclusions reprises oralement à l'audience, que la délivrance des attestations d'exposition aux agents CMR et agents chimiques dangereux. (pages 5, 6, 10, 80 de ses conclusions).

Il en résulte donc, qu'il y a lieu de confirmer le jugement attaqué, en ce qu'il l'a débouté de sa demande de remise des attestations d'exposition à l'amiante.

IV - SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES :

Les dépens seront supportés par Monsieur [L] [I] [O] qui succombe dans l'intégralité de ses demandes.

Il n'apparaît pas inéquitable de rejeter l'ensemble des parties de leur demande respective formée en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré, statuant, publiquement, contradictoirement, en dernier ressort et par arrêt mis à disposition au greffe,

Rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action soulevée par les SA EDF et ENEDIS anciennement ERDF ;

Déclare recevable l'action engagée par Monsieur [L] [I] [O],

Infirme le jugement prononcé le 7 août 2015 par le conseil de prud'hommes de Mont de Marsan, sauf en ce qu'il a :

Rejeté la demande de mise hors de cause de la SAS ERDF devenue ENEDIS ;

Débouté Monsieur [L] [I] [O] de sa demande de remise des attestations d'exposition à l'amiante, aux agents CMR et agents chimiques dangereux ;

STATUANT À NOUVEAU POUR LE SURPLUS,

Déboute Monsieur [L] [I] [O] de sa demande de dommages intérêts en réparation du préjudice d'anxiété ;

Déboute les parties de leur demande respective formée en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Monsieur [L] [I] [O] aux dépens.

Arrêt signé par Madame THEATE, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE,LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 15/03819
Date de la décision : 08/11/2018

Références :

Cour d'appel de Pau 3S, arrêt n°15/03819 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-11-08;15.03819 ?
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