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18/10/2018 | FRANCE | N°16/04055

France | France, Cour d'appel de Pau, Chambre sociale, 18 octobre 2018, 16/04055


DT/SB



Numéro 18/03660





COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale







ARRÊT DU 18/10/2018









Dossier : N° RG 16/04055





Nature affaire :



Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution















Affaire :



G... E... H... F...



C/



X... DA COSTA







































RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R Ê T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 18 Octobre 2018, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'artic...

DT/SB

Numéro 18/03660

COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 18/10/2018

Dossier : N° RG 16/04055

Nature affaire :

Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution

Affaire :

G... E... H... F...

C/

X... DA COSTA

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 18 Octobre 2018, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 20 Juin 2018, devant :

Madame THEATE, Président

Madame COQUERELLE, Conseiller

Madame DIXIMIER, Conseiller

assistées de Madame HAUGUEL, Greffière.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTE :

G... E... H... F...

[...]

Représentée par la SELAS Y..., avocats au barreau de PAU

INTIME :

Monsieur X... DA COSTA

[...]

Représenté par Monsieur Z... loco Monsieur A..., défenseur syndical

sur appel de la décision

en date du 22 NOVEMBRE 2016

rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE TARBES

RG numéro : F 16/00050

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Monsieur X... DA COSTA (le salarié), qui est domicilié [...] (65800) a été engagé le 4 août 2008, par la G... E... H... F... (l'employeur) dont le siège se situe [...], en qualité de conducteur de véhicules poids-lourds coefficient 150 M. Groupe 7.

Les 29 septembre 2011 et 26 janvier 2012, ce salarié a fait l'objet d'avertissements : la première fois pour un dépassement des temps de conduite autorisés et pour une manipulation incorrecte du sélecteur chronotachygraphe, la seconde, à la suite d'une violente altercation avec un autre salarié de l'entreprise.

Le 9 juillet 2014, Monsieur X... DA COSTA a été convoqué à un entretien préalable fixé au 22 juillet 2014 à la suite duquel, par lettre recommandée du 31 juillet 2014, il s'est vu notifier son licenciement pour motifs personnels.

Le 11 mars 2016, il a saisi le conseil de prud'hommes de Tarbes pour faire prononcer la nullité de son licenciement, subsidiairement le faire déclarer sans cause réelle et sérieuse, obtenir le versement de dommages et intérêts y compris pour travail dissimulé, le paiement d'heures supplémentaires, de retenues sur salaire et des dommages et intérêts pour mise en danger de la vie d'autrui.

La G... E... H... F... a soulevé in limine litis, l'incompétence territoriale de la juridiction saisie.

Par jugement du 22 novembre 2016, le conseil de prud'hommes de Tarbes s'est déclaré compétent pour statuer sur la demande de Monsieur X... DA COSTA.

Par lettre recommandée avec accusé de réception portant la date d'expédition du 24 novembre 2016, la G... E... H... F... a formé contredit de ce jugement devant le conseil de prud'hommes de Tarbes.

Par arrêt du 21 septembre 2017, la cour a confirmé le jugement dont appel, décidé d'évoquer, ordonné la réouverture des débats pour permettre aux parties de conclure sur le fond et renvoyé l'affaire et les parties à une audience ultérieure.

**************

Par conclusions enregistrées au greffe le 19 avril 2018, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, la G... E... H... F... demande à la cour :

* d'enjoindre le requérant de parfaire tant son bordereau de communication de pièces que la communication desdites pièces sauf à s'exposer au rejet pur et simple de celles-ci ;

* de débouter Monsieur X... DA COSTA de l'ensemble de ses demandes ;

* de condamner Monsieur X... DA COSTA à la somme de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.

************

Par conclusions enregistrées au greffe le 04 juin 2018 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, Monsieur X... DA COSTA demande à la cour de :

* juger son licenciement abusif ;

* condamner la G... E... H... F... à lui payer les sommes suivantes :

- 14.329,44 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul et sans cause réelle et sérieuse ;

- 57.317,76 € de dommages et intérêts pour discrimination syndicale ;

-14.329,44 € pour travail dissimulé ;

- 5.000 € de retenue sur salaire (heures d'autoroute) ;

- 20.218,04 € à titre de paiement d'heures supplémentaires ;

- 14.329,44 € à titre de dommages-intérêts pour mise en danger de la vie d'autrui;

- 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile

*****************

L'ordonnance de clôture porte la date du 04 juin 2018.

*****************

MOTIFS

Sur la communication des pièces et la régularisation du bordereau

Il résulte du dernier bordereau de pièces établi et communiqué à nouveau à la partie appelante (voir dossier de pièces de la G... E... H... F...) ainsi que des dernières écritures déposées par le salarié, que les anomalies et incohérences relevées par l'employeur et qui affectaient les précédentes écritures et pièces de Monsieur X... DA COSTA ont été corrigées.

Sur le licenciement

Il importe à titre liminaire de relever qu'à plusieurs reprises Monsieur X... DA COSTA invoque le caractère 'discriminatoire' de son licenciement (page 14 de ses derniers écrits) sans cependant tirer les conséquences juridiques de telles allégations (nullité du licenciement). A défaut et la cour étant liée par les prétentions des parties, il y a lieu de se placer uniquement sur le terrain de la matérialité et de la pertinence des motifs du licenciement.

Selon les dispositions des articles L 1232-1 et L 1233-2 du Code du travail, tout licenciement, qu'il soit prononcé pour motif personnel ou pour motif économique doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

Selon l'article L. 1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

L'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.

La lettre de licenciement du 31 juillet 2014, dont les motifs énoncés fixent les limites du litige, est articulée autour des griefs suivants :

- des dépassements de temps de service maximal journalier réitérés (les 2, 4, 11, 12, 19 juin et 2, 3, 8, 15, 17, 18 juillet) ayant donné lieu à 11 des 23 contraventions de 4ème classe commises par l'ensemble des 40 chauffeurs, engendrant un 'risque pénal de plus de 8.000 €' alors que ces dépassements auraient pu être évités par une meilleure organisation du service et que l'employeur avait spécialement attiré l'attention du personnel roulant sur la nécessité de respecter 'strictement' la réglementation en vigueur dans le cadre de réunion d'information (17 mai 2014) et d'entretiens individuels (21 juin 2014) ;

- de 'nombreuses manipulations déloyales ou tout le moins grossièrement erronées de l'appareil chronotachygraphe' consistant à 'sélectionner d'énigmatiques temps de travail susceptibles de générer des situations infractionnistes alors qu'aucune séquence d'activité ne vous a été demandée', illustrant ce grief par les incidents survenus les 14 mai 2014, 27 juin 2014, 04 et 18 juillet 2014 et rappelant qu'un avertissement avait déjà été donné à Monsieur X... DA COSTA le 29 septembre 2011 pour ce motif;

- des temps de travail hors conduite - 25 à 30 % - significativement supérieurs à ceux de ses collègues de travail (15 %) et là encore réductibles avec une meilleure organisation ;

- des dommages occasionnés en semaine 28 au tracteur routier immatriculé [...] par une 'manoeuvre hasardeuse.'

Sur les infractions à la durée du travail, Monsieur X... DA COSTA relève que ces prétendues infractions n'ont fait l'objet ni de procès-verbaux de gendarmerie ni de contrôle de police il ajoute qu'il a été le seul sanctionné alors même que l'employeur reconnaît qu'il n'était pas le seul à commettre ces infractions.

Il ajoute que des dépassements de courte durée (15 minutes) sont tolérés par l'article 12 du règlement communautaire n° 38/85 du conseil du 20/12/1985 dès lors qu'ils sont nécessaires à assurer la sécurité des personnes, du véhicule de son chargement, ce qui est le cas lorsqu'en fin de journée, le conducteur recherche avec difficultés un emplacement de stationnement réservé aux poids lourds. Il fait enfin valoir que l'entreprise était parfaitement informée de ces dépassements bénins, sans rapport avec ceux qui étaient imposés par l'employeur (en moyenne 2h39 par jour). Dès lors pour le salarié les faits incriminés ne revêtent pas un caractère suffisamment sérieux pour justifier la rupture du contrat de travail.

Les dépassements de la durée maximale du travail dont Monsieur X... DA COSTA ne conteste pas la matérialité sont établis par les pièces produites (annexe n° 13 de la G... E... H... F... ).

L'argument tiré par le salarié de l'article 12 du Règlement CE n° 561/2006 qui, 'pour permettre au véhicule d'atteindre un point d'arrêt approprié' autorise 'le conducteur à déroger aux articles 6 à 9 (relatifs aux durées de conduite) 'dans la mesure nécessaire pour assurer la sécurité des personnes du véhicule ou de son chargement, pour autant que cela ne compromette pas la sécurité routière' n'est pas pertinent en ce que :

* d'une part cette réglementation ne concerne que les temps de conduite et non la durée du temps de travail, laquelle ne comporte pas de possibilité de dérogation ;

* d'autre part de telles dérogations doivent faire l'objet d'un signalement manuel sur la nature et le motif de ce dépassement sur la fiche d'enregistrement ou le registre de service et ce, au plus tard à l'arrivée du conducteur au point d'arrêt approprié. Or Monsieur X... DA COSTA ne justifie d'aucune explication de ce type sur les fiches d'enregistrement qu'il a renseignées.

La circonstance que les dépassements de la durée du travail n'ont pas fait l'objet de procès-verbaux de police ou de gendarmerie est indifférente et n'enlève rien à leur caractère illicite, ni au risque qu'ils induisent pour la santé et la sécurité des salariés et des usagers de la route.

Les pièces qu'il produit contredisent ensuite l'allégation selon laquelle Monsieur X... DA COSTA serait le seul conducteur sanctionné pour de tels agissements (annexe n° 27 b de Monsieur X... DA COSTA) étant rappelé que le salarié :

* avait enregistré sur la période du 1er juin au 18 juillet 2014, 11 dépassements alors qu'aucun de ses collègues n'enregistrait plus de deux dépassements (deux conducteurs concernés) la majorité (les 8 autres conducteurs) n'en ayant commis qu'un seul (annexe n° 14 de l'employeur) ;

* avait déjà fait l'objet d'un premier avertissement pour le même motif, ce qui justifie la gradation dans les sanctions appliquées.

Enfin, les rares dépassements de la durée du travail enregistrés par les autres conducteurs de l'entreprise contredisent l'affirmation de Monsieur X... DA COSTA selon laquelle l'organisation du service par l'employeur et les ordres de livraison reçus, conduisaient nécessairement à des dépassements. D'ailleurs les explications qu'il a pu donner sur ce point, dans ses différents courriers, ne sont étayées par aucune pièce et ont été contredites par la G... E... H... F... (voir correspondance échangée à propos de l'avertissement de septembre 2011).

Monsieur X... DA COSTA maintient cependant que le grief ne serait pas sérieux car les dépassements du temps de travail imposés par l'employeur seraient bien plus importants et monnaie courante. Selon ses explications s'ils n'apparaissent pas sur les relevés c'est en raison des pressions et manoeuvres exercées sur les conducteurs, pour qu'ils les dissimulent. Cependant, là encore, cette grave accusation n'est étayée par aucun élément de preuve. En effet ne peut être considéré comme telle l'attestation isolée de Monsieur Kévin B..., qui a lui-même été licencié par la G... E... H... F... et qui révèle pêle-mêle une série d'infractions aux lois sociales, au code de la route, prétendument commises par la G... E... H... F... du temps de son emploi et qui sont toutes aussi peu circonstanciées que parfaitement invérifiables.

Il peut d'ailleurs être relevé que de tels agissements patronaux dont le caractère illicite est manifeste, n'ont fait l'objet d'aucune dénonciation ni auprès des autorités judiciaires ni de l'inspection du travail, alors même que Monsieur X... DA COSTA avait la qualité de représentant du personnel et que Monsieur B... ne faisait plus partie des effectifs de l'entreprise, ce qui le mettait à l'abri de 'représailles' éventuelles.

Ces allégations non étayées sont d'ailleurs contredites par les sanctions, recommandations, formations et autres actes d'engagements que la G... E... H... F... a systématiquement mis en oeuvre et qui sont en partie établis par les pièces du salarié. Ainsi :

* de l'attestation détaillée d'engagement de respecter les règles en matière de durée du travail que la G... E... H... F... a fait signer au salarié lors de la signature de son contrat de travail ;

* de l'avertissement infligé au salarié pour repos journalier insuffisant de plus de 20 % le 29 septembre 2011, auquel il n'a pas apporté d'explications satisfaisantes et dont il n'a d'ailleurs pas demandé l'annulation ;

* des comptes rendus de réunions d'information de l'entreprise dans lesquels sont systématiquement rappelées les consignes en matière de respect de la législation sociale et des temps de conduite (pièces 6b, 6c et 11 de Monsieur X... DA COSTA).

Sur les manipulations de l'appareil chronotachygraphe, qui constituent nécessairement un grief de nature disciplinaire dès lors qu'il s'agit d'actes de falsification et en tout état de cause parfaitement déloyaux, la prescription invoquée par Monsieur X... DA COSTA doit cependant être écartée car l'employeur est recevable à se prévaloir de faits plus anciens s'il justifie de faits de même nature commis dans les deux mois ayant précédé la mise en oeuvre de la procédure de licenciement. Or la G... E... H... F... justifie de 'faits de même nature ' - non contestés - commis en juillet 2014, soit quelques jours seulement avant la mise en oeuvre de la procédure de licenciement.

Au fond, la G... E... H... F... démontre, pièces à l'appui, que loin de refléter les 'temps de travail réellement accomplis par le salarié pour répondre aux directives de l'employeur' Monsieur X... DA COSTA enregistrait des temps de travail qui ne résultaient ni des ordres de l'employeur ni des contraintes de son service. Ainsi à titre d'exemple les journées du :

* 27 juin 2014 où il devait se rendre à Castelnaudary pour effectuer un chargement de semences à compter de 14 heures (pièce n° 19 de la G... E... H... F... : 'merci de respecter ces horaires' ) : selon les explications fournies dans ses propres écritures, Monsieur X... DA COSTA s'est présenté chez ce client à 13h15 en méconnaissance des instructions données et à compter de 13h21 a enregistré le temps passé en temps de travail jusqu'à 14h07 avec l'explication suivante 'un de ses collègues était chez ce même client, naturellement il l'a aidé à démonter son camion (débâchage + poteaux+planches) + remontage dans la foulée afin de gagner un maximum de temps pour le chargement', cette assistance - dont la réalité n'est au demeurant pas établie - n'entrant nullement dans les consignes de travail qui lui avaient été données ;

* 4 juillet 2014 où alors qu'il était garé sur l'aire de stationnement du supermarché INTERMARCHE, Monsieur X... DA COSTA a enregistré comme temps de travail la plage 14h à 15h40 alors même que de son propre aveu aucun 'travail' n'a été effectué, le salarié ayant, selon ses déclarations, attendu pendant toute cette période de savoir s'il pouvait ou non livrer ;

* 18 juillet 2014 où, pour un rendez-vous fixé à 12 heures Monsieur X... DA COSTA s'est présenté sur le site Coca Cola à 11 heures et a naturellement été placé en temps d'attente pendant une heure sur le site sans pouvoir effectuer sa prestation, ce temps étant néanmoins enregistré par le salarié comme temps de travail ;

Ces enregistrements abusifs ont chaque fois généré des dépassements de la durée légale du travail.

Le grief est donc matériellement établi et juridiquement fondé. Avec les dépassements de la durée des temps de travail (les deux griefs étant liés) ils constituent un motif sérieux de licenciement en raison de la gravité de ces comportements, de leur caractère délibéré (annexe 13c et d de Monsieur X... DA COSTA ) et réitéré, même si l'imputabilité des autres griefs n'est pas certainement établie (ainsi notamment des circonstances dans lesquelles le camion conduit par Monsieur X... DA COSTA a pu être endommagé).

Il y a donc lieu de débouter le salarié de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur la discrimination syndicale

Le salarié fait valoir divers éléments de fait dont les rumeurs lancées et pressions exercées sur les salariés pour les inciter à ne pas voter pour lui lors des élections des délégués du personnel, ces médisances étant à l'origine de l'agression physique et verbale dont il a été victime le 6 décembre 2011 pour laquelle il a porté plainte à la gendarmerie de SOUMOULOU. Il invoque en outre depuis sa candidature aux élections de délégués du personnel du 18 juin 2011, des différences de traitement et agissements relevant du harcèlement moral :

* à compter du 1er novembre 2011 et pendant une période de 15 semaines il aurait été privé, en période hivernale, du chauffage de parking de son camion en raison de la suppression d'une pièce par le mécanicien de l'entreprise, sur directive de l'employeur, lequel n'a pas réagi à la dénonciation de ces conditions inacceptables d'exécution du contrat de travail qui ont entraîné une dégradation de son état de santé (état de grande fatigue lié au manque de sommeil) ;

* le 14 avril 2014, soit le jour même où il avait assisté un salarié lors d'un entretien préalable, l'employeur a échangé son camion contre celui d'un collègue licencié pour manque d'hygiène et défaut d'entretien de son véhicule. Comme il protestait contre cette décision mettant en danger sa santé (présence de cafard, saleté repoussante) et portant atteinte à sa dignité, l'employeur lui aurait répondu qu'il n'avait qu'à le nettoyer, ce qui démontre à la fois qu'aucun nettoyage préalable n'avait été effectué et la manoeuvre de l'employeur pour le pousser à la démission.

* Un chantage à l'emploi pour le contraindre à signer un accord auquel il a refusé de se soumettre.

Après un rappel des règles applicables en la matière, la G... E... H... F... soutient que les griefs du salarié ne reposent que sur des allégations mensongères incompréhensibles, et en tout état de cause dépourvues d'élément matériel probant.

Comme le rappelle la G... E... H... F... en matière de discrimination syndicale la charge de la preuve obéit à des dispositions spécifiques :

'Lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles'

En l'occurrence aucun élément ne vient étayer les prétendues rumeurs lancées et pressions exercées sur les salariés par l'employeur, et plus précisément par Madame C..., comptable, pour les inciter à ne pas voter pour Monsieur X... DA COSTA aux élections des délégués du personnel de 2011, l'intimé produisant lui-même le courriel qu'il a adressé le 10 janvier 2012 à cette personne pour lui présenter ses voeux 'ainsi que mes excuses (souligné dans le texte) pour nos malentendus passé.' ce qui tend à réduire à néant des allégations au demeurant non établies.

Les motifs et circonstances de l'altercation du 6 décembre 2011 qui a eu lieu plus de 6 mois après les élections litigieuses sont demeurées inconnues, les explications qu'en a données Monsieur X... DA COSTA lors de son dépôt de plainte n'ayant aucun rapport avec le contexte électoral ni même syndical allégué. Cette plainte est demeurée sans suite et les protagonistes de l'altercation ont l'un et l'autre été sanctionnés (avertissement).

Il en découle qu'aucun élément de fait ne corrobore le grief de discrimination syndicale du salarié.

Il en va de même :

* de prétendues différences de traitements sur lesquelles la cour n'est pas en mesure de se prononcer faute d'explication claire pour les exposer et de pièce probante pour les établir ;

* de la vague de licenciements (4) auxquels aurait procédé l'employeur après que ces salariés aient dénoncé à l'inspection du travail les agissements précités de la G... E... H... F..., en l'absence de toute pièce pour étayer : la réalité de ces licenciements, des lettres prétendument adressées à l'inspection du travail...

* des dysfonctionnements allégués du système de chauffage du camion de Monsieur X... DA COSTA après intervention de l'employeur (ou plutôt à sa demande) qui auraient contraint le salarié à d'insupportables conditions de travail, les températures extérieures avoisinant -18 °, alors qu'aucune pièce n'atteste de la réalité de cette panne ni de sa cause prétendue, ni a fortiori de l'invraisemblable prélèvement d'une pièce de l'installation pour en réparer une autre, opéré par un 'technicien' sur ordre de la G... E... H... F..., étant observé que le salarié s'est pour la première et dernière fois plaint de cette 'anomalie' le 12 février 2012, soit 15 semaines après sa survenance, preuve, à supposer sa réalité établie, que le dysfonctionnement allégué a été aussitôt réparé puisque Monsieur X... DA COSTA ne l'a plus signalé.

Quant au remplacement du camion dont il disposait habituellement, le 14 avril 2014, par celui d'un collègue qui venait d'être licencié, notamment, en raison de son manque d'hygiène, sans que ce véhicule n'ait fait l'objet du moindre entretien, il est établi (pièces n° 30 et 31 de la G... E... H... F... ) que le véhicule habituellement conduit par Monsieur X... DA COSTA - immatriculé [...] - était tombé en panne ('défaut : 'arrêt immédiat') et avait dû être remisé pour réparation.

Il n'est pas contesté qu'aucun autre véhicule que celui qui était jusque-là utilisé par Monsieur Alexandre D... (licencié le 14 avril 2014) n'était disponible à cette date.

Si Monsieur X... DA COSTA a en effet dû procéder à son nettoyage, cet unique élément de fait ne saurait donner lieu à condamnation de l'employeur pour discrimination syndicale alors :

* qu'il n'est pas démontré une quelconque coïncidence avec l'exercice des fonctions d'assistance exercées par le salarié (celui-ci ne versant pas de pièce sur le prétendu entretien préalable au cours duquel il assistait un collègue) ;

* que l'état du camion était certes 'inacceptable' (désordre, présence de détritus) sans toutefois présenter l'état d'infestation décrit par le salarié (présence de puces, cafards non démontrée), le licenciement de Monsieur Alexandre D... étant principalement fondé non sur l'état du camion (mis en exergue par Monsieur X... DA COSTA) mais sur des actes de déloyauté et d'accroissement frauduleux du temps de travail ;

* que Monsieur X... DA COSTA n'a émis aucune observation lorsqu'il lui a été demandé de nettoyer ce camion.

La demande du salarié n'est donc pas fondée et doit être rejetée de ce chef.

Sur les heures supplémentaires

Le salarié se réfère sans autre explication au tableau qu'il a élaboré et joint à ses pièces.

La G... E... H... F... déplore l'absence de justification, dès lors qu'il ressort des propres explications de Monsieur X... DA COSTA qu'il avait la possibilité de modifier les enregistrements du sélecteur de temps, ce qui prive les documents qu'il produit à cet égard de toute fiabilité.

La demande, initiale de règlement de 2220 heures supplémentaires valorisées à 22.828 €, réduite à 1966 heures supplémentaires valorisées à 20.218 €, toujours sur la base des mêmes pièces fait, selon la G... E... H... F..., la preuve de son incohérence et ne peut dès lors qu'être rejetée, et ce d'autant plus que le salarié n'a jamais émis la moindre revendication lorsqu'il était en poste.

L'article L.3171-4 prévoit qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail, accomplies, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande le juge forme sa conviction, après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

En application de cet article, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments.

Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

En l'espèce, le salarié produit un tableau répertoriant les heures supplémentaires prétendument effectuées chaque mois sans aucun détail ni indication sur les documents à partir desquels un tel décompte a été effectué.

Même s'il est vraisemblable que Monsieur X... DA COSTA s'est basé sur les relevés chronotachygraphes, les précédents développements démontrent que ce salarié avait la possibilité de modifier à sa guise les enregistrements de l'appareil ce qui ôte toute valeur probante à ce moyen de preuve et ce d'autant plus que les motifs retenus à propos du licenciement démontrent qu'il avait à tort enregistré des temps de travail qui ne méritaient pas cette qualification. En toute hypothèse le caractère global et imprécis du tableau communiqué ne permet pas, en l'absence de toute autre pièce, à l'employeur de le discuter valablement.

Monsieur X... DA COSTA est en conséquence débouté de cette demande.

Sur l'indemnisation du travail dissimulé

Aucun des manquements qualifiés de travail dissimulé par dissimulation d'emploi par l'article L 8221-5 du Code du travail n'étant établi à la charge de la G... E... H... F... la demande de Monsieur X... DA COSTA est rejetée sur ce point.

Sur les abattements autoroutiers

Monsieur X... DA COSTA expose qu'en méconnaissance des articles L. 3251-1 et L. 3251 - 4 du code du travail, l'employeur a procédé à des retenues sur salaire pour sanctionner les chauffeurs qui pratiquent trop souvent la conduite sur autoroute ce qui ressort des tableaux provenant de l'entreprise, alors même que Monsieur E... a déjà été condamné pour de tels agissements par le conseil de prud'hommes de Toulouse (jugement du 9 février 2012). Le salarié réclame à ce titre la somme forfaitaire de 5000€.

L'employeur conclut au débouté au motif que le demandeur n'exposerait aucun moyen de droit ou de fait au soutien de cette prétention et ne produirait pas la moindre pièce pour en justifier.

En droit la demande de Monsieur X... DA COSTA est fondée sur les articles L3251-1 et L 3251-4 du Code du travail qui prohibe toute retenue sur salaire pour compenser des sommes dues par un salarié pour fournitures diverses, quelle qu'en soit la nature et tous versements ou retenues d'argent sous la dénomination de frais ou sous toute autre dénomination pour quelque objet que ce soit, à l'occasion de l'exercice normal de leur travail dans les secteurs suivants :

1° Hôtels, cafés, restaurants et établissements similaires ;

2° Entreprises de spectacle, cercles et casinos ;

3° Entreprises de transport.

Pour établir la matérialité de telles retenues, Monsieur X... DA COSTA produit des relevés mensuels et trimestriels attribués à la G... E... H... F... et que celle-ci ne dément pas. Ces relevés mensuels sont d'ailleurs corroborés par la référence régulièrement faite par l'employeur, lors de réunions d'information organisées pour les salariés, au 'pourcentage d'utilisation d'autoroutes' auquel l'employeur était particulièrement vigilant et qui prouve que ce taux était effectivement calculé par l'employeur. Ils attestent que chaque trimestre, l'entreprise procédait à un rajustement du salaire des conducteurs en fonction des temps de conduite passés sur le réseau autoroutier, ce qui équivalait à sanctionner financièrement - et par une réduction forfaitaire plafonnée à 5% du temps de conduite - la rémunération des salariés dépassant la 'moyenne' des autres conducteurs, le ratio étant revu chaque trimestre.

Ainsi, pour le premier trimestre 2010, Monsieur X... DA COSTA cumulait un temps de conduite de 641,13 heures. Son taux individuel de temps de passage sur autoroute étant de 40,69 % alors que la moyenne de ses collègues n'atteignait que 40 %, le salarié s'est vu appliquer une réduction de 0,69 % de son temps effectif de travail rémunéré. Autre exemple : pour le dernier trimestre 2010 : 633,08 heures effectuées ; 589 heures payées toujours pour le même motif et selon la même méthode.

Le préjudice subi par le salarié pour ces manquements aux règles du droit du travail est justement évalué par Monsieur X... DA COSTA à 5.000 €. Il y a donc lieu de faire droit à sa demande.

Sur la mise en danger de la vie d'autrui

Monsieur X... DA COSTA dénonce une pratique parfaitement illicite comme contraire à la législation européenne (CE n° 561/2006) et nationale ( Décret n°83 - 40 du 26 janvier 1983) et particulièrement dangereuse pour la sécurité des travailleurs et celle des tiers, à laquelle il affirme avoir été contraint par l'employeur, et qui consiste à se faire remplacer dès que le temps maximum de conduite est atteint, par un collègue de travail arrivé en voiture pour le remplacer, tout en étant obligé de suivre le camion conduit par le remplaçant au volant du véhicule de ce dernier, pendant la durée du temps de pause, et à expiration, de reprendre la conduite camion sans avoir pu se reposer dans l'intervalle.

Force cependant est de constater à la suite des observations de la G... E... H... F... que ces allégations reposent sur les seules déclarations de Monsieur X... DA COSTA dépourvues de valeur probante.

Le salarié est en conséquence débouté de ses prétentions de ce chef .

Sur les demandes accessoires

Chacune des parties succombant partiellement en ses prétentions, elles sont condamnées à supporter chacune la charge de leurs propres dépens, les prétentions respectives fondées sur l'article 700 du Code de procédure civile étant rejetées.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement contradictoirement en dernier ressort et par arrêt mis à disposition au greffe :

VU l'arrêt prononcé sur contredit le 21 septembre 2017 par lequel la cour a décidé d'évoquer ;

CONSTATE que les écritures et le bordereau de Monsieur X... DA COSTA ont été régularisés ;

CONDAMNE la G... E... H... F... à payer à Monsieur X... DA COSTA la somme de 5.000 € (cinq mille euros) à titre de dommages et intérêts pour retenues illicites sur rémunérations ;

DÉBOUTE Monsieur X... DA COSTA de toute autre demande ;

REJETTE les prétentions respectives fondées sur les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile

DIT que chaque partie supporte la charge de ses propres dépens.

Arrêt signé par Madame THEATE, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE,LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 16/04055
Date de la décision : 18/10/2018

Références :

Cour d'appel de Pau 3S, arrêt n°16/04055 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-10-18;16.04055 ?
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