La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/05/2018 | FRANCE | N°17/01492

France | France, Cour d'appel de Pau, 2ème ch - section 1, 29 mai 2018, 17/01492


CM/CS





Numéro 18/1934








COUR D'APPEL DE PAU


2ème CH - Section 1











ARRET DU 29/05/2018











Dossier : 17/01492








Nature affaire :





Demande en exécution ou en dommages-intérêts pour mauvaise exécution d'un autre contrat


























Affaire :





SARL TRANSPORTADORA FAF

ENSE





C/





SARL NEGOMETAL






































Grosse délivrée le :


à :




















RÉPUBLIQUE FRANÇAISE





AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS




















A R R E T








Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 29 mai 2018, les parties en ayant é...

CM/CS

Numéro 18/1934

COUR D'APPEL DE PAU

2ème CH - Section 1

ARRET DU 29/05/2018

Dossier : 17/01492

Nature affaire :

Demande en exécution ou en dommages-intérêts pour mauvaise exécution d'un autre contrat

Affaire :

SARL TRANSPORTADORA FAFENSE

C/

SARL NEGOMETAL

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R E T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 29 mai 2018, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 13 Mars 2018, devant :

Monsieur Eric LEGRAND, Président

Madame Cécile MORILLON, Conseiller

Madame Adeline JANSON, Vice-président placé par ordonnance du 20 novembre 2017

assistés de Madame SAYOUS, Greffier, présent à l'appel des causes.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTE :

SARL TRANSPORTADORA FAFENSE

Rua de Casares N° 1104 ESTORAOS

FAFE PORTUGAL 48520-058

Représentée par Me Emmanuel TANDONNET, avocat au barreau de TARBES

Assistée de MePOULAIN et Me REGAUD, avocats au barreau de Bordeaux

INTIMEE :

SARL NEGOMETAL

[...]

Représentée par Me Christophe MIRANDA de la SELARL ETCHE AVOCATS, avocat au barreau de Bayonne

sur appel de la décision

en date du 27 FEVRIER 2017

rendue par le TRIBUNAL DE COMMERCE DE BAYONNE

Exposé des faits et procédure :

La société TRANSPORTADORA FAFENSE, société de transport routier basée au Portugal, a confié à la Sarl NEGOMETAL la récupération de sa TVA en France, Allemagne, Autriche, Belgique, et en Italie, 'selon contrat TVA' rédigé en français, signé le 1er mars 2011 pour une durée d'un an reconductible par tacite reconduction.

Le 10 septembre 2012, La société TRANSPORTADORA FAFENSE a également confié à la Sarl NEGOMETAL la récupération des droits d'accises ((TIPP - Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques).

Estimant que La société TRANSPORTADORA FAFENSE avait rompu les relations contractuelles de manière brutale et unilatérale, par acte du 13 janvier 2016, la Sarl NEGOMETAL l'a fait assigner devant le tribunal de commerce de Bayonne aux fins de voir verser la somme de 64 566,68 € au titre de l'indemnité forfaitaire de résiliation ainsi que 2000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par jugement du 27 février 2017, le tribunal de commerce de Bayonne a:

- condamné la société TRANSPORTADORA FAFENSE à payer à la Sarl NEGOMETAL la somme de 64 566,68 €, outre les intérêts légaux à compter du 25 juin 2014 au titre de l'indemnité forfaitaire due pour rupture non conforme aux dispositions du contrat,

- débouté la société TRANSPORTADORA FAFENSE de l'ensemble de ses demandes,

- condamné la société TRANSPORTADORA FAFENSE à régler à la Sarl NEGOMETAL la somme de 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et débouté cette dernière du surplus de sa demande,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement,

- condamné la société TRANSPORTADORA FAFENSE aux entiers dépens.

Par déclaration en date du 18 avril 2017, la société TRANSPORTADORA FAFENSE a relevé appel du jugement.

La clôture est intervenue le 7 février 2018.

Prétentions et moyens des parties:

Par conclusions notifiées le 6 février 2018, auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, la société TRANSPORTADORA FAFENSE demande de :

A titre principal,

- juger que la clause indemnitaire de résiliation du contrat est inapplicable,

- en conséquence, réformer le jugement rendu,

A titre subsidiaire,

- juger que l'indemnisation sollicitée par la Sarl NEGOMETAL n'est pas justifiée et réformer en conséquence le jugement du Tribunal de commerce,

A titre très subsidiaire :

- constater que la clause indemnitaire de résiliation du contrat est manifestement disproportionnée,

En conséquence,

- réévaluer l'indemnisation sollicitée et la ramener à de justes proportions, c'est-à-dire à un montant qui ne saurait excéder un an de commission, soit au regard de la dernière commission perçue en 2013 à une somme maximum de 2 429,72 €,

- réformer en conséquence le jugement rendu,

- juger que compte-tenu des demandes manifestement disproportionnées de la Sarl NEGOMETAL elle ne peut se prévaloir d'une quelconque indemnité au regard de l'article 700 du code de procédure civile et réformer le jugement en ce sens,

En tout état de cause,

- condamner la Sarl NEGOMETAL à verser la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dire que chaque partie supportera la charge de ses dépens.

Elle fait valoir que:

- elle n'a pas compris les contrats, écrits en français, qui n'ont pas été traduits.

- elle était fondée à rompre le contrat car en mai 2014, elle s'est aperçue que la Sarl NEGOMETAL avait ouvert pour son compte, en Italie, un compte bancaire destiné à recevoir la TIPP, sans son autorisation. A partir de cette date, la Sarl NEGOMETAL a refusé de lui reverser la TIPP pour 2012 tant qu'elle ne lui aurait pas signé un mandat pour ouvrir un compte bancaire dans un autre établissement, ce que la société TRANSPORTADORA FAFENSE a refusé. Cela a entraîné pour elle une perte de confiance en son mandataire et l'a conduite à ne plus lui confier la récupération de la TVA et de la TIPP.

- le calcul du montant de l'indemnité n'est pas justifié car la Sarl NEGOMETAL fait une mauvaise interprétation de la clause.

- l'indemnité est manifestement disproportionnée (64 566 € au lieu de 2 000 € de commissions annuelles).

Par conclusions notifiées le 7 février 2018, auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, la Sarl NEGOMETAL demande de:

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement du Tribunal de Commerce de Bayonne du 27 février 2017,

- débouter l'appelante de toutes ses demandes,

- condamner la Société TRANSPORTADORA FAFENSE LDA à lui verser une somme de 4 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la Société TRANSPORTADORA FAFENSE LDA aux entiers dépens de l'appel avec application de l'article 699 du Code de procédure civile.

Elle relève que :

- la clause indemnitaire forfaitaire prévue au contrat en cas de rupture anticipée injustifiée doit s'appliquer et doit prendre en compte le montant de la TVA confié pour l'année 2012, année antérieure à celle de la résiliation.

- la société TRANSPORTADORA FAFENSE ne peut se fonder sur un le contrat de récupération de la TIPP, contrat indépendant, pour invoquer un manquement contractuel et s'exonérer de ses obligations, à défaut de démontrer un lien d'indivisibilité entre les deux.

- la clause n'est pas manifestement disproportionnée.

Au-delà de ce qui sera repris pour les besoins de la discussion et faisant application en l'espèce des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, la cour entend se référer pour l'exposé plus ample des moyens et prétentions des parties aux dernières de leurs écritures visées ci-dessus.

MOTIFS DE LA DECISION :

Selon contrat du 1er mars 2011 intitulé 'contrat de récupération de TVA', la société TRANSPORTADORA FAFENSE a confié à la Sarl NEGOMETAL, mandataire, mission de récupérer pour son compte la TVA qu'il a payée dans les différents pays de l'Union Européenne.

En vertu de l'article 10,ce contrat a été conclu pour une durée d'un an reconductible par tacite reconduction, « sauf dénonciation par l'une des parties, trois mois avant sa date anniversaire qui est fixée à sa date de signature, par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception». Il était prévu que « toute rupture anticipée du présent contrat, sans aucun fondement, fera l'objet d'un versement d'indemnités, par la partie ayant pris l'initiative de la rupture. Cette indemnité sera égale à deux fois le volume de TVA confié au « Mandataire» durant l'année écoulée et en cours.»

Selon l'article 1134 du code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.

Il est constant qu'une partie peut mettre fin unilatéralement à un contrat à durée déterminée avant son terme pour justes motifs, si elle justifie de manquements suffisamment graves de la part de son co-contractant rendant impossible le maintien des relations contractuelles.

Dans le cadre du contrat de mandat, le mandataire est responsable à l'égard de son mandant de la bonnes exécution des obligations dont il a la charge à l'égard des tiers. Dans ce type de contrat, la dimension confiance est nécessairement plus marquée et la perte de cette confiance peut constituer un motif légitime de résiliation anticipée.

En l'espèce, la société TRANSPORTADORA FAFENSE a confié à la Sarl NEGOMETAL, par deux contrats distincts, le soin de récupérer pour son compte la TVA et la TIPP provenant des pays de l'union européenne. La perception de ces droits constitue un enjeu majeur pour le transporteur étranger qui confie à un intermédiaire, choisi pour ses compétences particulières en matière fiscale et juridique, le soin de percevoir pour lui des fonds remboursés par l'administration fiscale de chaque pays. Toute erreur est susceptible d'entraîner des conséquences financières graves pour l'entreprise qui pourrait être accusée par l'administration de fraude aux droits de perception des impôts et taxes.

La société TRANSPORTADORA FAFENSE ne conteste pas que les relations entre les parties ont pris fin à une date qu'elle situe après mai 2014 et que cette rupture n'a pas été formalisée par écrit, après que son mandataire lui a demandé de rédiger un nouveau mandat de paiement pour la perception de la TIPP.

Pour sa part, le conseil de la Sarl NEGOMETAL dans un courrier du 25 juin 2014 a pris acte de la rupture du mandat ' de manière brutale et unilatérale'.

Les motifs de la rupture n'ont donc pas été clairement explicités par écrit entre les parties. Il ressort cependant des pièces produites que le 9 mai 2014, un représentant de la Sarl NEGOMETAL s'est adressé à La société TRANSPORTADORA FAFENSE pour lui rappeler que certaines administrations fiscales pour le paiement de la TVA et le remboursement du diesel professionnel exigent le remboursement de ces taxes sur un compte bancaire de l'entreprise. C'est pourquoi, la Sarl NEGOMETAL a présenté un nouveau mandat de paiement à sa cliente sur une banque C2A. A cette occasion, La société TRANSPORTADORA FAFENSE a appris que la Sarl NEGOMETAL se servait d'une agence bancaire italienne pour recevoir les fonds, alors que dans les deux contrats signés, le mandant avait bien spécifié le compte bancaire destinataire dans une banque portugaise, sur lequel il voulait percevoir le reversement de ces taxes. La poursuite du remboursement en 'France de l'année 2012" est très clairement subordonnée à la signature d'un formulaire d'ouverture de compte de paiement spécifique auprès d'un nouvel organisme bancaire.

Dans ce message qui est à l'origine de la perte de confiance de la société TRANSPORTADORA FAFENSE, il n'est fait aucune distinction entre la perception des différentes taxes, TVA ou TIPP, de telle sorte qu'il n'y a pas à distinguer là où les parties ne le font pas.

C'est donc de manière totalement fortuite à l'occasion de la fermeture de cette agence bancaire italienne que la société TRANSPORTADORA FAFENSE a appris que la Sarl NEGOMETAL avait ouvert en son nom un compte bancaire dans un pays étranger alors qu'il s'agissait de percevoir des taxes de l'Etat Français. La surprise de la société TRANSPORTADORA FAFENSE et la suspicion que cette découverte a pu susciter est donc parfaitement légitime au regard des graves implications fiscales et douanières qu'une telle anomalie pouvait entraîner à son insu.

Il est également constant que La société TRANSPORTADORA FAFENSE a refusé de signer ce mandat d'ouverture de compte et que la TIPP des premier et second semestres 2012 en France n'a pas été restituée par la Sarl NEGOMETAL dans l'attente du règlement de sa commission (mail pièce 4). Il apparaît par ailleurs que le service des douanes françaises a confirmé à la société TRANSPORTADORA FAFENSE que les droits de 2011 et 2012 ont été payés sur le compte italien et qu'en raison de la clôture de ce compte, ces droits ont été restitués à l'administration. Ce n'est qu'en septembre 2015, après régularisation faite par un autre mandataire, que le montant des droits de 2012 a effectivement été payé à la société TRANSPORTADORA FAFENSE.

L'ensemble de ces faits démontre des anomalies majeures dans le fonctionnement et la gestion des comptes clients par le prestataire. il est suffisamment justifié par la société TRANSPORTADORA FAFENSE de manquements graves ayant entraîné une perte de confiance, qui l'ont conduite à mettre fin aux relations contractuelles. La gravité des manquements de la Sarl NEGOMETAL à ses obligations de mandataire, justifie la résiliation unilatérale du contrat avant terme.

Par conséquent, l'article 10 du contrat n'est pas applicable et l'indemnité contractuelle n'est pas due par la société TRANSPORTADORA FAFENSE à la Sarl NEGOMETAL.

Le jugement déféré sera donc infirmé en toutes ses dispositions et la Sarl NEGOMETAL déboutée de ses demandes.

La Sarl NEGOMETAL qui succombe doit supporter les dépens de première instance et d'appel, avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de la société TRANSPORTADORA FAFENSE les frais non compris dans les dépens exposés en cours de procédure. Aussi, il convient de lui allouer la somme de 1 200 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Et statuant à nouveau,

Déboute la Sarl NEGOMETAL de l'intégralité de ses demandes,

Condamne la Sarl NEGOMETAL aux dépens de première instance et d'appel,

Condamne la Sarl NEGOMETAL à payer à la société TRANSPORTADORA FAFENSE la somme de 1 200 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Autorise les avocats de la cause qui en ont fait la demande à recouvrer directement ceux de dépens d'appel dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu provision,

Arrêt signé par Monsieur LEGRAND, Président, et par Madame Catherine SAYOUS, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : 2ème ch - section 1
Numéro d'arrêt : 17/01492
Date de la décision : 29/05/2018

Références :

Cour d'appel de Pau 21, arrêt n°17/01492 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-05-29;17.01492 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award