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02/05/2018 | FRANCE | N°17/01621

France | France, Cour d'appel de Pau, 1ère chambre, 02 mai 2018, 17/01621


MARS/AM



Numéro 18/1601





COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre







ARRET DU 02/05/2018





Dossier : 17/01621





Nature affaire :



Demande en nullité de la vente ou d'une clause de la vente









Affaire :



[P] [C]

[B] [C] épouse [O]

[G] [C] épouse [U]

[J] [W] [C] [O] [C] GROUPEMENT FORESTIER DU BORN



C/



MONSIEUR LE PREFET DES LANDES

[H] [G]

SCP [U] [V] - [

M] [G] - [R] [M]







Grosse délivrée le :



à :



















RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R E T



prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 02 mai 2018, les parties en aya...

MARS/AM

Numéro 18/1601

COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre

ARRET DU 02/05/2018

Dossier : 17/01621

Nature affaire :

Demande en nullité de la vente ou d'une clause de la vente

Affaire :

[P] [C]

[B] [C] épouse [O]

[G] [C] épouse [U]

[J] [W] [C] [O] [C] GROUPEMENT FORESTIER DU BORN

C/

MONSIEUR LE PREFET DES LANDES

[H] [G]

SCP [U] [V] - [M] [G] - [R] [M]

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R E T

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 02 mai 2018, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 20 février 2018, devant :

Madame BRENGARD, Président

Monsieur CASTAGNE, Conseiller

Madame ROSA SCHALL, Conseiller, magistrat chargé du rapport conformément à l'article 785 du code de procédure civile

en présence de Madame DUHAA, avocat général

assistés de Madame FITTES-PUCHEU, Greffier, et de Monsieur BENENTENDI, greffier stagiaire, présents lors des débats.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTS :

Monsieur [P] [C]

né le [Date naissance 1] 1936 à [Localité 1]

de nationalité française

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Madame [B] [C] épouse [O]

née le [Date naissance 2] 1964 à [Localité 2]

de nationalité française

[Adresse 2]

[Adresse 2]

venant aux droits de Monsieur [V] [C]

Madame [G] [C] épouse [U]

née le [Date naissance 3] 1980 à [Localité 3]

de nationalité française

[Adresse 3]

[Adresse 3]

venant aux droits de Monsieur [V] [C]

Monsieur [J] [W] [C]

né le [Date naissance 4] 1942 à [Localité 4]

de nationalité française

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Monsieur [O] [C]

né le [Date naissance 5] 1951 à [Localité 5]

de nationalité française

[Adresse 1]

[Adresse 1]

GROUPEMENT FORESTIER DU BORN

[Adresse 1]

[Adresse 1]

pris en la personne de son gérant Monsieur [O] [C]

représentés et assistés de Maître Christophe SAINT-LAURENT de la SCPA SAINT-LAURENT, avocat au barreau de MONT DE MARSAN

INTIMES :

MONSIEUR LE PREFET DES LANDES

Préfecture des Landes

[Adresse 5]

[Adresse 6]

représenté et assisté de la SCP KAPPELHOFF-LANCON THIBAUD VALDES, agissant par Maître Francis KAPPELHOFF-LANCON, avocat au barreau de BORDEAUX

SCP [U] [V] - [M] [G] - [R] [M], notaires associés,

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Maître [H] [G], notaire associé

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentés par Maître François PIAULT, avocat au barreau de PAU

assistés de la SCP KUHN, avocats au barreau de PARIS

sur appel de la décision

en date du 30 NOVEMBRE 2016

rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONT DE MARSAN

*

* *

*

Par jugement du 21 février 2002, le tribunal de grande instance de Mont-de-Marsan a déclaré irrecevable pour défaut de qualité à agir, l'action engagée par Mme [C] [T] épouse [C] contre l'État et tendant à faire reconnaître son droit de propriété sur diverses parcelles d'une contenance de 5868 ha 75 a et 66 ca représentant la quasi-totalité de la forêt domaniale de [Localité 5] et de [Localité 6] et à obtenir, par suite de l'exercice du droit de retour prévu par l'article 5 du décret du 14 décembre 1810, le délaissement de ces parcelles par l'État, la restitution des produits indûment perçus et le versement d'une indemnité de jouissance.

Le tribunal a considéré que Mme [C] [T] épouse [C] ne rapportait pas la preuve d'être l'unique héritière de [K] [H], baron de Lacanau, acquéreur en 1663 de la vicomté de [Localité 5].

Par arrêt du 23 janvier 2006, la cour d'appel de Pau a :

- dit Mme [C] [T] épouse [C] irrecevable en ses appels formés le 5 avril 2002 par déclaration au greffe de la cour et par lettre recommandée avec accusé de réception adressée le 26 novembre 2002 au greffe du tribunal de grande instance de Mont-de-Marsan,

- dit par conséquent Mme [C] [T] épouse [C] irrecevable en ses appels provoqués à l'encontre du service des domaines, de M l'agent judiciaire du trésor et du ministère de la défense, et le service des domaines et l'Office national des forêts irrecevables en leurs appels incidents,

- condamné Mme [C] [T] épouse [C] à payer au service des domaines, à l'Office national des forêts, à M. l'agent judiciaire du trésor et à Mme le ministre de la défense, à chacun, la somme de 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Mme [T] épouse [C] a formé un pourvoi en cassation.

Après son décès survenu le 3 février 2007, l'instance a été reprise par ses héritiers, M. [P] [C], M. [V] [C], M. [J] [C], M. [O] [C].

Par acte reçu le 1er juin 2006 par Me [H] [G], notaire associé à [Localité 5], Mme [C] [T] épouse [C] a vendu au groupement forestier du Born représenté par son fils M. [O] [C], gérant du groupement, diverses parcelles en nature de sol de pins situées lieu-dit [Adresse 7] à [Localité 5] pour une contenance totale de 4 ha 15 a 81 ca au prix de 2 500 €.

Le 20 novembre 2007 Me [H] [G] a attesté que les consorts [C] étaient propriétaires par l'effet de la dévolution successorale, d'une propriété foncière située à [Localité 5] pour une contenance totale de 5 864 ha 62 a 25 ca.

Cet acte précisait qu'il dépendait de la succession de Mme [C], une propriété forestière située à [Localité 5] dans les Landes, dont la jouissance a été conférée à l'État après inventaire du 25 avril 1864 en application du décret-loi du 14 décembre 1810, afin que l'État puisse se rembourser des frais engagés par lui pour le boisement de ces parcelles. Il était précisé que l'État français n'avait pas obtempéré à la demande de restitution faite par Mme [C] alors qu'elle estimait, après expertise, que l'État était entièrement remboursé de ses frais et que l'immeuble ci-dessus désigné appartenait en pleine propriété à Mme [C], venderesse, pour des raisons antérieures à 1956.

Cette attestation immobilière a été publiée au bureau des hypothèques le 28 novembre 2007, volume 2007 P n° 9287.

Par actes d'huissier des 22, 23, 26 et 28 mai 2008, le préfet des Landes a fait assigner Me [H] [G], la SCP [H] [G] - [F] [I] - [U] [V] et [M] [G], les consorts [C] et le groupement forestier du Born devant le tribunal de grande instance de Mont-de-Marsan pour obtenir l'annulation de la vente conclue le 1er juin 2006.

Par jugement du 29 octobre 2008, le tribunal de grande instance de Mont-de-Marsan a sursis à statuer jusqu'à la décision de la cour d'appel de Bordeaux sur l'appel interjeté par les consorts [C] à l'encontre du jugement du tribunal de grande instance de Mont-de-Marsan du 21 février 2002.

Statuant sur renvoi après cassation de l'arrêt de la cour d'appel de Pau du 23 janvier 2006, arrêt prononcé le 22 mai 2008, la cour d'appel de Bordeaux, le 17 mars 2011, a confirmé le jugement du tribunal de grande instance de Mont-de-Marsan du 21 février 2002.

La 3e chambre civile de la Cour de cassation a rejeté par arrêt du 2 octobre 2012, le pourvoi formé par les consorts [C] à l'encontre de cet arrêt du 17 mars 2011.

Le sursis à statuer ayant expiré, par jugement du 30 novembre 2016, le tribunal de grande instance de Mont-de-Marsan a :

- dit l'exception de nullité de l'assignation irrecevable et débouté les consorts [C] de leur fin de non-recevoir,

- déclaré de nullité absolue la vente conclue le 1er juin 2006 entre Mme [C] [C] et le groupement forestier du Born, publiée au bureau des hypothèques de Mont-de-Marsan volume 2006 P n° 5646, le 28 juin 2006,

- dit que le présent jugement sera publié au bureau des hypothèques de Mont-de-Marsan pour valoir opposabilité aux tiers,

- dit le jugement commun et opposable à la SCP [U] [V] - [M] [G] - [R] [M], autrefois dénommée [H] [G], [F] [I], [U] [V] et [M] [G],

- condamné in solidum la SCP [V] [G] [M] et Me [H] [G], M. [P] [C], Mme [G] [C] épouse [U], Mme [B] [C] épouse [O], M. [J] [C] et M. [O] [C] et le groupement forestier du Born à payer au préfet des Landes la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens avec application de l'article 699 du code de procédure civile.

M. [P] [C], Mme [G] [C] épouse [U], et Mme [B] [C] épouse [O], toutes les deux intervenues volontairement à l'instance et venant aux droits de M. [V] [C], M. [J] [C], M. [O] [C] et le groupement forestier du Born ont interjeté appel de ce jugement le 10 avril 2017.

Par mémoire en date du 7 juillet 2017, les consorts [C] et le groupement forestier de Born demandent de réformer le jugement dont appel et :

In limine litis, au visa de l'article 303 du code de procédure civile, de constater qu'il n'a pas été satisfait à l'obligation de la communication de la procédure au ministère public et de prononcer en conséquence la nullité de la procédure.

Au visa des articles 122 et 105 du code de procédure civile, et de l'article R 160 du code de du domaine de l'État de l'article R 2331-4 du CGPPP :

- de dire que M. le préfet des Landes n'a pas qualité pour agir et de le débouter en conséquence de l'ensemble de ses demandes,

- de le condamner au paiement d'une indemnité de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens,

Au fond, ils demandent :

- de dire que M. le préfet des Landes ne rapporte pas la preuve d'un faux authentique au 20 novembre 2007, de le débouter en conséquence de l'ensemble de ses demandes et de le condamner au paiement d'une indemnité de 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour chacun des consorts [C] et aux entiers dépens.

Ils soutiennent que M. le préfet les Landes n'a pas qualité à agir, au titre de l'article R 163-3° du code du domaine de l'État et que le premier juge a fait une interprétation erronée des dispositions de ce code devenu code de la propriété des personnes publiques, et notamment de l'article R 158.

Ils maintiennent que les parcelles constituent un domaine militaire au sens de la loi puisque le centre d'essais des Landes occupe 5444,80 ha de la superficie totale de la forêt de [Localité 5] et que M. [P] [C] a été condamné à 2 reprises par la chambre correctionnelle de la cour d'appel de Pau le 8 décembre 2011 et le 14 juin 2012, pour entrée, séjour et circulation non autorisés sur un terrain militaire.

Selon eux, le caractère militaire résulte également de l'instruction ONF en date du 29 juillet 2011 et des conclusions valant aveu judiciaire, de M. le directeur des services fiscaux à l'occasion de l'instance ayant donné lieu au jugement du 22 février 2002, puisqu'il avait demandé de dire que le service des domaines n'était pas compétent pour intervenir à l'instance au lieu et place du ministère des armées pour toutes parcelles qui s'avéreraient être placées sous sa main.

Dès lors, en vertu du principe dit de l'estoppel, M. le préfet des Landes ne peut aujourd'hui se contredire au détriment d'autrui.

Ils reprochent également au premier juge d'avoir ajouté à la loi en faisant une distinction entre domaine militaire privé et domaine militaire public.

À titre subsidiaire, au fond, ils font valoir que le jugement du 21 février 2002 a tranché sur la seule fin de non recevoir consistant à savoir si Mme [C] [C] était ou non la seule et unique héritière de [K] [H], sans aborder le fond du dossier, de sorte que dans le jugement dont appel, le tribunal de grande instance de Mont-de-Marsan a dénaturé les termes et clairs et précis de cette décision.

Concernant le faux, ils font observer qu'au jour de l'exploit introductif d'instance de M. le préfet des Landes le 14 mai 2008, la Cour de cassation ne s'était pas prononcée sur le pourvoi qu'ils avaient formé à l'encontre de l'arrêt rendu par la cour d'appel de Pau le 23 janvier 2006, lequel a été censuré le 22 mai 2008. Ils indiquent que le 20 novembre 2007, aucune décision n'était assortie de l'autorité de la chose jugée au sens de l'article 1351 du code civil.

Ils font valoir que M. le préfet des Landes est de mauvaise foi en indiquant que l'État ne peut pas librement disposer de son bien, puisqu'un échange de parcelles est intervenu entre lui et la commune de [Localité 5].

Ils demandent de condamner M. le préfet des Landes à leur payer une indemnité de 10 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre aux entiers dépens.

Par mémoire du 6 février 2018, la SCP [U] [V] - [M] [G] - [R] [M], et Me [H] [G] demandent au visa de l'arrêt rendu le 2 octobre 2012 par la Cour de cassation, de leur donner acte de leur présence aux débats, de ce qu'ils s'en rapportent à justice, de statuer ce que de droit sur les dépens et d'autoriser Me Piault à procéder au recouvrement direct des dépens en application l'article 699 du code de procédure civile.

Par mémoire n° 2 récapitulatif du 16 février 2018, M. le préfet des Landes demande de constater que la SCP [U] [V] - [M] [G] - [R] [M], et Me [H] [G] ont acquiescé au jugement frappé d'appel et de le confirmer en toutes ses dispositions.

Il sollicite la condamnation in solidum des consorts [C], de Me [H] [G] et de la SCP notariale [V] - [G] - [M] à lui payer une indemnité complémentaire de 10 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de l'appel.

Concernant l'exception de procédure relative à la communication du ministère public, il fait observer qu'elle n'a pas été soulevée en même temps que la demande de sursis à statuer en application des dispositions de l'article 74 du code de procédure civile, que les consorts [C] n'en tirent aucune conséquence, et ne font valoir aucun grief que cette irrégularité leur causerait.

Enfin, il souligne que lors de l'audience du 26 septembre 2016, les consorts [C] avaient déjà saisi le tribunal d'une exception de procédure, de sorte qu'ils n'étaient plus recevables à invoquer une nouvelle exception de procédure, qui plus est oralement, s'agissant d'une procédure écrite, par mémoire.

Concernant sa qualité pour agir, il indique qu'à l'époque de la délivrance des assignations, c'étaient les dispositions réglementaires du chapitre II du titre IV du livre IV du code du domaine de l'État qui étaient applicables (articles R 158 à R 163) et que les parcelles concernées par l'attestation notariée font partie de la forêt domaniale de [Localité 5] et donc du domaine privé de l'État quand bien même elles sont mises à la disposition de l'autorité militaire pour y exercer certaines activités.

S'agissant des condamnations pénales, qui ont été prononcées par la chambre correctionnelle de la cour d'appel de Pau, il fait observer, que la qualification de terrain militaire ne signifie nullement que les terrains sont la propriété du ministère de la défense et que si tel avait été le cas, l'ONF ne se serait pas intervenu s'agissant de l'infraction de chasse sur le terrain d'autrui.

Concernant la fin de non recevoir tirée du principe de l'estoppel, il fait observer qu'à aucun moment l'Etat ne s'est contredit, et que le fond du droit étant tranché, l'État étant propriétaire, il est normal que la publication de l'attestation litigieuse afférente aux parcelles concernées soit attaquée pour que l'opposabilité aux tiers du droit de propriété soit rétablie.

Enfin il souligne que les conclusions prises par le directeur des services fiscaux dans le cadre de l'instance ayant donné lieu au jugement du 22 février 2002 ne constituent pas un aveu judiciaire lequel ne peut concerner qu'une question de fait.

Sur le fond, il fait observer, que les consorts [C] n'énoncent aucun moyen à l'encontre du jugement frappé d'appel s'agissant de l'annulation de l'acte de vente du 1er juin 2006, pour cause illicite.

Il rappelle que l'arrêt de la cour d'appel de Bordeaux du 17 mars 2011, désormais définitif, a jugé que les consorts d' [V] Tournier de Vaillac ne rapportant pas la preuve de leur droit de propriété, ne justifiaient pas de leur qualité pour agir en revendication de sorte que la preuve est rapportée qu'ils ne sont pas propriétaires.

Dès lors, n'étant pas propriétaire, les 7 parcelles ne pouvaient en aucun cas faire l'objet d'une vente par Mme [C], situation qui démontre la fraude manifeste.

Par mémoire notifié aux parties le 9 janvier 2018, le ministère public relevant que le litige concerne un acte de vente de nature civile et contractuelle, a fait valoir que son avis n'avait pas à être sollicité.

À titre subsidiaire, faisant observer qu'il n'est pas établi par les consorts d'Antin que les parcelles litigieuses sont la dépendance du domaine militaire, alors qu'il est établi que celles-ci font partie du domaine privé de l'État, les condamnations pénales pour entrée sur un terrain militaire ne pouvant conférer aux parcelles une quelconque qualification juridique, pas plus que les écritures d'un directeur des services fiscaux, de sorte que c'est à tort que les appelants invoquent le principe d'estoppel selon lequel une partie ne peut se prévaloir d'une position contraire à celle prise antérieurement, lorsque ce changement se produit au détriment d'un tiers. Il conclut que le préfet des Landes est parfaitement recevable à agir dans le cadre de la présente instance.

Rappelant qu'il est établi, en dernier lieu par l' arrêt du 17 mars 2011 de la cour d'appel de Bordeaux sur renvoi après cassation, que Mme [C] [C] n'avait pas la qualité de propriétaire, et qu'au moment de la vente, le 1er juin 2006, les parties se trouvaient sous l'empire de l'arrêt de la cour d'appel de Pau du 23 janvier 2006, il demande de confirmer l'annulation de la vente qui reposait sur une cause illicite au sens de l'article 1131 du code civil.

Sur ce :

Sur la communication de la procédure au ministère public

La présente instance est fondée sur l'application des dispositions des articles 1131 du code civil, visant les obligations sans cause, sur une fausse cause ou sur une cause illicite

et 1133 du code civil, concernant la cause illicite, or il ne résulte ni de la lecture des dispositions de l'article 425 du code de procédure civile, ni d'aucune loi, que le ministère public doit avoir communication de ces affaires.

En conséquence, l'avis du ministère public n'étant pas requis en la matière, l'exception de nullité n'est pas fondée.

Sur le défaut de qualité à agir de M. le préfet des Landes

Au mois de mai 2008, lorsque l'instance a été introduite par M. le préfet des Landes devant le tribunal de grande instance de Mont-de-Marsan, les textes applicables étaient les articles R 158 et suivants du code du domaine de l'État.

Il résulte de la lecture du décret numéro 66-425 du 17 mai 1966, que la forêt domaniale de [Localité 5] et celle de Sainte Eulalie qui s'étend notamment sur la commune de [Localité 6] appartiennent à l'État.

Ce décret fait la liste des forêts et terrains à boiser ou à restaurer appartenant à l'État dont la gestion et l'équipement sont confiés à l'Office national des forêts.

La circonstance que nombre des parcelles de la forêt de [Localité 5] soit affectées au centre d'essais de lancement des missiles des Landes et supporte des installations qui abritent des formations dépendant de l'armée de terre est sans incidence sur le fait que cette forêt domaniale appartient au domaine privé de l'État.

Au demeurant, l'instruction de l'Office national des forêts du 29 juillet 2011 à laquelle se réfèrent également les consorts [C] qui a pour objet, la gestion foncière du domaine forestier non bâti par l'ONF et l'affectation de forêts domaniales à des services publics non forestiers, par exemple des terrains militaires ne mentionne aucun transfert de propriété de ces forêts domaniales mais rappelle au contraire qu'elles font généralement partie du domaine public de l'État pour les besoins précis des services, départements ministériels affectataires, qui l'utilisent.

Les consorts [C] se prévalent également au soutien de leur argumentation selon laquelle il s'agit d'un terrain militaire rendant applicable l'article R 160 du code du domaine de l'État aux termes duquel l'instance devait être suivie par le ministère de la défense, de condamnations pénales de M. [P] [C].

Il résulte de l'arrêt de la chambre correctionnelle de la cour d'appel de Pau du 08 décembre 2011, que M. [P] [C] a été notamment condamné pour être entré et avoir circulé sans y être autorisé sur un terrain militaire (en l'espèce, le site d'essai de missiles des Landes sur la commune de [Localité 5]) et avoir chassé sur un terrain d'autrui sans le consentement du détenteur du droit de chasse.

Il est spécifié dans l'arrêt, que l'intéressé avait pénétré dans une enceinte militaire en franchissant une clôture grillagée.

Le 14 juin 2012, la chambre correctionnelle de la cour d'appel de Pau confirmant le jugement du tribunal de police de Mont-de-Marsan du 14 décembre 2011 a condamné MM. [P] et [Q] [C] pour des faits d'entrée, séjour ou circulation non autorisés dans les constructions ou sur un terrain militaire et pour des faits de chasse sur le terrain d'autrui sans le consentement du propriétaire ou du détenteur du droit de chasse.

Il ne résulte cependant aucunement, de la lecture de ces arrêts, que le ministère de la défense soit propriétaire des terrains sur lesquels s'exerce son activité.

En conséquence, le principe de l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil est inapplicable à la présente espèce, la chambre correctionnelle de la cour d'appel de Pau n'ayant jamais eu à se prononcer sur la propriété des terrains mais sur des infractions ayant eu lieu sur un terrain affecté à un usage militaire.

S'agissant de l'aveu judiciaire qui résulterait des conclusions de M. le directeur des services fiscaux dans l'instance ayant donné lieu au jugement du 22 février 2002 et du courrier de ce même directeur des services fiscaux des Landes en date du 27 mai 1998 dans lequel il indiquait entendre soulever son incompétence pour défendre le droit de propriété de l'État sur les parcelles relevant du domaine militaire, il est constant, en application des dispositions de l'article 1354 du code civil, que l'aveu judiciaire ne peut résulter que de la reconnaissance d'un fait par une partie et non de points de droit.

Dès lors, les conclusions de M. le directeur des services fiscaux sur la compétence pour défendre le droit de propriété de l'État en justice portant sur un point de droit et non de fait, ne peuvent constituer un tel aveu.

Au surplus, l'aveu doit émaner de la partie à laquelle il est opposé or, concernant la propriété des parcelles litigieuses, en lecture de l'arrêt de la cour d'appel de Bordeaux en date du 17 mars 2011, il apparaît que lorsque le ministère de la défense a comparu, après que Mme [C] l'ait fait assigner par acte d'huissier du 19 août 2000 devant le tribunal de grande instance de Mont-de-Marsan, il avait notamment sollicité sa mise hors de cause et fait valoir que l'État justifiait de la possession des terrains litigieux "animo domini".

Sur le principe dit de l'estoppel : il ne résulte pas de la procédure, que M. le préfet des Landes se soit contredit au détriment d'autrui dès lors qu'il a toujours soutenu sa compétence à agir et la propriété de l'État sur ces parcelles litigieuses.

Il résulte de l'article R 163 applicable à l'espèce, que devant les juridictions administratives et judiciaires autres que le conseil d'État et la Cour de cassation la procédure de toutes les instances auxquelles le service des domaines est partie en exécution des articles R 158, R 158-1 et R 159 est préparée et suivie jusqu'à l'entière exécution des jugements et arrêts :

1° pour les instances visées à l'article R 158 2° (relatives aux biens dépendant de patrimoines privés dont l'administration ou la liquidation lui sont confiées et aux conditions dans lesquelles il [le service des domaines]assure la gestion de ces patrimoines) par le préfet du département où est géré le patrimoine privé concerné ou par le directeur des services fiscaux chargés de la gestion des patrimoines et lorsque sa compétence territoriale excède l'étendue d'un département ;

2° pour les instances visées à l'article R 158 3° (relatives à l'assiette et au recouvrement des droits, redevances et produits domaniaux ainsi qu'au recouvrement de toutes sommes quelconques dont la perception incombe aux comptables des impôts chargés des recettes domaniales) par le directeur des services fiscaux dont relève le comptable chargé du recouvrement ;

3° pour toutes les autres instances, par le préfet du département dans lequel le litige a pris naissance.

En conséquence, c'est à bon droit que le premier juge a déclaré M. le préfet des Landes recevable à agir dès lors qu'est demandée l'annulation d'une vente portant sur une forêt domaniale, domaine privé de l'État dont la gestion a été confiée à l'Office national des forêts, l'instance devant être préparée et suivie par le préfet du département des Landes dans lequel le litige a pris naissance, en application des dispositions de l'article R 163 3° du code du domaine de l'État applicable à l'espèce.

Sur l'action en annulation de la vente pour cause illicite

La SCP [U] [V] - [M] [G] - [R] [M], et Me [H] [G], s'en sont rapportés à justice au visa de l'arrêt de la Cour de cassation du 2 octobre 2012, ce qui ne constitue pas un acquiescement mais traduit leur volonté de ne plus prendre parti dans la présente instance, au regard de ce qui a été jugé par la Cour de Cassation.

Les consorts [C] ne développent aucun moyen afférent à la déclaration de nullité absolue de la vente conclue le 1er juin 2006, leur argumentation concernant la rédaction de l'attestation immobilière du 20 novembre 2007 et la contestation de ce qu'elle constituerait un faux intellectuel.

Le premier juge a exactement rappelé, qu'à la date de la vente des parcelles, le 1er juin 2006, les consorts [C] se trouvaient sous l'empire de l'arrêt de la cour d'appel de Pau du 23 janvier 2006, décision ayant autorité de la chose jugée à leur égard.

Dès lors, Mme [C] savait, au moment de la vente au groupement forestier de Born, dont le gérant était l'un de ses fils, que l'action en revendication immobilière qu'elle avait introduite le 12 mai 1998 n'était pas jugée recevable, sa qualité d'unique héritière n'était pas établie, le tribunal ayant notamment motivé sa décision du 21 février 2002 en considérant qu'elle ne justifiait pas de sa qualité de propriétaire.

En conséquence, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a déclaré de nullité absolue la vente conclue le 1er juin 2006 entre Mme [C] [C] et le groupement forestier du Born, vente entachée d'une fraude manifeste laquelle était constitutive d'une cause illicite, puisque passée alors même qu'une action en justice était introduite pour faire établir son droit de propriété et qu'elle avait connaissance de son irrecevabilité à agir dès lors qu'elle ne justifiait pas être l'héritière des propriétés litigieuses.

La cour d'appel de Bordeaux dans son arrêt du 17 mars 2011 a confirmé le jugement du 21 février 2002 du tribunal de grande instance de Mont-de-Marsan qui avait rejeté l'exception de fin de non recevoir soulevée au titre de la validité de l'assignation, et déclaré irrecevable l'action engagée par Mme [C] pour défaut de qualité à agir après avoir notamment constaté que les consorts [C] "succombant dans la preuve qui leur incombe de leur qualité de propriétaires des biens immobiliers qu'ils revendiquent ont été à bon droit déclarés irrecevables en leur présente action".

Il n'est pas contesté que cette décision est définitive, le pourvoi ayant été rejeté par arrêt du 2 octobre 2012.

Dans son arrêt, la 3ème chambre civile de la Cour de cassation a, sur le premier moyen jugé inopérant et pas fondé sur le surplus, statué en ces termes : « attendu ayant retenu, par une interprétation souveraine, exclusive de dénaturation, que les termes des actes des 2 et 15 septembre 1663, selon lesquels les droits acquis par [M] [H] sur la vicompté de [Localité 5] s'exerçaient sur le pignadas, montagnes et étés jusqu'à la grande mer, ne comportaient aucune précision sur la superficie, ni sur la localisation de ces biens et que les consorts [C], qui prétendaient venir aux droits de M. [H] ne justifiaient pas de la dévolution successorale à partir de ce dernier jusqu'à l'acte de la liquidation de la succession de Mme [B] en date du 2 avril 1850, carence dans l'administration de la preuve ne pouvant être suppléée ni par l'attestation d'un notaire, ni par un arbre généalogique dont les modalités d'établissement n'étaient pas précisées et qu'il n'était corroboré par aucun acte, la cour d'appel a pu déduire de ces seuls motifs qu'il était impossible de relier les terrains éventuellement acquis par M. [H] à ceux actuellement revendiqués » ;

Sur l'appel incident

Conformément à la demande de M. le préfet des Landes, le présent arrêt sera commun et opposable à la SCP [U] [V] - [M] [G] - [R] [M] et à maître [H] [G].

Sur la demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

Les consorts [C] et le groupement forestier du Born succombant en leur appel seront déboutés de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et condamnés in solidum à payer à M. le préfet les Landes une indemnité de 6 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

Les consorts [C] et le groupement forestier du Born seront condamnés in solidum aux dépens de l'appel.

Il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, les parties n'étant pas tenues de constituer avocat en application des dispositions de l'article R 2331-11 du code général de la propriété des personnes publiques.

Par ces motifs

La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Rejette l'exception de procédure afférente à la communication au ministère public,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Déclare le présent arrêt commun et opposable à la SCP [U] [V] - [M] [G] - [R] [M] et à Maître [H] [G].

Condamne in solidum M. [P] [C], Mme [G] [C] épouse [U], Mme [B] [C] épouse [O], M. [J] [C], M. [O] [C] et le groupement forestier du Born à payer à M. le préfet des Landes, la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

Déboute M. [P] [C], Mme [G] [C] épouse [U], Mme [B] [C] épouse [O], M. [J] [C], M. [O] [C] et le groupement forestier du Born de leur demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

Condamne in solidum M. [P] [C], Mme [G] [C] épouse [U], Mme [B] [C] épouse [O], M. [J] [C], M. [O] [C] et le groupement forestier du Born aux dépens de l'appel.

Le présent arrêt a été signé par Mme Marie-Florence Brengard, Président, et par Mme Julie Fittes-Pucheu, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

Julie FITTES-PUCHEU Marie-Florence BRENGARD


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 17/01621
Date de la décision : 02/05/2018

Références :

Cour d'appel de Pau 01, arrêt n°17/01621 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-05-02;17.01621 ?
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