PS/AM
Numéro 18/472
COUR D'APPEL DE PAU
1ère Chambre
ARRET DU 05/02/2018
Dossier : 17/04032
Nature affaire :
Demande tendant à la vente immobilière et à la distribution du prix
Affaire :
[S] [J] [H] [W] épouse [J]
C/
SA HSBC FRANCE
Grosse délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R E T
prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 05 février 2018, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 23 janvier 2018, devant :
Monsieur CASTAGNE, Conseiller, faisant fonction de Président
Madame ROSA SCHALL, Conseiller
Monsieur SERNY, Conseiller, magistrat chargé du rapport conformément à l'article 785 du code de procédure civile
assistés de Madame FITTES-PUCHEU, Greffier, présente à l'appel des causes.
Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTS :
Monsieur [S] [J]
né le [Date naissance 1] 1948 à [Localité 1]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Madame [H] [W] épouse [J]
née le [Date naissance 2] 1946 à [Localité 2]
de nationalité française
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentés et assistés de Maître Olivia MARIOL de la SCP LONGIN - MARIOL, avocat au barreau de PAU
INTIMEE :
SOCIETE dénommée HSBC FRANCE, société anonyme à conseil d'administration
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représenté par son directeur général domicilié en cette qualité audit siège
représentée par Maître Robert MALTERRE, avocat au barreau de PAU
assistée de Maître Dominique FORGE, avocat au barreau de PARIS
sur appel de la décision
en date du 17 NOVEMBRE 2017
rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PAU
Vu l=acte d'appel initial du 29 novembre ayant donné lieu à l'attribution du présent numéro de rôle,
Vu le jugement d'orientation rendu le 17 novembre 2017 par le Juge de l'Exécution de Pau ordonnant la poursuite de la saisie immobilière diligentée par la HSBC contre les époux [S] [J] et [H] [W],
Vu les conclusions transmises par la société HSBC FRANCE et les époux [J] pour l'audience du 23 janvier 2018,
Le rapport ayant été fait oralement à l=audience.
Les faits constants
A) la cause et les débiteurs de la créance de la HSCBC - Absence de l'une des parties saisies à la procédure de condamnation de son conjoint commun en biens (rappel des faits exposés par les décisions de justice servant de base à la saisie)
Selon le jugement rendu par le tribunal de grande instance de BAYONNE le 28 mai 2014 et selon l'arrêt confirmatif du 15 décembre 2015 servant de base à la saisie contestée, la HSBC a prêté à la S.A.R.L. ALFREDO une somme de 320.000 euros remboursable sur 7 ans au taux de 3,75 %, en se faisant garantir par un acte de cautionnement personnel d'[V] [U].
Les parts sociales de cette société ont été cédées au prix de 1 euro le 02 décembre 2010 à la société BB INVESTISSEMENT créée par [J] [J], fils des saisis, et par sa mère [H] [W], épouse [S] [J].
Corrélativement, la HSBC s'est fait consentir selon acte du 28 février 2011 une cession de garantie par les deux associés acquéreurs de parts, qui déchargeaient corrélativement les cautions antérieures (du moins de leur obligation de couverture pour la période postérieure).
La société ALFREDO a été placée en redressement judiciaire le 14 novembre 2011 avant d'être placée en liquidation judiciaire le 09 janvier 2012.
La banque HSBC a par la suite appelé la garantie des cautions solidaires de la S.A.R.L. ALFREDO ce qui a abouti à la condamnation solidaire de [J] [J] et de sa mère [H] [W] épouse [S] [J] par le jugement du 28 mai 2014 et l'arrêt confirmatif du 15 décembre 2015, dont la banque poursuit aujourd'hui l'exécution sur l'immeuble appartenant à la communauté existant entre les époux [S] [J] et [H] [W].
B) la procédure de saisie ne concerne pas [J] [J] mais seulement ses parents - Le jugement dont appel
La SA HSBC FRANCE poursuit l'exécution du titre de condamnation qu'elle détient contre [H] [W] épouse [S] [J] en saisissant le bien de la communauté existant entre elle et son mari situé à [Localité 3] au n° [Adresse 1] cadastré section AK n° [Cadastre 1], pour l'avoir acquis selon acte du 09 novembre 1994 selon acte reçu par Me [H] notaire à [Localité 4].
Le commandement a été délivré le 03 mars 2017 et il a été publié le 27 avril 2017 volume 2017 S n° 26 à la conservation des hypothèques de PAU.
La banque HSBC a déclaré sa créance pour un montant de 240.896,16 euros en l'arrêtant à la date du 1er septembre 2017.
A l'audience d'orientation, les époux [J] ont développé divers moyens visant à obtenir la mainlevée de la saisie immobilière, tous moyens que le juge de l'exécution a écartés et qui consistaient à invoquer,
- la nullité du commandement au motif qu'il ne contenait pas la mention obligeant à saisir un avocat pour la suite de la procédure,
- l'absence de titre exécutoire pris à l'encontre de [S] [J], copropriétaire commun en biens de l'immeuble saisi,
- l'article 1415 du code civil qui limite le gage du créancier d'une caution quand le conjoint de cette dernière n'a pas approuvé l'acte de cautionnement,
- l'autorisation d'obtenir la vente amiable et des délais de grâce.
Prétentions et moyens des parties
Le litige dont la cour est saisi est identique celui sur lequel le juge de l'exécution a statué après l'audience d'orientation.
Les époux [J], appelants, invoquent :
- la nullité du commandement au motif qu'il ne contient pas de mention d'avoir à saisir un avocat alors que le ministère d'avocat est obligatoire dans la procédure de saisie immobilière,
- les dispositions de l'article 1415 du code civil et soutiennent que le mari n'est pas engagé comme caution, sa signature ayant été imitée, ce qui empêcherait toute poursuite sur les biens communs.
Ils demandent reconventionnellement l'allocation de 50.000 euros de dommages-intérêts ainsi que l'allocation d'une somme en compensation de frais irrépétibles.
La banque conclut à la confirmation du jugement ; elle conteste l'existence de toute nullité de la procédure de saisie en soutenant que les textes ne prévoient pas que le commandement de saisie lui-même n'a pas à contenir la mention selon laquelle le ministère d'avocat est obligatoire, cette formalité n'étant exigée que pour les actes postérieurs saisissant le juge de l'exécution. Sur le fond elle se prévaut d'un cautionnement signé au nom de [S] [J] qui lui donne le droit de poursuivre les biens communs.
Elle demande reconventionnellement l'allocation d'une somme en compensation de frais irrépétibles.
MOTIFS
Sur la nullité en la forme du commandement
Le commandement de saisie est certes le premier acte de la procédure de saisie immobilière dans laquelle le ministère d'avocat est obligatoire pour pouvoir comparaître valablement devant le juge de l'exécution ; mais cet acte n'est pas une acte de saisine de cette juridiction et aucune date d'audience n'est fixée à ce stade ; sa finalité première reste de pousser le débiteur à s'acquitter de sa dette avant que l'on ne procède plus avant, d'abord par la publicité de cet acte, commandement, ensuite par l'élaboration du cahier des charges, les sommations aux créanciers inscrits et enfin fixation du calendrier de la saisie, et notamment celle de la date de l'audience d'orientation. La mention d'avoir à constituer avocat n'est prévue par la loi que pour la délivrance des assignations.
Il en résulte que c'est à bon droit que le juge de l'exécution de PAU, par des motifs que la cour adopte, a écarté le moyen de nullité soulevé qui n'est prévue par aucun texte et qui ne constitue pas une formalité substantielle au regard de l'articulation procédurale prévue par la loi. Le débiteur reçoit ce commandement, conserve le droit de faire opposition à ce commandement même avant sa publication mais l'absence de la mention dont s'agit n'affecte en rien l'exercice de ce droit qui ne saurait être conditionné par les formalités à la seule discrétion de la partie adverse.
Contrairement à ce que soutient la partie saisie, le premier juge n'a pas omis de statuer sur le moyen soulevé mais y a répondu par les motifs.
Sur le droit de la HSBC de saisir l'immeuble
Les époux [S] [J] et [H] [W], parties saisies, sont mariés sous le régime de la communauté ; toute dette contractée par l'un d'eux, qui n'est pas une dette propre de l'un époux, engage les biens de la communauté, entre dans le passif de celle-ci, même si l'époux qui n'a pas passé l'acte n'est pas personnellement débiteur du créancier ; les biens communs sont ainsi engagés sauf la récompense due à son conjoint après la dissolution du régime matrimonial si la dette ne fait pas partie du passif définitif de la communauté. La présomption de communauté s'applique ; n'échappent à cette présomption et n'engagent pas les biens communs que les dettes contractées pour la constitution ou l'administration du patrimoine propre de chaque époux, sauf les exceptions voulues par la loi, et notamment les cas dans lesquels elle exige l'accord de l'autre conjoint pour que la communauté soit engagée ce qui ne signifie pas que cet autre conjoint doive s'engager dans un titre exécutoire.
Les biens communs qui sont la copropriété des époux, peuvent donc être saisis par les créanciers qui ne disposeraient de titre exécutoire qu'à l'encontre de l'un d'eux. C'est donc vainement que [S] [J] s'oppose à la saisie en soutenant que la banque ne dispose pas de titre exécutoire contre lui. Ce moyen de défense ne pourrait utilement prospérer que s'il venait à démontrer que la dette concerne son patrimoine propre, ce qui n'est pas l'hypothèse de l'espèce.
[H] [J] est irrévocablement déclarée débitrice par le jugement du 28 mai 2014 ultérieurement confirmé ; c'est la détermination du patrimoine susceptible d'être appréhendé en exécution de ce titre qui est en litige, parce qu'elle soutient que le cautionnement qui a été établi au nom de son mari est faux, ce qui revient à énoncer qu'il n'a pas donné le consentement exigé par l'article 1415 du code civil nécessaire pour que les biens communs soient saisissables. En effet, s'agissant du droit de poursuite des biens communs, l'article 1415 du code civil, invoqué par les époux [S] [J] et [H] [W], édicte une exception au droit de gage général de la communauté des engagements pris personnellement et isolément par l'un des époux ; ce texte dispose que 'chacun des époux ne peut engager que ses biens propres et ses revenus par un cautionnement ou un emprunt sauf lorsque ceux-ci ont été contractés avec le consentement exprès de l'autre conjoint, qui dans ce cas n'engage pas ses biens propres'. Le texte n'affecte pas la validité de l'engagement de caution de l'époux signataire du cautionnement, mais l'étendue gage dont le créancier dispose en garantie de cet engagement de caution quand le conjoint n'y a pas consenti. Son droit de poursuite s'en trouve diminué en excluant les biens communs de son gage pour le limiter aux biens propres de l'époux qui s'est engagé.
Pour saisir les biens communs, il faut
- soit que la preuve soit rapportée par la banque que le mari a donné son consentement au cautionnement donné par son épouse, ou qu'il l'a ratifié a posteriori, ce qui, dans les deux cas, n'exige aucun titre exécutoire en complément de celui détenu contre l'épouse,
- soit qu'il s'est lui même valablement porté caution de la même dette, ce qui écarte lla limitation apportée par l'article 1415 du code civil au droit de poursuite des créanciers bénéficiant du cautionnement sous-seing privé de l'épouse,
L'épouse avait vainement invoqué ce texte à l'appui d'une demande d'annulation de son propre engagement de caution ; le moyen était inopérant puisque le consentement du conjoint n'est pas prescrit à peine de nullité d'un tel engagement ; c'est d'ailleurs ce que lui a rappelé le jugement du 28 mai 2014 auquel [S] [J] n'était d'ailleurs pas partie.
Le débat ressurgit aujourd'hui par voie d'exception sur opposition à la voie d'exécution introduite aujourd'hui par la banque et il se présente dans les conditions suivantes :
- en premier lieu, un titre exécutoire (le jugement du 28 mai 2014 ultérieurement confirmé) a été rendu à l'encontre de [H] [W] épouse [S] [J], mais non à l'encontre de son mari [S] [J] qui invoque l'article 1415 du code civil au soutien de la contestation de la saisie,
- la banque se prévaut d'un acte sous-seing privé de cautionnement solidaire établi au nom du mari, lequel, s'il est valable, équivaut à un consentement donné par lui au cautionnement donné par son épouse à la banque,
- il est certain que cet acte existe puisque [S] [J] en reconnaît lui-même l'existence mais en conteste la validité au motif ; 'il n'a jamais signé l'acte de cautionnement et qu'au contraire sa signature a été imitée vulgairement',
- le moyen de défense de [S] [J] revient donc à invoquer la nullité de l'engagement de caution donné en nom, pour en déduire qu'il n'a pas donné son consentement au cautionnement de son épouse, et que, par voie de conséquence, l'application de l'article 1415 du code civil aboutit à priver la banque de son droit de poursuit.
Le juge de l'exécution a cependant écarté le moyen de défense tiré de ce même texte dans le cadre de la présente saisie en énonçant que 'le titre exécutoire est clair et définitif et non sujet à interprétation, la qualité de caution de Monsieur [J] [à savoir dans l'hypothèse d'application de ce texte] ayant consenti expressément à l'acte n'étant nullement remise en question dans le dispositif des décisions' ; or, [S] [J] n'était pas partie au procès au fond achevé par l'arrêt du 05 décembre 2015 ; le jugement dont appel a opéré une confusion entre [S] [J] qui défend à la saisie et son fils qui n'est pas concerné par la saisie.
Mais on relève que
- l'acte de caution établi au nom du mari, dont il est soutenu qu'il est faux pour avoir été établi à son insu, n'est produit par aucune des parties, pas même par la partie qui soutient qu'il s'agit d'une fausse pièce,
- aucun incident de faux en écriture privé n'a jamais été introduit alors que le faux est invoqué et que l'existence de cette pièce met à la charge de [S] [J] de prouver le faux,
- la banque bénéficiaire de l'acte est en droit de le considérer comme un cautionnement valablement donné par ce dernier tant qu'il n'est pas annulé,
- il y a opposition d'intérêts entre les époux.
Même en considérant que les moyens de nullité de la saisie fondés sur l'article 1415 du code civil contiennent implicitement une action en nullité de l'acte de cautionnement établi au nom de [S] [J] (qui ne conclut pas expressément à la nullité de l'acte de cautionnement dans le dispositif de ses écritures mais seulement à la nullité de la saisie), la cour, faute de pièces n'est pas en mesure d'apprécier si l'engagement de caution est valable ou non ; la contestation sera rejetée comme ne reposant sur aucun élément de preuve régulièrement soumis à débat.
[S] [J] fait valoir qu'en cas de vente, un droit à récompense de 100.000 euros serait à faire valoir contre son épouse ; or, il n'en va pas ainsi car le droit à récompense ne naît qu'à la dissolution du régime matrimonial par décès ou divorce, ce qui n'est pas l'hypothèse de l'espèce. Une vente ferait tomber le produit de la vente dans la communauté sans faire immédiatement naître de créance au profit du mari et sans limiter le gage des créanciers, l'époux titulaire du droit à récompense ne venant pas les concurrencer faute de dette liquide liquide et exigible (elle ne peut être liquidée qu'après la dissolution du régime matrimonial, et ne peut être définitivement évaluée qu'au moment du partage pour être payée à la date de celui-ci).
Le jugement sera confirmé mais par substitution partielle de motifs.
Les époux [J] seront déboutés de leurs demandes indemnitaires.
L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de la banque.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort :
* confirme le jugement dont appel,
* déboute les époux [J] de toutes leurs prétentions,
* dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
* les condamne aux dépens d'appel qui s'ajouteront aux dépens de première instance et passeront en frais privilégiés de saisie immobilière.
Le présent arrêt a été signé par M. CASTAGNE, Conseiller, faisant fonction de Président, et par Mme FITTES-PUCHEU, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER,LE PRESIDENT
Julie FITTES-PUCHEU Patrick CASTAGNE