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20/12/2017 | FRANCE | N°15/04144

France | France, Cour d'appel de Pau, 1ère chambre, 20 décembre 2017, 15/04144


PC/AM



Numéro 17/5037





COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre







ARRÊT DU 20/12/2017







Dossier : 15/04144





Nature affaire :



Demande en réparation des dommages causés par une nuisance de l'environnement













Affaire :



[A] [H]

[F] [T] épouse [H]



C/



[H] [A]

[C] [Z] [I] [A] née [E]



















Grosse délivrée le :



à :























RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R Ê T



prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 20 décembre 2017, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxi...

PC/AM

Numéro 17/5037

COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre

ARRÊT DU 20/12/2017

Dossier : 15/04144

Nature affaire :

Demande en réparation des dommages causés par une nuisance de l'environnement

Affaire :

[A] [H]

[F] [T] épouse [H]

C/

[H] [A]

[C] [Z] [I] [A] née [E]

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 20 décembre 2017, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 25 septembre 2017, devant :

Monsieur CASTAGNE, magistrat chargé du rapport,

assisté de Madame FITTES-PUCHEU, greffier, présente à l'appel des causes,

Monsieur CASTAGNE, en application des articles 786 et 907 du code de procédure civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :

Madame BRENGARD, Président

Monsieur CASTAGNE, Conseiller

Madame ROSA SCHALL, Conseiller

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTS :

Monsieur [A] [H]

né le [Date naissance 1] 1947 à [Localité 1] (Portugal)

de nationalité portugaise

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Madame [F] [T] épouse [H]

née le [Date naissance 2] 1955 à [Localité 2] (Portugal)

de nationalité portugaise

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentés et assistés de Maître Dominique WATTINE, avocat au barreau de BAYONNE

INTIMES :

Monsieur [H] [G] [A]

né le [Date naissance 3] 1948 à [Localité 3]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Adresse 1]

Madame [C] [Z] [I] [A] née [E]

née le [Date naissance 4] 1948 à [Localité 4]

de nationalité française

[Adresse 2]

[Adresse 1]

représenté et assistés de Maître François TAFALL, avocat au barreau de BAYONNE

sur appel de la décision

en date du 28 SEPTEMBRE 2015

rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BAYONNE

Les époux [H] [A] et [C] [E] sont propriétaires à [Localité 5] d'une parcelle cadastrée section CS n° [Cadastre 1] sur laquelle est érigé un immeuble d'habitation et faisant partie d'un lotissement dénommé Domaine [Localité 6].

Les époux [A] [H] et [F] [T] sont propriétaires d'une parcelle voisine, cadastrée section CS n° [Cadastre 2], sur laquelle est implanté un immeuble d'habitation et dépendant également du lotissement du Domaine [Localité 6].

Exposant que les époux [H] auraient procédé à divers aménagements en contravention avec le règlement du lotissement, les époux [A] ont, par acte du 9 avril 2013, fait assigner les époux [H] aux fins de les voir condamner sous astreinte à procéder à l'enlèvement d'un abri piscine de type véranda coulissante et, d'un abri voiture et d'un double garage ainsi qu'à reboiser le terrain sur lequel a été érigé l'abri piscine, à raison d'un arbre de haute futaie par are de superficie.

Par jugement du 28 septembre 2015, le tribunal de grande instance de Bayonne a :

- rejeté la fin de non-recevoir soulevée par les époux [H] du chef de l'article 2224 du code civil,

- constaté la violation des règles du lotissement et du cahier des charges du lotissement du Domaine [Localité 6],

- condamné les époux [H] à procéder à la démolition des ouvrages consistant en un abri piscine, un abri voiture d'environ 35 m² et d'un double garage d'environ 40 m² situés sur leur propriété, dans les six mois de la signification du jugement, sous astreinte provisoire de 50 € par jour de retard pendant un délai de 60 jours,

- dit que passé ce délai, il appartiendra aux époux [A] de faire liquider l'astreinte et de solliciter éventuellement une astreinte définitive,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné les époux [H] aux dépens.

Les époux [H] ont interjeté appel de cette décision, selon déclaration transmise au greffe de la cour le 6 novembre 2015.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du magistrat de la mise en état en date du 21 juillet 2017.

Dans leurs dernières conclusions dites 'récapitulatives 4", déposées le 14 avril 2017, les époux [H] demandent à la cour :

- à titre principal, sur les fins de non-recevoir :

$gt; de dire que l'action des époux [A] est irrecevable en raison de la prescription extinctive dont elle est affectée, l'action ayant été engagée plus de cinq ans après la construction des ouvrages litigieux,

$gt; de réformer en conséquence le jugement entrepris en tant qu'il a considéré que cette action n'était pas affectée par la prescription extinctive édictée par l'article 2224 du code civil,

$gt; de dire qu'à défaut d'avoir formulé dans le délai prévu par l'article 909 du code de procédure civile des conclusions d'appel incident sollicitant la réformation partielle du jugement, les époux [A], intimés, sont irrecevables en cause d'appel à invoquer contre eux la responsabilité délictuelle de l'article 1382 du code civil et la responsabilité civile pour troubles anormaux du voisinage dont le jugement - définitif - les a déboutés,

- à titre subsidiaire et sur le fond :

$gt; de réformer le jugement entrepris en ce qu'il les a condamnés à démolir le garage, l'abri voiture et l'abri piscine et en ce qu'il a écarté à tort les dispositions de l'article L 442-9 du Code de l'Urbanisme issu de la loi 2014-366 du 24 mars 2014 et retenu, également à tort, que les dispositions du règlement et du cahier des charges du lotissement ont été 'contractualisées' en dépit de l'interdiction qui en est faite par l'article L 111-5 du Code de l'Urbanisme et par la jurisprudence des 1ère et 3ème chambres civiles de la Cour de cassation citées à l'appui de leurs conclusions,

$gt; de réformer également le jugement du 28 septembre 2015 en tant qu'il a mis les dépens de première instance à leur charge,

$gt; pour le surplus, de confirmer le jugement en tant qu'il a rejeté les demandes des époux [A] fondées sur l'article 1382 du code civil et sur la théorie des troubles anormaux du voisinage,

- à titre infiniment subsidiaire, de dire que le garage et l'abri voiture extérieur ainsi que l'abri piscine sont des bâtiments annexes édifiés en conformité avec l'article 9-01 du règlement du lotissement et qu'ils ne peuvent ainsi s'exposer à une mesure de démolition, et de réformer en conséquence le jugement entrepris,

- en toute hypothèse, de condamner les époux [A] à leur payer la somme de 2 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens d'appel et de première instance, avec bénéfice de distraction au profit de Me Wattine.

Dans leurs dernières conclusions dites 'n° 3" déposées et notifiées le 4 mai 2017, les époux [A] demandent à la cour :

- au principal, de confirmer le jugement déféré et, y ajoutant, de condamner les époux [H] à leur payer la somme de 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- subsidiairement,

$gt; au visa de l'article 550 du code de procédure civile de déclarer recevable leur appel incident,

$gt; au visa des articles 1382 et 1383, 544 du code civil, de la théorie des troubles anormaux du voisinage et des articles 7-01, 1-02, 10-04 et 11-01 du règlement du lotissement, vu notamment l'absence de permis de construire de l'abri piscine, du double garage et de l'abri voiture et la violation des articles du règlement du lotissement, de condamner les époux [H], sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter de la décision à intervenir, à démolir leur abri piscine, leur abri voiture d'environ 35 m² et le double garage d'environ 40 m² et à reboiser le terrain sur lequel a été construit l'abri piscine à raison d'un arbre de haute futaie par are de superficie, ainsi qu'à leur payer la somme de 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- en toute hypothèse, de condamner les époux [H] aux entiers dépens de première instance et d'appel, avec bénéfice de distraction au profit de Me Tafall.

MOTIFS

Sur les fins de non-recevoir soulevées par les époux [H] :

1 - Sur la fin de non-recevoir tirée de l'article 2224 du code civil :

L'action des époux [A] tendant à voir ordonner la destruction de divers aménagements réalisés sur le fonds des époux [H], sans remise en cause de leurs droits de propriété, constitue une action personnelle relevant, s'agissant du régime de prescription extinctive, des dispositions de l'article 2224 du code civil, en sa rédaction issue de la loi 2008-561 du 17 juin 2008 (dès lors que l'acte introductif d'instance est postérieur à l'entrée en vigueur de ce texte) aux termes desquelles les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Les époux [H] concluent à la réformation du jugement entrepris qui a rejeté la fin de non-recevoir par eux soulevée en soutenant :

- s'agissant de la demande relative à l'abri piscine, que l'établissement d'un procès-verbal de réception daté du 7 avril 2008 démontre qu'il a été édifié et achevé depuis plus de cinq ans à la date de l'assignation du 9 avril 2013,

- s'agissant de la demande relative au garage et à l'abri voiture, que la prise de vue aérienne IGN du 28 septembre 1983 versée aux débats par les époux [A] pour établir que ces constructions avaient été édifiées depuis moins de trente ans à la date de l'acte introductif d'instance n'est pas probante, étant considéré :

$gt; d'une part, qu'ils versent eux-mêmes aux débats cette même vue aérienne qu'ils se sont procurés auprès de l'IGN, que ce cliché diffère de celui fourni par les intimés et qu'il n'est pas possible de distinguer la présence ou l'absence des ouvrages litigieux du fait de la frondaison des arbres qui dissimule la parcelle,

$gt; d'autre part, qu'aux termes d'une attestation du 25 août 2016, Mme [U], ancienne propriétaire de la parcelle [Cadastre 2], indique que ces constructions ont été édifiées par elle-même en 1979 et 1981.

S'agissant de l'abri piscine, construit postérieurement à l'acquisition de leur propriété par les époux [H] :

- le point de départ de la prescription communément retenu par les parties est le 7 avril 2008, date d'établissement du procès-verbal de réception de cet ouvrage,

- à cette date, le délai de prescription applicable était le délai de trente ans prévu par l'article 2262 ancien du code civil,

- en application des dispositions transitoires (article 26-II) de la loi 2008-561 du 17 juin 2008 ayant réduit à cinq ans la durée de la prescription applicable aux actions personnelles, la prescription trentenaire n'étant pas acquise à la date d'entrée en vigueur de cette loi, un nouveau délai de prescription de cinq ans a commencé à courir à compter de cette date, expirant le 18 juin 2013,

- l'assignation ayant été délivrée le 9 avril 2013, l'action des époux [A] n'est, de ce chef, pas atteinte par la prescription édictée par l'article 2224 du code civil,

- le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir soulevée de ce chef par les époux [H].

S'agissant du garage et de l'abri automobile :

- sont versés aux débats quatre exemplaires d'une prise de vue aérienne du 28 septembre 1983 dont seule la pièce 23-1 produite par les époux [A] constitue un cliché original portant, au verso de la photographie, l'attestation certifiée du chef de la Photothèque Nationale signée manuscritement par celui-ci et un autocollant d'identification IGN,

- seul ce document original, émanant d'un organisme tiers, doit être pris en compte, à l'exception de ses photocopies produites par les parties (pièce 23-2 produite par les époux [A], pièces 16-1 et 16-2 versées par les époux [H]) présentant des degrés de netteté et de détail variables, les rendant non fiables,

- or, la comparaison de ce cliché original avec les éléments contemporains versés aux débats (procès-verbal de constat d'huissier du 21 février 2013, pièce n° 5 des intimés, vue aérienne Google Maps 2017, pièce n°28 des époux [A], vues aériennes Google 2006, pièce n° 9 des appelants) établit de manière certaine qu'au 28 septembre 1983, les constructions litigieuses n'avaient pas été érigées sur la parcelle [Cadastre 2], le cliché de 1983 révélant un espace vierge de toute construction, aux endroits où apparaissent sur les documents plus récents précités la toiture du garage et de l'abri voiture,

- ces constatations conduisent à dénier tout caractère probant aux déclarations écrites de Mme [U], première propriétaire de la parcelle [Cadastre 2] (pièces 5 et 15 des appelants), non corroborées par aucun autre élément objectivement vérifiable, affirmant avoir fait construire les bâtiments litigieux en 1979 pour l'abri voiture et 1981 pour le garage,

- les bâtiments ayant nécessairement été construits postérieurement au 28 septembre 1983, le délai de prescription trentenaire n'était pas expiré à la date de l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, un nouveau délai de cinq ans a commencé à courir (dans la limite maximale de trente ans à compter du 29 septembre 1983) soit jusqu'au 17 juin 2013, en sorte que l'action engagée de ce chef par acte du 9 avril 2013 n'est pas prescrite.

2 - Sur la fin de non-recevoir tirée des dispositions de l'article 909 du code de procédure civile.

Les époux [H] soulèvent l'irrecevabilité de l'appel incident subsidiaire des époux [A] tendant à voir, dans l'hypothèse où le fondement contractuel retenu par le premier juge (par eux invoqué à titre subsidiaire dans leurs écritures de première instance)

serait rejeté, prononcer condamnation sur les fondements (par eux invoqués à titre principal devant le premier juge) des articles 1382 et 1383 du code civil et de la théorie des troubles anormaux du voisinage (article 544 du code civil).

Ils soutiennent que pour se prévaloir devant la cour, ne serait-ce qu'à titre subsidiaire, de ces fondements non contractuels, les époux [A] devaient formellement demander la réformation du jugement en tant qu'il les a déboutés sur ces fondements et formaliser à cet effet des conclusions d'appel incident dans le délai de deux mois prescrit par l'article 909 du code de procédure civile alors qu'il ne critiquent pas les motifs du jugement qui les a déboutés sur ces fondements juridiques et ne présentent dans le dispositif de leurs écritures d'appel aucune conclusion d'appel incident, en sorte que le jugement déféré est définitif en ce qu'il a rejeté les demandes présentées sur ces fondements.

Le dispositif des 'conclusions d'appel' remises et notifiées par les époux [A] le 17 mars 2016, dans le délai de deux mois imposé par l'article 909 du code de procédure civile (identique à celui des conclusions d'appel '2" du 12 avril 2017) est ainsi rédigé :

'VOIR CONFIRMER le jugement dont appel

Y AJOUTANT, voir condamner les époux [H] à leur payer la somme de 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

SUBSIDIAIREMENT,

$gt; au visa des articles 1382 et 1383, 544 du code civil, de la théorie des troubles anormaux du voisinage et des articles 7-01, 1-02, 10-04 et 11-01 du règlement du lotissement, vu notamment l'absence de permis de construire de l'abri piscine, du double garage et de l'abri voiture et la violation des articles du règlement du lotissement, voir condamner les époux [H], sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter de la décision à intervenir, à démolir leur abri piscine, leur abri voiture d'environ 35 m² et le double garage d'environ 40 m² et à reboiser le terrain sur lequel a été construit l'abri piscine à raison d'un arbre de haute futaie par are de superficie, ainsi qu'à leur payer la somme de 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

DANS TOUS LES CAS,

- voir débouter les époux [H] de toutes leurs demandes et les voir condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel, avec bénéfice de distraction au profit de Me Tafall.'

Ce dispositif, qui saisit la cour, est sans aucune ambiguïté quant à l'existence d'un appel incident subsidiaire tendant à voir prononcer la condamnation des époux [H] sur les fondements juridiques soulevés à titre principal devant le premier juge et rejetés par celui-ci, dans l'hypothèse où le fondement juridique retenu par le premier juge serait écarté par la cour.

Il y a donc lieu de considérer que l'appel incident subsidiaire des époux [A] a été régularisé dans les délais impartis par l'article 909 du code de procédure civile, étant par ailleurs rappelé qu'il résulte de l'article 914 du code de procédure civile le magistrat de la mise en état est, lorsqu'il est désigné et jusqu'à son dessaisissement, seul compétent ... pour trancher toutes contestations relatives à la recevabilité de l'appel, principal ou incident et que les parties ne sont plus recevables à invoquer l'irrecevabilité de l'appel après son dessaisissement, à moins que sa cause ne survienne ou n'en soit révélée postérieurement, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, les dernières conclusions contestées par les époux [H] ayant été remises et notifiées avant le prononce de l'ordonnance de clôture.

La fin de non-recevoir soulevée de ce chef par les époux [H] sera rejetée.

Sur le fond du litige :

Retenant le caractère contractuel tant du cahier des charges que du règlement du lotissement, opposables aux acquéreurs successifs des lots en dépendant, le premier juge a considéré :

- que les dispositions de l'article L 442-9 du Code de l'Urbanisme, issues de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014, les règles contenues dans ces documents ayant un caractère contractuel et ne constituant pas des règles d'urbanisme au sens de ce texte,

- que tout coloti peut obtenir la mise en conformité d'une construction enfreignant le cahier des charges sans avoir à prouver l'existence d'un préjudice personnel,

- que l'abri piscine litigieux est contraire aux articles 10-4 (interdisant les constructions de caractère provisoire ou en matériaux légers), 11-1 (disposant que toutes les constructions, de quelque nature et de quelque importance que ce soit ne pourront être édifiées que si le propriétaire du lot a obtenu le permis de construire exigé par les textes en vigueur) et 7-1 (disposant qu'aucune construction ne devra être édifiée à moins de cinq mètres en retrait de l'alignement des voies du lotissement) du règlement du lotissement,

- que l'abri voiture et le garage contreviennent aux dispositions de l'article 11-1 et 7-2 (prescrivant une distance minimale de quatre mètres par rapport aux limites des propriétés voisines) dudit règlement.

Les époux [H] contestent l'applicabilité des documents du lotissement retenus par le premier juge en soutenant :

- que depuis l'entrée en vigueur de la loi du 24 mars 2014, les règles d'urbanisme contenues dans les documents du lotissement, notamment le règlement, le cahier des charges s'il a été approuvé ou les clauses de nature réglementaire de ce cahier des charges s'il n'a pas été approuvé, deviennent caduques au terme de dix années à compter de la délivrance de l'autorisation de lotir si, à cette date, comme en l'espèce, le lotissement est couvert par un plan local d'urbanisme ou un document d'urbanisme en tenant lieu,

- que doivent être qualifiées de 'règle d'urbanisme' toutes dispositions d'un règlement de lotissement ou stipulations d'un cahier des charges dont la nature est comparable à celles qui composent un règlement de plan local d'urbanisme, comme les articles 7-1, 7-2, 10 et 11 du règlement du lotissement qui concernent l'implantation des constructions par rapport aux limites de propriété et aux voies publiques ou leur aspect, toutes règles qui ont été approuvées par l'autorité administrative et sont au nombre de celles figurant habituellement dans les règlements d'un PLU,

- qu'en l'espèce, le lotissement est classé en zone UC du PLU d'[Localité 5], lequel n'interdit pas l'édification de garages, d'abris voiture et d'abris piscine,

- qu'il ne peut être considéré que les règles d'urbanisme contenues dans les documents du lotissement ont été contractualisées dès lors :

$gt; que l'article L 442-9 du Code de l'Urbanisme en sa rédaction issue de la loi ALUR pose le principe de la caducité absolue, avec effet immédiat, des règles d'urbanisme contenues dans les règlements et cahiers des charges de lotissements, la question de savoir si une règle d'urbanisme d'un document approuvé d'un lotissement a été ou non contractualisée étant dépourvue d'intérêt dès lors que la règle d'urbanisme contenue dans le règlement du lotissement a été supprimée par la loi,

$gt; que les époux [A] ne peuvent se prévaloir des clauses du titre de propriété des appelants (article 1165 du code civil),

$gt; que la contractualisation des règles d'urbanisme d'un lotissement par renvoi ou simple référence qui en est faite dans le cahier des charges ou dans un acte de vente ne suffit pas à conférer une valeur contractuelle à un règlement de lotissement dès lors que l'article L 111-5, devenu L 115-1 depuis le 24 septembre 2015, du Code de l'Urbanisme en sa rédaction issue de la loi SRU du 13 décembre 2000 dispose que la seule reproduction ou mention d'un document d'urbanisme ou d'un règlement de lotissement dans un cahier des charges, un acte ou une promesse de vente ne suffit pas à lui conférer un caractère contractuel.

Les époux [A] concluent à la confirmation du jugement entrepris, en soutenant :

- qu'en l'espèce, l'analyse du titre de propriété des époux [H] révèle une volonté non équivoque de contractualisation, tant du règlement que du cahier des charges du lotissement, annexés à l'acte, ainsi que l'établissent divers clauses stipulant notamment que l'acquéreur reconnaît avoir pris connaissance de ces documents et sera tenu d'en exécuter toutes les stipulations, charges et conditions en tant qu'elles s'appliquent au bien vendu (page 11) et que suite à une demande de maintien des règles du lotissement par les colotis, les dispositions du cahier des charges demeurent imprescriptibles,

- que l'article L 442-9 du Code de l'Urbanisme ne remet pas en cause les droits et obligations régissant les rapports entre colotis définis dans le cahier des charges du lotissement ni le mode de gestion des parties communes,

- que les règles du lotissement dont le premier juge a constaté la violation, tirées du règlement de lotissement et contractualisées par l'acte de vente et le cahier des charges, constituent des règles de gestion des parties communes et de la vie en commun régissant

les rapports entre colotis et destinées à éviter des constructions anarchiques, à assurer l'esthétique du lotissement et à conserver son caractère boisé,

- que l'article L 442-9 a seulement vocation à s'appliquer lorsque les clauses de nature réglementaire contenues dans les documents du lotissement n'ont pas été expressément contractualisées et ne peut pas faire disparaître les stipulations contenues dans les titres de propriété des colotis.

Aux termes de l'article L 442-9 du Code de l'Urbanisme, en sa rédaction issue de l'ordonnance 2015-1174 du 23 septembre 2015 :

- les règles d'urbanisme contenues dans les documents du lotissement, notamment le règlement, le cahier des charges s'il a été approuvé ou les clauses de nature réglementaires du cahier des charges s'il n'a pas été approuvé, deviennent caduques au terme de dix années à compter de la délivrance de l'autorisation de lotir si, à cette date, le lotissement est couvert par un plan local d'urbanisme...,

- de même, lorsqu'une majorité de colotis a demandé le maintien de ces règles, elles cessent de s'appliquer immédiatement si le lotissement est couvert par un plan local d'urbanisme ... dès l'entrée en vigueur de la loi 2014-366 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové,

- les dispositions du présent article ne remettent pas en cause les droits et obligations régissant les rapports entre colotis définis dans le cahier des charges du lotissement, ni le mode de gestion des parties communes.

Cependant, il est admis qu'on puisse contractualiser les règles d'urbanisme afin d'échapper à la caducité encourue sur le fondement de l'article L 442-9 du Code de l'Urbanisme, considérant que le cahier des charges d'un lotissement, quelle que soit sa date, constitue un document contractuel dont les clauses engagent les colotis entre eux pour toutes les stipulations qui y sont contenues lesquelles revêtent un caractère contractuel dont la violation est sanctionnée, même en l'absence de préjudice subi par le propriétaire voisin coloti.

Cette 'contractualisation' suppose la preuve d'une volonté non équivoque des parties en ce sens, étant rappelé qu'aux termes de l'article L 115-1 du Code de l'Urbanisme, en sa rédaction issue de l'ordonnance 2015-1174 du 23 septembre 2015, la seule reproduction ou mention d'un document d'urbanisme ou d'un règlement de lotissement dans un cahier des charges, un acte ou une promesse de vente ne confère pas à ce document ou règlement un caractère contractuel.

En l'espèce, il est établi que le lotissement Montdeville est inclus dans la zone UB du plan local d'urbanisme de la commune d'[Localité 5] approuvé le 30 juillet 2004.

Le titre de propriété des époux [H] qui, s'il n'a d'effet qu'à l'égard des parties, constitue cependant un fait juridique dont peuvent être déduites des conséquences en droit à l'égard des tiers, stipule en page 11, paragraphe lotissement :

- que le bien vendu constitue l'un des lots du lotissement Domaine [Localité 6],

- que ce lotissement a été autorisé par arrêté du 9 juillet 1973....,

- que le règlement de lotissement, le cahier des charges fixant les règles de caractère contractuel du lotissement et les conditions générales des ventes ou des locations dans le lotissement, les statuts de l'association syndicale existant entre les propriétaires des terrains dépendant du lotissement ont été déposés au rang des minutes de Me [O], selon acte du 30 janvier 1974,

- qu'une copie du cahier des charges et règlement du lotissement a été remise à l'acquéreur dès avant le jour de la signature de l'acte de vente,

- que l'acquéreur reconnaît avoir pris connaissance de tous les documents susvisés et sera tenu d'en exécuter toutes les stipulations, charges et conditions en tant qu'elles s'appliquent au bien vendu,

- qu'est demeurée annexées à l'acte copie du règlement de lotissement (annexe 13) et du cahier des charges (annexe 14).

Par ailleurs, l'article 9 du cahier des charges du lotissement, intitulé 'servitudes d'urbanisme' stipule que le lotisseur, les acquéreurs et éventuellement les locataires des lots seront tenus de se conformer aux règlements en vigueur, notamment aux règlements municipaux et aux prescriptions du règlement du lotissement définissant en particulier les règles d'implantation ; de volue et d'aspect des constructions et d'obligation du permis de construire ou de la déclaration de construction.

En outre, l'article 1er du règlement du lotissement dispose qu'il a pour objet de fixer les règles et servitudes d'intérêt général imposées par le lotissement, qu'il est opposable à quiconque détient ou occupe à quelque titre que ce soit tout ou partie du lotissement, qu'il doit être visé dans tout acte translatif ou locatif de terrains bâtis ou non bâtis et qu'un exemplaire doit être annexé à tout contrat de vente...., que les acquéreurs ou occupants du lotissement seront tenus de respecter intégralement les conditions prévues au règlement.

Ces éléments établissent la volonté non équivoque, tant, initiale, des créateurs du lotissement que, postérieure, des parties lors de l'acquisition par les époux [H] de leur fonds, de 'contractualiser' les règles d'urbanisme du lotissement afin d'échapper à la caducité encourue en suite de l'adoption d'un plan local d'urbanisme (article L 442-9 du Code de l'Urbanisme).

En effet, le cahier des charges approuvé possède une double nature juridique, réglementaire et contractuelle, qui l'assujettit à un double régime en sorte que son contenu peut être, pour ce motif, à la fois périmé sur le plan administratif et opposable sur le plan contractuel aux colotis, ce qui signifie que ses dispositions réglementaires suivent le sort, sur le plan administratif, des nouvelles décisions d'urbanisme en vigueur mais restent applicables dans les rapports entre colotis, nonobstant l'entrée en vigueur d'un plan local d'urbanisme.

Le jugement déféré sera en conséquence confirmé en ce qu'il a déclaré applicables et opposables aux époux [H] les dispositions réglementaires d'urbanisme du règlement du lotissement et du cahier des charges.

Par ailleurs, après examen approfondi des pièces versées aux débats (documents du lotissement, procès-verbal de constat d'huissier de justice du 21 février 2013) le premier juge a, par des motifs que la cour adopte expressément, constaté le caractère irrégulier des constructions litigieuses au regard :

- s'agissant de l'abri piscine, des dispositions des articles 10-04 (interdiction des constructions de caractère provisoire ou en matériaux légers), 11-01 (imposant un permis ou une déclaration préalable) et 7-01 (servitude de recul par rapport à l'alignement des voies du lotissement) du règlement du lotissement,

- s'agissant du double garage et de l'abri voiture, des dispositions des articles 11-01 précité, 7-02 (servitude de recul par rapport à la limite des propriétés voisines) du règlement du lotissement.

Considérant enfin que la violation des stipulations des documents du lotissement contractualisées doit être sanctionnée, même en l'absence de préjudice subi par le propriétaire voisin coloti, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a ordonné la démolition des ouvrages litigieux, sauf l'émendant de ce chef, à dire que le point de départ du délai de six mois pour y procéder sera fixé à la date de la signification du présent arrêt.

L'équité commande de condamner les époux [H], in solidum, à payer aux époux [A], en application de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 1 500 € au titre des frais irrépétibles par eux exposés en cause d'appel.

Les époux [H] seront condamnés, in solidum, aux entiers dépens d'appel et de première instance, avec bénéfice de distraction au profit de Me Tafall.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

Vu le jugement du tribunal de grande instance de Bayonne en date du 28 septembre 2015,

Rejette la fin de non-recevoir soulevée par les époux [H] sur le fondement de l'article 909 du code de procédure civile,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf, l'émendant de ce chef, à dire que le point de départ du délai de six mois pour procéder à la démolition des ouvrages litigieux sera fixé à la date de la signification du présent arrêt,

Ajoutant au jugement entrepris :

- Condamne les époux [H], in solidum, à payer aux époux [A], en application de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 1 500 € au titre des frais irrépétibles par eux exposés en cause d'appel,

- Condamne les époux [H], in solidum, aux entiers dépens d'appel, avec bénéfice de distraction au profit de Me Tafall.

Le présent arrêt a été signé par Mme Marie-Florence Brengard, Président, et par Mme Julie Fittes-Pucheu, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

Julie FITTES-PUCHEU Marie-Florence BRENGARD


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 15/04144
Date de la décision : 20/12/2017

Références :

Cour d'appel de Pau 01, arrêt n°15/04144 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-12-20;15.04144 ?
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