MF/SB
Numéro 17/02689
COUR D'APPEL DE PAU
Chambre sociale
ARRÊT DU 29/06/2017
Dossier : 15/00838
Nature affaire :
Demande de prise en charge au titre des A.T.M.P. ou en paiement de prestations au titre de ce risque
Affaire :
[R] [S]
C/
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE [Localité 1]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 29 Juin 2017, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 04 Mai 2017, devant :
Madame FILIATREAU, magistrat chargé du rapport,
assistée de Madame HAUGUEL, greffière.
Madame FILIATREAU, en application des articles 786 et 910 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame THEATE, Présidente
Madame COQUERELLE, Conseiller
Madame FILIATREAU, Vice Président placé délégué en qualité de Conseiller par ordonnance du 24 février 2017
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANT :
Monsieur [R] [S]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 1]
Comparant assisté de Maître ARCAUTE, avocat au barreau de PAU
INTIMÉE :
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE [Localité 1] représentée par son Directeur
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentant : Madame [T], responsable du service juridique, ayant été autorisée à ne pas comparaître à l'audience
sur appel de la décision
en date du 13 FÉVRIER 2015
rendue par le TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SÉCURITÉ SOCIALE DE BAYONNE
RG numéro : 24-2015
FAITS ET PROCEDURE
Monsieur [R] [S] a été victime d'un accident de travail le 22 juillet 1970, pris en charge par la CPAM [Localité 1]. Il a présenté un certificat médical de rechute le 03 juin 2011.
Le 29 août 2011, la CPAM a notifié à l'assuré une décision de refus de prise en charge. Monsieur [R] [S] a sollicité une expertise. Le 27 septembre 2011, le Docteur [F] à la question, «'dire si la pathologie décrite par le certificat médical de demande de rechute du 03 juin 2011 représente un fait nouveau et/ou une aggravation évolution des séquelles imposant un traitement actif, en relation de cause à effet directe et certaine avec l'accident du travail du 22 juillet 1970'», a répondu, «'non'».
La CPAM a notifié à Monsieur [R] [S] les conclusions de l'expertise le 07 octobre 2011 ne remettant pas en cause la position prise initialement par la caisse.
Le 30 novembre 2011, Monsieur [R] [S] a saisi la Commission de Recours Amiable (CRA) de la CPAM [Localité 1] pour contester cette décision.
Le 20 décembre 2011, la CRA a rejeté la demande de l'assuré.
Le 15 février 2012, Monsieur [R] [S] a saisi le Tribunal des affaires de sécurité sociale de BAYONNE, pour contester la décision rendue par la CRA.
Par jugement en date du 04 avril 2014, le Tribunal des affaires de sécurité sociale a ordonné avant dire droit une expertise médicale confiée au Docteur [L] [X].
L'expert a déposé son rapport le 22 mai 2014. Le Docteur [X] a ainsi conclu «'entre les lésions décrites dans le certificat médical du 03 juin 2011 et l'accident du 22 juillet 1970, il n'est pas établi de lien certain, direct et total'».
Monsieur [R] [S], selon ses dernières écritures, a demandé au Tribunal des affaires de sécurité sociale de voir':
*dire que la lésion décrite dans le certificat médical du 06 juin 2011 devait être prise en compte au titre de la législation professionnelle et rattachée à l'accident du 22 juillet 1970
*condamner la CPAM à lui verser une indemnité de 1.500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
*subsidiairement ordonner à l'expert de compléter son rapport au vu du certificat médical du Docteur [K]
La CPAM a conclu au rejet du recours formé par Monsieur [R] [S].
Par jugement rendu le 13 février 2015, le Tribunal des affaires de sécurité sociale de Bayonne a:
rejeté le recours formé par Monsieur [R] [S]
laissé les dépens à sa charge
Par déclaration au greffe le 09 mars 2015, le conseil de Monsieur [R] [S] a interjeté appel de ce jugement qui a été notifié à son client le 02 mars 2015.
Les parties ont été convoquées devant la chambre sociale de la présente Cour pour l'audience du 04 mai 2017.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Monsieur [R] [S] a repris oralement à l'audience ses conclusions enregistrées le 02 mars 2017 par le greffe et auxquelles il y a lieu de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, tendant à voir':
déclarer son appel recevable sur la forme et le fond
débouter la CPAM de toutes ses demandes, fins et conclusions
enjoindre à la CPAM de produire les relevés d'indemnités journalières sur la période allant du 02 novembre 1970 au 01 juin 2011. A défaut en tirer toutes conséquences de droit
à titre principal, réformer la décision entreprise et dire au regard de la théorie de l'équivalence des conditions, qu'il est manifeste que la lésion décrite dans le certificat médical du 03 juin 2011 doit être prise en charge au titre de la législation professionnelle et rattachée à l'accident du travail initial du 22 juillet 1970
dire que l'avis du rapport d'expertise du Docteur [X] sera rejeté
condamner la CPAM à lui verser 2.500€ en application de l'article 700 du code de procédure civile
subsidiairement, avant dire droit, voir ordonner une mesure de contre expertise judiciaire et voir rejeter le présent rapport d'expertise
dire dans l'attente que chacune des parties conservera ses propres dépens
A l'appui de ses prétentions, Monsieur [S] [R] rappelle que le juge n'est pas lié par le rapport d'expertise en application de l'article 246 du code de procédure civile. En l'espèce, il constate que la mission d'expertise n'a pas été confiée à un neuro-chirurgien et estime que l'expert n'a pas tenu compte des conclusions des IRM et du certificat médical du Docteur [K]. Il estime que la fracture en L1 n'avait pas été constatée par les médecins, rappelant qu'il a dû à la suite d'une chute de 4 mètres, se rendre à trois reprises au centre hospitalier pour constater qu'il avait été victime d'une fracture du poignet puis d'une fracture du fémur. Or, il rappelle qu'il n'était âgé que de 18 ans lors de l'accident et que l'IRM révèle que la fracture est ancienne. Par ailleurs, il fait état d'erreurs de mensurations ou de contradictions dans le rapport. Ainsi, il souligne qu'alors que l'expert note qu'après l'accident, il a dû rester alité pendant 6 à 8 semaines et que la fracture en L1 entraînerait une douleur généralement forte et une immobilité du rachis, le Docteur [X] exclut pourtant tout lien entre la lésion et l'accident du travail.
Par ailleurs, Monsieur [S] [R] souligne que la CPAM ne justifie pas d'un arrêt de travail ou de soins pendant 8 semaines postérieurs à cet accident ce qui démontrerait le lien entre la lésion et l'accident initial.
Enfin, il fait état du certificat du Docteur [K], neuro-chirurgien qui confirmerait le caractère ancien de la lésion.
Monsieur [S] [R] en déduit qu'il existe une forte probabilité pour que la lésion ait pour origine l'accident du travail et rappelle que la Cour de Cassation décide que «'tous les troubles nés de l'aggravation d'une séquelle d'un accident, même si ces troubles nouveaux n'ont pas été immédiatement imputés à l'accident'» doivent être pris en charge au titre de la législation professionnelle. Subsidiairement, il sollicite une contre-expertise.
La CPAM [Localité 1] a fait parvenir ses conclusions enregistrées le 13 avril 2017 par le greffe et auxquelles il y a lieu de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, tendant à voir débouter Monsieur [R] [S] de son recours mal fondé.
La CPAM fait valoir que l'expert, le Docteur [X] a, sans ambiguïté, exclu que la fracture-tassement de la vertèbre L1 soit en lien avec l'accident du travail initial en retenant le caractère incohérent du délai entre le traumatisme et la constatation de la lésion, l'apparition des premiers signes de mal de dos 30 ans après et la découverte des premiers signes radiologiques, 41 ans après.
Par ailleurs, la CPAM souligne que deux expertises réalisées par deux experts différents sont arrivées aux mêmes conclusions de sorte qu'une expertise supplémentaire ne serait pas justifiée.
MOTIFS
En application des articles L.443-1 et suivants du code de sécurité sociale, l'aggravation ou la rechute d'un accident du travail peut être pris en charge au titre de la législation professionnelle.
En l'espèce, il résulte de la déclaration d'accident du travail, de la notification d'attribution permanente d'une rente, du rapport médical initial d'évaluation du taux d'IPP et des rapports d'expertise médicale technique que le 22 juillet 1970, Monsieur [S] [R] a été victime d'un accident du travail ayant entraîné une disjonction radio-cubitale droite et une fracture du fémur pour lesquelles la date de consolidation a été fixée au 2 novembre 1970. Cet accident du travail a été pris en charge par la CPAM au titre de la législation professionnelle.
Le 03 juin 2011, Monsieur [S] [R] a fait parvenir à la CPAM, un certificat de rechute de cet accident du travail pour une fracture tassement de L1. Le 29 août 2011, la CPAM a refusé la prise en charge de la rechute. Monsieur [S] qui conteste cette décision et sollicite la prise en charge d'une rechute doit donc établir que la lésion a un lien de causalité direct et exclusif avec l'accident du travail c'est à dire une relation directe et unique entre la lésion et le traumatisme initial.
En l'espèce, il est constant que la lésion, fracture tassement en L1, est une nouvelle lésion apparue après la consolidation de Monsieur [S] [R] de ses deux lésions initiales constatées immédiatement après l'accident du travail.
Il convient par ailleurs de constater que suite à la décision de refus, Monsieur [S] [R] a demandé, en application des articles L.141-1 et suivant du code de la sécurité sociale, le bénéfice d'une expertise médicale technique. Le Docteur [F] a déposé son rapport le 05 octobre 2011. Dans le corps de celui-ci, l'expert précise que depuis son accident du travail et jusqu'à sa demande de rechute, Monsieur [S] [R] lui a signalé n'avoir jamais subi d'arrêt de travail, d'hospitalisation, d'intervention ou de radiographie du rachis. Après examen de l'assuré, l'expert a précisé «'sur le plan médico-légal, il est strictement impossible d'établir un lien entre le tassement de L1 découvert en 2011 et un accident de 1970 dont le certificat initial ne faisait nulle mention d'un traumatisme rachidien'». Le Docteur [F] en conclut que «'la pathologie décrite par le certificat médical de demande de rechute du 03 juin 2011 ne présente pas un fait nouveau et/ou une aggravation, évolution des séquelles imposant un traitement actif en relation de cause à effet directe et certaine avec l'accident du travail du 22 juillet 1970'».
Par ailleurs, le TASS a, avant dire droit, ordonné une nouvelle expertise médicale technique confiée au Docteur [X]. Il convient à titre liminaire de constater que les éventuelles erreurs de l'expert sur quelques mensurations ou l'âge de la victime lors de l'examen IRM sont sans incidence au fond. Par ailleurs, il convient de constater qu'après examen de l'assuré et des pièces médicales transmises par celui-ci, l'expert indique que si la lésion aurait pu avoir été causée par la chute de 4 mètres, le délai d'au moins 30 ans (crise de lombalgie invoquée sans bilan radiographique) et de 41 ans pour le bilan et la déclaration de rechute, «'paraît incohérent pour une prise en charge d'une lésion de cet ordre'». L'expert ajoute encore «'entre le moment de la chute initiale et des signes cliniques de mal au dos, il s'est écoulé 30 ans, pour les signes radiologiques, 41 ans, avec dans chaque intervalle l'absence de continuité de troubles subjectifs qui auraient pu évoluer jusqu'au moment du diagnostic positif.'» L'expert en conclut «'ainsi on peut dire que M. [S] présente bien au niveau de L1, une lésion d'origine traumatique ancienne. Mais au plan médico-légal, il n'est pas possible de dire qu'entre cette lésion diagnostiquée en 2011 et l'accident survenu 41 ans auparavant, le lien soit certain direct et total. Il s'en suit que l'on doive considérer cet état comme évoluant pour son propre compte, sans être aggravé ni influencé par cet accident du travail et ses suites'».
Enfin, les pièces médicales produites par Monsieur [S] [R] sont insuffisantes pour justifier de la relation directe et exclusive entre l'accident du travail du 22 juillet 1970 et la lésion en L1. Ainsi, si dans le compte-rendu d'IRM, le Docteur [L] fait état de «'séquelles de tassement du plateau vertébral supérieur de L1 (') témoignant d'une séquelle de lésion traumatique car survenue chez un homme jeune sans pathologie'», aucun élément médical ne permet de rattacher cette séquelle à l'accident de 1970 si ce n'est les propres indications de Monsieur [S] au médecin. Par ailleurs, les certificats du Docteur [K], neuro-chirurgien, ne sont pas plus probants, celui-ci indiquant au contraire «'il est totalement impossible sur des radiographies et IRM de dater l'âge de la fracture. On peut simplement dire que cette fracture est consolidée donc qu'elle a plus d'un an ou deux, durée nécessaire pour obtenir une cicatrisation osseuse'».
En conséquence, les conclusions identiques des deux expertises médicales techniques ne peuvent être remises en question au vu des éléments produits par Monsieur [S] [R] et ce d'autant qu'elles sont claires, précises et concordantes. Dans ces conditions, il convient de rejeter la demande de nouvelle expertise médicale technique formée par Monsieur [S] [R].
Il résulte de l'ensemble de ces éléments, qu'il n'est pas démontré de lien de causalité certain et exclusif entre l'accident du travail du 22 juillet 1970 et la fracture tassement de L1. Le jugement entrepris doit donc être confirmé en toutes ses dispositions.
Sur les dépenses de contentieux
En application de l'article R.144-10 du Code de la sécurité sociale, l'appelant qui succombe est condamné au paiement d'un droit qui ne peut excéder le 10ème du montant mensuel du plafond prévu à l'article L. 241-3; il peut toutefois être dispensé du paiement de ce droit par une mention expresse figurant dans la décision';
Il convient en l'espèce de dispenser Monsieur [S] [R] du paiement du droit fixé par les articles R. 144-10 et L.241-3 du code de la sécurité sociale.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour,
Confirme le jugement rendu par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de Bayonne le 13 février 2015';
Y ajoutant,
Dispense Monsieur [S] [R] du paiement du droit fixé par les articles R. 144-10 et L.241-3 du code de la sécurité sociale.
Arrêt signé par Madame THEATE, Présidente, et par Madame HAUGUEL, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE,LA PRÉSIDENTE,