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31/05/2017 | FRANCE | N°15/03525

France | France, Cour d'appel de Pau, 1ère chambre, 31 mai 2017, 15/03525


MARS/AM



Numéro 17/2297



COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre







ARRET DU 31/05/2017







Dossier : 15/03525





Nature affaire :



Demande en réparation des dommages causés par l'activité médicale ou para-médicale













Affaire :



[F] [M]

[Y] [M]

[K] [M]



C/



[O] [B]

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE [Localité 1]








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Grosse délivrée le :



à :























RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R E T



prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 31 mai 2017, les parties en ayant été préalablement avisées dans les co...

MARS/AM

Numéro 17/2297

COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre

ARRET DU 31/05/2017

Dossier : 15/03525

Nature affaire :

Demande en réparation des dommages causés par l'activité médicale ou para-médicale

Affaire :

[F] [M]

[Y] [M]

[K] [M]

C/

[O] [B]

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE [Localité 1]

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R E T

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 31 mai 2017, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 04 avril 2017, devant :

Madame SARTRAND, Président

Monsieur CASTAGNE, Conseiller

Madame ROSA SCHALL, Conseiller, magistrat chargé du rapport conformément à l'article 785 du code de procédure civile

assistés de Madame VICENTE, Greffier, présente à l'appel des causes.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTS :

Monsieur [F] [M]

né le [Date naissance 1] 1964 à [Localité 2]

[Adresse 1]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Monsieur [Y] [M]

né le [Date naissance 2] 1935 à [Localité 4]

de nationalité française

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 3]

Madame [K] [M]

née le [Date naissance 2] 1925 à [Localité 5]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 3]

représentés et assistés de Maître Sébastien BINET de la SCP PERSONNAZ - HUERTA - BINET - JAMBON, avocat au barreau de BAYONNE

INTIMES :

Monsieur [O] [B]

né le [Date naissance 3] 1949 à [Localité 6]

de nationalité française

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 7]

représenté et assisté de Maître Nicolas MICHELOT de la SELARL ALQUIE AVOCATS, avocat au barreau [Localité 1]

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE [Localité 1]

[Adresse 5]

[Localité 8]

prise en la personne de son directeur domicilié en cette qualité audit siège

représentée et assistée de Maître Alexandrine BARNABA, avocat au barreau de PAU

sur appel de la décision

en date du 07 SEPTEMBRE 2015

rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BAYONNE

M. [Y] [M] a été victime d'un malaise le 8 septembre 2002.

Il a été examiné par le docteur [B], son médecin habituel, le 9 septembre. A l'occasion de cette consultation, le docteur [B] a prescrit un bilan neurologique et la prise d'un médicament, le Cervoxan.

Lors d'une autre consultation le 11 septembre 2002, le docteur [B] a établi une prescription pour un doppler carotidien et un scanner cérébral pour troubles mnésiques.

Le 16 septembre 2002 M. [Y] [M] a passé les examens prescrits. Après être rentré à son domicile, il a souffert d'un accident vasculaire cérébral et a été conduit à la clinique[Localité 9] par les services d'urgence.

Les séquelles de cet accident vasculaire cérébral sont graves. M. [M] est aujourd'hui paralysé avec un taux d'IPP de 80 %.

Une première expertise médicale ordonnée en référé a été annulée par jugement du 4 juin 2007, l'expert, le docteur [S], n'ayant pas respecté le principe du contradictoire.

Une nouvelle expertise de M. [Y] [M] a été ordonnée et le professeur [L], désigné pour y procéder.

Par acte d'huissier des 5 et 11 janvier 2005, M. [Y] [M], Mme [K] [M] son épouse et leur fils, M. [F] [M] ont assigné le docteur [B], médecin traitant de M. [Y] [M], auquel ils reprochaient de n'avoir pas diagnostiqué à temps un accident vasculaire transitoire qui s'est déclenché le 8 septembre 2002 et la CPAM [Localité 1], aux fins d'entendre liquider les préjudices découlant de cet accident dont a été victime M. [Y] [M] le 16 septembre 2002.

Par jugement du tribunal de grande instance de Bayonne en date du 7 septembre 2015, rendu en lecture du rapport d'expertise du professeur [L], neuropsychiatre, les consorts [M] et la caisse primaire d'assurance maladie [Localité 1] ont été déboutés de leurs demandes et le docteur [B] de sa demande de dommages-intérêts.

Les consorts [M] ont été condamnés au paiement d'une somme de 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Les consorts [M] ont interjeté appel de ce jugement le 06 octobre 2015.

Par conclusions du 6 janvier 2016, ils ont demandé à la Cour de réformer le jugement entrepris et :

- de constater les fautes professionnelles du docteur [B],

- de dire que la prescription de Cervoxan a favorisé la survenance de l'accident vasculaire cérébral,

- de dire à minima qu'il en est résulté une perte de chance pour M. [Y] [M] d'éviter la survenance d'un accident vasculaire cérébral,

- de constater les séquelles de M. [Y] [M] en lecture des rapports d'expertise des docteurs [S] et [L],

En conséquence de :

- condamner le docteur [B] aux débours de la CPAM,

- condamner le docteur [B] à payer à M. [Y] [M] les sommes suivantes au titre de son indemnisation :

- de condamner le docteur [B] à payer à M. [F] [M] la somme de 20 000 € au titre du préjudice psychologique,

- de condamner le docteur [B] à payer à Mme [K] [M] :

* au titre du préjudice patrimonial, une rente viagère de 300 € par mois,

* au titre du préjudice moral la somme de 20 000 €,

- de condamner le docteur [B] à leur verser une somme de 10 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- de dire y avoir lieu à exécution provisoire,

- de condamner le docteur [B] aux entiers dépens et autoriser Me Sébastien Binet à procéder à leur recouvrement en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions du 25 mars 2016, la CPAM [Localité 1] a demandé de déclarer recevable et bien fondé son appel incident et de réformer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Bayonne le 7 septembre 2015.

Statuant à nouveau elle a demandé :

- de dire que le docteur [B] est seul responsable des dommages causés à M. [Y] [M],

- de le condamner à lui verser une somme de 317 564,14 € au titre de sa créance définitive,

- de lui donner acte de ses réserves quant au remboursement des prestations déjà payées et de toutes celles à venir,

- de lui donner acte de ce qu'elle peut faire valoir une créance au titre de l'indemnité forfaitaire d'un montant de 1 047 €,

- de condamner le docteur [B] à lui verser une somme de 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d'appel et d'autoriser Me Barnaba à procéder à leur recouvrement en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions responsives du 27 février 2017 le docteur [B] a demandé :

- d'écarter des débats le rapport d'expertise du docteur [S] annulé par jugement du 4 juin 2007,

- de faire sommation aux consorts [M] de produire les jurisprudences citées en page 10 de leurs conclusions,

- de dire qu'aucune faute ne peut être retenue à son encontre et que sa responsabilité n'est pas engagée,

- de dire que les demandes indemnitaires des consorts [M] sont mal fondées comme sollicitant une réparation intégrale alors que seule une perte de chance serait admise si une faute été retenue.

Il a demandé de débouter les consorts [M] de l'ensemble de leurs demandes et d'accueillir son appel incident sur l'abus de droit et statuant à nouveau, de condamner les consorts [M] à lui verser une somme de 15 000 € de dommages-intérêts au vu du préjudice subi résultant de 14 années de procédure qui ont terni sa réputation de médecin et lui ont causé une grave angoisse morale, l'incitant même à quitter le lieu où il exerçait depuis 30 ans en tant que médecin de campagne.

A titre subsidiaire, il a demandé de limiter le droit à réparation des consorts [M].

En tout état de cause, il a sollicité la condamnation des consorts [M] à lui verser une somme de 8 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de l'instance, en ce compris les frais de référé d'expertise judiciaire, dont distraction au profit de la SCP Alquié en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 3 mars 2017.

Sur ce :

Les consorts [M] ont indiqué à l'expert, que M. [Y] [M] a été victime d'un malaise le 8 septembre 2002, à 10 h 30, alors qu'il était chez un fleuriste. Il a été affecté d'un trouble de la parole et n'a pas pu signer le chèque. Ils n'ont appelé le médecin que le lendemain.

Mme [M] a indiqué qu'il cherchait encore ses mots quelques jours après et qu'il n'y a eu un léger mieux qu'aux alentours du 11 septembre.

Il n'est pas contesté par le docteur [B], qu'il a été informé le 9 septembre 2002 de l'existence des troubles de la mémoire et de vertiges dont se plaignait son patient M. [Y] [M], troubles survenus depuis peu.

Si le docteur [B] soutient ne pas avoir constaté de trouble d'aphasie le 9 septembre 2002 et ne pas avoir été informé de l'existence de celui-ci par son patient ou par son épouse, ce qui est contesté par les appelants, M. [Y] [M] et son épouse qui indiquent lui en avoir fait part, force est de constater, qu'aucune fiche d'examen ou d'observation n'ayant été établie par le médecin à l'issue de cette consultation, ni après la consultation du 11 septembre 2002, le docteur [B] est dans l'incapacité de démontrer ce qu'il a constaté lors de ces consultations.

Le docteur [L] a noté dans son expertise, que le docteur [B] n'a pas perçu la gravité potentielle de l'état de son patient ce qui expliquait notamment qu'il ne l'avait pas prévenu du danger de la conduite.

Cette appréciation était également celle du docteur [S], dont l'expertise a été annulée, ce qui n'interdit cependant pas, en application des dispositions des articles 1315 ancien du code civil, et 175 et 233 du code de procédure civile, de retenir certains éléments à titre de renseignements, dès lors qu'ils sont corroborés par d'autres éléments du dossier, ce qui est le cas sur ce point, par la seconde expertise judiciaire.

De l'ordonnance en date du 9 septembre 2002 - qui a donné lieu à une instance pénale poursuivie par les consorts [M] qui reprochaient au docteur [B] d'avoir établi un faux en établissant l'ordonnance après la date indiquée sur celle-ci, ainsi qu'une tentative d'escroquerie, procédure qui s'est achevée par un arrêt confirmatif de la Cour d'appel de Pau du 19 septembre 2013, déclarant irrecevable la constitution de partie civile de Mme [K] [H] épouse [M], de M. [Y] [M] et de M. [F] [M] les déboutant de leurs demandes - il résulte que le docteur [B] a constaté ce jour là des troubles de la mémoire depuis quelques semaines, un vertige positionnel qui l'ont amené à prescrire une consultation neurologique. Il avait conclu à une suspicion de DTA débutant.

Le 11 septembre 2002, à la suite d'une seconde consultation le docteur [B] a prescrit un scanner cérébral et un doppler carotidien relevant à nouveau des troubles mnésiques.

Il est constant que M. [Y] [M], âgé de 67 ans au moment de son accident vasculaire cérébral, avait à cette date des antécédents d'asthme et de diabète non insulino-dépendant pour lequel il était suivi par le docteur [B]. Du fait de ce dernier antécédent, M. [M] présentait un facteur de risque d'accident ischémique constitué (AIC).

Il résulte du rapport d'expertise du professeur [L], que le scanner pratiqué le 16 septembre révélait l'existence d'images traduisant une souffrance du lobe cérébral gauche qui pouvait correspondre à la persistance d'une ischémie dans cette région, authentifiant ainsi la possible persistance d'un trouble de la parole.

L'expert souligne que le retard de diagnostic est en grande partie responsable du handicap actuel de M. [M].

Il explique que M. [M] « avait donc une thrombose en voie de constitution de la carotide interne, et le schéma de ramollissement cérébral qui s'est constitué est classique : accident transitoire le 8 septembre 2002 qui constitue le premier signe d'un infarcissement du cerveau gauche dû à une thrombose de la carotide interne entraînant un ramollissement superficiel à gauche ; c'est un processus évolutif classique et le premier signe a pu être un accident transitoire qui a duré quelques minutes, quelques secondes ou quelques heures, ayant eu lieu le 8 septembre 2002. Il s'est compliqué au 8ème jour d'un infarctus massif et brutal, c'est la règle ; il se peut aussi que ce signe d'appel se soit poursuivi durant toute la semaine à un niveau très léger, pour se compléter ensuite le 16 septembre ».

Le docteur [S], avait pour sa part conclu que le défaut d'interprétation des manifestations a conduit à un retard de diagnostic dont il n'était pas absolument certain qu'il soit responsable de l'hémiplégie, mais qui a entraîné une perte de chance qu'un traitement précoce aurait pu représenter.

Le docteur [L] rappelle également, qu'un médecin généraliste a appris la neurologie et est tout à fait capable de distinguer si un malade présente des troubles neurologiques de type aphasie ou dysarthrie ou s'il n'en présente pas. En l'espèce, il indique que toute la question repose sur la persistance chez M. [M] d'un trouble de la parole ou non.

Le docteur [L] indique dans sa conclusion que le diagnostic n'était pas évident au regard des symptômes présentés par M. [M] et que le docteur [B] n'avait pas tous les éléments pour l'établir.

Il termine en indiquant que les soins ont été attentifs et conformes aux données acquises de la science. Le docteur [B] ne peut pas être tenu pour responsable.

N'étant pas établi, par l'expertise médicale du docteur [L], que la prescription du Cervoxan dont la classe pharmaco-thérapeutique est : vasodilatateur périphérique, ait eu une incidence sur l'accident vasculaire cérébral qu'a connu M. [M] le 16 septembre 2002, la Cour ne développera pas plus avant cet argument des consorts [M] aux termes duquel, cette prescription au demeurant inadaptée avec le diagnostic réalisé par le docteur [B], aurait pu favoriser la survenance de cet accident vasculaire cérébral.

Il convient d'observer, que la notice qu'ils produisent aux débats a été révisée au mois d'août 2011, de sorte qu'aucun élément ne démontre, qu'il s'agissait d'une donnée acquise de la science au mois de septembre 2002.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que le docteur [B] qui a vu son patient à 2 jours d'intervalle, de façon certaine, pour des problèmes de vertige positionnel et des troubles de mémoire, et qui connaissait les facteurs de risques liés aux antécédents médicaux de son patient n'a, en ne posant qu'un diagnostic éventuel de DTA et en ordonnant une consultation neurologique sans la prévoir lui-même en urgence compte-tenu des éléments ci dessus rappelés, pas mis en oeuvre tous les moyens en sa possession pour parvenir au diagnostique correct de la pathologie de son patient, erreur d'appréciation lors de ses consultations qui sont à l'origine de la perte de chance de M. [Y] [M] d'éviter le second accident vasculaire cérébral survenu le 16 septembre 2002, dont il a conservé de graves séquelles.

Cette perte de chance sera fixée à 50 %, le docteur [L] ayant relevé :

- que le diagnostic n'était pas évident au regard des symptômes présentés par M. [M],

- que le docteur [B] n'avait pas l'élément essentiel pour l'établir, à savoir le trouble de la parole, la Cour rappelant toutefois sur ce point qu'il est impossible de le certifier, au regard des affirmations contraires des parties sur le fait que l'aphasie ait été portée à la connaissance du docteur [B] dès le 9 septembre 2002 et sur l'absence de toute fiche d'examen ou d'observation établie par le praticien.

Sur la réparation des préjudices

Le docteur [L] qui a examiné M. [Y] [M] a indiqué qu'il présente actuellement une aphasie complète et une hémiplégie droite passive. Il est sur un fauteuil roulant.

Il a fixé ses préjudices comme suit :

- durée de l'IPP du 16 septembre 2002 jusqu'au 11 septembre 2007, date de la consolidation,

- IPP de 80 %,

- l'AVC est la cause déclenchante de l'IPP actuel,

- état consolidé le 11 septembre 2007,

- souffrances endurées : 5/7,

- préjudice esthétique : 5/7.

Sur les postes de préjudices patrimoniaux

La CPAM [Localité 1] justifie avoir versé à M. [Y] [M] la somme de 317 575,14 € dont elle conclut que c'est sa créance définitive, au titre de frais hospitaliers, frais médicaux et pharmaceutiques, frais de transport, actes de radiologie, soins infirmiers, appareillage, actes de kiné, soins orthophonistes, et soins pédicure.

Elle demande de lui donner acte de ses réserves quant au remboursement des prestations à venir.

Compte tenu de la perte de chance évaluée à 50 %, le docteur [O] [B] sera condamné à rembourser à la CPAM [Localité 1], la somme de 158 787,55 €.

Au soutien de cette demande, les consorts [M] produisent une proposition commerciale émanant de Peugeot relativement à un véhicule expert Combi HDI 110 chevaux qui fait état d'une transformation pour fauteuil de 12 671 €.

Aucune facture n'est cependant produite démontrant la réalité de l'acquisition de ce véhicule.

La caisse primaire d'assurance maladie [Localité 1], fait pour sa part mention de frais de transport du 16 septembre 2002 au 3 juin 2014 d'un montant de 4 003,97 €.

En conséquence, les consorts [M] seront déboutés de ce chef de demande.

M. [M] a quitté le centre de rééducation [Localité 10] en février 2003 puis a été à nouveau hospitalisé quelques jours au mois de mars.

Les consorts [M] produisent un devis estimatif de l'ACBI [Localité 11] en date du 13 janvier 2004, pour l'intervention d'une garde de jour et de nuit sur la base 24 heures sur 24 sur 30 jours par mois avec 26 jours en heures normales et 4 jours en heures majorées de dimanche de 31 767,59 €. Le taux horaire brut est de 7,58 € brut de l'heure pour la garde de jour et 7,68 € pour la garde de nuit par une personne non diplômée.

Aucune facture n'est cependant produite démontrant qu'ils ont eu recours à ce service ou à tout autre organisme.

Il résulte des débours de la CPAM, que les soins infirmiers du 17 septembre 2002 au 2 juin 2014 se sont élevés à 147 539,56 €.

Il est établi par le rapport d'expertise, qu'une aide-soignante et une infirmière sont intervenues au domicile pour aider M. [Y] [M] à se lever, à faire sa toilette, et à prendre ses repas de midi et du soir.

Au regard de l'âge de Mme [K] [M], qui est née le [Date naissance 2] 1925, il n'est aucunement établi, que ce soit elle-même ou leur fils [F], qui l'aient assisé au quotidien lorsqu'il est revenu au domicile.

En conséquence, aucun justificatif de dépenses restant à charge n'étant produit aux débats par ailleurs, les consorts [M] seront déboutés de ce chef de demande.

Il est justifié à ce titre d'une facture de 2 986,50 € pour du portage de repas à domicile de l'année 2006, du mois de janvier en décembre, au prix unitaire de 5,50 € le repas (centre communal d'action sociale[Localité 12]).

En conséquence, le docteur [O] [B] sera condamné à ce titre à payer une somme de 1 493,25 €.

Il est sollicité à ce titre une somme de 1 703 520 € pour la période depuis le 16 septembre 2002 (4 732 jours x 24 heures par semaine x 15 € de l'heure).

Le docteur [L] n'a pas fait mention d'une assistance d'une tierce personne - mais cette question ne figurait pas expressément dans sa mission.

Il a cependant constaté :

- que M. [Y] [M] est en fauteuil roulant,

- que l'après-midi il regarde la télévision, qu'il est capable de faire des choix des émissions,

- qu'il a d'importants troubles de la compréhension et s'exprime avec de grandes difficultés,

- qu'il est totalement dépendant de son entourage pour tous les gestes de la vie courante.

Les consorts [M] ont produit un certificat médical du docteur [F] en date du 12 janvier 2006 aux termes duquel l'état de santé de M. [Y] [M] justifie la présence d'une tierce personne à son domicile 24 heures sur 24. Aucun autre document médical n'a été communiqué depuis.

Une aide-soignante et une infirmière interviennent quotidiennement au domicile pour le lever, la toilette et pour les repas de midi et du soir.

En l'état des pièces produites, aucune assistance de nuit n'est préconisée ni mentionnée.

En conséquence, tel que cela résulte du dossier, il n'est en aucune façon démontré que la présence d'une tierce personne non spécialisée, autre qu'une aide-soignante ou une infirmière soit nécessaire pour assister M. [Y] [M] le reste de la journée. Il n'est pas non plus justifié, que Mme [K] [M], aujourd'hui âgée de 91 ans, assume ce rôle de tierce personne, ni même allégué que ce soit le cas de M. [F] [M].

Par ailleurs, les consorts [M] ne justifient d'aucun frais restant à charge concernant les frais quotidiens d'aide-soignante ou d'infirmière.

En conséquence, ils seront déboutés de ce chef de demande.

Il est sollicité à ce titre une rente mensuelle de 10 800 € (30 jours x 24 heures par semaine x 15 €) indexée et ce jusqu'au décès de M. [Y] [M] pour l'assistante familiale ou amicale.

La nécessité de présence d'une tierce personne au-delà des prestations prises en charge par la CPAM n'étant pas démontrée, les consorts [M] seront déboutés de ce chef de demande.

Sur les préjudices extrapatrimoniaux

Il est sollicité à ce titre la somme de 30 000 €.

Il s'agit d'estimer les souffrances physiques ou morales endurées par la victime du fait notamment, des atteintes à son intégrité, sa dignité, à raison des traitements, interventions et hospitalisation qu'elle subit depuis l'accident jusqu'à sa consolidation.

Le docteur [L] les a évaluées à 5/7.

Il convient de les indemniser, s'agissant d'une qualification correspondant à des souffrances assez importantes, à la somme de 25 000 €.

En considération de la perte de chance, le docteur [B] sera condamné à payer à M. [Y] [M] à ce titre, la somme de 12 500 €.

Sur les préjudices extrapatrimoniaux permanents

Il est sollicité la somme de 192 000 €.

Ce poste tend à indemniser la réduction définitive du potentiel physique, psycho sensorielle ou intellectuelle résultant de l'atteinte à l'intégrité anatomique physiologique à laquelle s'ajoute les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques, notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence (personnel, familial et social).

Le DFP est évalué par le docteur [L] à 80 %. M. [Y] [M] était âgé de 67 ans au moment de l'accident.

Il s'exprime avec de grandes difficultés et à d'importants troubles de la compréhension. Il est totalement dépendant de son entourage pour tous les gestes de la vie courante. Il est également complètement désorienté dans le temps et dans l'espace.

Au regard de ces éléments, il convient de retenir la valeur de 2 400 € le point, sollicitée par les consorts [M] et conforme aux référentiels d'indemnisation des cours d'appel de l'année 2012, de sorte que l'indemnisation doit être calculée de la manière suivante :

80 % x 2 400 € = 192 000 €.

En conséquence, le docteur [B] sera condamné à payer à M. [Y] [M], la somme de 96 000 € en réparation de son déficit fonctionnel permanent.

Il est sollicité à ce titre la somme de 30 000 €.

Le docteur [L] l'a évaluée à 5/7.

M. [Y] [M] ne peut évoluer qu'en fauteuil roulant ce qui est de nature à altérer son apparence. Il est à la retraite. Il vit chez son fils.

Compte tenu de ces éléments, ce préjudice sera fixé à la somme de 20 000 €.

Le docteur [O] [B] sera condamné en conséquence à payer à M. [Y] [M], une somme de 10 000 €.

Il est sollicité à ce titre une somme de 30 000 €.

Ce poste de préjudice n'a pas été retenu par l'expert.

Il a vocation à réparer l'impossibilité pour les victimes de pratiquer régulièrement une activité spécifique, sportive ou de loisirs et non pas la perte de qualité de vie subie avant consolidation, laquelle est prise en compte au titre du déficit fonctionnel permanent.

Il n'est justifié, de la pratique d'aucune activité sportive ou de loisir particulière par M. [Y] [M] préalablement à son accident du 16 septembre 2002.

En conséquence, les consorts [M] seront déboutés de ce chef de demande.

Il est sollicité à ce titre,la somme de 30 000 €.

Le docteur [L] n'a pas fait mention d'un tel préjudice. M. [Y] [M] était âgé de 67 ans au moment de son accident et son épouse de 77 ans.

Aucune information médicale n'est produite par les consorts [M], qui permettrait d'apprécier la réalité de son existence, et son étendue.

En conséquence, les consorts [M] qui ne rapportent pas la preuve de l'existence de ce préjudice non relevé par l'expert, seront déboutés de ce chef de demande.

Sur les préjudices des tiers

Il est sollicité à ce titre, sur le plan patrimonial une rente viagère de 300 € par mois au motif qu'elle perd toute possibilité de rester dans son logement, et un préjudice moral de 20 000 € lié à la dégénérescence brutale de son époux.

M. [Y] [M] était à la retraite au moment de son accident vasculaire cérébral. Mme [K] [M] était âgée de 77 ans le 16 septembre 2002.

Le surcoût de la location qui aurait été consécutif au relogement rendu nécessaire pour l'installation à côté du domicile de leur fils, n'est pas établi, aucune pièce n'étant produites concernant les frais antérieurs à l'accident vasculaire cérébral et les frais depuis le déménagement.

En conséquence, les consorts [M] seront déboutés de ce chef de demande.

Le préjudice d'affection lié aux conséquences de l'accident vasculaire cérébral, n'est pas contestable au regard du fait que M. [Y] [M] est depuis invalide à 80 %.

En conséquence, ce préjudice sera évalué à 10 000 €.

Le docteur [O] [B] sera condamné en conséquence à payer à Mme [K] [M], une somme de 5 000 €.

Il sollicite à ce titre une somme de 10 000 €.

Le préjudice d'affection du fils de M. [Y] [M], qui s'occupe de son père au quotidien, sera fixé à la somme de 5 000 €.

Le docteur [O] [B] sera condamné en conséquence à payer à M. [F] [M], une somme de 2 500 €.

Sur la créance de la CPAM [Localité 1] au titre de l'indemnité forfaitaire

Il convient de constater que la CPAM n'a formé aucune demande de condamnation à ce titre, mais uniquement une demande de donner acte, sans conséquence juridique.

Sur les demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

Le docteur [O] [B] sera débouté de sa demande sur ce fondement et condamné à payer une somme de 7 000 € aux consorts [M], au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en cause d'appel, et de 800 €, au même titre, à la CPAM [Localité 1].

Sur la demande d'exécution provisoire

Cette demande est sans objet devant la cour d'appel.

Le docteur [O] [B] sera condamné aux dépens qui comprendront les frais de première instance, d'expertise judiciaire et d'appel et pourront être recouvrés en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile par Me Sébastien Binet et par Me Alexandrine Barnaba.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Après en avoir délibéré, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Réforme le jugement entrepris.

Déclare le présent arrêt commun à la CPAM [Localité 1].

Dit que le docteur [O] [B] est responsable, par son erreur de diagnostic, de la perte de 50 % de chance de M. [Y] [M] d'éviter l'accident vasculaire cérébral dont il a été victime le 16 septembre 2002.

En conséquence,

Condamne le docteur [O] [B] à payer à la CPAM [Localité 1], la somme de 158 787,55 € (cent cinquante huit mille sept cent quatre vingt sept euros et cinquante cinq centimes) au titre de ses débours définitifs.

Constate que la CPAM [Localité 1] demande de lui donner acte de ses réserves quant au remboursement des prestations à venir.

Condamne le docteur [O] [B] à payer à M. [Y] [M], en réparation de cette perte de chance, les sommes de :

- 1 493,25 € (mille quatre cent quatre vingt treize euros et vingt cinq centimes) pour les frais de portage à domicile,

- 12 500 € (douze mille cinq cents euros) pour les souffrances endurées,

- 96 000 € (quatre vingt seize mille euros) au titre du déficit fonctionnel permanent,

- 10 000 € (dix mille euros) au titre du préjudice esthétique.

Condamne le docteur [O] [B] à payer à Mme [K] [M], une somme de 5 000 € (cinq mille euros) en réparation de son préjudice d'affection et à M. [F] [M], au même titre, une somme de 2 500 € (deux mille cinq cents euros).

Déboute les consorts [M] de leurs demandes relatives au véhicule adapté, à l'aide à domicile temporaire, à la tierce personne et aux frais futurs de la tierce personne, au préjudice d'agrément, au préjudice sexuel, et au préjudice patrimonial de Mme [K] [M].

Constate que la CPAM [Localité 1] n'a formulé aucune demande de condamnation au titre de l'indemnité forfaitaire mais une demande de donner acte sans conséquence juridique.

Condamne le docteur [O] [B] à payer aux consorts [M] la somme de 7 000 € (sept mille euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais de première instance et en cause d'appel.

Condamne le docteur [O] [B] à payer à la CPAM [Localité 1] la somme de 800 € (huit cents euros) pour les frais de première instance et en cause d'appel.

Déboute le docteur [O] [B] de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La demande relative à l'exécution provisoire est sans objet devant la cour d'appel.

Condamne le docteur [O] [B] aux dépens de première instance et d'appel, dit qu'ils comprendront les frais des expertises judiciaires et autorise Me Barnaba et Me Binet à procéder à leur recouvrement direct en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Mme Sartrand, Président, et par Mme Vicente, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

Sandra VICENTE Christine SARTRAND


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 15/03525
Date de la décision : 31/05/2017

Références :

Cour d'appel de Pau 01, arrêt n°15/03525 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-05-31;15.03525 ?
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