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02/02/2017 | FRANCE | N°15/01317

France | France, Cour d'appel de Pau, 1ère chambre, 02 février 2017, 15/01317


CS/AM



Numéro 17/606





COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre







ARRET DU 02/02/2017







Dossier : 15/01317





Nature affaire :



Demande en réparation des dommages causés par l'activité des auxiliaires de justice















Affaire :



[G] [J]



C/



[R] [G]

[C] [G] née [I]





















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Grosse délivrée le :



à :





















RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R E T



prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 02 février 2017, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'art...

CS/AM

Numéro 17/606

COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre

ARRET DU 02/02/2017

Dossier : 15/01317

Nature affaire :

Demande en réparation des dommages causés par l'activité des auxiliaires de justice

Affaire :

[G] [J]

C/

[R] [G]

[C] [G] née [I]

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R E T

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 02 février 2017, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 22 novembre 2016, devant :

Madame SARTRAND, Président, magistrat chargé du rapport conformément à l'article 785 du code de procédure civile

Monsieur CASTAGNE, Conseiller

Madame ROSA SCHALL, Conseiller

assistés de Madame VICENTE, Greffier, présente à l'appel des causes.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANT :

Maître [G] [J]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représenté par Maître François PIAULT, avocat au barreau de PAU

assisté de la SCP KUHN, avocats au barreau de PARIS

INTIMES :

Monsieur [R] [G]

né le [Date naissance 1] 1951 à [Localité 1]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Madame [C] [G] née [I]

née le [Date naissance 2] 1953 à [Localité 2]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Adresse 2]

représentés et assistés de Maître Karine POTHIN-CORNU, avocat au barreau de PAU

sur appel de la décision

en date du 18 MARS 2015

rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PAU

Faits et procédure

Par un acte reçu le 28 avril 2005 par Me [G] [J], notaire à Orthez (le notaire), M. et Mme [G] ont acquis un terrain à bâtir cadastré B [Cadastre 1] d'une superficie de 3 440 m² sur la commune de [Localité 3] en Béarn au prix de 39'332 € financé au moyen d'un crédit.

A l'occasion de la démarche effectuée par leur fils auprès des services communaux en 2013 qui envisageait de construire une maison sur ce terrain, ils ont appris le 13 décembre 2013 par le maire de cette commune que le terrain était depuis 2002, divisé en deux zones : sa partie haute d'une superficie de 1 500 m² qui était située en zone NB au PLU et une partie basse d'une superficie de 1 940 m², située en zone NC, et qu'ainsi le terrain était inconstructible, le document d'urbanisme conditionnant en effet, la constructibilité des terrains situés en zone NB à une superficie minimale de 2 000 m².

Estimant que le notaire avait commis un manquement à son obligation de conseil et d'information, ils ont assigné le 17 janvier 2014 ce dernier sur le fondement de l'article 1382 du code civil en indemnisation de leur préjudice né du fait qu'ils ont acquis ce terrain au prix du terrain à bâtir alors qu'en réalité celui-ci s'est avéré non constructible.

Le notaire a conclu à la prescription de l'action de M. et Mme [G], et subsidiairement à leur débouté, considérant leur demande mal fondée.

Par jugement du 18 mars 2015, le tribunal de grande instance de Pau, après avoir rejeté l'exception de prescription, a dit que le notaire était responsable du dommage causé à M. et Mme [G], et avant dire droit sur l'évaluation de ce préjudice, a ordonné une expertise afin d'évaluer la valeur du terrain à sa date d'acquisition et à celle de l'assignation en justice en tenant compte du fait que le terrain n'était pas constructible.

Me [G] [J] a interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses conclusions notifiées le 29 juin 2015, Me [G] [J], réitérant les moyens opposés en première instance, fait valoir qu'aux termes de l'article 2224 du code civil l'action de M. et Mme [G] est prescrite soutenant qu'ils étaient à même de s'aviser très peu de temps après leur acquisition de l'impossibilité de construire sur cette parcelle acquise, et était nécessairement connue par les demandeurs dès le début de l'année 2007 date à laquelle ils auraient dû introduire l'action en responsabilité à son encontre.

Et il considère, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, que si M. et Mme [G] avait voulu construire ils disposaient d'un délai restreint, soit d'un an, durée de la validité du certificat d'urbanisme, de sorte qu'ils sont prescrits et leur action sera déclarée irrecevable.

Il fait valoir en outre que l'action de M. et Mme [G] est mal fondée car il n'a commis aucune faute, et soutient qu'il a donné l'avertissement au moment de signer selon lesquelles les dispositions du certificat d'urbanisme du 11 janvier 2005 et notamment de l'indication selon laquelle s'ils désiraient savoir si le terrain était constructible, ils devaient déposer une nouvelle demande et préciser l'objet de l'opération et sa surface hors 'uvre nette, le certificat d'urbanisme délivré ne portant que sur des renseignements généraux, précisant notamment les règles d'urbanisme applicables au terrain.

Par ailleurs il fait observer que le devoir de conseil du notaire ne s'apprécie qu'au regard des intentions révélées des parties et des objectifs qui étaient les leurs au moment de signer, or les intimés ont demandé à leurs vendeurs de solliciter un certificat d'urbanisme de simples informations en considération de leurs objectifs, et leur demande consistait à demander si le terrain était constructible ou non, et les possibilités de réaliser la vente aux propriétaires des parcelles B [Cadastre 2], [Cadastre 3], [Cadastre 4] et [Cadastre 5], ce qui veut dire qu'il s'agissait d'indiquer à l'administration non pas qu'une maison serait construite sur la parcelle acquise mais que les droits à construire de ladite parcelle seraient utilisés par le propriétaire voisin, et c'est en considération de ces éléments que l'administration répondait à la demande susvisée que « la SHON susceptible d'être édifiée (pour le cas où la demande porte sur une opération déterminée) est de 450 m² (voir certificat d'urbanisme page 1), car s'ils avaient coché la case « construction à usage de' » figurant au cadre 3 de la demande du CU, la réponse de l'administration aurait été de dire que la parcelle était inconstructible.

Il s'en déduit que les intimés n'étaient donc nullement intéressés par la constructibilité de la parcelle elle-même mais par la constructibilité attachée à la parcelle, et lors de l'acquisition de cette parcelle les acquéreurs n'avaient aucun projet de construction.

Quant au préjudice il n'y en a aucun, car M. et Mme [G] demeurent propriétaires de ces parcelles acquises en 2005, le prêt souscrit pour financer cette acquisition est amorti depuis le 31 janvier 2014 et depuis, ils en jouissent puisque celles-ci jouxtent immédiatement leur jardin.

Enfin, il est parfaitement possible de réaliser la construction d'une maison individuelle sur la parcelle numéro [Cadastre 1] et pour ce faire, il suffit simplement de modifier le parcellaire cadastral en adjoignant à ces parcelles une fraction du terrain voisin dont les demandeurs sont restés propriétaires, et ne peuvent soutenir qu'ils sont empêchés de revendre cette parcelle cadastrée B numéro [Cadastre 1] dès lors qu'ils peuvent la revendre soit en l'état, soit après modification du parcellaire pour que la parcelle atteigne 2 000 m².

En conséquence il sollicite voir :

Vu l'article 2224 du code civil,

' dire et juger M. et Mme [G] irrecevables en l'ensemble de leurs demandes,

Vu l'article 1382 du code civil,

' dire et juger qu'il n'a commis aucune faute, que M. et Mme [G] ne caractérisent pas le lien de causalité entre sa faute éventuelle et le préjudice allégué, et ne caractérisent pas non plus leur dommage ni dans son principe, ni dans son quantum,

En conséquence,

' débouter M. et Mme [G] de leurs demandes,

' condamner M. et Mme [G], outre aux dépens, à lui payer la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par une ordonnance du 23 octobre 2015, les conclusions notifiées le 29 septembre 2015 par M. et Mme [G] ont été déclarées irrecevables au visa de l'article 909 du code de procédure civile.

Il convient donc de se référer à leurs dernières conclusions notifiées lors de la première instance aux termes desquelles ils sollicitaient la condamnation de Me [G] [J], outre aux dépens, à leur payer :

' la somme de 39'332 € à titre de dommages-intérêts correspondant au prix d'achat du terrain,

' la somme de 3 900 € correspondant au coût de l'acte et du droit d'enregistrement qu'ils ont dû acquitter au moment de la vente,

' la somme de 5 000 € au titre de leur préjudice moral,

' la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Motifs de l'arrêt

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action de M. et Mme [G]

Attendu que c'est par des motifs pertinents, complets et exacts que la Cour adopte expressément que le tribunal, après avoir rappelé les dispositions de l'article 2244 du code civil, et retenant qu'ayant acquis le 28 avril 2005, selon les termes mêmes de l'acte, un « terrain à bâtir », manifestant ainsi l'intention de M. et Mme [G] d'acquérir un terrain constructible, a jugé qu'ils n'avaient été informés de la non constructibilité de la parcelle B [Cadastre 1] qu'en 2013 (le 13 décembre 2013), lorsqu'ils avaient eu l'intention de réaliser leur projet et pour ce faire, avaient interrogé la mairie, de sorte que c'est à cette date là, qu'ils ont appris que la parcelle acquise n'était pas constructible ;

Qu'ayant assigné le notaire le 17 janvier 2014, c'est à bon droit que le tribunal a constaté que la prescription n'était pas acquise ;

Que le jugement sera confirmé.

Sur le bien-fondé de l'action de M. et Mme [G]

1) Sur la responsabilité du notaire

Attendu que le notaire fait valoir pour sa défense que d'une part, les intentions des acquéreurs étaient d'acheter des droits à construire et agrandir leur propre maison, et d'autre part, qu'après modification du plan parcellaire, ce projet peut toujours se réaliser ;

Attendu toutefois, que sans rapporter la moindre preuve des intentions qu'il prête aux acquéreurs, il convient, pour apprécier si le notaire a rempli son obligation de conseil et d'information, de se placer au jour où il a reçu l'acte et non, postérieurement à l'acte, tel que le fait le notaire ;

Attendu qu'il résulte expressément de l'acte reçu par Me [J] que la vente porte sur 'UN TERRAIN À BÂTIR' d'une superficie de 34 a 40 ca (page 3) financé en outre par 'un prêt HABITAT' (page 4) moyennant le prix de 39 332 € ;

Qu'il s'avère pourtant, que le terrain qui est en fait, divisé en deux zones depuis 2002, n'est pas constructible car il aurait fallu pour ce faire, que la partie haute de la parcelle classée en zone NB au PLU d'une superficie de 1 500 m² ait une superficie minimale de 2 000 m² ;

Attendu qu'il est constant que le notaire, en sa qualité d'officier public et ministériel, doit assurer l'efficacité et l'utilité de son acte ;

Que s'agissant d'un acte portant sur un terrain à bâtir, il devait se renseigner très précisément auprès des services de la mairie sur la constructibilité du terrain, et non se contenter de renseignements généraux et des règles d'urbanisme applicables au terrain produits par le vendeur, ce qui l'aurait mis en situation d'informer les acquéreurs que cette parcelle, eu égard à la surface minimale imposée par le PLU qu'elle n'avait pas, n'était pas, et ne serait jamais constructible ;

Qu'il ne pouvait donc passer cette vente de terrain en retenant celui-ci comme étant une parcelle à bâtir, sans qu'il ne puisse pour remédier à la situation engendrée par sa carence, suggérer une modification parcellaire dont l'issue est incertaine, mais encore, qui peut ne pas entrer dans les projets et prévisions de M. et Mme [G] ;

Qu'enfin, au soutien de la fin de non-recevoir tirée de la prescription qu'il a opposée, il expose que M. et Mme [G] 'étaient à même de s'aviser très peu de temps après leur acquisition de l'impossibilité de construire sur cette parcelle acquise, et était nécessairement connue par les demandeurs dès le début de l'année 2007", admettant ainsi expressément qu'au jour de l'acte, les époux [G] n'avaient aucun moyen de connaître l'inconstructibilité du terrain, ce qui constitue précisément le grief de ces derniers à son encontre ;

Attendu qu'il s'évince de ce qui précède que Me [J] a commis des manquements fautifs qui sont directement à l'origine des préjudices invoqués par M. et Mme [G] ;

Que le jugement sera confirmé.

2) Sur le préjudice et son étendue

Attendu que le tribunal a ordonné une expertise avant dire droit pour connaître l'étendue du préjudice de M. et Mme [G], retenu comme étant constitué de la différence entre le prix payé et le prix qu'ils auraient dû payer s'il s'était agi d'une parcelle en nature de terre ;

Que toutefois, eu égard au prix très modeste du terrain à bâtir payé 11,43 € le m² sur cette commune, des prix notoirement connus des parcelles en nature de terre ordinaire, une expertise ne s'impose pas en l'espèce pour évaluer le prix d'une parcelle en nature de terre, la Cour pouvant fixer forfaitairement le préjudice de M. et Mme [G] à la somme de 35 000 € au paiement de laquelle sera condamné le notaire ;

Attendu que le préjudice des époux [G], consiste également à avoir régler des émoluments au notaire calculés à tort, sur une vente de terrain à bâtir, de sorte que Me [J] sera également condamné à leur restituer la différence entre ses émoluments perçus et ceux qu'ils auraient dû percevoir sur la somme de 4 332 € (39 332 € - 35 000 €) ;

Que le jugement sera infirmé sur le préjudice.

Sur le préjudice moral

Attendu qu'il n'est pas justifié d'un préjudice autre que celui qui vient d'être admis par la Cour et indemnisé ;

Que M. et Mme [G] seront déboutés de ce chef de demande.

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription, et jugé Me [G] [J] responsable du dommage matériel et moral par M. et Mme [G],

LE REFORMANT sur le surplus,

FIXE le préjudice de M. et Mme [G] à la somme de 35 000 € (trente cinq mille euros), outre à celui constitué par la différence des émoluments perçus par le notaire et ceux qui auraient dû être acquittés,

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Me [G] [J] aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés par Me Pothin-Cornu, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Mme Sartrand, Président, et par Mme Vicente, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

Sandra VICENTE Christine SARTRAND


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 15/01317
Date de la décision : 02/02/2017

Références :

Cour d'appel de Pau 01, arrêt n°15/01317 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-02-02;15.01317 ?
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