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12/01/2017 | FRANCE | N°15/04416

France | France, Cour d'appel de Pau, 1ère chambre, 12 janvier 2017, 15/04416


CS/AM



Numéro 17/142





COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre



RENVOI CASSATION







ARRET DU 12/01/2017







Dossier : 15/04416





Nature affaire :



Demande en réparation des dommages causés par l'activité des auxiliaires de justice















Affaire :



[U] [Q]



C/



[E] [B] épouse [O]

CNAV D'ILE DE FRANCE









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Grosse délivrée le :



à :





















RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R E T



prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 12 janvier 2017, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions p...

CS/AM

Numéro 17/142

COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre

RENVOI CASSATION

ARRET DU 12/01/2017

Dossier : 15/04416

Nature affaire :

Demande en réparation des dommages causés par l'activité des auxiliaires de justice

Affaire :

[U] [Q]

C/

[E] [B] épouse [O]

CNAV D'ILE DE FRANCE

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R E T

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 12 janvier 2017, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 13 septembre 2016, devant :

Madame SARTRAND, Président, magistrat chargé du rapport conformément à l'article 785 du code de procédure civile

Monsieur CASTAGNE, Conseiller

Madame ROSA SCHALL, Conseiller

assistés de Madame VICENTE, Greffier,

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

DEMANDEUR :

Maître [U] [Q]

[Adresse 1]

[Adresse 2]

[Adresse 3]

représenté par Maître François PIAULT, avocat au barreau de PAU

assisté de la SCP LAYDEKER - SAMMARCELLI, avocats au barreau de BORDEAUX

DEFENDERESSES:

Madame [E] [B] épouse [O]

née le [Date naissance 1] 1928 à SAHUN (Espagne)

de nationalité française

[Adresse 4]

[Adresse 5]

représentée par Maître Jean-Pierre CASADEBAIG, avocat au barreau de PAU

assistée de Maître Caroline BRISSEAU, avocat au barreau de LIBOURNE

CNAV D'ILE DE FRANCE

[Adresse 6]

[Adresse 7]

représentée par Maître Fabienne BAUCOU, avocat au barreau de PAU

assistée de la SELARL BARDET & ASSOCIES, avocats au barreau de BORDEAUX

suite à l'arrêt de la Cour de cassation

en date du 05 NOVEMBRE 2015

Rappel des faits et de la procédure

Mme [R] [U] [S], née le [Date naissance 2] 1908, est décédée le [Date décès 1] 2004 laissant pour lui succéder ses 3 enfants : MM. [V] et [O] [U] [S] et Mme [E] [O] née [B].

Le règlement de la succession a été confié à Me [U] [Q], notaire à [Localité 1] (33).

MM. [V] et [O] [U] [S] ont renoncé à la succession de leur mère, laissant pour seule héritière Mme [E] [O].

La défunte a laissé à sa succession la somme de 48 969,61 € au titre de ses avoirs bancaires, outre un contrat d'assurance vie souscrit le 24 juin 1994 auprès de la Banque Postale s'élevant à la somme de 55 427,74 €.

Me [Q] a rapporté à l'actif brut de la succession l'assurance vie, ce dont il est résulté après déduction de certains frais, une succession avec un actif net de 102 410,85 €.

Informée du décès de Mme [R] [U] [S], la Caisse Nationale d'Assurance Vieillesse (la CNAV) s'est rapprochée du notaire pour connaître l'actif net de cette succession, puis par courriers des 24 mars 2005 et 11 avril 2005, a formé opposition entre les mains du notaire pour avoir paiement de la somme de 63 410,85 € au titre du recouvrement de l'allocation supplémentaire du Fonds national de solidarité qu'elle a versée à [R] [U] [S] entre le [Date décès 1] 1974 et le 30 novembre 2004.

Après avoir adressé des réclamations aux enfants de Mme [U] [S], la CNAV a obtenu le 10 décembre 2005 de M. [V] [U] [S] le règlement de la somme de 21 136,85 € correspondant à sa part, soit le tiers de la somme due à la CNAV, puis de Me [Q] le 9 février 2010, le solde, soit la somme de 42 273,90 € prélevée sur l'actif net successoral.

Soutenant que ce notaire avait commis une faute dans l'accomplissement de sa mission en rapportant de son propre chef et sans l'en aviser cette prime d'assurance dans l'actif brut de la succession, Mme [E] [O] , devenue unique héritière, l'a attrait devant le tribunal de grande instance de Libourne (33) sur le fondement de l'article 1382 du code civil pour obtenir sa condamnation au paiement d'une somme de 42 273,09 €, outre celle de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par acte d'huissier du 28 juin 2011, Me [Q] a fait assigner la Caisse Nationale d'Assurance Vieillesse en garantie et restitution de la somme de 42 273,09 €.

Joignant les deux instances, le tribunal de grande instance de Libourne a, par un jugement du 28 mars 2013, déclaré Me [Q] responsable d'un défaut de conseil et l'a condamné à verser à Mme [E] [O] la somme principale de 10 000 € à titre de dommages-intérêts, en réparation de sa perte de chance d'exercer sa faculté d'option sur succession en parfaite connaissance de cause, outre celle de 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Après avoir jugé que la CNAV était fondée au visa de l'article L. 132-13 du code des assurances de recouvrer l'allocation supplémentaire du Fonds national de solidarité versée à [R] [U] [S] entre le [Date décès 1] 1974 et le 30 novembre 2004, a retenu à l'encontre du notaire un défaut de conseil à l'égard de Mme [O] dès lors qu'il avait reconnu dans un courrier du 19 mai 2010 qu'il avait réglé la créance de la CNAV sans l'avoir au préalable informée, alors que ce paiement amputait considérablement l'actif de la succession, la privant ainsi, d'exercer de façon éclairée, sa faculté d'option de renoncer ou d'accepter la succession, et a évalué cette perte de chance à la somme de 10 000 €.

Statuant par arrêt du 19 juin 2014 sur l'appel de Me [Q], et appel incident de Mme [O] qui a opposé la prescription de l'action de la CNAV, la Cour de [Localité 2] a infirmé le jugement, hormis sur les frais irrépétibles et les dépens de première instance, puis, statuant à nouveau, et après avoir déclaré fondée la demande de remboursement de la CNAV, a fait droit à l'exception de prescription opposée, et dit, en conséquence, que Me [Q], notaire, avait commis une faute en payant à la Caisse Nationale d'Assurance

Vieillesse d'Ile-de-France une créance prescrite, privant ainsi Mme [O], en sa qualité d'unique héritière, de percevoir la somme de 42 273,09 €, et l'a condamné à lui payer cette somme à titre de dommages-intérêts, et par ailleurs, la Cour a rejeté sa demande à l'encontre de la Caisse Nationale d'Assurance Vieillesse.

Me [Q], a formé un pourvoi en cassation le 21 août 2014 à l'encontre de Mme [O] et de la Caisse Nationale d'Assurance Vieillesse.

Le 18 décembre 2014, il s'est désisté de son pourvoi à l'encontre de la Caisse Nationale d'Assurance Vieillesse.

Par un arrêt prononcé le 5 novembre 2015, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt rendu par la cour d'appel de Bordeaux au motif qu'en accueillant la demande de Mme [O] après avoir considéré que la lettre recommandée adressée par la CNAV à [O] [U] par courrier recommandé du 16 mars 2007 reçue le 23 mai suivant, n'avait pu interrompre la prescription à l'égard de sa soeur [E] [O], la cour d'appel avait violé l'article 2244 du code civil alors applicable dans sa rédaction antérieure, et a remis la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyés devant la cour d'appel de ce siège.

Me [U] [Q] saisissait notre Cour afin qu'il soit statué sur son appel principal et l'appel incident de Mme [O], interjetés à l'encontre du jugement rendu le 28 mars 2013 par le tribunal de grande instance de Libourne.

Par conclusions notifiées le 9 août 2016, Me [Q] sollicite voir réformer le jugement et débouter Mme [O] de ses demandes à son encontre,

Subsidiairement, pour le cas où il serait jugé que la CNAV n'était pas fondée à percevoir la somme de 42'273,09 €,

- la condamner à restituer cette somme au bénéfice de la succession ou de lui-même, s'il était condamné à verser cette somme à Mme [O] à titre de dommages- intérêts,

- condamner Mme [O], outre aux dépens, à lui payer une indemnité de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions notifiées le 9 juin 2016, Mme [E] [O] sollicite voir :

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a jugé que Me [Q] avait engagé sa responsabilité, mais le réformer en ce que sa responsabilité a été retenue sur la notion de perte de chance,

Le réformant pour le surplus,

- condamner Me [Q] à lui régler la somme de 42'273,09 € à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice, outre les intérêts au taux légal sur cette somme à compter de l'assignation en date du 21 décembre 2010,

- débouter Me [Q] et la CNAV de l'ensemble de leurs prétentions,

- condamner Me [Q] aux entiers dépens tant de première instance que d'appel ainsi qu'au paiement d'une indemnité de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [O] soutient que Me [Q] aurait engagé sa responsabilité professionnelle en réintégrant les primes d'assurances dans l'actif successoral sans son accord, en violation des articles L. 132-12 et 13 du code des assurances (CA) qui stipulent que le capital d'un contrat d'assurance vie n'a pas à être intégré dans l'actif successoral brut, et en réglant par suite une créance au-delà de ce à quoi pouvait prétendre la CNAV mais encore, qui était prescrite, le tout en application de l'article L. 815-12 du code de la sécurité sociale et 1244 du code civil.

Elle soutient encore, qu'il est fait une mauvaise interprétation de l'article 757 du CGI, lequel signifie seulement que les primes versées après 70 ans sont assujetties aux droits de succession, mais ne signifie pas pour autant, que ces primes doivent intégrer l'actif

successoral de l'assurée décédée, de sorte que Me [Q] n'aurait dû communiquer à la CNAV que l'actif net hors rapport des primes, et qu'il aurait alors appartenu à cette dernière d'engager éventuellement une action en recouvrement portant sur la somme excédant 39 000 € cet actif net.

Et elle estime qu'en décidant de son propre chef, que ces primes avaient un caractère manifestement excessif, et en les intégrant dans l'actif brut successoral, puis en réglant à la CNAV le solde de sa créance non établie, le tout, qui plus est, sans l'en aviser et à fortiori sans son accord, Me [Q] a manifestement commis une faute.

Par conclusions notifiées le 6 juillet 2016, la CNAV d'Ile de France, intervenante volontaire, sollicite voir :

- dire et juger l'appel de Me [Q] recevable mais mal fondé,

- confirmer le jugement dont appel,

- dire que la cour d'appel dans sa formation civile était compétente pour statuer sur le bien-fondé d'une créance d'allocation de solidarité aux personnes âgées laquelle est du ressort exclusive des juridictions de sécurité sociale et donc, de la cour d'appel en sa formation chambre sociale,

En conséquence,

- constater qu'elle a versé à compter du [Date décès 1] 1974 jusqu'au jour de son décès le [Date décès 1] 2004 l'allocation supplémentaire prévue à l'article L. 815-2 ancien du code de sécurité sociale,

- dire qu'elle était en droit de réclamer aux héritiers de Mme [U] [S] les arrérages servis à leur défunte mère au titre de cette allocation,

- dire et juger que les primes du contrat d'assurance vie souscrit par Mme [U] [S] devaient être intégrées à l'actif net successoral au vu de leur caractère manifestement exagéré au regard de ses ressources,

- dire et juger que le montant de l'actif net successoral permettait la récupération des arrérages servis à Mme [U] [S] au titre de l'allocation supplémentaire dans la limite de 63'410,85 €,

- dire qu'après perception de la part d'un des héritiers de la somme de 21'136,85 €, elle demeure créancière de la succession à hauteur de 42'273,90 €,

- dire et juger que c'est à bon droit que Me [Q] a procédé au paiement de cette dernière somme,

- débouter Me [Q] de toutes ses demandes visant dans la répétition de cette somme à son égard,

Enfin,

- constater qu'à défaut de paiement spontané au nom de la succession, elle pouvait agir devant le tribunal des affaires de sécurité sociale en recouvrement de sa créance à l'encontre de Mme [O] jusqu'au 16 décembre 2014,

En conséquence,

- condamner Me [Q] outre aux dépens de l'instance à lui payer la somme de 4 300 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le ministère public par courrier du 29 août 2016 s'en rapporte.

MOTIFS DE L'ARRÊT

Sur la faute invoquée du notaire

Attendu que Mme [R] [U] [S], née le [Date naissance 2] 1908 et décédée le [Date décès 1] 2004, a laissé à sa succession la somme de 48 969,61 € au titre de ses avoirs bancaires, outre un contrat d'assurance vie souscrit le 24 juin 1994 auprès de la Banque Postale s'élevant à la somme de 55 427,74 € ;

Attendu que Mme [O] reproche au notaire d'avoir rapporté à l'actif de la succession de sa mère le montant de l'assurance vie, qui plus est, sans l'avoir préalablement informée, mais encore, d'avoir réglé à la CNAV la somme de 42 273,90 € alors qu'elle ne pouvait prétendre à percevoir cette somme sans avoir préalablement intenter une action à la fraude paulienne pour faire éventuellement reconnaître sa créance, mais encore, elle soutient que la créance invoquée par cette dernière est prescrite ;

Que sur ce dernier point, Mme [O] ne peut à nouveau invoquer la prescription de la créance de la CNAV dès lors que la Cour de cassation dans son arrêt du 5 novembre 2015, a précisément cassé l'arrêt de la cour d'appel de Bordeaux qui avait fait droit à cette exception de prescription qu'elle avait opposée devant cette Cour, la Cour de cassation faisant en cela application de sa jurisprudence constante et ancienne (Ch. Soc. 9 octobre 1985) à l'égard du recouvrement de sommes en application du code la sécurité sociale, qui consiste à juger qu'une lettre recommandée avec accusé de réception adressée par un organisme de sécurité sociale à un assuré à l'effet de lui demander le remboursement d'un trop-perçu vaut commandement interruptif de prescription au sens de l'article 2244 du code civil, et ce, quels qu'en aient été les modes de délivrance,(cf. Civ 2ème 25 octobre 2006 pourvoi n° 05-10.565 en matière de recouvrement de l'allocation supplémentaire du fonds national de solidarité sur la succession) ou encore, lorsque la lettre recommandée avec AR mettait en demeure l'un au moins des ayants droit (Civ. 2ème 7 octobre 2010 pourvoi n° 09-68.831) ;

Attendu que pour sa part, le notaire soutient que 'le montant des primes de l'assurance vie devaient être impérativement rapportées à la succession' en application de l'article L. 132-13 du code des assurances dès lors que les primes sont manifestement exagérées eu égard aux facultés de la défunte et de l'article 757 B du code général des impôts (CGI) dès lors que la défunte avait versé ces primes après son 70ème anniversaire ;

Attendu que selon l'article L. 132-13 du code des assurances :

'Le capital ou la rente payables au décès du contractant à un bénéficiaire déterminé ne sont soumis ni aux règles du rapport à succession, ni à celles de la réduction pour atteinte à la réserve des héritiers du contractant.

Ces règles ne s'appliquent pas non plus aux sommes versées par le contractant à titre de primes, à moins que celles-ci n'aient été manifestement exagérées eu égard à ses facultés' ;

Que selon l'article 757 B du CGI :

'I. les sommes, rentes ou valeurs quelconques dues directement ou indirectement par un assureur, à raison du décès de l'assuré, donnent ouverture aux droits de mutation par décès suivant le degré de parenté existant entre le bénéficiaire à titre gratuit et l'assuré à concurrence de la fraction des primes versées après l'âge de soixante-dix ans qui excède 30 500 €.

II. Lorsque plusieurs contrats sont conclus sur la tête d'un même assuré, il est tenu compte de l'ensemble des primes versées après le soixante-dixième anniversaire de l'assuré pour l'appréciation de la limite de 30 500 €' ;

Attendu qu'il résulte du premier article, que le principe est le non rapport à succession des primes d'une assurance vie, à moins que celles-ci n'aient été manifestement exagérées eu égard aux facultés de la contractante ;

Que le second article implique seulement le rapport à l'actif brut de la succession de ces primes versées au-delà de 70 ans, pour ouvrir éventuellement aux droits de mutation par décès suivant le degré de parenté existant entre le bénéficiaire à titre gratuit et l'assuré à concurrence de la fraction des primes versées après l'âge de soixante-dix ans excédant la somme de 30 500 € ;

Attendu qu'il en résulte, qu'aux termes de ces deux articles invoqués par le notaire, celui-ci n'avait pas de son propre chef, qui plus est, sans en aviser l'héritière qui aurait pu contester la créance de la CNAV, comptabiliser à l'actif net de la succession l'assurance vie, dont le principe est le non rapport, et en application de l'article 757 B du code général des impôts et du décret n° 78-262 du 8 mars 1978, il devait seulement inclure les capitaux issus de ce contrat d'assurance vie dans l'actif brut de la succession, sur lequel également, il devait calculer ses émoluments ;

Et attendu que s'agissant de l'article L. 132-13 du code des assurances, il ne lui appartenait pas de s'ériger en juge pour apprécier le caractère manifestement exagéré des primes, ou encore l'utilité d'un tel contrat à l'âge de la défunte, dont l'appréciation relève des seules juridictions du fond, et ce, quand bien même cette prime de 55 000 €

ainsi placée en 1994 pouvait avoir l'apparence d'être manifestement exagérée eu égard aux ressources de la défunte qui percevait la somme mensuelle d'environ 500 € au titre de sa pension de retraite et celle mensuelle de 458 € de la CNAV au titre de l'ALS, dès lors que le notaire ne disposait d'aucun autre élément concernant notamment la provenance et l'origine de cette somme placée en prime unique d'assurance vie en 1994, ni même l'opportunité ou les motifs ayant conduit la défunte à procéder à ce placement, ni même encore, les conditions à remplir jusqu'en 2004 pour pouvoir bénéficier de cette allocation solidarité, et notamment si le bénéficiaire avait l'obligation de déclarer ses avoirs bancaires ou autres ;

Qu'en intégrant ainsi, de son propre chef le montant de l'assurance vie à l'actif net de la succession sans en aviser en outre l'héritière qui disposait du droit de contester la créance de la CNAV, le notaire, en l'absence de l'accord de l'héritière, a donc commis une faute en outrepassant manifestement ses pouvoirs d'officier public et ministériel.

Sur le préjudice invoqué par Mme [O]

Attendu d'une part, qu'il est constant, et ce n'est pas contesté, que dans le principe, la CNAV peut, sur le fondement de l'article L. 815-12 du code de la sécurité sociale alors applicable (devenu l'article 815-13), recouvrer les sommes versées à un allocataire au titre de l'allocation de solidarité aux personnes âgées dès lors que l'actif net de la succession est supérieur à la somme de 39 000 € ;

Que d'autre part, sa créance n'était pas prescrite tel qu'il a été dit ci-dessus lorsqu'elle a fait opposition entre les mains du notaire ;

Que toutefois, et en l'espèce, la créance de la CNAV n'est ni certaine, ni liquide, ni exigible à hauteur de la somme de 42 273,90 € qu'elle sollicite, dès lors qu'elle n'a pas été reconnue en justice et qu'elle est contestée par Mme [O] , et que le seul fait de demander à la Cour de constater qu'elle pouvait saisir le TASS pour la faire reconnaître, ne permet pas de présumer de la décision de cette juridiction, alors en possession de tous les éléments ;

Qu'en l'état, le préjudice invoqué par Mme [O] est donc réel et certain et trouve directement sa cause dans la faute commise par le notaire ;

Attendu que la succession hors assurance vie, s'établissait à hauteur de 48 969,61€ au titre des avoirs bancaires de la défunte et d'un passif de 2 500,48 €, soit une masse active nette de 46 469,13 €, de sorte que la CNAV pouvait récupérer d'une manière certaine la somme de 7 469,13 € (46 469,13 € - 39 000 €) ;

Que le préjudice réellement souffert par Mme [O] s'établit donc à la somme de 39 000 € (46 469,13 € - 7 469,13 €) à l'indemnisation duquel sera condamné le notaire.

Sur la demande en restitution sollicitée par Me [Q] auprès de la CNAV

Attendu que la faute du notaire étant directement à l'origine de son propre préjudice, il sera débouté de cette demande.

Sur les demandes de la CNAV

Attendu que la CNAV qui invoque l'incompétence de la Cour dans sa composition civile au profit de la chambre sociale juridiction d'appel du TASS qu'elle estime être exclusivement compétente, ne peut sans contrariété, solliciter en même temps que cette chambre civile de la Cour dise que les primes de cette assurance vie étaient manifestement exagérées ;

Qu'il n'y a pas lieu à évoquer ce point qui n'a pas fait l'objet d'une discussion, et de priver les parties du double degré de juridiction, et ce d'autant que la cour saisie d'une action en responsabilité contre le notaire ne dispose d'aucun élément pour apprécier le bien-fondé de cette demande ;

Qu'elle sera déboutée de ses demandes.

Par ces motifs

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

VU le jugement prononcé par le tribunal de grande instance de Libourne le 28 mars 2013,

VU l'arrêt de la cour d'appel de Bordeaux prononcé le 19 juin 2014,

VU l'arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation prononcée le 5 novembre 2015 prononçant la cassation de l'arrêt de la cour d'appel de Bordeaux et renvoyant la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt devant la cour d'appel de Pau,

CONFIRME le jugement prononcé par le tribunal de grande instance de Libourne en ce qu'il a retenu la responsabilité de Me [U] [Q], mais par motifs substitués, ainsi qu'en ses dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

L'INFIRMANT partiellement,

Et STATUANT à nouveau,

DIT que Me [U] [Q] a commis une faute en rapportant à l'actif net de la succession de Mme [R] [U] [S] l'assurance vie souscrite au profit de ses trois enfants auprès de la Banque Postale le 24 juin 1994,

Dit que cette faute est directement à l'origine du préjudice subi par Mme [E] [B] épouse [O],

Condamne Me [U] [Q] à payer à Mme [E] [B] épouse [O] , la somme de 39 000 € (trente neuf mille euros) à titre de dommages-intérêts,

Déboute Me [U] [Q] et la CNAV de leurs demandes respectives,

Condamne Me [U] [Q] à payer à Mme [E] [B] épouse [O] la somme de 3 000 € (trois mille euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Me [U] [Q] aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Mme Sartrand, Président, et par Mme Vicente, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

.

Sandra VICENTE Christine SARTRAND


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 15/04416
Date de la décision : 12/01/2017

Références :

Cour d'appel de Pau 01, arrêt n°15/04416 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-01-12;15.04416 ?
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