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12/01/2017 | FRANCE | N°14/04635

France | France, Cour d'appel de Pau, 1ère chambre, 12 janvier 2017, 14/04635


CS/AM



Numéro 17/148





COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre







ARRET DU 12/01/2017







Dossier : 14/04635





Nature affaire :



Demande en nullité de la vente ou d'une clause de la vente

















Affaire :



[V] [A]



C/



[B] [M] [T] veuve [U]

SA BANQUE PATRIMOINE ET IMMOBILIER

[W] [Q], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SCI LE MOULIN DE

BOLY





















Grosse délivrée le :



à :























RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R E T



prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 12 janvier 2017, les parties en ayan...

CS/AM

Numéro 17/148

COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre

ARRET DU 12/01/2017

Dossier : 14/04635

Nature affaire :

Demande en nullité de la vente ou d'une clause de la vente

Affaire :

[V] [A]

C/

[B] [M] [T] veuve [U]

SA BANQUE PATRIMOINE ET IMMOBILIER

[W] [Q], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SCI LE MOULIN DE BOLY

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R E T

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 12 janvier 2017, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 20 septembre 2016, devant :

Madame SARTRAND, magistrat chargé du rapport,

assistée de Madame VICENTE, Greffier, présente à l'appel des causes,

Madame SARTRAND, en application des articles 786 et 907 du code de procédure civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries, en présence de Monsieur CASTAGNE et en a rendu compte à la Cour composée de :

Madame SARTRAND, Président

Monsieur CASTAGNE, Conseiller

Madame ROSA SCHALL, Conseiller

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANT :

Maître [V] [A]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représenté par Maître François PIAULT, avocat au barreau de PAU

assisté de la SCP KUHN, avocats au barreau de PARIS

INTIMES :

Madame [B] [M] [T] veuve [U]

née le [Date naissance 1] 1952 à [Localité 1]

de nationalité française

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Maître Isabelle RONCUCCI, avocat au barreau de PAU

assistée de Maître FASSINA de la SELARL FASSINA & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

SA BANQUE PATRIMOINE ET IMMOBILIER

[Adresse 3]

[Adresse 3]

représentée par la SCP BERRANGER & BURTIN, avocats au barreau de TARBES

assistée de Maître Annie-Claude PRIOU-GADALA, de l'association BOUHENIC & PRIOU-GADALA, avocat au barreau de PARIS

Maître [W] [Q]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

ès qualités de liquidateur judiciaire de la SCI LE MOULIN DE BOLY

[Adresse 5]

[Adresse 5]

assignée

sur appel de la décision

en date du 16 DECEMBRE 2014

rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE TARBES

FAITS et PROCÉDURE

Suivant acte de Me [V] [A], notaire à [Localité 2] (le notaire), en date du 11 mars 2010, Mme [M] [T] veuve [U] a acquis de la société civile immobilière Le Moulin de Boly (le promoteur vendeur) un appartement en l'état futur d'achèvement dans un ancien hôtel à rénover constituant le lot 33 sis à [Localité 3] [Localité 4] au [Adresse 6], cadastré Section CE numéros [Cadastre 1], [Cadastre 2] et [Cadastre 3], moyennant le prix de 132'088 € TTC (soit 110'441,47 € HT) financé en totalité par un prêt d'une durée de 25 années souscrit le 17 novembre 2009 auprès de la Banque Patrimoine et Immobilier (la banque) avec déblocage progressif des fonds en fonction de l'avancement des travaux.

Que ce contrat de vente en l'état futur d'achèvement comportait une garantie intrinsèque d'achèvement de l'immeuble.

Que par ailleurs, l'acte notarié prévoyait l'achèvement des travaux au cours du premier semestre 2010, mais sans préciser toutefois la date de livraison.

Le jour de la signature de l'acte de vente, la Banque réglait pour le compte de Mme [U] la somme de 92'461,60 € € représentant 70 % du prix.

Par lettre du 2 juillet 2010, la société Docomo, gérante de la SCI Le Moulin de Boly informait Mme [U] d'un retard de livraison du bien, et s'engageait à prendre en charge les intérêts intercalaires du prêt jusqu'à la livraison de l'immeuble, sans pour autant s'exécuter.

Par courrier du 29 avril 2011, la SCI Le Moulin de Boly informait Mme [U] de ce qu'elle abordait la phase cloisonnement selon la configuration définitive retenue, et sollicitait le paiement d'une somme de 26'417,60 € que la banque réglait pour le compte de cette dernière.

En fait, les travaux de rénovation de l'immeuble ne débuteront jamais, le chantier sera abandonné et l'appartement ne sera jamais livré dès lors que le tribunal de commerce de Toulouse plaçait la société Docomo en redressement judiciaire, puis à son tour la SCI Le Moulin de Boly qui, pour finir, était mise en liquidation judiciaire le 3 juillet 2012.

Par actes d'huissier des 14, 21 et 28 août 2012, publiés à la Conservation des Hypothèques de Tarbes le 13 mai 2013 sous la référence Volume 2013 P n° 1683, Mme [U] a assigné devant le tribunal de grande instance de Tarbes, le vendeur la SCI Le Moulin de Boly, représenté par Me [Q], son liquidateur judiciaire, le prêteur la Banque Patrimoine et Immobilier, et le notaire Me [V] [A], en résolution de la vente, du prêt et en paiement de dommages-intérêts.

Par une ordonnance du 10 avril 2013, le juge de la mise en état de ce tribunal ordonnait la suspension des remboursements du prêt jusqu'à la solution du litige, hors cotisations assurance invalidité décès.

Par un jugement 16 décembre 2014, le tribunal de grande instance de Tarbes a :

- rejeté l'exception d'irrecevabilité tirée de la violation du principe dit de l'Estoppel,

- déclaré irrecevable la demande tendant à faire constater la nullité du bail commercial,

- déclaré nul et de nul effet l'acte de vente reçu par Me [V] [A], notaire à [Localité 2], le 2 février 2010 d'un appartement en l'état futur d'achèvement constituant le lot 33 de la résidence de tourisme [Adresse 6], cadastrée Section CE numéros [Cadastre 1], [Cadastre 2] et [Cadastre 3],

- déclaré nul et de nul effet le contrat de prêt du 17 novembre 2009,

- fixé la créance de Mme [U] à l'encontre de la SCI Le Moulin de Boly à :

* la somme de 118'879,20 € au titre du prix de vente,

* la somme de 24'709,34 € au titre des intérêts du prêt, de l'assurance et de la caution,

* la somme de 3 800 € au titre des frais de notaire,

* la somme de 10'000 € à titre de dommages-intérêts,

* au montant des cotisations de l'assurance groupe versé par la demanderesse jusqu'au présent jugement, sur justificatifs,

- condamné M. [V] [A] à payer à Mme [U] à titre de dommages-intérêts, la somme de 48'908,50 €, ainsi que le montant des cotisations de l'assurance groupe versé par la demanderesse jusqu'au présent jugement sur justificatifs,

- condamné in solidum M. [V] [A] et Me [Q], ès qualités de liquidateur de la SCI Le Moulin de Boly, à payer à Mme [U] la somme de 6 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties de toutes demandes contraires ou plus amples,

- condamné in solidum M. [V] [A] et Me [Q], ès qualités de liquidateur de la SCI Le Moulin de Boly, aux dépens.

Me [V] [A], notaire, a interjeté appel de cette décision.

Par conclusions notifiées le 29 juillet 2016, Me [V] [A] sollicite voir :

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

- dire et juger Mme [U] irrecevable et mal fondée en toutes ses demandes dirigées à son encontre, et l'en débouter,

- débouter la Banque Patrimoine et Immobilier de son appel en garantie à son encontre,

- dire et juger la banque tant irrecevable que mal fondée en ses prétentions nouvelles formulées à titre subsidiaire tendant à désintéresser cette dernière de son prétendu préjudice consistant au différentiel entre l'intérêt conventionnel et l'intérêt légal couru depuis la date du déblocage des fonds, et son prétendu préjudice consistant au montant de l'indemnité de remboursement anticipé, et l'en débouter purement et simplement,

Et statuant reconventionnellement,

- condamner Mme [U] à lui payer une somme de 5 000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et vexatoire, outre celle de 7 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens de première instance et d'appel.

Au soutien de son appel, le notaire entend faire valoir :

I) à l'encontre de Mme [U]

- que le transfert des droits réels immobiliers s'est incontestablement opéré au profit de Mme [U] de sorte que l'acte qu'il a ainsi reçu, a trouvé sa pleine efficacité,

- que la garantie intrinsèque était sans conteste constituée au jour de la vente, les biens étant libres de toute inscription et hors d'eau et ce, tel qu'en a attesté le 23 avril 2009 le cabinet de maîtrise d''uvre ATTIC de [Localité 5], alors que par ailleurs, l'architecte M. [J] [F] attestait de ce que les travaux portaient uniquement sur le second oeuvre, et à cet égard, il précise qu'il n'a jamais prétendu que cette attestation établie et délivrée par l'architecte correspondait à un stade d'avancement des travaux, mais simplement, que l'existant était à la date du 30 mars 2009, hors d'eau,

- que le fait que l'immeuble était 'hors d'eau' au jour de la vente justifiait le versement de 70 % du prix,

- que la vente litigieuse de cet immeuble qui devait être exploité en résidence de tourisme et loué à une société gestionnaire par le biais de différents baux commerciaux, ne relève pas du secteur protégé tel que défini par l'article L. 261-10 du code de la construction et de l'habitation,

- qu'il ne lui appartient pas d'attirer l'attention des acquéreurs sur les risques éventuels d'une garantie intrinsèque dès lors qu'en l'espèce, les conditions légales étaient remplies,

- que l'opération de construction projetée consistant en la rénovation lourde d'un immeuble ancien ne nécessitait pas de permis de construire,

- que nul besoin n'était de modifier le règlement de copropriété dès lors qu'un seul changement de numérotation avait été opéré sans substitution de lot,

Subsidiairement, et pour le cas où la Cour retiendrait une faute à son encontre, le notaire fait observer sur le préjudice invoqué, qu'il n'a pas à se substituer au vendeur qui seul, peut lui restituer le prix de vente, que la restitution du prix de vente en cas de résolution du contrat ne constitue pas un préjudice indemnisable.

Par conclusions notifiées le 27 juillet 2016, la Banque Patrimoine et Immobilier sollicite voir :

- confirmer le jugement entrepris, sauf en ce qu'il n'a pas tiré les conséquences de la nullité du prêt prononcé, à savoir l'obligation pour Mme [U] de lui rembourser les sommes par elle prêtées,

Et statuant à nouveau :

- condamner Mme [U] à lui payer la somme de 118'879,20 € augmentée des intérêts au taux légal depuis la date de déblocage des fonds, diminuer des remboursements déjà effectués, en conséquence de l'annulation du prêt,

- dire et juger que les garanties qu'elle a prises subsisteront jusqu'à ce que l'obligation de remboursement soit éteinte (promesse d'affectation hypothécaire à première demande, cession des loyers, souscription d'une police d'assurance individuelle pour toute la durée du prêt avec délégation au profit de la compagnie CNP Assurances, caution de la compagnie européenne de garanties et cautions),

A titre subsidiaire, si la Cour devait retenir une faute à son encontre,

- condamner le notaire à la garantir de l'intégralité des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre,

- condamner le notaire à la désintéresser de son préjudice correspondant au différentiel entre l'intérêt conventionnel et l'intérêt au taux légal sur la somme de 118'879,20 € jusqu'au remboursement effectif des sommes dues par Mme [U], et au montant de l'indemnité de remboursement anticipé tel que prévu par l'article 5 alinéa 1er des conditions générales du prêt,

- condamné in solidum Mme [U] et le notaire à lui payer la somme de 6 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum Mme [U], Me [V] [A] et Me [W] [Q], ès qualités de mandataire judiciaire de la SCI Le Moulin de Boly.

A l'encontre de Mme [U], la banque fait valoir que dès lors que le tribunal n'avait relevé à son encontre aucune faute dans l'exécution de ses obligations contractuelles et avait prononcé la nullité du contrat de prêt, il aurait dû ordonner la restitution des sommes empruntées à son profit, et qu'en y procédant pas, il a privé d'effet la nullité du contrat qu'il avait prononcée qui implique des restitutions réciproques. Et à cet égard, la banque fait valoir encore, que contrairement à ce que soutient Mme [U], il ne s'agit pas d'une demande nouvelle en ce qu'elle constitue uniquement la conséquence juridique de l'annulation du contrat prononcé.

Par ailleurs, elle entend rappeler qu'il ne lui appartient pas de s'immiscer dans l'opération projetée par son client qu'elle finance en appréciant son opportunité ou les risques économiques encourus, dès lors qu'elle a vérifié la viabilité apparente du projet, que ses capacités financières étaient proportionnées au prêt sollicité, et que par ailleurs, elle n'a commis aucune faute non plus dans le déblocage des fonds, en y ayant procédé en application des stipulations contractuelles contenues en page cinq de l'offre de prêt du 17 novembre 2009 et conformément à la demande du notaire, puis suite à un appel de fonds comportant l'approbation de Mme [U], ce qu'a relevé le tribunal.

Elle fait valoir encore, et tel que le tribunal a également relevé que Mme [U] ne peut invoquer les dispositions de l'article R. 261-18 1 du code de la construction et de l'habitation issu du décret n° 2010-1128 du 27 septembre 2010, non encore applicable au 17 novembre 2009, date de l'acte de prêt, ni au 2 février 2010, date de l'acte de vente.

Enfin, Mme [U] ne saurait soutenir un non-respect du délai d'acceptation de l'offre de crédit, tel qu'elle en justifie par les pièces versées aux débats, mais encore telle que cela résulte des termes mêmes de l'acte authentique du 2 février 2010 qui indique que « L'acquéreur déclare et reconnaît que la banque lui a consenti une offre de prêt qu'il a acceptée dans le respect des conditions de forme et de délais légales ».

À titre subsidiaire, la banque invoque la faute du notaire qui a manqué à ses obligations, car si le vendeur avait porté son choix sur la garantie intrinsèque d'achèvement des travaux, cette garantie suppose que le promoteur dispose du financement nécessaire pour

réaliser le programme immobilier envisagé, or en l'espèce, rien ne garantissait sa solvabilité, mais encore, cette garantie prévue en page 17 de l'acte de vente consistant en une attestation délivrée par M. [J] [F], architecte, n'a jamais été annexée à l'acte, et en lieu et place, le notaire communique aux débats une attestation qui ne correspond pas aux énonciations de l'acte notarié et qui plus est, est antérieure à la vente de plusieurs mois, et n'est en outre pas produite en original, de sorte qu'elle estime être fondée à l'appeler en garantie.

Par conclusions notifiées le 22 juillet 2016, Mme [U] :

* la confirmation du jugement sauf en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes :

- formées à l'encontre de la banque,

- en nullité du contrat de bail en date du 22 juillet 2009,

- en remboursement de la taxe hypothécaire, du capital versé au titre des mensualités, des frais de courtage, du capital restant dû à la banque, de la TVA non récupérée, des frais de prestataire en matière fiscale, et au titre de la perte de l'avantage du régime de défiscalisation, tels que chiffrés dans le dispositif de ses conclusions,

En conséquence,

À l'encontre de la banque,

- dire et juger la banque irrecevable en sa prétention nouvelle tendant au remboursement du montant du prêt,

- à titre principal, prononcer la nullité de l'acte de vente du 2 février 2010 pour violation des dispositions d'ordre public des articles L. 261-10 et 11 du code de la construction et de l'habitation, subsidiairement sur le fondement du dol, et très subsidiairement, prononcer la résolution de la vente aux torts exclusifs du promoteur vendeur,

- fixer sa créance à la liquidation judiciaire de la SCI à hauteur de la somme de 295'088 € telle que détaillée dans le dispositif de ses conclusions, outre le montant des mensualités d'assurance jusqu'à la signification de l'arrêt,

A l'encontre du notaire,

* constater que le notaire n'apporte pas la preuve de l'existence de l'attestation de M. [J] [F], architecte, mentionnée dans l'acte de vente, mais non annexé,

* dire et juger que le notaire qui a joué un rôle actif, a commis plusieurs fautes tenant à l'absence de vérification des autorisations de construire et de l'existence de la garantie intrinsèque d'achèvement, au manquement à son devoir de conseil sur les conséquences d'une telle garantie, à l'encaissement de 70 % du prix de vente à la signature de l'acte au lieu des 25 % contractuellement prévus et à l'absence de précision du délai de livraison dans l'acte qu'il a lui-même rédigé,

A titre subsidiaire, dire et juger que le notaire a commis une faute en la privant de la protection offerte par le régime VFA, et notamment de la garantie d'achèvement imposée par la loi.

A l'encontre de la banque,

Dire et juger que la banque a commis plusieurs fautes tenant à l'absence de vérification de la viabilité apparente du projet, au manquement à son devoir de mise en garde contre le risque de l'opération de défiscalisation résultant du caractère aléatoire du paiement des loyers et du caractère périlleux de l'opération financée et aux manquements à ses obligations en débloquant la somme totale de 118'879,20 € TTC soient 90 % du prix, dont 70 % à la signature de l'acte au lieu des 25 % contractuellement prévus, sans vérifier l'état d'avancement des travaux alors qu'aucune autorisation de construire n'avait été délivrée,

En conséquence,

- la condamner solidairement avec le notaire à lui payer en réparation du préjudice subi la somme de 295'088,25 € selon son décompte, outre le montant des mensualités d'assurance jusqu'à la signification de l'arrêt, et les débouter de l'ensemble de leurs demandes reconventionnelles respectives,

Sur le contrat de prêt

- prononcer à titre principal, la nullité de plein droit du contrat de prêt du 17 décembre 2009, faute par la banque de rapporter la preuve de la régularité de l'offre de prêt,

- constater subsidiairement, que la banque n'apporte pas la preuve de la régularité de l'offre de prêt et prononcer sa nullité,

- très subsidiairement, et en cas de condamnation à son encontre à restituer à la banque les fonds versés au titre du prêt, débouter la banque de sa demande à hauteur de 132'088 €, et la condamner à lui rembourser la somme de 35'708,50 € payée au titre du prêt en principal, intérêts, frais et accessoires, et dire et juger que l'exécution des condamnations se fera par compensation entre cette somme et les sommes que la banque lui devra à titre de dommages-intérêts,

Et ajoutant au jugement,

- condamner le notaire à la garantir de toute condamnation complémentaire qui pourrait être prononcée à son encontre au profit de la banque à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice, outre la somme de 48'908,50 € prononcée par les premiers juges,

Et en tout état de cause,

- dire et juger que dans l'hypothèse du recours à une exécution forcée pour recouvrer les condamnations prononcées par cette décision, le montant des frais d'huissier devrait être supporté par le débiteur,

- condamner solidairement tout succombant, outre dépens, à lui payer la somme de 7 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Me [Q], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SCI Le Moulin de Boly régulièrement assignée, n'a pas constitué avocat.

Par conclusions en date du 2 juin 2016, le ministère public s'en est remis.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande d'annulation du contrat de vente

Attendu que dans le cadre d'une opération de défiscalisation, Mme [U] a acquis de la SCI Le Moulin de Boly, un appartement (lot 33) dans un immeuble à rénover sis au [Adresse 6]) suivant contrat de vente en l'état futur d'achèvement du 2 février 2010, moyennant le prix de 132'088 € TTC financé en totalité par un prêt souscrit auprès de la Banque Patrimoine et Immobilier, dont le délai d'achèvement était fixé au cours du premier semestre 2010 ;

Attendu, et alors que Mme [U] versera par l'intermédiaire de la banque la somme de 118'879,20 € correspondant à 90 % du prix d'achat, les travaux de rénovation ne débuteront pas, et le lot ainsi acquis ne sera jamais livré dès lors que le chantier a été abandonné et que le vendeur sera mis en liquidation judiciaire ;

Qu'il échet dans ces conditions de prononcer l'annulation de ce contrat de vente aux torts exclusifs du vendeur pour défaut de délivrance au visa des articles 1603, 1604, 1605 et suivants du code civil ;

Attendu que l'annulation d'un contrat ayant un effet rétroactif au jour de la conclusion du contrat, il convient de replacer les parties dans la situation où elles se trouvaient et en conséquence de dire, que la SCI Le Moulin de Boly recouvrera les droits immobiliers sur le lot ainsi précisé ci-dessus au profit de la liquidation à laquelle Mme [U] a déclaré sa créance qui comprendra en application de l'article 1611 du code civil, outre la restitution du capital versé, le montant de tous les dommages-intérêts en réparation de ses préjudices subis correspondant aux sommes qu'elle a versées sans contrepartie ou en pure perte et qui seront fixées comme suit :

* la somme de 118 879,20 € versée au titre du prix d'achat, sans contrepartie, outre intérêts au taux légal à compter de la date de chacun des versements, soit à compter du 2 février 2010 pour la somme débloquée à hauteur de 92 461,60 € et à compter du 8 mai 2011 pour celle débloquée à hauteur de 26 147,60 € jusqu'à complet remboursement à la banque de cette somme,

* la somme de 4 439,85 € au titre des frais de vente (frais notariés, taxe hypothécaire),

* la somme de 1 717,14 € au titre de la caution qui ne donnera pas lieu à restitution selon les écritures de la banque (page 5 in fine),

* la somme de 600 € au titre des frais de courtage,

* le montant des cotisations de l'assurance groupe versé par la demanderesse, outre celui qu'elle sera tenue de verser jusqu'au remboursement du prêt à la banque,

* la somme de 436 € au titre des frais de prestataire en matière fiscale,

* la somme de 21 646,53 € correspondant au montant de la TVA réglée sous réserve de justifier de son non remboursement par les services fiscaux ;

Attendu que Mme [U] sollicite encore, une somme qui ne saurait être inférieure à 100 000 € à titre de dommages-intérêts, correspondant à la perte définitive de l'avantage fiscal sur lequel elle aurait pu escompter si la SCI avait mené à sa fin son programme immobilier que le premier juge a réduite à celle de 10 000 € ;

Attendu que l'opération de défiscalisation consiste à investir dans l'achat d'un bien entrant dans une opération de défiscalisation, laquelle permet en contrepartie, de diminuer le montant des impôts sur les revenus à concurrence d'un pourcentage fixé par l'Etat ;

Qu'eu égard aux circonstances, le préjudice invoqué par Mme [U] n'est pas tant financier puisqu'en l'espèce, du fait de la résolution de la vente, celle-ci n'aura plus à honorer le financement de ce bien, que celui de voir augmenter son patrimoine par l'avantage fiscal qui lui était consenti lui permettant indirectement d'affecter partie de la somme d'argent qu'elle aurait dû débourser au titre de l'impôt, à financer l'acquisition d'un bien ;

Que toutefois, ce préjudice ne peut constituer qu'une perte de chance dès lors que la réussite de cette opération est soumise à plusieurs aléas contractuels : que le bénéficiaire de cette défiscalisation honore jusqu'au bout ses engagements financiers par rapport à la banque, que le contrat de location de 9 années ne soit pas interrompu, et qu'enfin, l'acquéreur ne soit pas mis en situation d'avoir à revendre le bien avant l'expiration du délai de 20 années, sous peine de perdre ses avantages fiscaux ;

Qu'en revanche, du fait de l'existence de ces prêts contractés, la capacité d'emprunt de Mme [U] s'en est trouvée amputée d'autant, et lorsqu'à l'issue de cette procédure, elle retrouvera sa pleine capacité financière pour éventuellement souscrire à une telle opération, il est avéré qu'elle ne pourra à cette date, bénéficier d'un taux de défiscalisation aussi intéressant qu'en 2010 ;

Que l'indemnisation de cette perte de chance peut dès lors être portée à la somme de 30'000 € ;

Que le jugement sera émendé sur le montant du préjudice à inscrire au passif de la liquidation judiciaire de la SCI Le Moulin de Boly ;

Attendu que Mme [U] a régulièrement déclaré sa créance à titre chirographaire au passif de la SCI à hauteur de 274 433,09 € ;

Qu'au vu de ce qui précède, il convient de fixer sa créance à la liquidation judiciaire de la SCI à hauteur de la somme de 177 718,72 €, majorée du montant des cotisations de l'assurance groupe à parfaire au jour du remboursement de cette somme à la banque, ainsi que des intérêts au taux légal sur la somme de 92 461,60 € à compter du 2 février 2010 et sur celle de 26 147,60 € à compter du 8 mai 2011 jusqu'à complet remboursement de ces sommes à la banque ;

Que le jugement sera émendé sur le montant de la créance à inscrire au passif de la SCI.

Sur la responsabilité de la banque

- Sur la régularité de l'offre de prêt

Attendu qu'il résulte de l'acte authentique page 4 que l'acquéreur (Mme [U]) déclare que 'l'organisme (financier) lui a consenti une offre de prêt qu'elle a acceptée dans le respect des conditions de forme et de délais légales' ;

Que le moyen opposé par Mme [U] tiré de l'irrégularité des conditions de l'acceptation de l'offre, sera rejeté.

- Sur les modalités de débloquage des fonds

Attendu, et tel que l'a relevé le tribunal, l'article R 261-18-1 du code de la construction et de l'habitation invoqué par Mme [U] n'était pas encore applicable ;

Attendu que la banque à la signature de l'acte a débloqué pour le compte de Mme [U] 70 % du prix d'achat alors que l'acte prévoyait à la signature de l'acte un versement du prix d'acquisition à hauteur de 25 % seulement, puis à hauteur de 70 % à la mise hors d'eau de l'immeuble ;

Attendu toutefois que s'il est mis à la charge des organismes financiers une obligation de conseil, voir de mise en garde à l'égard de leur client, il ne leur appartient pas de s'immiscer dans l'opération économique que ce dernier projette dans laquelle il n'est pas partie prenante, devant seulement s'assurer de la viabilité apparente du projet, et que le client a des ressources et charges compatibles avec la charge des remboursements de l'emprunt souscrit pour financer le projet ;

Et attendu qu'en l'espèce, il n'appartenait pas à la banque, sauf à s'immiscer sans droit dans l'opération, de discuter l'appel de fonds sollicité par le notaire en charge de la vente en s'assurant auprès de ce dernier que la mise hors d'eau de l'immeuble, une des conditions pour que la garantie intrinsèque soit constituée, était bien remplie, ce qui l'aurait conduite en définitive à se substituer aux obligations du notaire auquel elle ne pouvait que s'en remettre, ni même encore, mettre en doute l'appel de fonds qui lui a été adressé par Mme [U] et qu'elle avait avalisé ;

Que la banque n'a donc commis aucune faute ;

Attendu que le contrat de prêt du 17 novembre 2009 a été accepté, en application de l'article L. 312-12 du code de la consommation, sous condition résolutoire de la réalisation de la vente qu'il était destiné à financer ;

Que l'annulation de la vente ayant été prononcée, c'est à bon droit que le tribunal a annulé le contrat de prêt qui en est l'accessoire ;

Que l'annulation d'un contrat ayant un effet rétroactif, celle-ci doit replacer les parties dans l'état où elles se trouvaient au moment de la conclusion du contrat, de sorte que Mme [U] devra rembourser à la banque les sommes que celle-ci a déboursées pour son compte entre les mains du promoteur vendeur, soit la somme de 118 879,20 € diminuée des remboursements déjà effectués, et la somme en résultant sera majorée des intérêts au taux légal à compter du 2 février 2010 pour la somme débloquée à hauteur de 92 461,60 € et à compter du 8 mai 2011 pour celle débloquée à hauteur de 26 147,60 € jusqu'à complet remboursement, et ce, sans que cette demande de remboursement sollicitée par la banque ne constitue une demande nouvelle dès lors que ce remboursement est la conséquence de droit d'une annulation d'un contrat de prêt, y compris lorsque les sommes ont été versées entre les mains d'un tiers dès lors que le versement s'est opéré pour le compte de l'emprunteur ;

Attendu par ailleurs, que Mme [U] devra conserver les garanties souscrites au bénéfice de la banque jusqu'à complet remboursement de ces sommes.

Sur la responsabilité du notaire

Attendu que Mme [U] reproche au notaire des manquements à son obligation d'information et à celle d'assurer la validité et l'efficacité de son acte, de lui avoir fait signer une vente en l'état futur d'achèvement dénuée de toute garantie d'achèvement, sans l'informer de l'insuffisance d'une garantie intrinsèque, et d'avoir fait débloquer les fonds en violation des dispositions contractuelles ;

Attendu que le notaire fait tout d'abord valoir à titre de remarques préliminaires, que la vente litigieuse de cet immeuble qui devait être exploité en résidence de tourisme est loué à une société gestionnaire par le biais de différents baux commerciaux, ne relève pas du secteur protégé tel que défini par l'article L. 261-10 du code de la construction et de l'habitation ;

Que toutefois, ce notaire ne peut à la fois, invoquer ce moyen et exposer dans ses écritures que c'est lui-même qui dans un souci protecteur des acquéreurs, a délibérément placé la commercialisation de cet ensemble immobilier sous le régime VFA, ce qu'ont accepté les parties ;

Que d'ailleurs, il convient de relever qu'il n'en tire aucune conséquence ; que ce moyen ne sera donc pas accueilli ;

Attendu que Me [A] fait valoir que le transfert des droits réels immobiliers ayant été incontestablement opérés au profit de Mme [U], l'acte qu'il a reçu, a en conséquence trouvé sa pleine efficacité, et que par ailleurs, les conditions d'application de la garantie intrinsèque étaient réunies et établies dès lors qu'il était attesté que l'immeuble était hors d'eau, que les travaux portaient uniquement sur le second oeuvre et que l'immeuble n'était grevé d'aucun privilège et hypothèques, faisant valoir encore, qu'il ne lui appartenait pas d'attirer l'attention des acquéreurs sur les mérites de la garantie extrinsèque plutôt qu'intrinsèque, et sur l'insuffisance théorique de la garantie intrinsèque, ni même sur la viabilité économique du projet ;

Et attendu que le notaire est un officier public et ministériel tenu de conseiller les parties et d'assurer l'utilité et l'efficacité des actes passés ; qu'à cet effet, il doit éclairer les parties sur la portée, les effets et les risques des actes auxquels il prête son concours, sans que cette obligation ne s'étende en principe, à l'opportunité économique de l'opération instrumentée en l'absence d'éléments d'appréciation que le notaire n'a pas à rechercher ;

Attendu que jusqu'au nouveau texte applicable aux opérations postérieures au 1er janvier 2015, la garantie intrinsèque était une option ouverte par la loi au vendeur, et même si elle ne présentait pas la même sûreté que la garantie extrinsèque, elle n'en était pas moins licite à la date où Mme [U] a fait l'acquisition de ce bien en VFA, et en présence d'une telle garantie, la responsabilité du notaire ne peut, en principe, être mise en jeu dès lors que les conditions d'application sont réunies ;

Que néanmoins, la garantie intrinsèque parce qu'elle résulte des conditions propres de l'opération prévue à l'article R. 261-18 a, du code de la construction et de l'habitation, ne saurait dispenser le notaire de la plus grande prudence lorsqu'il instrumente des ventes assorties d'une telle garantie en s'assurant consciencieusement que la garantie fournie, si elle existe bien, peut être utilement mise en 'uvre, et notamment, en s'assurant de la fiabilité et de la suffisance des documents produits par le vendeur lors de l'acte, de sorte qu'il convient d'apprécier sa responsabilité au regard des informations dont il disposait effectivement (ou tout du moins dont il était censé disposer) ;

Or attendu en l'espèce, que l'attestation de l'architecte M. [F] qui est visée dans l'acte, et mentionnée inexactement comme y étant annexée, et qui certifierait que l'immeuble était hors d'eau, en fait n'existe pas, le notaire avouant finalement, qu'il s'agirait d'une erreur provenant d'une inversion de nom entre celui de l'architecte M. [F] qui pour sa part, aurait simplement attesté de la nature des travaux projetés, et celui du cabinet de maîtrise d'oeuvre ATTIC de [Localité 5], qui lui, aurait attesté de la mise hors d'eau de l'immeuble ;

Attendu toutefois, que la simple copie non certifiée de l'attestation du cabinet ATTIC par l'intermédiaire de M. [I] assurant de la mise hors d'eau, est pour le moins succinte (une ligne et demi), n'est pas contemporaine à l'acte de vente pour remonter à presque une année, n'est pas conforme aux mentions portées sur l'acte, mais en outre n'a pas été annexée à l'acte contrairement aux mentions portées par le notaire dans l'acte ;

Que la copie également non certifiée de 'l'attestation' de M. [F] qui décrit en 4 lignes les travaux 'à réaliser' qui sont pourtant présentés comme des travaux de rénovation lourds, n'est en fait qu'une note adressée, non pas au notaire, mais à la société gestionnaire des travaux elle aussi tombée en redressement judiciaire, est rédigée au temps futur, et dont le caractère succint ne permet pas non plus de s'assurer de l'étendue des travaux de réhabilitation de cet immeuble à usage d'ancien hôtel, et par là même, de conforter la mise hors d'eau de l'immeuble attestée par le cabinet ATTIC ;

Que manifestement, et eu égard à la garantie intrinsèque choisie par le vendeur, le notaire n'aurait pas dû se satisfaire de ces deux écrits pour le moins plus que succinct, et dont l'un ne lui était pas destiné, et il aurait dû, non seulement solliciter et exiger auprès de chacun de ces professionnels des documents contemporains à l'acte, mais encore, des documents beaucoup plus détaillés, ce qui lui aurait d'ailleurs permis à cette occasion d'être informé que ces documents étaient des faux, ce que l'enquête pénale menée à [Localité 5] a révélé ;

Attendu qu'il en résulte que ces deux seuls documents qui ne permettaient pas sérieusement au notaire de s'assurer de la mise hors d'eau de l'immeuble, ne l'autorisaient pas à solliciter un versement de fonds à hauteur de 70 % dès la signature de l'acte alors que celui-là même ne prévoyait un déblocage de fonds à la signature qu'à hauteur de 25 %, et ce d'autant que le notaire n'a pas non plus estimé utile de s'enquérir auprès des services administratifs de la ville si une déclaration d'ouverture de chantier et une déclaration préalable relative aux travaux avaient été déposées, puisque tel qu'il le soutient, semble-t-il à tort, un permis de construire n'était pas nécessaire, de sorte qu'il s'est encore privé de se procurer lui-même la preuve de savoir d'une part, à la lecture des travaux qui y aurait officiellement figuré en détail, si l'immeuble était bien hors d'eau, mais encore, et d'autre part, de la faisabibilité même du projet, et par voie de conséquences, de vérifier la garantie d'achèvement intrinsèque qui repose sur les conditions propres de l'opération ;

Que pas plus, le notaire n'a estimé utile d'assurer la sécurité des acquéreurs en obtenant du promoteur vendeur de date de livraison du lot acquis, éventuellement des pénalités de retard pour inciter au bon achèvement des travaux ;

Qu'en outre, sont intervenues des substitutions de lots, sans pour autant que le notaire ne modifie le règlement de copropriété, et en tout cas, ne procède à un acte rectificatif signé des parties, de sorte qu'il ne saurait raisonnablement soutenir à cet égard, en sa qualité d'officier public et ministériel, qu'il ne s'est agi que d'un changement de numérotation de lots sans conséquence sur le règlement ;

Attendu que dans ces conditions, le notaire ne rapporte manifestement pas la preuve que les conditions de la garantie intrinsèque auraient été remplies le jour de la vente, dès lors que la copie de documents remis, leur teneur, et de surcroît, le destinataire pour l'un d'eux, lesquels étaient en outre non contemporains à l'acte, aurait dû manifestement l'alerter, ce dont il résulte que Me [A] a commis des manquements fautifs à ses obligations d'information et de conseil, mais également à celle d'assurer l'efficacité et l'utilité de son acte, dès lors que le lot ainsi acquis par Mme [U] ne lui sera jamais livré ;

Que ces manquements fautifs de la part du notaire sont de nature à engager sa responsabilité civile professionnelle, et les dommages invoqués tant par Mme [U] que par la banque qui sont avérés du fait de l'insolvabilité du promoteur vendeur mis en liquidation judiciaire, trouvent directement leur cause dans les fautes commises par ce notaire, lesquels seront indemnisés par ce dernier.

Sur l'étendue du préjudice de Mme [U]

Attendu que le notaire sera condamné à l'indemniser de son dommage constitué par la somme équivalente au montant de celle qu'elle a déclarée à la liquidation du promoteur vendeur, et qui n'ont reçu aucune contrepartie ou encore, ont été versées en pure perte, et qui constituent son préjudice avéré.

Sur l'étendue du préjudice de la banque

Attendu que la banque sollicite du notaire le remboursement de son préjudice correspondant au différentiel entre l'intérêt conventionnel et les intérêts au taux légal sur la somme de 118'879,20 € jusqu'au remboursement effectif des sommes dues par Mme [U], ainsi que l'indemnité de remboursement anticipé telle que prévue par l'article 5 alinéa 1er des conditions générales du prêt à savoir égale à une semestrialité d'intérêts calculée sur le capital remboursé au taux moyen du prêt plafonné à 3 % du capital restant dû avant le remboursement ;

Attendu que le notaire considérant tout d'abord, qu'il s'agit d'une demande nouvelle conclut à son irrecevabilité, mais encore, il fait valoir que n'étant pas partie au contrat, il ne saurait être tenu des intérêts contractuels, et qu'en matière d'annulation de contrat, les restitutions ne sauraient donner lieu à un remboursement anticipé, et ce d'autant, que rien ne permet d'affirmer qu'elle aurait été en situation de percevoir une telle indemnité ;

Attendu qu'en première instance, la banque avait sollicité subsidiairement, la condamnation du notaire à la garantir des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre ; qu'en cause d'appel, elle sollicite à l'encontre du notaire sa condamnation à l'indemniser d'un chef de préjudice personnel non sollicité devant les premiers juges ;

Que cependant, cette demande s'inscrit dans le cadre de l'indemnisation des préjudices que poursuit la banque et dans celui de l'évolution du litige ; que la demande ne saurait en conséquence, être considérée comme nouvelle ;

Que la demande de la banque sera déclarée recevable et également bien fondée dès lors que les préjudices qu'elle invoque trouvent directement leur cause dans les fautes du notaire qui sont à l'origine de l'annulation de la vente, laquelle a entraîné de plein droit celle du prêt accessoire à la vente, causant à cette dernière un préjudice au titre des intérêts conventionnels qu'elle ne percevra pas jusqu'au remboursement du prêt et de l'indemnité de résiliation qu'elle est en droit d'attendre lorsque le remboursement du prêt se fait par anticipation et qui est destinée à l'indemniser de son préjudice de percevoir des intérêts sur toute la durée de l'amortissement ;

Qu'il sera fait droit à sa demande et le notaire sera condamné à l'indemniser de son dommage.

Sur le bail commercial

Attendu que le jugement sera confirmé en ce qu'il a déclaré cette demande irrecevable, faute d'avoir assignée dans la cause, la société bailleresse.

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement entrepris, en sa disposition relative aux dépens et en celle allouant des indemnités au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et en ce qu'il a :

- déclaré nul et de nul effet l'acte de vente reçu le 2 février 2010 par Me [A] d'un appartement en l'état futur d'achèvement constituant le lot 33 de la résidence de tourisme [Adresse 6], cadastré Section CE numéros [Cadastre 1], [Cadastre 2] et [Cadastre 3], acquis par Mme [M] [T] veuve [U], de la SCI Le Moulin de Boly,

- déclaré nul et de nul effet le contrat de prêt souscrit le 17 novembre 2009 par Mme [M] [T] veuve [U] auprès de la Banque Patrimoine et Immobilier,

- dit que cette banque n'a commis aucune faute,

- déclaré irrecevable la demande tendant à faire constater la nullité du bail,

Le REFORMANT pour le surplus,

Et STATUANT à nouveau,

- prononce l'annulation du contrat de vente conclu le 2 février 2010 entre Mme veuve [U] et la SCI Le Moulin de Boly aux torts exclusifs de cette dernière portant sur le lot 33 de l'immeuble sis à [Adresse 6], cadastré section CE n° [Cadastre 1], [Cadastre 2] et [Cadastre 3],

Vu la liquidation judiciaire de la SCI Le Moulin de Boly prononcée le 3 juillet 2012 par le tribunal de commerce de Toulouse,

- FIXE la créance de Mme [B] [T] veuve [U] à la liquidation judiciaire de la SCI Le Moulin de Boly à :

* la somme de 177 718,72 € (cent soixante dix sept mille sept cent dix huit euros et soixante douze centimes) outre intérêts au taux légal à compter de la date de chacun des versements, soit à compter du 2 février 2010 pour la somme de 92 461,60 € (quatre vingt douze mille quatre cent soixante et un euros et soixante centimes) et à compter du 8 mai 2011 pour celle de 26 147,60 € (vingt six mille cent quarante sept euros et soixante centimes) jusqu'à complet remboursement à la banque de cette somme,

* la somme de 21 646,53 € (vingt et un mille six cent quarante six euros et cinquante trois centimes) correspondant au montant de la TVA réglée sous réserve de justifier de son non remboursement par les services fiscaux,

* le montant des cotisations de l'assurance ADI à parfaire au jour du remboursement à la banque de la fraction du prêt débloqué,

- DIT que la SCI Le Moulin de Boly recouvrera ses droits immobiliers sur le lot comme ci-dessus précisé, acquis par Mme [U], qui seront intégrés à la liquidation,

- CONDAMNE Mme [U] à payer à la Banque Patrimoine et Immobilier la somme de 118 879,20 € (cent dix huit mille huit cent soixante dix neuf euros et vingt centimes) outre intérêts au taux légal à compter du 2 février 2010 sur la somme de 92 461,60 € (quatre vingt douze mille quatre cent soixante et un euros et soixante centimes) et à compter du 8 mai 2011 pour celle de 26 147,60 € (vingt six mille cent quarante sept euros et soixante centimes) jusqu'à complet remboursement à la banque de cette somme,

- DIT que Me [V] [A], notaire à [Localité 2], a commis des manquements fautifs à ses obligations professionnelles directement à l'origine du dommage subi par Mme [U],

- CONDAMNE Me [V] [A] à payer aux Mme [U] à titre de dommages-intérêts en réparation de son dommage les sommes suivantes :

* la somme de 177 718,72 € (cent soixante dix sept mille sept cent dix huit euros et soixante douze centimes) outre intérêts au taux légal à compter de la date de chacun des versements, dont à compter du 2 février 2010 sur la somme de 92 461,60 € (quatre vingt douze mille quatre cent soixante et un euros et soixante centimes) et à compter du 8 mai 2011 pour celle de 26 147,60 € (vingt six mille cent quarante sept euros et soixante centimes) jusqu'à complet remboursement à la banque de ces sommes,

* la somme de 21 646,53 € (vingt et un mille six cent quarante six euros et cinquante trois centimes) correspondant au montant de la TVA réglée sous réserve de justifier de son non remboursement par les services fiscaux.

* le montant des cotisations de l'assurance ADI à parfaire au jour du remboursement à la banque de la fraction du prêt débloqué,

- CONDAMNE Me [V] [A] à payer à la Banque Patrimoine et Immobilier à titre de dommages en réparation de son dommage, la différence entre les intérêts conventionnels et les intérêts au taux légal sur la somme de 92 461,60 € (quatre vingt douze mille quatre cent soixante et un euros et soixante centimes) à compter du 2 février 2010 et sur celle de 26 147,60 € (vingt six mille cent quarante sept euros et soixante centimes) à compter du 8 mai 2011 jusqu'à leur complet remboursement, outre le montant de l'indemnité de remboursement anticipé tel que défini au contrat de prêt,

Et y ajoutant,

- CONDAMNE in solidum Me [V] [A] et Me [Q], ès qualités de liquidateur de la SCI Le Moulin de Boly, à payer au titre de l'article 700 du code de procédure civile :

* à Mme [B] [M] [T] veuve [U] la somme de 4 000 € (quatre mille euros),

* à la Banque Patrimoine et Immobilier la somme de 2 000 € (deux mille euros),

- CONDAMNE in solidum Me [V] [A] et Me [Q], ès qualités de liquidateur de la SCI Le Moulin de Boly, aux dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile,

- ORDONNE aux frais de Me [V] [A] la publication à la conservation des hypothèques de [Localité 6] de la présente décision.

Le présent arrêt a été signé par Mme Sartrand, Président, et par Mme Vicente, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

Sandra VICENTE Christine SARTRAND


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 14/04635
Date de la décision : 12/01/2017

Références :

Cour d'appel de Pau 01, arrêt n°14/04635 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-01-12;14.04635 ?
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