PC/AM
Numéro 16/4805
COUR D'APPEL DE PAU
1ère Chambre
ARRET DU 02/12/2016
Dossier : 14/02714
Nature affaire :
Demande en réparation des dommages causés par l'activité d'un expert en diagnostic, un commissaire aux comptes, un commissaire aux apports, un commissaire à la fusion ou un expert-comptable
Affaire :
[A] [K]
SARL COGREMA
C/
[Y] [J]
SA ALLIANZ IARD
SARL CABINET [G] [M] ASSOCIES
[B] [W] épouse [X]
[Q] [W]
[W] [W]
[H] [W] née [R]
Grosse délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R E T
prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 02 décembre 2016, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
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APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 13 septembre 2016, devant :
Madame SARTRAND, Président
Monsieur CASTAGNE, Conseiller, magistrat chargé du rapport conformément à l'article 785 du code de procédure civile
Madame ROSA SCHALL, Conseiller
assistés de Madame VICENTE, Greffier, présente à l'appel des causes.
Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTS :
Monsieur [A] [K]
né le [Date naissance 1] 1959 à [Localité 1] (92)
de nationalité française
[Adresse 1]
[Localité 2]
SARL COGREMA
[Adresse 2]
[Localité 3]
agissant poursuites et diligences en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
représentés par la SCP LONGIN - MARIOL, avocats au barreau de PAU
assistés de Maître Fernando SILVA, de la SCP DELTA AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMES :
Monsieur [Y] [J]
né le [Date naissance 2] 1957 à [Localité 4] (33)
de nationalité française
[Adresse 3]
[Localité 5]
représenté par Maître François PIAULT, avocat au barreau de PAU
assisté de Maître André BOUVIER, avocat au barreau de PARIS
SA ALLIANZ IARD
[Adresse 4]
[Localité 6]
prise en la personne de son représentant légal ès qualités audit siège
représentée par Maître Jean-Yves RODON, avocat au barreau de PAU
assistée de Maître Philippe BERNARD, avocat au barreau de PARIS
SARL CABINET [G] [M] ASSOCIES (CFCA) prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 5]
représentée par la SCP DUALE - LIGNEY - MADAR - DANGUY, avocats au barreau de PAU
assistée de Maître Maxime DELHOMME, avocat au barreau de PARIS
Madame [B] [W] épouse [X]
[Adresse 5]
[Localité 7]
Monsieur [Q] [W]
[Adresse 6]
[Localité 8]
Monsieur [W] [W]
[Adresse 7]
[Adresse 7]
[Localité 9]
Madame [H] [W] née [R]
[Adresse 8]
[Localité 10]
assignés
sur appel de la décision
en date du 09 NOVEMBRE 2011
rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PAU
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* *
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Fin 2002, la SARL Cogrema (dont le gérant est M. [A] [K]), détenant des participations dans diverses sociétés exploitant des concessions automobiles, a engagé des négociations en vue de l'acquisition des parts de la SA [W], exploitant un fonds de commerce de négoce automobile à [Localité 11].
Le 26 décembre 2002, elle s'est ainsi vu remettre :
- les comptes sociaux arrêtés au 31 décembre 2001, établis par le cabinet [G] [M] Associés, expert-comptable et certifiés par M. [Y] [J], commissaire aux comptes, lesquels faisaient état de capitaux propres d'un montant de 472 699 €,
- une situation arrêtée au 30 juin 2002 établie par le cabinet [M], annonçant des capitaux propres de 502 603 € et un résultat d'exploitation sur le premier semestre 2002 de 108 597 € pour un bénéfice de 29 903 €.
Selon promesse de vente du 19 mars 2003, réitérée le 1er avril 2003, la SARL Cogrema et M. [K], intervenant à titre personnel, ont acquis les 3 300 actions du capital de la SA [W] pour le prix provisoire de 945 184 € dont 80 % (756 147,20 €) payés à la signature, avec clause de révision du prix sur la base d'un bilan de référence à la date de la cession, devant être établi contradictoirement par le cabinet [M] et le propre expert-comptable des acquéreurs (M. [E]).
Le 26 mai 2003, ces experts-comptables constataient que les comptes clos au 31 décembre 2002 présentaient des anomalies et révélaient une perte de 809 583 €.
Le 16 juin 2003, la SARL Cogrema se voyait transmettre un projet de bilan de référence faisant état, au 31 mars 2003, de capitaux propres négatifs de 1 792 760 €.
Le 7 juillet 2003, était conclu un avenant aux actes de cession aux termes duquel il était prévu :
- que le prix d'acquisition était ramené à un euro,
- que les sommes déjà versées étaient restituées immédiatement à concurrence de 560 959 €, le solde récupéré sur 5 ans,
- que la famille [W] faisait abandon des sommes laissées en compte courant pour un montant de 218 751 €,
- qu'un fonds de commerce secondaire exploité à [Localité 10] (évalué à 106 714 €) était récupéré gratuitement par la SARL Cogrema,
- qu'un immeuble sis à [Localité 12] (propriété de la SCI Lissandre, société familiale constituée par les consorts [W] et dont une partie des titres sociaux figurait dans les comptes de la SA [W] pour une valeur comptable de 1 255 327 €) était racheté pour un prix de 750 000 €, au profit de la personne morale que l'acquéreur désignerait.
Le 9 juillet 2003, M. [K] a régularisé une déclaration de cessation de paiement pour le compte de la SA [W], laquelle a été placée en redressement judiciaire par jugement du 11 juillet 2003.
Par jugement du 13 février 2004, le tribunal de commerce de Mont de Marsan a arrêté un plan de redressement par cession totale des actifs, entraînant dissolution de la SA [W] Automobiles.
Soutenant que le bilan de référence définitif aurait mis en évidence, au 31 mars 2003, une situation nette négative de 2 808 681 €, que la présentation de comptes faux lors de la négociation n'aurait été possible qu'en raison des manquements des professionnels comptables qui avaient la charge d'établir et de vérifier les comptes et que la prise de contrôle de la SA [W] leur aurait causé un préjudice non indemnisé, la SARL Cogrema et M. [K] ont, par acte du 26 octobre 2004, fait assigner le Cabinet [M] (au titre de l'établissement et de la présentation des comptes annuels au 31 décembre 2001 et de la situation intermédiaire au 30 juin 2002) et M. [J] (du chef de la certification des comptes annuels au 31 décembre 2001) en déclaration de responsabilité et paiement d'une provision indemnitaire de 600 000 €, en sollicitant la mise en oeuvre d'une expertise judiciaire pour évaluer leur préjudice.
Par ordonnance du 23 janvier 2006, le juge de la mise en état a ordonné une expertise à l'issue de laquelle M. Pierre a déposé le 30 janvier 2009 un rapport définitif.
La SA Allianz IARD, assureur du Cabinet [M], est intervenue volontairement aux débats, de même que les consorts [W].
Par jugement du 9 novembre 2011, le tribunal de grande instance de Pau a :
- déclaré recevable l'action de la SARL Cogrema et de M. [K],
- déclaré recevable l'intervention volontaire de la SA Allianz en qualité d'assureur du Cabinet [M],
- déclaré le Cabinet [M] et M. [J] responsables, ensemble pour moitié, du préjudice subi par la SARL Cogrema et M. [K] du fait des fautes et manquements dans l'établissement et la présentation des comptes annuels au 31 décembre 2001 et de la situation intermédiaire au 30 juin 2002 pour le premier et du fait de la certification sans restriction ni réserve des comptes annuels au 31 décembre 2001 pour le second,
- déclaré la SARL Cogrema et M. [K] responsables pour moitié du préjudice qu'ils subissent,
- dit que, dans leurs rapports entre eux, la responsabilité sera partagée par moitié entre le cabinet [M] et M. [J],
- fixé les préjudices subis par la SARL Cogrema et M. [K] aux sommes de :
$gt; 200 000 € au titre des apports en comptes courants,
$gt; 30 000 € au titre des salaires de M. [V],
$gt; 20 000 € au titre des salaires de Mme [P],
$gt; 30 000 € au titre des honoraires d'assistance comptable et autres,
$gt; 30 000 € au titre des frais de déplacement de M. [K],
$gt; 50 000 € au titre du préjudice d'image de la société [W],
- condamné in solidum le cabinet [M] et M. [J] à payer à la SARL Cogrema et à M. [K] la moitié de ces sommes, avec intérêts au taux légal à compter du 26 octobre 2004 et capitalisation dans les conditions prévues par l'article 1154 du code civil,
- débouté la SARL Cogrema et M. [K] de leurs demandes au titre de la fraction du prix d'acquisition non remboursé et au titre des intérêts sur celle-ci,
- sursis à statuer sur les demandes de condamnation in solidum du Cabinet [M] et de M. [J] à garantir la SARL Cogrema et M. [K] de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées à leur encontre au titre de la reprise des engagements de caution des cédants stipulée au protocole de cession jusqu'au prononcé de décisions définitives sur les appels en garantie formés par Mme Veuve [W],
- rappelé que dans leurs rapports entre eux, les conséquences financières de leur responsabilité seront partagées par moitié entre les parties,
- faisant application de l'article L. 124-3 du code des assurances, condamné la SA Allianz IARD à verser directement à la SARL Cogrema et à M. [K] l'indemnité due en application du contrat d'assurance de responsabilité professionnelle la liant à l'expert-comptable,
- constaté que le plafond de couverture de la SA Allianz pour l'ensemble de cette affaire, en ce compris la procédure initiée par les consorts [W] sous le RG n° 09/03057, est de 457 347,05 € avec une franchise de 10 % pour un minimum de 305 € et un maximum de 1 524 €,
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
- fait masse des dépens et dit qu'ils seront partagés par moitié entre les parties.
La SARL Cogrema et M. [K] ont interjeté appel de cette décision selon déclaration transmise au greffe de la Cour le 16 décembre 2011 (instance enrôlée sous le RG n° 11/04532).
Par arrêt du 16 avril 2013, la Cour a prononcé le retrait du rôle de l'affaire.
Par déclaration transmise au greffe de la Cour le 15 juillet 2014, la SARL Cogrema et M. [K] ont sollicité la réinscription de l'affaire au rôle, désormais inscrite sous le RG n° 14/02714.
A l'audience du 13 septembre 2016, avant déroulement des débats, l'ordonnance de clôture du 5 août 2016 a été révoquée à la demande des parties et la clôture a été prononcée au jour des plaidoiries, par mention au dossier.
Dans leurs dernières conclusions déposées le 3 août 2016, auxquelles il convient de se référer pour l'exposé détaillé des moyens de fait et de droit invoqués, la SARL Cogrema et M. [K] demandent à la Cour, au visa des articles L. 622-20 du code de commerce, 1382 et 1383 du code civil, 225-241 du code de commerce et L. 124-3 du code des assurances :
- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré leur action recevable, en constatant qu'ils justifient d'un intérêt et d'un préjudice distinct de ceux de l'ensemble des créanciers déclarés au passif de la liquidation judiciaire de la SA [W],
- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré le Cabinet [M] et M. [J] responsables, ensemble pour moitié, du préjudice subi par la SARL Cogrema et M. [K] du fait des fautes et manquements dans l'établissement et la présentation des comptes annuels au 31 décembre 2001 et de la situation intermédiaire au 30 juin 2002 pour le premier et du fait de la certification sans restriction ni réserve des comptes annuels au 31 décembre 2001 pour le second,
- d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il les a déclarés responsables pour moitié du préjudice qu'ils subissent et les a déboutés d'une partie de leurs demandes indemnitaires,
- statuant à nouveau, de condamner in solidum le Cabinet [G] [M], M. [J], Mme [R] veuve [W] et M. [Q] [W] à les indemniser de l'entier préjudice subi du fait de l'acquisition des actions composant le capital social de la SA [W] Automobiles, soit :
$gt; 195 188 € au titre de la fraction du prix d'acquisition non remboursée,
$gt; 663 367 € au titre des apports effectués en compte courant,
$gt; ces sommes augmentées des intérêts au taux de 5 % à compter de leur versement jusqu'à parfait remboursement, au titre de l'indemnisation de la perte de jouissance des fonds investis et de la perte de chance d'effectuer un investissement rentable,
$gt; 40 801 € au titre des charges et salaires de M. [V] pour la période d'avril à décembre 2003, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation et capitalisation dans les conditions prévues par l'article 1154 du code civil,
$gt; 31 269 € au titre des charges et salaires de Mme [P], pour la période d'avril à décembre 2003, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation et capitalisation dans les conditions prévues par l'article 1154 du code civil,
$gt; 162 403,86 € au titre des honoraires d'assistance comptable, juridique et judiciaire et d'expertise judiciaire, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation et capitalisation dans les conditions prévues par l'article 1154 du code civil,
$gt; 80 000 € au titre des frais de déplacement de M. [K] et du temps consacré au suivi de l'affaire, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation et capitalisation dans les conditions prévues par l'article 1154 du code civil,
$gt; 500 000 € au titre du préjudice lié à l'impact de la déconfiture de la SA [W] sur l'image, le crédit et le développement du groupe Cogrema,
- de condamner in solidum le cabinet [G] [M], M. [J], Mme [R] veuve [W] et M. [Q] [W] à les relever de toutes condamnations qui pourraient être prononcées contre eux au titre de la reprise des engagements de caution des cédants stipulée au protocole de cession,
- en toute hypothèse :
$gt; de débouter le Cabinet [M] et M. [J] de toutes leurs demandes,
$gt; de condamner la SA Allianz à leur verser directement l'indemnité due en application du contrat d'assurance responsabilité professionnelle la liant au Cabinet [G] [M],
$gt; de condamner in solidum le Cabinet [G] [M], M. [J], la SA Allianz, Mme veuve [W] et M. [Q] [W] à leur payer une indemnité de 50 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et une indemnité de 10 000 € au titre des frais exposés en cause d'appel,
$gt; de condamner les mêmes, in solidum, aux entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise, avec bénéfice de distraction au profit de la SCP Longin - Mariol et associés.
Dans ses dernières conclusions déposées le 26 juillet 2016, le Cabinet [G] [M], formant appel incident, demande à la Cour, au visa des articles L. 622-20 et L. 621-4 du code de commerce, 1382 du code civil :
- à titre principal, de déclarer l'action de la SARL Cogrema et de M. [K] irrecevable, par application de l'article L. 622-20 du code commerce et de les condamner à lui payer la somme de 30 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens,
- subsidiairement :
$gt; de dire que ses éventuelles défaillances étaient légères et de rappeler qu'il ne lui appartenait pas, dans le cadre de sa mission, de mettre en oeuvre des techniques d'audit pour tenter de détecter des anomalies ou des manipulations comptables,
$gt; de dire que les préjudices invoqués par les appelants ne sont pas caractérisés, ni le lien de causalité direct et certain entre ses éventuelles défaillances et eux,
$gt; de juger que les fautes intentionnelles des consorts [W] ont absorbé ses prétendues négligences qui n'ont dès lors pu jouer aucun rôle causal,
$gt; en conséquence de débouter la SARL Cogrema et M. [K] de toutes leurs demandes et de les condamner à lui payer la somme de 30 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens,
- très subsidiairement, si certains chefs de préjudice étaient considérés comme caractérisés et si un lien de causalité était établi avec une défaillance de sa part,
$gt; de dire que les fautes de gestion et de contrôle interne des dirigeants de la société [W] ont absorbé ses éventuelles fautes, de même que la faute de la société Cogrema et de M. [K] consistant, avant le 19 mars 2003, à ne pas avoir procédé à un audit d'acquisition et à ne pas avoir attendu les comptes clos
au 31 décembre 2002 certifiés et, après le 19 mars 2002, à maintenir leur décision
d'acquisition malgré les informations obtenues entre mai et juin 2003 sur la situation comptable et financière réelle de la société [W],
$gt; de dire qu'à tout le moins, un partage de responsabilité devrait être effectué entre elle, le commissaire aux comptes [Y] [J], la SARL Cogrema et M. [K], sans oublier, même s'ils ne sont pas parties à l'instance, les fautes pénales des dirigeants (vendeurs) de la société [W],
$gt; de limiter sa responsabilité éventuelle à un pourcentage représentant 10 % du préjudice indemnisable.
Dans ses dernières conclusions déposées le 18 janvier 2016, M. [J] demande à la Cour :
- à titre principal, de juger l'action de la SARL Cogrema et de M. [K] irrecevable, par application de l'article L. 622-20 du code de commerce,
- subsidiairement :
$gt; de dire qu'aucun des griefs soulevés à son encontre ne caractérise un manquement de sa part, qu'il s'agisse tant des anomalies 'visibles' répertoriées par l'expert judiciaire (non facturation de 29 véhicules, vendus et payés par les clients, compensation des comptes fournisseurs créditeurs et débiteurs, absence du compte clients 'garanties véhicules neufs' parmi les comptes d'actif de la société, caisse anormalement élevée, absence de provision pour garantie des véhicules d'occasion vendus, rédaction de l'annexe) que des anomalies 'dissimulées' résultant des manipulations comptables effectuées par un employé sur les comptes 'fournisseurs' et garanties véhicules neufs' ou du grief visant la prétendue inexactitude des stocks dont l'existence n'est pas établie, en disant que les stocks véhicules n'ont pas été surévalués et qu'il a réalisé des diligences exhaustives sur le contrôle des stocks,
$gt; de juger que la SARL Cogrema et M. [K] ne démontrent aucune relation causale,
* de dire que les manipulations commises sur les comptes 2001certifiés par lui n'étaient pas de nature à modifier sensiblement la situation de la société [W],
* de dire que l'absence d'audit d'acquisition malgré la présentation de données financières inquiétantes et la réitération de l'acquisition malgré la révélation des manipulations commises par M. [I] font disparaître tout lien causal entre le préjudice allégué et ses propres travaux,
- de dire que la SARL Cogrema et M. [K] n'ont pas procédé à un audit de la société [W] malgré l'ancienneté de la certification des comptes clos au 31 décembre 2011 et l'existence de tensions de trésorerie ne concordant pas avec les données comptables antérieures, révélées notamment par la désignation par le tribunal de commerce d'un mandataire ad hoc,
- de dire que la SARL Cogrema et M. [K] ne démontrent aucun préjudice indemnisable, s'agissant du solde du prix, des sommes apportées en compte courant, des frais de personnel, des frais d'honoraires et d'assistance comptable, juridique et judiciaire, des frais de déplacement de M. [K], de l'atteinte à l'image, des engagements personnels des cédants et la plus-value sur la SCI Lissandre,
- en conséquence, d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a condamné à verser quelque somme que ce soit aux appelants,
- très subsidiairement, de dire que sa responsabilité, si elle était engagée, seule ou à côté du Cabinet [G] [M], ne saurait entraîner à la charge des professionnels du chiffre que la prise en charge de 10 % des préjudices subsistants dont les demandeurs justifieraient, après prise en considération des restitutions obtenues auprès des consorts [W],
- de condamner la SARL Cogrema et M. [K] à lui payer la somme de 20 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens, avec bénéfice de distraction au profit de la SCP Piault et Lacrampe-Carrazé.
Dans ses dernières conclusions déposées le 12 décembre 2014, la SA Allianz demande à la Cour, au visa des articles 1382 du code civil et L. 622-20 du code de commerce :
- au principal :
$gt; vu la procédure collective de la société [W] et le monopole d'action de son mandataire judiciaire,
$gt; de dire que la société Cogrema et M. [K] sont irrecevables au titre de leurs réclamations liées aux apports en compte courant de la SARL Cogrema à la SA [W] et à leur perte d'image qui aurait suivi la procédure collective,
$gt; de constater le caractère particulièrement indécelable des manoeuvres de M. [I] qui ne pouvaient être relevées dans le cadre de la mission du Cabinet [G] [M],
$gt; de constater l'absence de lien de causalité entre le préjudice allégué et les fautes du Cabinet [M], en relevant à cette occasion que c'est parfaitement informés de la situation de la société [W] que la SARL Cogrema et son dirigeant ont acquis cette société,
$gt; en conséquence, de les débouter de leurs demandes contre le Cabinet [M],
- subsidiairement, de dire que la société Cogrema et M. [K] ne justifient pas de leurs réclamations, à l'exception de leurs frais d'assistance comptable, juridique et judiciaire pour un montant de 30 000 € et de dire que la part de responsabilité du Cabinet [M] ne saurait excéder 10 % du préjudice indemnisable,
- en toute hypothèse :
$gt; de prendre acte que le plafond de couverture pour l'ensemble de l'affaire, en ce compris la procédure initiée par les consorts [W], est de 457 347,05 €, avec une franchise de 10 % pour un minimum de 305 € et un maximum de 1 524 €,
$gt; de condamner solidairement la SARL Cogrema et M. [K] à lui payer la somme de 10 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens avec bénéfice de distraction au profit de Me Rodon.
M. [Q] [W], M. [W] [W], Mme [B] [W] épouse [X] et Mme [H] [R] Veuve [W], intimés, n'ont pas constitué avocat.
MOTIFS
L'article L. 622-20 du code de commerce dispose que le mandataire judiciaire désigné par le tribunal a seul qualité pour agir au nom et dans l'intérêt collectif des créanciers.
Il en résulte que le liquidateur d'une société soumise à une procédure de liquidation judiciaire a, seul, qualité pour agir, au nom et dans l'intérêt collectif des créanciers, en vue de reconstituer le patrimoine social et qu'un créancier, un actionnaire ou un dirigeant de cette société ne peut agir individuellement que s'il justifie d'un préjudice personnel, distinct de celui subi collectivement par tous les créanciers du fait de l'amoindrissement ou de la disparition de ce patrimoine.
En l'espèce, l'action de la société Cogrema et M. [K], acquéreurs des actions de la SA [W], en responsabilité contre les anciens dirigeants de cette société et les professionnels du chiffre ayant vérifié et certifié les comptes sociaux (auxquels il est reproché d'avoir volontairement pour les premiers et involontairement, par leur négligence, pour les seconds, masqué la situation financière réelle de la société [W]) a pour objet la réparation du préjudice constitué par des investissements (prix d'acquisition, apports en compte courant, mise à disposition de personnel salarié, frais divers) réalisés en pure perte en raison de la déconfiture de la SA [W] et par l'impact de cette déconfiture sur l'image, le crédit et le développement du groupe Cogrema, en relation avec une acquisition à laquelle, s'ils avaient connu l'état réel de la situation financière de la société, ils auraient renoncé, ou auraient procédé à d'autres conditions.
Or, il y a lieu de considérer :
- d'une part, que ni la perte de valeur de parts ou d'actions sociales, ni la perte des avantages en compte courant, ni les dépenses et frais divers exposés pour l'acquisition litigieuse, ne constituent un dommage personnel distinct de celui subi collectivement par tous les créanciers du fait de l'amoindrissement ou de la disparition du patrimoine social résultant de la cessation des paiements,
- d'autre part, que les informations prétendument erronées (qui auraient laissé croire aux candidats à l'acquisition de la SA [W] à la bonne santé financière de celle-ci) figurant sur les comptes sociaux arrêtés au 31 décembre 2001 établis par l'expert-comptable et certifiés par le commissaire aux comptes font l'objet d'une publication obligatoire en sorte que tous les créanciers sont dans la même situation à cet égard et qu'aucun préjudice personnel distinct ne peut être caractérisé.
Il convient dès lors, réformant la décision entreprise, de déclarer irrecevables les demandes indemnitaires de la SARL Cogrema et de M. [K].
L'équité commande de condamner, in solidum, la SARL Cogrema et M. [K] à payer à la SARL Cabinet [G] [M] et associés, à M. [Y] [J] et à la SA Allianz IARD, en application de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 8 000 € chacun, au titre des frais irrépétibles par eux exposés tant en première instance qu'en cause d'appel.
La SARL Cogrema et M. [K] seront condamnés, in solidum, aux entiers dépens d'appel et de première instance, en ce compris les frais d'expertise judiciaire, avec bénéfice de distraction au profit de la SCP Piault et Lacrampe-Carrazé et de Me Rodon.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Après en avoir délibéré, statuant publiquement, par défaut et en dernier ressort :
Vu le jugement du tribunal de grande instance de Pau en date du 9 novembre 2011,
Réformant le jugement entrepris et statuant à nouveau :
Déclare irrecevables les demandes indemnitaires de la SARL Cogrema et de M. [K],
Condamne in solidum, la SARL Cogrema et M. [K] à payer à la SARL Cabinet [G] [M] et associés, à M. [Y] [J] et à la SA Allianz IARD, en application de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 8 000 € (huit mille euros) chacun, au titre des frais irrépétibles par eux exposés tant en première instance qu'en cause d'appel,
Condamne in solidum la SARL Cogrema et M. [K] aux entiers dépens d'appel et de première instance, en ce compris les frais d'expertise judiciaire, avec bénéfice de distraction au profit de la SCP Piault et Lacrampe-Carrazé et de Me Rodon, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par Mme Sartrand, Président, et par Mme Vicente, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,
Sandra VICENTE Christine SARTRAND