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11/10/2016 | FRANCE | N°14/03758

France | France, Cour d'appel de Pau, 1ère chambre, 11 octobre 2016, 14/03758


PC/AM



Numéro 16/3793





COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre







ARRET DU 11/10/2016







Dossier : 14/03758





Nature affaire :



Demande en réparation des dommages causés par un intermédiaire















Affaire :



[G] [Y]

[Y] [C] épouse [Y]





C/



SAS PRIMONIAL

SARL PYRENEES FINANCE CONSEIL













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Grosse délivrée le :



à :



















RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R E T



prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 11 octobre 2016, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième ...

PC/AM

Numéro 16/3793

COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre

ARRET DU 11/10/2016

Dossier : 14/03758

Nature affaire :

Demande en réparation des dommages causés par un intermédiaire

Affaire :

[G] [Y]

[Y] [C] épouse [Y]

C/

SAS PRIMONIAL

SARL PYRENEES FINANCE CONSEIL

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R E T

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 11 octobre 2016, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 07 juin 2016, devant :

Monsieur CASTAGNE, magistrat chargé du rapport,

assisté de Madame VICENTE, Greffier, présente à l'appel des causes,

Madame SARTRAND, en application des articles 786 et 907 du code de procédure civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries, en présence de Monsieur CASTAGNE et en a rendu compte à la Cour composée de :

Madame SARTRAND, Président

Monsieur CASTAGNE, Conseiller

Madame NICOLAS, Conseiller

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTS :

Monsieur [G] [Y]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Madame [Y] [C] épouse [Y]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentés par Maître Jean BAGET, avocat au barreau de PAU

assistés de la SCP GOGUER - LALANDE & DEGIOANNI, avocats au barreau de FOIX

INTIMEES :

SAS PRIMONIAL anciennement dénommée PATRIMOINE MANAGEMENT & ASSOCIES venant aux droits de la société JP MORGAN FLEMING SELECTION

[Adresse 2]

[Adresse 2]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

représentée par Maître Roger-Vincent CALATAYUD, avocat au barreau de TARBES

assistée de l'AARPI EVERLAW, avocats au barreau de PARIS

SARL PYRENEES FINANCE CONSEIL

[Adresse 3]

[Adresse 3]

représentée par son gérant en exercice domicilié en cette qualité audit siège

représentée par Maître Jérôme MARBOT, avocat au barreau de PAU

assistée de la SELARL ROINE & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS

sur appel de la décision

en date du 08 SEPTEMBRE 2014

rendue par le TRIBUNAL DE COMMERCE DE TARBES

Par l'intermédiaire de SARL Pyrénées Finance Conseil, agissant en qualité de courtier, les époux [Y] ont souscrit le 14 août 2001 des contrats d'assurance-vie 'Stratégie Fleming Monde - Profil Fleming Stratégie 70" proposés par la société JP Morgan Fleming Asset Management aux droits de laquelle se trouve désormais la SAS Primonial.

Pour le financement de ce placement, les époux [Y] ont, chacun, souscrit auprès de la Société de Banque et d'Expansion un prêt in fine de 45 734,70 €, remboursable à l'expiration d'une période de dix ans pendant laquelle les emprunteurs devaient s'acquitter de mensualités de 228,67 € au titre des intérêts.

La valeur de rachat de l'épargne s'étant avérée inférieure à la valeur de souscription, pour rembourser le crédit in fine, les époux [Y] ont demandé à bénéficier du rachat des contrats d'assurance-vie, dans le cadre de l'option garantie-plancher qui avait été souscrite.

Ils ont alors été contraints de payer le montant des droits d'entrée et la prime correspondant à cette garantie, soit 6 054,98 €, globalement.

Soutenant qu'elle a manqué à son obligation de conseil en leur faisant souscrire une obligation qui n'avait aucune chance de leur faire obtenir un gain quelconque (qui, selon eux, supposait un rendement constant de 6 à 7 % totalement improbable) et qu'ils ont subi un préjudice équivalent au montant des intérêts payés, du droit d'entrée et de la prime, les époux [Y] ont, par acte du 22 mars 2012, fait assigner la SARL Pyrénées Finance Conseil en responsabilité et celle-ci a fait appeler en garantie la SAS Primonial.

Par jugement du 8 septembre 2014, le tribunal de commerce de Tarbes a :

- déclaré l'action des époux [Y] recevable,

- dit que la SARL Pyrénées Finance Conseil n'est pas le concepteur du contrat d'assurance-vie souscrit par les époux [Y] le 14 août 2011,

- dit que SARL Pyrénées Finance Conseil est débitrice d'une obligation de conseil en ce qui concerne la rentabilité du produit proposé,

- dit que les époux [Y] ne démontrent pas une faute de la SARL Pyrénées Finance Conseil ni une violation de son devoir de conseil,

- débouté les époux [Y] de toutes leurs demandes,

- dit sans objet l'appel en garantie formé par la SARL Pyrénées Finance Conseil contre la SAS Primonial et débouté SARL Pyrénées Finance Conseil de toutes ses demandes contre elle,

- débouté la SAS Primonial de sa demande en dommages-intérêts,

- mis hors de cause la société JP Morgan Asset Management et débouté la SARL Pyrénées Finance Conseil de toutes ses demandes contre elle,

- condamné les époux [Y] à payer à la SARL Pyrénées Finance Conseil les dépens de l'instance afférents à sa mise en cause,

- condamné la SARL Pyrénées Finance Conseil à payer à la SAS Primonial la somme de 4 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens afférents à sa mise en cause,

- condamné la SARL Pyrénées Finance Conseil à payer à la SARL JP Morgan Asset Management la somme de 3 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens afférents à sa mise en cause.

Les époux [Y] ont interjeté appel de cette décision selon déclaration transmise au greffe de la Cour le 16 octobre 2014, en n'intimant que la SARL Pyrénées Finance Conseil.

Par assignation du 17 mars 2015, la SARL Pyrénées Finance Conseil, formant appel provoqué, a fait appeler en la cause la SAS Priimonial.

Par ordonnance du 7 octobre 2015, non frappée de recours, le magistrat de la mise en état a déclaré irrecevables, par application de l'article 910 du code de procédure civile, les conclusions d'intimée de la SAS Primonial remises au greffe le 17 juillet 2015.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du magistrat de la mise en état en date du 6 mai 2016.

Dans leurs dernières conclusions déposées le 18 mars 2015, les époux [Y] demandent à la Cour, réformant le jugement entrepris, au visa des articles 1134 et 1147 du code civil, de condamner la SARL Pyrénées Finance Conseil au paiement des sommes de :

- 30 568,07 € à M. [Y] et 30 373,71 € à Mme [Y], à titre de dommages-intérêts, augmentées des intérêts au taux légal à compter de l'assignation introductive d'instance, avec capitalisation dans les conditions prévues par l'article 1154 du code civil,

- 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Ils soutiennent en substance :

- que la fin de non-recevoir soulevée par la SARL Pyrénées Finance Conseil du chef d'une prétendue prescription de leur action doit être rejetée, dès lors que le point de départ de la prescription doit être fixé, non à la date de signature du contrat mais à l'expiration de celui-ci qui, seule, a permis d'établir l'existence et l'importance de leur préjudice,

- que le coût global du placement (intérêts des crédits souscrits pour son financement, droits d'entrée et coût de l'option plafond-garantie) représentait 66 % de son montant en sorte que l'opération ayant été conclue sur dix ans, il fallait espérer, pour qu'elle ne se révèle pas déficitaire, un rendement constant de 6 à 7 % par an impossible à atteindre, au vu des performances réalisées par ce produit,

- qu'ainsi, dès l'origine, le placement et l'opération étaient voués à l'échec alors même que sur les exercices 2000 à 2002, le produit a présenté des performances négatives et que depuis, le rendement moyen n'a pas dépassé 2,28 %,

- que la SARL Pyrénées Finance Conseil a manqué à son obligation de conseil pour avoir proposé un placement financé par un crédit sans délivrer une information complète mentionnant tant les avantages que les risques inhérents à ce montage et qui sont le corollaire de ceux-ci ainsi que le taux de rentabilité interne du produit,

- que leur préjudice indemnisable correspond aux intérêts de remboursement du prêt payés en pure perte ainsi qu'aux droits d'entrée et au coût de l'option 'capital garanti',

- que leur préjudice ne consiste nullement en une simple perte de chance dès lors qu'ils n'ont souscrit le placement litigieux qu'en raison des informations insuffisantes délivrées par la SARL Pyrénées Finance Conseil et qu'en toute hypothèse, le montage n'avait aucune chance de s'avérer fructueux.

Dans ses dernières conclusions déposées le 26 février 2015, la SARL Pyrénées Finance Conseil demande à la Cour :

- à titre principal, de déclarer irrecevable comme prescrite l'action des époux [Y],

- subsidiairement, de débouter les époux [Y] de leurs demandes après avoir jugé qu'elle n'est pas le concepteur du placement litigieux, qu'elle n'est pas débitrice d'une obligation de résultat en ce qui concerne la rentabilité du produit proposé et que les époux [Y] ne démontrent pas une faute de sa part,

- plus subsidiairement, de débouter les époux [Y] de leurs demandes après avoir jugé qu'il n'existe pas de lien de causalité entre le préjudice allégué et la faute qui lui est imputée, que le préjudice, le cas échéant, subi par les époux [Y], doit s'analyser en une perte de chance de ne pas investir les sommes versées au titre des intérêts et que cette perte de chance n'est pas certaine,

- encore plus subsidiairement, de réduire à une indemnité symbolique l'éventuelle indemnisation qui serait allouée aux époux [Y] après avoir jugé que leur préjudice doit être indemnisé partiellement sur la base d'une perte de chance qui ne peut être équivalente aux pertes financières alléguées et qui exclut les droits d'entrée et la prime d'assurance liée à la garantie plancher,

- de condamner la société Primonial à la garantir de toutes condamnations qui pourraient être prononcées contre elle au profit des époux [Y],

- de condamner les époux [Y] et, subsidiairement, la société Primonial à lui payer la somme de 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens avec bénéfice de distraction au profit de la SCP Marbot - Le Corno.

MOTIFS

I - Sur l'action principale des époux [Y] :

1 - Sur la fin de non-recevoir soulevée par la SARL Pyrénées Finance Conseil :

L'assignation introductive d'instance du 22 mars 2012 est postérieure à l'entrée en vigueur de la loi 2008-561 du 17 juin 2008 en sorte que leur action est soumise à l'application de ce texte et de l'article L. 110-4 I du code de commerce, en sa rédaction issue de la loi du 17 juin 2008, qui dispose que les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans.

Par ailleurs, la prescription d'une action en responsabilité court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en n'avait pas eu précédemment connaissance.

En l'espèce, l'analyse des éléments versés aux débats permet de fixer le point de départ du délai de prescription de l'action en responsabilité engagée par les époux [Y] contre la SARL Pyrénées Finance Conseil au 14 août 2011, date à laquelle les contrats litigieux sont arrivés à leur terme, révélant leur valeur définitive de rachat laquelle, seule, permettait d'apprécier l'existence et l'étendue de leur prétendu préjudice.

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la SARL Pyrénées Finance Conseil du chef de la prescription de l'action des époux [Y].

2 - Sur l'existence même d'une faute imputable à la SARL Pyrénées Finance Conseil :

La nature contractuelle de la responsabilité encourue par la SARL Pyrénées Finance Conseil au titre de manquements prétendument commis dans le cadre de la souscription des placements litigieux pour laquelle elle est intervenue en qualité de courtier chargé de la commercialisation des produits d'assurance de Fleming Selection, n'est pas contestée.

Les époux [Y] font en substance grief à la SARL Pyrénées Finance Conseil d'avoir manqué à son obligation de conseil en leur faisant souscrire une opération qui n'avait aucune chance de leur faire obtenir un quelconque gain (le seuil de rentabilité de l'opération nécessitant un rendement 'inimaginable' de 6 à 7 % l'an) et en ne leur délivrant pas une information complète mentionnant tant les avantages que les risques inhérents au montage financier proposé.

L'appréciation d'un éventuel manquement de l'intermédiaire financier à son obligation d'information et de conseil envers les futurs souscripteurs doit s'opérer par référence aux éléments acquis et/ou normalement prévisibles à la date de la négociation.

Les seuls éléments d'information versés aux débats dont il est justifié de la remise aux époux [Y] consistent :

- d'une part, dans le bulletin de souscription du placement Vie entière PEP Profil Fleming Stratégie 70, avec option 'garantie-plancher', pour un versement libre initial de 300000 F., formulaire ne contenant d'autre référence à une information préalable du souscripteur qu'une mention préimprimée ainsi rédigée : 'J'ai bien pris connaissance des conditions générales - valant note d'information - et notamment des conditions d'exercice du droit de renonciation au contrat Stratégie Fleming Monde et de la note d'information fiscale figurant dans l'annexe qui m'a été remise avec le double de la présente proposition d'assurance, des notices d'information des fonds communs de placement qui m'ont été remises, des conditions et modalités des garanties de prévoyance ainsi que de leur tarification...',

- d'autre part, d'un exemplaire des conditions générales valant note d'information au titre du contrat d'assurance-vie en francs et/ou unités de compte Stratégie Fleming Monde ainsi rédigée (s'agissant des éléments relevant du présent litige) :

$gt; Objet du contrat : Stratégie Fleming Monde est un contrat d'assurance-vie à versements libres et/ou programmés ... dont vous déterminez la nature : vie entière ou capital différé.

$gt; Nature et durée du contrat : Vie entière : votre contrat est souscrit pour une durée viagère et prend fin en cas de rachat total de l'épargne ou en cas de décès de l'assuré.

$gt; Versements, dispositions spécifiques à l'option PEP : en cas d'option PEP, le versement libre initial ne peut être investi que sur les profils Fleming Stratégie 70 et/ou Fleming Stratégie 25 et/ou Protection... La durée du PEP doit être de dix ans minimum...

$gt; Profils de gestion : ...

* Profil Fleming Stratégie 70 : Votre versement est investi, net de frais, au sein de l'unité de compte Fleming Stratégie 70. Cette option s'adresse aux personnes désirant associer un investissement en actions (environ 70 %) et une propotion sensible (environ 30 %) d'obligations.

* Profil Fleming Stratégie 25 : Cette option s'adresse aux personnes désirant bénéficier de la plus grande stabilité d'un investissement fortement obligataire (environ 75 %) comportant cependant une part d'actions (environ 25 %).

* Profil Protection : ... Cette option s'adresse aux personnes recherchant la sécurité.

$gt; Options de garanties de prévoyance : Garantie Plancher :

Objet : cette garantie ne couvre que le risque décès....

Définition du capital-plancher : le capital plancher est égal à la somme des versements bruts réalisés diminuée des éventuels retraits, avances et intérêts non remboursés.

Fin de la garantie : la garantie plancher cesse de produire ses effets en cas de rachat total de la partie épargne du contrat.

$gt; Notice d'information Fleming Stratégie 70 :

Classification : OPCVM Actions Internationales,

Orientation des placements : la gestion a pour objectif la croissance à long terme du capital par des investissements en OPCVM investis en actions françaises et internationales et / ou en obligations internationales. Le portefeuille-type comportera 70 % d'OPCVM actions et 30 % d'OPCVM obligations...

Degré minimum d'exposition au risque 'actions' : 60 %. Le fonds investira plus de 50 % de son actif en actions ou parts d'OPCVM français ou européens coordonnés Le fonds n'effectuera pas d'opération de couverture de change et n'effectuera pas d'opération sur les marchés à terme.

Souscripteurs concernés : le Fonds s'adresse à tous souscripteurs.

Affectation des résultats : capitalisation totale des revenus'.

Il n'y a pas lieu, dans le cadre de l'appréciation de la responsabilité éventuelle de la SARL Pyrénées Finance Conseil en termes de manquements à ses obligations d'information et de conseil, de tenir compte des performances mêmes du placement litigieux postérieurement à la souscription des placements litigieux ni même de rechercher le taux de rentabilité minimal nécessaire à l'équilibre de l'opération financière proposée aux époux [Y].

Il convient simplement ici de rechercher si, compte tenu de la nature par essence fluctuante et volatile des marchés d'actions et de la circonstance, dont l'intimée ne conteste pas qu'elle a été portée à sa connaissance, que les placements ont été intégralement financés par le recours à l'emprunt, des informations suffisantes ont été communiquées aux époux [Y] pour leur permettre d'apprécier en toute connaissance de cause les risques par eux encourus.

Or, force est de constater :

- d'une part, que ni la proposition d'assurance ni les conditions générales ci-dessus reproduites ne comportent une information claire, précise et univoque sur les risques encourus par les souscripteurs de placements investis à 70 % sur le marché des actions et intégralement financés au moyen de prêts in fine avec remboursement des intérêts à concurrence de 228,67 € par mois pour chacun d'eux, sommes non couvertes par la garantie-plancher qui ne concerne que le capital investi dans le placement,

- d'autre part, qu'il n'est pas justifié que le résultat négatif du FCP litigieux pour l'exercice 2000 (- 6,70 %) a été porté à la connaissance des époux [Y] avant la signature de la proposition d'assurance.

Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que la SARL Pyrénées Finance Conseil a manqué à l'obligation de conseil et d'information sur les risques inhérents au placement et au montage financier proposés dont elle était tenue envers les époux [Y], en sa qualité de prestataire de services d'investissement.

Le préjudice en résultant pour les époux [Y] doit s'analyser en une perte de chance de n'avoir pas consenti à l'opération litigieuse, s'ils avaient été clairement avisés des risques financiers qu'elle comportait, notamment en termes de non-couverture des intérêts de remboursement des crédits en cas de mise en oeuvre de la garantie-plancher.

Compte tenu de l'importance et du caractère déterminant de ces informations sur l'appréciation des risques réellement encourus, la perte de chance de ne pas souscrire les placements litigieux et de ne pas subir les préjudices en ayant résulté sera évaluée à 80 %.

Le préjudice servant d'assiette à la perte de chance est constitué par les pertes financières, dont les justificatifs sont versés aux débats, subies par les époux [Y] consistant dans le montant des remboursements des intérêts des emprunts, non couverts par la garantie-plancher, les frais de mise en oeuvre de celle-ci et les droits d'entrée versés lors de la souscription des placements litigieux, soit les sommes non contestées en leur évaluation même de 30 568,07 € s'agissant de M. [Y] et 30 373,71 € au préjudice de Mme [Y].

Il convient dès lors, faisant application du pourcentage de 80 % ci-dessus retenu, de condamner la SARL Pyrénées Finance Conseil à payer les sommes arrondies de 24 450 € à M. [Y] et de 24 300 € à Mme [Y], à titre de dommages-intérêts, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 22 mars 2012, date de l'assignation introductive d'instance.

L'équité commande, réformant le jugement entrepris de condamner la SARL Pyrénées Finance Conseil à payer aux époux [Y], ensemble, en application de l'article 700 du code de procédure civile, la somme globale de 3 000 € au titre des frais irrépétibles par eux exposés tant en première instance qu'en cause d'appel et de débouter la SARL Pyrénées Finance Conseil de ce chef de demande à l'encontre des époux [Y].

La SARL Pyrénées Finance Conseil sera condamnée aux entiers dépens d'appel et de première instance.

II - Sur l'appel en garantie formé par la SARL Pyrénées Finance Conseil à l'encontre de la SAS Primonial (venant aux droits de la société JP Morgan Fleming Selection) :

Le caractère lacunaire et incomplet, en termes d'informations sérieuses et circonstanciées sur les risques inhérents au placement litigieux, des documents contractuels établis par la SAS Primonial (conditions générales, formulaire de proposition d'assurance dont le contenu a ci-dessus été décrit) caractérise une négligence et/ou une omission fautives dont la SARL Pyrénées Finance Conseil est fondée à se prévaloir, dans ses relations avec la SAS Primonail, sa mandante.

Cette faute n'est cependant pas de nature à exonérer totalement la SARL Pyrénées Finance Conseil de toute responsabilité, dans les rapports entre ces deux sociétés, liées par un contrat de courtage, dès lors que cette société a elle-même commis des fautes, indépendantes des manquements constatés sur les documents généraux d'information établis par son mandant, spécialement en n'avisant pas les époux [Y] des risques que leur faisait courir un montage financier (financement de l'investissement par un recours intégral à un prêt in fine) dont il n'est pas établi qu'il a été porté à la connaissance de la SAS Primonial.

En considération de la gravité respective des fautes commises par chacune d'elles, la Cour condamnera la SAS Primonial à garantir la SARL Pyrénées Finance Conseil à concurrence de la moitié des condamnations en principal, frais, accessoires et dépens prononcées contre elle au profit des époux [Y].

L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile dans les rapports entre la SARL Pyrénées Finance Conseil et la SAS Primonial.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Après en avoir délibéré, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

Vu le jugement du tribunal de commerce de Tarbes en date du 8 septembre 2014,

Réformant le jugement entrepris et statuant à nouveau :

- Condamne la SARL Pyrénées Finance Conseil à payer les sommes de 24 450 € (vingt quatre mille quatre cent cinquante euros) à M. [Y] et de 24 300 € (vingt quatre mille trois cents euros) à Mme [Y], à titre de dommages-intérêts, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 22 mars 2012 et, aux époux [Y], ensemble, en application de l'article 700 du code de procédure civile, la somme globale de 3 000 € (trois mille euros) au titre des frais irrépétibles par eux exposés tant en première instance qu'en cause d'appel,

- Condamne la SARL Pyrénées Finance Conseil aux entiers dépens d'appel et de première instance,

- Condamne la SAS Primonial à garantir la SARL Pyrénées Finance Conseil à concurrence de la moitié des condamnations ci-dessus prononcées à son encontre, en principal, frais accessoires et dépens.

Le présent arrêt a été signé par Mme Sartrand, Président, et par Mme Vicente, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

Sandra VICENTE Christine SARTRAND


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 14/03758
Date de la décision : 11/10/2016

Références :

Cour d'appel de Pau 01, arrêt n°14/03758 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-10-11;14.03758 ?
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