SG/CD
Numéro 16/03653
COUR D'APPEL DE PAU
Chambre sociale
ARRÊT DU 29/09/2016
Dossiers : 14/01849
14/01859
Nature affaire :
Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution
Affaire :
SAS [Établissement 1]
C/
[K] [F]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 29 Septembre 2016, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 15 Juin 2016, devant :
Madame THEATE, Président
Monsieur GAUTHIER, Conseiller
Madame FILIATREAU, Vice-Président placé, délégué en qualité de Conseiller par ordonnance du 9 mai 2016
assistés de Madame DEBON, faisant fonction de Greffière.
Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTE :
SAS [Établissement 1]
agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié ès qualités audit siège
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Maître BONNEMASON-CARRERE de la SELARL ACBC, avocat au barreau de PAU
INTIMÉE :
Madame [K] [F]
[Adresse 2]
[Adresse 1]
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2016/001554 du 25/03/2016 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PAU)
Représentée par Maître MARCO, avocat au barreau de PAU
sur appel de la décision
en date du 14 AVRIL 2014
rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE PAU
RG numéro : F 13/00177
LES FAITS, LA PROCÉDURE :
Mme [K] [F] a été engagée à compter du 1er octobre 1986 par la SAS [Établissement 1] (la société) en qualité d'agent de service avec la qualification de garde-malade.
Convoquée le 19 octobre 2012 à un entretien préalable fixé au 31 octobre 2012, elle a été licenciée par lettre du 12 novembre 2012 au motif d'absences longues et répétées depuis 2009 entraînant un dysfonctionnement au sein de la société, perturbant fortement son fonctionnement.
Contestant son licenciement, elle a saisi le conseil de prud'hommes de Pau par requête en date du 30 avril 2013 pour, au terme de ses dernières demandes de première instance : que son licenciement soit dit sans cause réelle et sérieuse et que la société soit condamnée à lui payer 33 616,80 euros de dommages-intérêts pour licenciement abusif et 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
À défaut de conciliation le 30 mai 2013 l'affaire a été renvoyée devant le bureau de jugement.
Par jugement du 14 avril 2014, auquel il conviendra de se reporter pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, le conseil de prud'hommes de Pau (section activités diverses) a ainsi statué :
- dit que le licenciement de Mme [F] par la SAS [Établissement 1] est dépourvu de cause réelle et sérieuse et, en conséquence,
- condamne la SAS [Établissement 1] à verser à Mme [F] :
* 16 808,40 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- déboute la SAS [Établissement 1] de ses demandes et la condamne aux entiers dépens.
La société, représentée par son conseil, a interjeté appel du jugement le 13 mai 2014 par RPVA, enregistré sous le RG numéro 14/01849, régularisé par lettre recommandée avec avis de réception du 14 mai 2014 enregistré sous le RG numéro 14/01859.
La jonction de ces 2 procédures sera ordonnée sous le RG numéro 14/01849.
DEMANDES ET MOYENS DES PARTIES :
La société, par conclusions écrites, déposées le 3 juin 2016, reprises oralement à l'audience et auxquelles il convient de se référer, demande à la cour de :
Vu les dispositions des articles L. 1232-2 et suivants du code du travail,
- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Pau du 14 avril 2014,
- dire régulier et bien-fondé le licenciement de Mme [F],
- débouter Mme [F] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- condamner Mme [F] à payer la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Mme [F] aux entiers dépens.
La société fait valoir que l'établissement comprenant 4 ASH et une ASH3 par jour, l'absence de l'une d'elles ne peut être compensée que par le recours le jour même à un remplaçant, la charge de travail étant trop importante pour que les tâches de la salariée absente soient réparties ; en outre, chaque ASH ayant la gestion de patients dans son aide au quotidien, il est important pour certains d'entre-eux, atteints de la maladie d'Alzheimer, d'être gérés par la même personne ; la relation personnel-soignant-patient est très importante, chaque ASH connaît parfaitement le mode de fonctionnement et de vie d'un patient ; les absences de Mme [F] ont entraîné des retards, des problèmes de gestion de résidents, des départs et des erreurs dans le traitement des dossiers patients.
À la suite de l'avis médical du 15 mars 2011 du médecin du travail qui prescrivait pour Mme [F] un poste avec aménagement, sans travail de nuit, ni manutention lourde autant que possible, lors de ses courtes périodes de reprise du travail son poste a été aménagé, et pour la suppléer lors du travail de nuit et assurer la manutention lourde, il a fallu recruter une salariée (Madame [C]) par contrat à durée déterminée, le remplacement définitif étant intervenu rapidement après le licenciement de Mme [F].
La société soutient avoir systématiquement adapté le poste de travail de la salariée et respecté le suivi des préconisations médicales.
Mme [F], par conclusions écrites, déposées le 29 mars 2016, reprises oralement à l'audience et auxquelles il convient de se référer, demande à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé comme dénué de toute cause réelle et sérieuse son licenciement,
- réformer le jugement pour le surplus,
- condamner la société à lui verser :
* 33 616,80 euros à titre de dommages-intérêts en raison du licenciement abusif,
* 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société aux entiers dépens.
Mme [F] fait valoir que, contrairement à l'argumentation de l'employeur qui semble lui conférer des fonctions paramédicales, elle effectuait pour l'essentiel des tâches ménagères et d'entretien comme le démontre sa fiche de poste ; on ne peut sérieusement prétendre que certains patients atteints de la maladie d'Alzheimer seraient perturbés par le changement d'agent de service ; l'employeur ne justifie d'aucune désorganisation de l'entreprise et s'il avait réellement constaté un dysfonctionnement dans ses services il n'aurait pas attendu près de 4 années pour s'en plaindre ; les pièces produites par l'employeur attestent du recours habituel à des contrats de travail précaire, au-delà de son simple remplacement.
Mme [F] soutient que l'employeur ne justifie pas d'un remplacement définitif et fait valoir que Madame [C] a été embauchée par CDD le 4 avril 2011, soit près d'un an et demi avant son licenciement, et a travaillé dans l'entreprise de manière continue, de sorte que son remplacement était possible et organisé de longue date. Elle ajoute que Madame [C] ne l'a pas remplacée puisqu'elle a travaillé en même temps qu'elle pour des travaux complémentaires, et que du fait de son inaptitude au travail de nuit il n'était pas question de la nécessité de la remplacer, mais plutôt de pourvoir un poste dans l'entreprise.
Elle soutient que l'employeur a prononcé hâtivement le licenciement au cours de son arrêt maladie qui venait à expiration le 21 février 2013 et alors qu'il ne pouvait la licencier du fait de ses absences prolongées ou répétées car son inaptitude physique lui est imputable. Elle fait valoir que : elle est reconnue travailleur handicapé et à de multiples reprises la médecine du travail a attiré l'attention de l'employeur sur la nécessité d'aménager son poste de travail ; l'employeur s'est affranchi des différentes préconisations du médecin du travail, précipitant la dégradation de son état de santé, son poste de travail n'ayant jamais été adapté.
Enfin, elle rappelle qu'elle justifie d'une ancienneté de près de 26 ans au sein de la société, qu'elle bénéficie du statut de travailleur handicapé, qu'elle n'a pas retrouvé d'emploi et que son licenciement apparaît doublement préjudiciable d'une part, en raison de son caractère discriminatoire et d'autre part, dans la mesure où la dégradation de son état de santé est en partie imputable à l'employeur.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
L'appel, interjeté dans les formes et délais prescrits par la loi, sera déclaré recevable en la forme.
Sur le licenciement :
Si le licenciement d'un salarié en raison de son état de santé ou de son handicap est prohibé par l'article L. 1132-1 du code du travail, il peut être justifié par la situation objective de l'entreprise dont le fonctionnement est perturbé par l'absence prolongée ou les absences répétées du salarié. Dès lors, la lettre de licenciement doit énoncer expressément la perturbation apportée par l'absence du salarié dans le fonctionnement de l'entreprise et la nécessité de le remplacer définitivement, remplacement qui doit intervenir dans un délai raisonnable après le licenciement.
Si l'absence prolongée, ou les absences répétées du salarié, sont la conséquence d'un comportement imputable à l'employeur, celui-ci ne peut se prévaloir de la perturbation que cette absence a pu causer au fonctionnement de l'entreprise pour procéder au licenciement.
En l'espèce, la lettre de licenciement du 12 novembre 2012 est ainsi rédigée :
« Les motifs de ce licenciement sont les suivants :
Vos absences longues et répétées depuis 2009 entraînent un dysfonctionnement au sein de la société et perturbent fortement son fonctionnement.
En effet, depuis 2009, votre période d'absence continue ou répétée s'analyse comme suit :
En 2009 : 60 jours d'absence.
En 2010 : 128 jours d'absence.
En 2011 : 120 jours d'absence.
En 2012 : 234 jours d'absence au 12 novembre 2012, dont 211 jours en continue.
Ces absences longues et répétées perturbent fortement le fonctionnement non seulement de notre service mais également de la résidence, puisque nous ne pouvons assurer une continuité qualitative d'accompagnement des personnes âgées accueillies en sous-effectif de personnel.
Cela désorganise le service effectué par vos autres collègues de travail qui, en raison de la durée de vos absences, notamment 234 jours en 2012, ne peuvent plus suppléer votre absence.
Un remplacement définitif à votre poste de travail devient indispensable.
Nous considérons que ces faits constituent une cause réelle et sérieuse de licenciement.
Nous avons décidé de vous dispenser d'exécution de votre préavis d'un mois qui vous sera toutefois payé ».
Mme [F] soutient que ses absences prolongées ou répétées, ainsi que son inaptitude physique, sont imputables à l'employeur qui, en n'adaptant pas son poste de travail, n'a pas respecté les préconisations du médecin du travail, précipitant ainsi la dégradation de son état de santé.
Au contraire, la société soutient avoir systématiquement adapté le poste de travail de la salariée et respecté les préconisations médicales et avoir aménagé le poste de la salariée après l'avis médical du 15 mars 2011 qui prescrivait un poste avec aménagement, sans travail de nuit, ni manutention lourde, et que c'est dans ces conditions qu'une autre salariée, Madame [C], a été recrutée.
Il ressort des pièces versées aux débats que :
Mme [F] a été reconnue travailleur handicapé, catégorie B, par décision du 21 septembre 2004.
Le 25 octobre 2006, dans le cadre d'une visite de pré-reprise, le médecin du travail à établi la fiche médicale d'aptitude suivante : « Envisager poste aménagé en évitant le port de charges au maximum. Mission Réagir contactée, se mettra en rapport avec la direction pour envisager solution ou aides pour l'aménagement du poste ».
Le 5 mars 2007, à l'issue d'une visite médicale de reprise, le médecin du travail a conclu : « apte à la reprise du travail en mi-temps thérapeutique avec éviction de port de charges au-dessus de 15 kg ».
Fiche médicale d'aptitude du 6 novembre 2007 : « apte à la reprise du travail en mi-temps thérapeutique ».
Fiche médicale du 10 décembre 2007 : « apte à la reprise de son poste de travail avec sollicitation moindre du rachis lombaire : manutentions lourdes. Demande d'une période de mi-temps thérapeutique pour un mois ».
Fiche médicale du 8 août 2007 : « apte au poste avec éviction de manutentions lourdes $gt; 20 kg ».
Fiche médicale du 19 mars 2008 : « apte à la reprise au poste d'agent de service ».
Le 19 août 2008, à l'issue d'une visite médicale de reprise, le médecin du travail a déclaré Mme [F] « apte avec réserve : pas de manutention de charges lourdes portée, tirée ou poussée (excédant 15 kg). Risque élevé de maladie prof. Tableau 98 ».
Le 9 février 2009, à l'occasion d'une visite médicale périodique le médecin du travail l'a déclarée « apte ».
Par courrier du 29 juin 2010 (pièces 15 de la société et 6 de la salariée), adressé au directeur de l'entreprise, Mme [F] a demandé à « intégrer un poste d'agent de service de nuit ».
Le 20 juillet 2010, à l'issue d'une visite médicale de reprise elle a été déclarée : « apte au poste d'agent de service en travail de nuit de manière temporaire pour raisons de santé. À revoir dans 3 mois ».
Le 24 décembre 2010 il a été délivré à Mme [F] un certificat médical, par le Docteur [C] [D] (pièce 5 de la salariée-dossier médical), qui mentionne que son « état de santé (') contre-indique toute activité professionnelle de nuit ».
Fiche médicale d'aptitude du 2 mars 2011 : « Apte avec aménagement. Pas de travail de nuit, définitivement ».
Le 14 mars 2011, le médecin du travail a conclu : « Après avis d'un spécialiste le travail de nuit n'est pas recommandé pour l'intéressée. Travail de jour à envisager en poste aménagé. Pas de manutentions lourdes, autant que possible ».
Par courrier du 15 mars 2011, l'employeur a interrogé le médecin du travail sur le sens de son avis d'aptitude, en ces termes :
« ... vous comprendrez spontanément que vos indications ne nous mettent absolument pas en situation d'apprécier dans des conditions certaines autant que pertinentes la nature et l'intensité des obligations qui sont consécutivement mises à notre charge.
Nous vous remercions par suite de bien vouloir nous éclairer s'agissant particulièrement des points suivants :
- le travail de nuit est il interdit à l'intéressée ou n'est-il simplement pas « recommandé » '
S'il est interdit, Mme [F] qui occupe (convient-il de le rappeler ') un emploi d'ASH de nuit est alors INAPTE à son emploi, vos avis devant dès lors être formulés sous le couvert et en application de l'article R. 4624-35 du code du travail qui stipule : « Sauf dans le cas ou le maintien du salarié à son poste de travail entraîne un danger immédiat pour sa santé ou sa sécurité ou celle des tiers, le médecin du travail ne peut constater l'inaptitude médicale du salarié à son poste de travail qu'après avoir réalisé : 1° une étude de ce poste ; 2° une étude des conditions de travail dans l'entreprise ; 3° deux examens médicaux de l'intéressé espacés de 2 semaines, accompagnés, le cas échéant, des examens complémentaires. ». Il conviendra alors, dans cette hypothèse, de convenir de nouvelles visites de reprise.
- Nous comprenons bien que si le travail de nuit est interdit à l'intéressée (celle-ci étant inapte à son emploi qui est un emploi d'ASH de nuit), l'invitation à « envisager un travail de jour en poste aménagé » prend rang de préconisation de solution de reclassement.
Qu'en est-il à l'inverse si le travail de nuit est simplement « non recommandé » ' Sommes-nous selon vous en situation d'attendre la première opportunité se présentant de vacance d'un poste d'ASH de jour pour y affecter Mme [F] '
- Qu'entendez-vous par « pas de manutention lourde autant que possible » ' autrement exprimé, à partir de quand (de quel poids) une charge est-elle « lourde » ' »
Le médecin du travail a répondu le 18 mars 2011 en complétant son avis du 14 mars par l'avis suivant : « Inapte au poste en travail de nuit. Apte à un poste de travail de jour, avec éviction de port de charges au-dessus de 25 kg ».
Le 31 mars 2011, l'employeur a adressé à la salariée le courrier suivant : « Par la présente, nous vous confirmons les modifications de vos jours et horaires d'intervention au sein de notre établissement, et ce afin de répondre aux directives médicales transmises par le médecin du travail de l'AHIRP au travers de la fiche médicale d'aptitude du 18 mars 2011. Les plannings de travail sont communiqués par voie d'affichage depuis le jeudi 31 mars 2011. Il n'est apporté aucune autre modification à nos conditions contractuelles de collaboration. Le poste de jour qui vous est confié permet l'éviction de port de charges au-dessus de 25 kg. Nous vous demandons d'être extrêmement vigilante à respecter cette consigne médicale. La direction reste à votre écoute pour tout problème rencontré ».
Enfin, le 9 août 2011, le médecin du travail l'a déclarée « Apte en évitant le port de charges lourdes ».
À la suite de la convocation du 19 octobre 2012 à un entretien préalable, la salariée a adressé au directeur de l'entreprise un courrier daté du 26 octobre 2012 indiquant notamment : « Compte tenu de mon état de santé, je vous informe que je ne serai pas en mesure de me rendre à cet entretien. Je précise que la dégradation de mon état de santé résulte du non-respect des réserves émises par la médecine du travail concernant la manutention. Je vous rappelle que je suis travailleuse handicapée depuis 2009 et je suis au regret de constater que vous n'avez pris aucune mesure pour adapter mon poste à mon handicap. Rien ne m'a été épargné : journée de 12 heures, travail de nuit, manutention. Je souhaite qu'à l'issue de mon arrêt maladie une étude de poste soit faite par la médecine du travail pour me permettre de reprendre mon emploi que j'occupe depuis 26 ans, et auquel je tiens ».
Il résulte de ces éléments que :
- la salariée impute à l'employeur la dégradation de son état de santé du fait du non-respect des réserves émises par le médecin du travail, et à l'absence d'adaptation du poste à son handicap, depuis le renouvellement de sa reconnaissance de travailleur handicapé en 2009 ;
- le 9 février 2009, la salariée a été déclarée apte, sans réserve ni restrictions ;
- en juin 2010, elle a demandé à pouvoir intégrer un poste d'agent de service de nuit. Il ressort de la liste d'émargement produite par l'employeur (pièce 15), que sur 15 salariées Mme [F] a été la seule à être volontaire pour un poste ASH de nuit ;
- en juillet 2010, elle a été déclarée apte au travail de nuit, puis finalement déclarée inapte au travail de nuit en mars 2011, mais apte à un poste de travail de jour avec éviction de port de charges au-dessus de 25 kg, alors que de 2007 à 2008 ce sont des ports de charges de 15 kg qui lui étaient interdits, ce qui est de nature à démontrer que son état de santé a connu au moins une légère amélioration puisque l'interdiction de port de charges est passée de 15 à 25 kg ;
- l'employeur a interrogé le médecin du travail de manière précise sur le sens et la portée de l'aptitude de la salariée et des restrictions à respecter, puis, après avoir obtenu une réponse à ses interrogations, a, le 31 mars 2011, tiré les conséquences de celle-ci en aménageant le poste de la salariée pour limiter son intervention à un poste de jour avec éviction de port de charges au-dessus de 25 kg.
La salariée, qui soutient que l'employeur n'a pas respecté les prescriptions du médecin et n'a pas aménagé son poste de travail, ne produit aucun élément de nature à étayer son allégation et à contredire et combattre la réalité de l'aménagement de son poste, établie par le courrier de l'employeur du 31 mars 2011.
En outre, les prescriptions du médecin du travail et les restrictions formulées portent essentiellement sur le port de charges lourdes, alors que tous les arrêts de travail produits par la salariée, pour la période comprise entre le 5 mai 2012 et le 13 janvier 2013, font état, comme motif médical, d'un « syndrome dépressif avec repli sur soi nécessitant des sorties libres », sans référence à un problème physique ou physiologique en lien avec le port de charges lourdes, et sans qu'aucun autre élément ne soit produit en ce sens, de sorte que son allégation selon laquelle ce serait le non-respect par l'employeur des prescriptions du médecin du travail quant à l'aménagement de son poste qui aurait précipité la dégradation de son état de santé, n'est ni étayée, ni a fortiori démontrée.
Ainsi, en l'absence de preuve de ce que l'absence prolongée, ou les absences répétées du salarié, sont la conséquence d'un comportement ou manquement imputable à l'employeur, il convient d'examiner le bien-fondé du licenciement, et donc les éléments de preuve produits par l'employeur établissant d'une part, la réalité de la perturbation du fonctionnement de l'entreprise du fait des absences de la salariée pour maladie, et d'autre part, de son remplacement définitif dans un délai raisonnable suivant le licenciement.
La société soutient que pour pallier les perturbations du fonctionnement de l'entreprise elle a dû recruter une autre salariée (Madame [C]) pour la remplacer.
La société justifie avoir engagé Madame [X] [C], à compter du 4 avril 2011 par contrat de travail à durée déterminée « pour assurer le remplacement de Madame [K] [F] absente pour inaptitude à tout travail de nuit prononcée par la médecine du travail, jusqu'à prise de poste d'ASH de nuit par une salariée titulaire (en cours de négociation) » (pièce 16).
Mais, Mme [F] a été déclarée inapte au poste de travail de nuit le 18 mars 2011 et le 31 mars l'employeur lui a notifié que, conformément à cet avis d'inaptitude, un poste de jour lui était confié.
Madame [C] a donc été recrutée pour occuper un poste de nuit, et non pas pour remplacer Mme [F] pendant ses absences pour maladie.
En effet, Mme [F] a été licenciée, non pas pour inaptitude, mais pour absences répétées ou prolongées perturbant le fonctionnement de l'entreprise. Le recrutement de Madame [C] n'est donc intervenu qu'à compter du changement de poste de Mme [F], et non pas pour la remplacer pendant ses absences, ce qui est également établi par le fait que ce recrutement intervient le 4 avril 2011, alors qu'antérieurement Mme [F] avait déjà fait l'objet de plusieurs absences (60 jours en 2009 et 128 en 2010) sans qu'aucun élément ne soit produit justifiant que pendant lesdites absences elle a dû être remplacée ni, si cela était le cas, dans quelles conditions.
Et la société ne produit aucun autre élément de nature à démontrer que les absences de la salariée avaient pour conséquence de perturber le fonctionnement du service nécessitant que pour y faire face elle soit remplacée par une autre salariée pendant ses absences, alors que la société soutient que ce remplacement a été total pendant ces absences pour maladie.
La société soutient également que la remplaçante de Mme [F] a été embauchée, de façon définitive et totale, quelques jours après la notification du licenciement, évitant un dysfonctionnement du service de nuit.
Mais, si la société justifie avoir engagé Madame [X] [C], à compter du 4 avril 2011 par contrat de travail à durée déterminée, et si elle justifie de l'effectivité de ce remplacement par les bulletins de salaire pour la période d'avril 2011 au 31 octobre 2012 (pièces 17), outre que cet engagement ne démontre pas qu'il avait pour but de pallier les absences de Mme [F] à son poste de jour ainsi qu'il a été dit précédemment, en revanche elle ne produit aucun élément de nature à démontrer la réalité de l'engagement de cette salariée, ou d'une autre, à titre définitif pour remplacer Mme [F] licenciée le 12 novembre 2012.
En effet, l'engagement de Madame [X] [C], par contrat à durée déterminée à compter du 4 avril 2011, ne constitue pas la preuve du remplacement définitif de Mme [F] d'une part, en raison de l'objet même de ce contrat qui est d'assurer le remplacement de la salariée pendant son absence pour inaptitude, et non pas pour la remplacer du fait de son licenciement, lequel précisément n'était pas encore intervenu à cette date, et d'autre part, en raison de la nature même de ce contrat, qui, étant à durée déterminée, n'implique donc pas un remplacement définitif lequel ne peut être qu'à durée indéterminée, et alors qu'aucun élément produit ne démontre que ce contrat s'est poursuivi au-delà du 31 octobre 2012, que ce soit par la production d'un contrat à durée indéterminée régularisé, d'un avenant, ou, à défaut de formalisation d'un contrat, du paiement de salaires justifiant la poursuite des relations contractuelles.
(Par exemple liste des pièces produites en appel par l'employeur selon son bordereau de pièces :
Pièces communiquées en première instance : 1 . Lettre de Résidence EHPAD [Établissement 1] à Madame [K] [F] du 12 novembre 2012 - 2 . Lettre de Résidence EHPAD [Établissement 1] à Madame [K] [F] du 19 octobre 2012 - 3. Contrat de travail à durée indéterminée du 1er janvier 1992 - 4 . Lettre de Résidence EHPAD [Établissement 1] à Madame [K] [F] du 22 octobre 2009 - 5 . Lettre de Résidence EHPAD [Établissement 1] à Docteur [L] - AHRIP du 15 mars 2011 - 6 . Lettre de Résidence EHPAD [Établissement 1] à Madame [K] [F] du 21 novembre 2012 - 7 . Attestation du 21 novembre 2012 - 8 . Solde de tout compte du 21 novembre 2012 - 9 . Fiches médicales d'aptitude du 19 août 2008 + 9 février 2009 + 20 juillet 2010 + 14 mars 2011 + 18 mars 2011 + 9 août 2011 - 10 . Lettre de Résidence EHPAD [Établissement 1] à Madame [K] [F] du 31 mars 2011 - 11 . Lettre des Délégués du Personnel de la Résidence [Établissement 1] à Monsieur du 8 novembre 2012 - 12 . Lettre de Madame [F] [M] du 20 novembre 2012 - 13 . Lettre des Délégués du Personnel du 20 novembre 2012 - 14 . Notification de décisions de la Commission des Droits et de l'autonomie des personnes handicapées du 29 juin 2009 - 15 . Lettre de Madame [K] [F] à la SAS [Établissement 1] du 29 juin 2010 - Pièces communiquées ce jour : - 16 . Contrat de travail de Mme [C], salariée remplaçant de façon définitive Mme. [F] - 17. Bulletins de paie de Mme [C] d'avril 2011 à octobre 2012.).
La société ne démontre donc ni que les absences de Mme [F] pendant ses arrêts de travail pour maladie ont eu pour conséquence de perturber le fonctionnement de l'entreprise, ni qu'après son licenciement elle a été remplacée de façon définitive.
Par conséquent, il y a lieu de dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, mais en revanche sera infirmé sur le montant des dommages-intérêts à ce titre, pour tenir compte de l'ancienneté de la salariée au moment de son licenciement (26 ans), de son âge (48 ans), du montant de son salaire mensuel moyen (1 450 euros) et de ce qu'elle justifie qu'au mois de février 2016 elle était encore bénéficiaire du revenu de solidaire active d'un montant de 461,26 euros, de sorte qu'il convient de porter à la somme de 28 000 euros le montant des dommages-intérêts ce titre.
En outre, du fait que la salariée comptait une ancienneté de 26 ans dans l'entreprise qui employait habituellement plus de 11 salariés, en l'espèce 48 selon l'attestation destinée à pôle emploi, la société sera condamnée à rembourser aux organismes concernés (pôle emploi) les indemnités de chômage versées à Mme [F] du jour de son licenciement au jour de la décision du conseil de prud'hommes, dans la limite de 6 mois d'indemnités, en application des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail.
Sur les articles 696 et 700 du code de procédure civile :
La société, partie perdante, sera condamnée aux entiers dépens et à payer à Mme [F] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, par mise à disposition au greffe,
REÇOIT l'appel formé le 14 mai 2014 par la SAS [Établissement 1] à l'encontre du jugement rendu le 14 avril 2014 par le conseil de prud'hommes de Pau (section activités diverses), et l'appel incident formé par Mme [F],
ORDONNE la jonction des procédures numéro RG 14/01849 et 14/01859 sous le numéro 14/01849,
CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions, excepté sur le montant des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
STATUANT à nouveau et y ajoutant,
CONDAMNE la SAS [Établissement 1] à payer à Mme [F] la somme de 28 000 euros (vingt-huit mille euros), à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
CONDAMNE la SAS [Établissement 1] à rembourser aux organismes concernés (pôle emploi) les indemnités de chômage versées à Mme [F] du jour de son licenciement au jour de la décision du conseil de prud'hommes, dans la limite de 6 mois d'indemnités, en application des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail,
CONDAMNE la SAS [Établissement 1] à payer à Mme [F] la somme de 1 000 euros (mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la SAS [Établissement 1] aux entiers dépens.
Arrêt signé par Madame THEATE, Présidente, et par Madame HAUGUEL, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE,LA PRÉSIDENTE,