MF/CD
Numéro 16/03663
COUR D'APPEL DE PAU
Chambre sociale
ARRÊT DU 29/09/2016
Dossier : 14/01830
Nature affaire :
Demande d'annulation d'une sanction disciplinaire
Affaire :
[G] [O]
C/
SAS MARSOL
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 29 Septembre 2016, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 15 Juin 2016, devant :
Madame THEATE, Président
Monsieur GAUTHIER, Conseiller
Madame FILIATREAU, Vice-Président placé, délégué en qualité de Conseiller par ordonnance du 9 mai 2016
assistés de Madame DEBON, faisant fonction de greffière.
Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANT :
Monsieur [G] [O]
[Adresse 1]
[Adresse 2]
Représenté par Maître DUBOURDIEU, avocat au barreau de PAU
INTIMÉE :
SAS MARSOL
[Adresse 3]
[Adresse 4]
[Adresse 5]
Représentée par Maître VIALA de la SELAFA FIDAL, avocat au barreau de PAU
sur appel de la décision
en date du 29 AVRIL 2014
rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE PAU
RG numéro : F 13/00368
FAITS ET PROCÉDURE
Suivant contrat à durée indéterminée du 24 juin 2002, la SAS MARSOL a embauché Monsieur [G] [O] en qualité de conducteur d'engins, qualification ouvrier professionnel.
Le 2 avril 2013, la SAS MARSOL a notifié à Monsieur [G] [O] un avertissement.
Par requête du 23 avril 2013, Monsieur [G] [O] a saisi le conseil de prud'hommes de Pau en sa formation de référé afin de solliciter sa condamnation sous astreinte à établir la fiche de prévention aux expositions d'agents CMR et d'agents chimiques.
Par ordonnance du 14 juin 2013, la formation de référé du conseil de prud'hommes a rejeté la demande en raison des contestations sérieuses au fond soulevées par l'employeur.
Monsieur [G] [O] a saisi le conseil de prud'hommes de Pau par conclusions introductives d'instance reçues le 1er août 2013 sollicitant l'annulation de l'avertissement et la remise de la fiche d'exposition outre des dommages et intérêts.
Les parties ont été convoquées pour l'audience de conciliation du 24 septembre 2013, date à laquelle l'affaire a été renvoyée en bureau de jugement, à défaut de conciliation.
En l'état de ses dernières conclusions, Monsieur [G] [O] a sollicité du conseil de prud'hommes de':
- annuler l'avertissement disciplinaire prononcé le 2 avril 2013 en ce qu'il est abusif comme n'étant fondé sur aucune cause réelle et sérieuse,
- condamner en conséquence la SAS MARSOL au paiement d'une somme de 3.000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral subi de ce fait,
- dire et juger qu'il y a lieu pour la SAS MARSOL d'établir à son bénéfice une fiche de prévention aux expositions concernant le chantier du 17 novembre 2011 au 29 février 2012 sur le fondement des articles L. 4121-3-1 et suivants et D. 4121-6 et suivants du code du travail outre la notice de poste sur le fondement de l'article R. 4412-39 du code du travail';
En conséquence':
- condamner la SAS MARSOL à l'établissement de ladite fiche de prévention aux expositions et de la notice de poste,
- ordonner l'intégration de la fiche à son dossier médical et lui en justifier,
- assortir la condamnation à ce titre d'une astreinte de 150 € par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir, le conseil se réservant le droit de la liquider,
- dire et juger que la SAS MARSOL a gravement manqué à ses obligations légales et contractuelles notamment à son obligation de sécurité s'agissant de la protection de la santé des travailleurs et à son obligation de loyauté et de bonne foi ;
En conséquence':
- prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de la SAS MARSOL,
- fixer la date de résiliation judiciaire à la date du jugement à intervenir,
- condamner la SAS MARSOL à lui verser les sommes suivantes':
4.112,40 € bruts à titre d'indemnité conventionnelle de préavis outre la somme de 411,24 € bruts à titre de congés payés y afférents,
2.467,44 € bruts à titre d'indemnité de congés payés,
4.797,80 € à titre d'indemnité légale de licenciement, somme arrêtée au 31 décembre 2013 à parfaire
74.000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi sur le fondement de l'article L. 1235-3 du code du travail,
- condamner la SAS MARSOL au paiement d'une somme de 15.000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral subi de ce fait sur le fondement des articles L. 4121-1 et suivants du code du travail,
- dire que les sommes allouées par le jugement à intervenir porteront intérêts au taux légal à compter de la citation en justice (date de la réception par la défenderesse de sa convocation devant le bureau de conciliation) pour les créances de nature salariale et à compter de la réception de la notification de la décision à intervenir pour les créances en dommages-intérêts,
- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir,
- condamner la SAS MARSOL au paiement d'une somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de l'instance en ceux compris d'exécution et de timbres fiscaux.
Par jugement en date du 29 avril 2014, le conseil de prud'hommes de Pau, section industrie, a':
- débouté Monsieur [G] [O] de l'intégralité de ses demandes dont notamment sa demande tendant à la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur,
- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Monsieur [G] [O] aux dépens.
Le jugement a été notifié aux parties par lettre recommandée avec accusé de réception, reçue le 7 mai 2014 par Monsieur [G] [O].
Par déclaration du 13 mai 2014, le conseil de Monsieur [G] [O] a formé appel de ce jugement.
Dans la cadre de la visite de reprise, le médecin du travail a délivré le 16 décembre 2014 un avis d'inaptitude ainsi rédigé « inapte à tous postes - inaptitude à tous postes de travail au sein de l'entreprise et de l'ensemble des établissements du groupe, procédure en une seule visite - danger immédiat'».
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 16 mars 2015, la SAS MARSOL a informé Monsieur [G] [O] de ses tentatives de reclassement qui se sont révélées infructueuses.
Par lettre recommandée avec accusé de réception, la SAS MARSOL a convoqué Monsieur [G] [O] à un entretien préalable à une mesure de licenciement, pour le 27 mars 2015.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 3 avril 2015, la SAS MARSOL a licencié Monsieur [G] [O] pour inaptitude définitive au poste de travail constatée par le médecin du travail et impossibilité de procéder au reclassement.
Les parties ont été convoquées devant la chambre sociale de la présente Cour pour l'audience du 15 juin 2016.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Lors de l'audience, Monsieur [G] [O] a repris oralement ses conclusions déposées le 15 juin 2016 dans lesquelles il sollicite de voir':
- annuler l'avertissement disciplinaire prononcé le 2 avril 2013 en ce qu'il est abusif comme n'étant fondé sur aucune cause réelle et sérieuse,
- condamner en conséquence la SAS MARSOL au paiement d'une somme de 3.000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral subi de ce fait,
- dire et juger qu'il y a lieu pour la SAS MARSOL d'établir à son bénéfice une fiche de prévention aux expositions concernant le chantier du 17 novembre 2011 au 29 février 2012 sur le fondement des articles L. 4121-3-1 et suivants et D. 4121-6 et suivants du code du travail outre la notice de poste sur le fondement de l'article R. 4412-39 du code du travail';
En conséquence':
- condamner la SAS MARSOL à l'établissement de ladite fiche de prévention aux expositions et de la notice de poste,
- ordonner l'intégration de la fiche à son dossier médical et lui en justifier,
- assortir la condamnation à ces titres d'une astreinte de 150 € par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir, la cour se réservant le droit de la liquider,
- dire et juger que la SAS MARSOL a gravement manqué à ses obligations légales et contractuelles notamment à son obligation de sécurité s'agissant de la protection de la santé des travailleurs et à son obligation de loyauté et de bonne foi ;
En conséquence':
- condamner la SAS MARSOL au paiement d'une somme de 15.000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral subi de ce fait sur le fondement des articles L. 4121-1 et suivants du code du travail,
- prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de la SAS MARSOL,
- fixer la date de résiliation judiciaire à la date du licenciement depuis lors prononcé par la SAS MARSOL au 3 avril 2015,
- à titre infiniment subsidiaire sur la rupture, dire et juger le licenciement notifié par la SAS MARSOL en date du 3 avril 2015 dépourvu de toute cause réelle et sérieuse et en ce abusif au regard des manquements de l'employeur à l'origine de la maladie et de l'inaptitude et de l'absence de recherche préalable de reclassement,
- dire et juger que la maladie ayant entraîné la suspension du contrat de travail jusqu'au prononcé de l'inaptitude ainsi que la fin des relations contractuelles trouve son origine dans l'exercice de l'emploi tel que mis en 'uvre par la SAS MARSOL,
- condamner la SAS MARSOL à lui verser les sommes suivantes':
4.112,40 € bruts à titre d'indemnité conventionnelle de préavis,
2.467,44 € bruts à titre d'indemnité de congés payés,
5.665,97 € nets à titre de rappel d'indemnité spéciale de licenciement, sur le fondement de l'article L. 1226-4 du code du travail,
74.000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi sur le fondement de l'article L. 1235-3 du code du travail,
- dire que les sommes allouées par le jugement à intervenir porteront intérêts au taux légal à compter de la citation en justice (date de la réception par la défenderesse de sa convocation devant le bureau de conciliation) pour les créances de nature salariale et à compter de la réception de la notification de la décision à intervenir pour les créances en dommages-intérêts,
- condamner la SAS MARSOL au paiement d'une somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de l'instance en ceux compris d'exécution et de timbres fiscaux.
A l'appui de ses prétentions, Monsieur [G] [O] fait valoir':
1/ Sur l'annulation de l'avertissement :
Monsieur [G] [O] rappelle que l'avertissement est intervenu après qu'il a exprimé des interrogations sur les conditions de sécurité du chantier ayant eu lieu de novembre 2011 à février 2012 et sollicité la communication du plan de prévention du chantier en cause. Dans ce cadre, le médecin du travail a établi un premier avis le 8 mars 2013 portant des restrictions médicales prévoyant une exclusion temporaire de deux mois des chantiers sur le site Total de [Adresse 6]. L'avertissement a été prononcé par l'employeur alors même qu'il n'avait jamais fait l'objet d'un quelconque reproche précédemment et qu'il avait bénéficié d'augmentations individuelles de salaire. Monsieur [G] [O] rappelle que la charge de la preuve incombe exclusivement à l'employeur à qui il appartient non seulement, de rapporter la preuve de la matérialité de la faute, mais également, de fournir au juge les éléments permettant de constater la réalité et le sérieux du motif invoqué. Il rappelle encore qu'en cas de doute celui-ci profite au salarié. Or, Monsieur [G] [O] précise avoir, outre effectué des observations ou demandes sur ces conditions de travail, immédiatement contesté la matérialité des faits qui lui étaient reprochés, son comportement irrespectueux et les insubordinations et ajoute que l'employeur lors de l'entretien préalable aurait tenté de l'intimider en le menaçant sur la pérennité de son emploi si les restrictions médicales perduraient. Sur la forme, Monsieur [G] [O] rappelle qu'il a été convoqué à un entretien préalable mais que l'employeur lui a refusé la possibilité d'être assisté en violation de l'article L. 1332-2 du code du travail et ce nonobstant la sanction finalement reprochée.
Monsieur [G] [O] estime que compte tenu du contexte et au regard du témoignage qu'il produit aux débats, il démontre l'abus de droit dont fait preuve la SAS MARSOL dans l'exercice de son pouvoir disciplinaire. Monsieur [G] [O] sollicite l'indemnisation de son préjudice en rappelant qu'il avait 10 ans d'ancienneté dans l'entreprise sans aucun incident disciplinaire.
2/ Sur l'établissement d'une fiche portant exposition aux risques chimiques :
Monsieur [G] [O] rappelle que depuis février 2013, il sollicite de son employeur d'être informé des risques pour l'avenir mais également l'application des dispositions légales et réglementaires permettant d'assurer la traçabilité d'un risque professionnel auquel il a pu être soumis susceptible de générer dans l'avenir une altération de son état de santé. Il a donc sollicité dans ce cadre la remise par la SAS MARSOL d'une fiche d'exposition aux agents CMR et agents chimiques notamment pour le chantier du 17 novembre 2011 au 29 février 2012, après avoir reçu des services de santé du travail le plan de prévention pour le chantier concerné.
Monsieur [G] [O] rappelle à ce titre que contrairement à ce qu'a jugé le conseil de prud'hommes, il n'y aurait pas de vide juridique puisque l'obligation d'établir les fiches individuelles d'exposition n'a été abrogée que par le décret du 30 décembre 2015 relatif aux comptes personnels de prévention de la pénibilité. Monsieur [G] [O] fait état de l'évolution législative et réglementaire et en conclut que pour les expositions antérieures au 1er février 2012, l'attestation d'exposition doit toujours être remise aux salariés notamment dans l'hypothèse de leur départ de l'entreprise et qu'à compter du 1er février 2012 la fiche d'exposition pour les travailleurs exposés aux agents CMR et agents chimiques dangereux est remplacée par la fiche de prévention des expositions à la pénibilité. Monsieur [G] [O] estime en conséquence que le SAS MARSOL était bien débitrice de cette obligation qu'elle n'a pas respecté en refusant d'établir ladite fiche alors même que l'exposition était avérée notamment par le plan de prévention mais également par les constatations médicales et les constatations de la DIRECCTE. A ce titre, Monsieur [G] [O] soutient que le plan de prévention listait bien des agents chimiques dangereux tels que listés par l'article R. 4111-6 du code du travail. Il ajoute qu'il n'a pas à démontrer le facteur potentiellement dangereux du risque dès lors que le produit est classé comme dangereux ce qui sous-entend nécessairement qu'il peut avoir un impact sur la santé. Il ajoute que les éléments de protection étaient requis par le plan de prévention et ce quelle que soit la catégorie de classement du produit. Il prétend encore ne pas avoir travaillé qu'en périphérie du chantier puisqu'il a réalisé des tranchées donc des travaux d'excavation et de fouille des terres.
Monsieur [G] [O] soutient encore que l'exposition aux agents CMR et aux agents chimiques dangereux est démontrée par':
- les investigations médicales tant du médecin du travail que du spécialiste consulté au [Établissement 1],
- les constatations de la DIRECCTE qui a relevé que le médecin du travail qui a dû réclamer le plan de prévention pour le chantier litigieux, a préconisé la consignation de l'exposition des salariés à des hydrocarbures dans leur dossier médical et la réalisation d'une fiche d'exposition. La DIRECCTE aurait encore souligné différents manquements de la SAS MARSOL et notamment l'insuffisance du document unique d'évaluation des risques, l'absence de mesurages de l'exposition aux agents CMR des personnels, l'absence d'établissement des notices de postes (').
Monsieur [G] [O] conclut par conséquent à l'infirmation du jugement sur ce point et à la condamnation de l'employeur à établir la fiche d'exposition ou fiche de prévention.
Par ailleurs, Monsieur [G] [O] sollicite l'établissement d'une notice de poste conformément à l'article R. 4412-39 permettant d'assurer aux salariés une information supplémentaire au plan de prévention sur l'existence du risque et sur les mesures de prévention prises avant que le salarié ne prenne son poste. Cette notice permettrait également d'assurer la traçabilité du risque par la suite. Monsieur [G] [O] rappelle à ce titre que le conseil de prud'hommes n'a pas statué sur sa demande et sollicite la condamnation sous astreinte de l'employeur à lui remettre cette notice.
3/ Sur la violation de l'obligation de sécurité emportant rupture aux torts de l'employeur :
Monsieur [G] [O] rappelle que l'employeur est débiteur d'une obligation de sécurité de résultat s'agissant de la santé et de la sécurité des salariés et rappelle que les articles L. 4121-1 et suivants du code du travail prévoient les différentes mesures permettant la prévention des risques professionnels. Il fait également état de l'accord national interprofessionnel du 2 juillet 2008 sur le stress au travail. Monsieur [G] [O] fait ensuite état de l'évolution de la jurisprudence de la chambre sociale en rappelant que l'absence de faute de l'employeur ne peut l'exonérer de sa responsabilité, l'employeur devant démontrer qu'il a respecté ses obligations en matière de santé et de sécurité au travail. Monsieur [G] [O] rappelle encore que l'employeur doit prendre en compte notamment les avis du médecin du travail.
Par ailleurs, Monsieur [G] [O] précise que les dispositions de la convention collective applicable prévoient en son article 9.1 que le chef d'établissement doit prendre toutes les mesures nécessaires pour sensibiliser l'ensemble des salariés aux risques professionnels, assurer la sécurité de leurs ouvriers et protéger leur santé conformément à la réglementation en vigueur. Il fait encore état des articles R. 4512-15, R. 4412-70 et R. 4412-12 du code du travail prévoyant notamment l'information et la protection des salariés en cas d'exposition notamment à des agents cancérogènes mutagènes ou toxiques.
Monsieur [G] [O] estime en l'espèce que l'employeur a manqué gravement à son obligation de sécurité et ce dès l'ouverture du chantier le 17 novembre 2011. Il rappelle ainsi que la SAS MARSOL n'a pas donné connaissance aux salariés du plan de prévention mais seulement des risques habituels à l'activité générale de la société alors même que le plan de prévention prévoyait des mesures de protection individuelle spécifiques du fait d'une exposition aux risques hydrocarbures et CMR. Monsieur [G] [O] estime que ce manquement est démontré par un témoignage qu'il produit outre les témoignages de salariés entendus par la DIRECCTE. Monsieur [G] [O] ajoute encore que le seul fait que sa signature figure sur la première page du plan n'est pas probant dès lors que toutes les pages du plan n'ont pas été paraphées par les salariés et que le plan n'a pas été laissé à leurs dispositions. Il estime qu'il s'agit non seulement d'une infraction formelle mais également d'un comportement délibéré de l'employeur visant à dissimuler les risques visés au plan et les moyens requis pour les prévenir.
Par la suite, Monsieur [G] [O] estime que pendant le cours du chantier l'employeur a encore manqué à son obligation de sécurité faute d'avoir remis aux salariés les équipements de protection individuelle mentionnés au plan de prévention. Ce manquement résulterait de nombreuses attestations de témoins très circonstanciées. Il ajoute que la seule facture d'achat d'équipements de protection individuelle est insuffisante à démontrer la remise à tous les salariés des équipements préconisés s'agissant simplement de 11 tenues alors que le plan prévoyait le port d'une tenue complète devant être jetée quotidiennement et ce pendant quatre mois. Il estime en conséquence que le manquement de l'employeur dans la remise des moyens de protection est avéré.
En outre, il estime que l'employeur l'a exclu de fait du bénéfice d'un contrôle médical renforcé permettant d'apprécier les conséquences éventuelles de son exposition.
Enfin, Monsieur [G] [O] estime que l'employeur a, postérieurement au chantier, continué de ne pas satisfaire à ses obligations imposant de garantir la traçabilité du risque d'exposition et en ne respectant pas les restrictions d'activité décidées par le médecin du travail à son bénéfice par avis du 8 mars 2013. Il précise ainsi, qu'alors qu'il devait être exclu du chantier pendant deux mois soit jusqu'au 8 mai 2013, l'employeur l'a de nouveau affecté sur le chantier pour trois jours de travail du 18 au 22 avril 2013 alors même que cette intervention comportait une nouvelle fois exposition au risque CMR et hydrocarbures. Monsieur [G] [O] précise à ce titre que même si l'employeur a intitulé différemment le chantier, le nom de la société indiquée n'est qu'une filiale du groupe Total. Dans le cadre de ce chantier, il a dû réparer une fuite sur un pipeline ce qui était directement contraire aux préconisations de la médecine du travail.
Monsieur [G] [O] ajoute que cette situation a généré chez lui une anxiété très importante, anxiété en lien avec l'affection chronique diagnostiquée depuis 2008. Il rappelle d'ailleurs, qu'il n'avait jamais été pris en charge sur le plan médical jusqu'en 2013. Il sollicite l'indemnisation de son préjudice d'anxiété qui est constitué par l'angoisse légitime d'avoir été exposé à des produits toxiques et d'être confronté ultérieurement à une pathologie grave et ce nonobstant l'altération effective ou pas de la santé en raison de l'exposition.
Monsieur [G] [O] considère par ailleurs, qu'en raison des graves manquements de la société à ses obligations de loyauté et de sécurité, le contrat de travail devra être résolu judiciairement aux torts de l'employeur.
4/ Sur le licenciement :
À titre subsidiaire, Monsieur [G] [O] conclut au caractère abusif du licenciement prononcé, l'inaptitude étant en lien étroit avec les conditions de travail ayant altéré son état de santé psychologique. Il rappelle d'ailleurs, que son état de santé a nécessité une première suspension de son contrat de travail pendant deux ans avant le constat de l'inaptitude. En conséquence, Monsieur [G] [O] estime que le licenciement trouve son origine dans les manquements de l'employeur et ce nonobstant le fait qu'il soit objectivement motivé par l'inaptitude prononcée par la médecine du travail.
À titre infiniment subsidiaire, Monsieur [G] [O] estime que l'employeur ne justifie pas avoir tenté de rechercher loyalement, sérieusement et effectivement son reclassement au sein du groupe auquel la société appartient alors même qu'il dispose de six filiales employant près de 400 collaborateurs. Il précise à ce titre, que l'employeur n'a fait que multiplier les courriers auprès du médecin du travail sans justifier de ses tentatives de reclassement auprès de différentes sociétés.
5/ Sur les indemnités de rupture :
Monsieur [G] [O] sollicite un rappel de l'indemnité légale de licenciement rappelant que son ancienneté était de 12 ans et huit mois. Il sollicite également les indemnités légales spécifiques puisque son inaptitude et conséquemment son licenciement trouvent leur origine dans les conditions d'exercice de son emploi imputables à l'employeur et à ses manquements. Il rappelle à ce titre que l'octroi de l'indemnité spéciale n'est pas subordonné à la reconnaissance par la caisse primaire d'assurance maladie du lien de causalité entre l'accident du travail et l'inaptitude, les juges devant rechercher par eux-mêmes l'existence de ce lien de causalité. Il sollicite en conséquence l'indemnité spéciale compensatrice de préavis et l'indemnité spéciale de licenciement.
Enfin, à titre d'indemnisation de la résiliation judiciaire de son contrat de travail ou du licenciement abusif, Monsieur [G] [O] rappelle que compte tenu de son ancienneté et des effectifs de la SAS MARSOL, il doit être fait application à son profit de l'article L. 1235-3 du code du travail, sollicitant à ce titre 36 mois de salaire à titre d'indemnisation.
En réplique, la SAS MARSOL a repris oralement ses conclusions déposées le 10 juin 2016 dans lesquelles elle sollicite de voir':
- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes,
- débouter Monsieur [G] [O] l'ensemble de ses moyens, fins et prétentions,
- le condamner à lui verser la somme de 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens et frais d'exécution.
A l'appui de ses prétentions, la SAS MARSOL fait valoir':
Sur la demande d'annulation de l'avertissement :
La SAS MARSOL rappelle que le pouvoir disciplinaire est inhérent à la qualité de chef d'entreprise et qu'un avertissement est constitué par des reproches ou mises en garde adressés au salarié dans une lettre en application de l'article L. 1331-1 du code du travail. Elle ajoute qu'en l'espèce, l'avertissement a été prononcé suite à une réclamation d'un client eu égard au comportement de Monsieur [G] [O] soulignant que celui-ci ne respecterait pas les consignes, ne travaillerait pas en équipe, ne participerait pas aux réunions quotidiennes en début de journée et travaillerait avec le téléphone à la main. La SAS MARSOL estime avoir donc à bon droit délivré un avertissement à son salarié pour «'non-respect des consignes données, problème relationnel avec l'entourage du chantier, utilisation intempestive du téléphone pendant la conduite de la pelle'» ce qui serait sans lien avec le contexte invoqué par Monsieur [G] [O] relatif à la sécurité. Elle ajoute que le courrier du 15 avril 2013 que lui a adressé son salarié ne porte pas réellement sur les griefs invoqués dans l'avertissement. Elle précise encore que la lettre de son client était précise et circonstanciée contredisant l'attestation de Monsieur [H].
Au vu de l'ensemble de ces éléments, la SAS MARSOL conclut à la confirmation du jugement sur ce point.
Sur la demande de résiliation judiciaire :
La SAS MARSOL rappelle que le salarié qui sollicite la résiliation judiciaire du contrat doit justifier de manquements suffisamment graves de l'employeur à ses obligations empêchant la poursuite du contrat de travail.
Sur la fiche d'exposition, la SAS MARSOL estime dans un premier temps, que l'application de la loi du 9 novembre 2010 invoquée par le salarié a été retardée du fait de la parution tardive des décrets d'application. Ainsi, elle expose que les décrets datent du 30 janvier 2012 et ont prévu qu'ils rentreraient en vigueur le lendemain de leur publication au JO soit le 1er février 2012. L'arrêté fixant le modèle de fiche est lui en date du 30 janvier 2012. En conséquence, elle estime qu'elle n'avait pas à remettre à son salarié une fiche de prévention des expositions avant cette date, le chantier litigieux ayant commencé le 17 novembre 2011.
Par ailleurs, la SAS MARSOL estime que la loi du 9 novembre 2010 instituant l'article L. 4121-3-1 du code du travail a abrogé la loi du 1er août 2008 et que le décret du 30 mars 2011 a abrogé la fiche de prévention précédente. Elle estime en conséquence ne pas avoir à remettre la fiche d'exposition instituée par la loi du 1er août 2008 et prévue par l'article R. 4412-41 du code du travail.
En tout état de cause, la SAS MARSOL estime que Monsieur [G] [O] ne justifie pas remplir les conditions posées tant par l'article R. 4412-41 pour la période du 17 novembre 2011 au 1er février 2012 que par l'article L. 4121-3-1 du code du travail pour la période du 1er au 29 février 2012':
- sur l'article R. 4412-41 du code du travail pour la période du 17 novembre 2011 au 1er février 2012': la SAS MARSOL soutient que Monsieur [G] [O] ne justifie pas avoir été exposé à des agents chimiques dangereux ou présentant un risque pour la santé. Elle invoque différents éléments pour démontrer l'absence d'exposition et notamment, le compte-rendu de consultation du Docteur [S] du 18 avril 2013, l'absence d'arrêt de travail sur la période litigieuse (les arrêts n'ayant commencé qu'en mai 2013), le respect des mesures de prévention du plan de prévention, le contrôle radiographique du mois de mars 2013 et le mail de Monsieur [G] [O] du 5 février 2013 indiquant travailler à l'extérieur du périmètre de [Adresse 7] et que le personnel de sécurité de Total ne les aurait pas laissé entrer s'ils n'avaient pas respecté les consignes de sécurité';
- sur l'article L. 4121-3-1 du code du travail pour la période du 1er au 29 février 2012': la SAS MARSOL estime que Monsieur [G] [O] ne justifie pas remplir les deux conditions posées par le texte': une exposition aux risques ACD/CMR et un risque susceptible de laisser des traces durables, identifiables et irréversibles sur sa santé. Elle prétend ainsi que le salarié est défaillant à justifier qu'il aurait été exposé à des agents chimiques dangereux tels que définis par l'article R. 4412-3 du code du travail. Elle ajoute qu'il n'a pas travaillé que sur le site de [Adresse 7] mais en périphérie, qu'il a bénéficié des équipements individuels de protection ce qu'il reconnaîtrait dans son mail du 5 février 2013 et qu'il a bénéficié d'une formation UIC étant titulaire des certificats GSI1 et GSI2 lui permettant de travailler sur les sites industriels en toute sécurité. Elle ajoute qu'elle a mis en place depuis au moins 2004, une organisation en matière de santé, de sécurité du personnel et de protection de l'environnement. En tout état de cause, elle estime que les pièces produites par Monsieur [G] [O] ne démontrent pas que les facteurs de risques auxquels il aurait été exposé soient susceptibles de laisser des traces durables, identifiables et irréversibles sur la santé. Elle précise ainsi que tant les médecins que l'inspection du travail n'ont fait aucune constatation, reprenant les déclarations du salarié et que les bilans de santé de celui-ci étaient bons, aucune lésion pleuro parenchymateuse évolutive n'étant en outre visible.
Sur la notice de poste, la SAS MARSOL précise que l'article R. 4412-39 du code du travail prévoyant la remise de cette notice renvoie aux dispositions de l'article R. 4412-3 du même code et suppose la preuve d'une exposition à un produit chimique dangereux ce qui ne serait pas démontré en l'espèce. En outre, la SAS MARSOL rappelle que la lecture du plan de prévention a été faite aux salariés par le conducteur de travaux avant le début du chantier, le plan étant par la suite resté à leur disposition. Elle ajoute avoir remis ce plan en main propre à Monsieur [G] [O] selon décharge signée de celui-ci.
Sur la violation de l'obligation de sécurité :
La SAS MARSOL expose qu'elle n'a pas manqué à son obligation de sécurité et que Monsieur [G] [O] ne fait état que d'un préjudice d'anxiété alors qu'il invoque une jurisprudence applicable en cas de réalisation d'un préjudice physique et matériel. Elle précise que Monsieur [G] [O] n'a pas été victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle. Elle ajoute encore avoir mis en 'uvre toutes les mesures de prévention qui s'imposaient et notamment les actions d'information et de formation et ce avant, pendant et après le chantier litigieux.
Ainsi, avant le chantier la SAS MARSOL expose avoir diffusé une note de service à ses salariés sur l'organisation de la société en matière de santé et de sécurité du personnel et en matière de protection de l'environnement. Elle ajoute avoir mis en place des formations, Monsieur [G] [O] ayant suivi une formation générale de niveau 1 et 2 notamment sur la sécurité sur les sites industriels ainsi qu'une formation spécifique sous forme d'un passeport sur les risques propres à chaque société et ce en 2009, 2011 et 2013.
A l'ouverture du chantier, la SAS MARSOL rappelle que le plan de prévention a été lu aux salariés et était à leur disposition, Monsieur [G] [O] l'ayant signé. Elle ajoute avoir remis les équipements individuels de protection et rappelle que le salarié a reconnu dans son mail que le personnel de sécurité de Total ne les aurait pas laissé entrer s'ils ne respectaient pas les consignes de sécurité et qu'ils travaillaient à l'extérieur du site de [Adresse 7].
Après le chantier, la SAS MARSOL rappelle que Monsieur [G] [O] a bénéficié d'un examen par le médecin du travail. Elle ajoute avoir respecté les restrictions médicales relatives aux chantiers du site TOTAL à [Adresse 6] puisqu'elle a affecté Monsieur [G] [O] sur un chantier à [Adresse 8] puis sur un chantier à [Adresse 9].
Enfin, la SAS MARSOL soutient que l'indemnisation du préjudice d'anxiété suppose que le salarié remplisse les conditions pour bénéficier de la cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante ce qui n'est pas le cas en l'espèce. Par ailleurs, elle estime que Monsieur [G] [O] ne justifie pas d'un lien de causalité certain et avéré entre son environnement professionnel et le préjudice d'anxiété.
Au vu de l'ensemble de ces éléments, la SAS MARSOL estime que les manquements qui lui sont reprochés ne sont pas établis et sont en outre trop anciens pour justifier la rupture du contrat. Elle rappelle ainsi que les faits reprochés ont eu lieu entre le 17 novembre 2011 et le 29 février 2012 alors que le contrat a continué entre les parties jusqu'au 18 mai 2013, date de son arrêt de travail pour origine non professionnelle. En outre, la SAS MARSOL ajoute que Monsieur [G] [O] n'a saisi le conseil de prud'hommes en référé que le 23 avril 2013 et au fond le 8 août 2013. Le manquement invoqué n'est donc pas suffisamment grave pour avoir empêché la poursuite du contrat de travail.
Sur le prétendu caractère abusif du licenciement :
La SAS MARSOL rappelle que Monsieur [G] [O] ne justifie pas que les conditions d'emploi ont altéré son état de santé psychologique alors même que le médecin du travail a bien précisé lors de la visite de reprise du 16 décembre 2014 que celle-ci était liée à une maladie ou un accident non professionnel.
Par ailleurs, la SAS MARSOL précise avoir échangé plusieurs courriers avec le médecin du travail suite à l'avis d'inaptitude desquels il résulte que « L'état de santé de Monsieur [G] [O] ne permettait pas de faire une quelconque proposition de reclassement au sein de votre groupe et qu'aucune mesure telle que mutation, transformation ou aménagement de poste ou un aménagement du temps de travail ne peut être envisagé dans cette situation'».
MOTIFS
Sur l'avertissement :
Selon l'article L. 1333-1 du code du travail, En cas de litige, le conseil de prud'hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction.
L'employeur fournit au conseil de prud'hommes les éléments retenus pour prendre la sanction.
Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, le conseil de prud'hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
Selon l'article L. 1333-2 du code du travail, Le conseil de prud'hommes peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.
Les articles L. 13321 et suivants régissent la procédure disciplinaire.
Monsieur [G] [O] sollicite l'annulation de l'avertissement dont il a fait l'objet le 2 avril 2013 pour des motifs de forme et de fond.
Sur la forme, il résulte des courriers échangés entre les parties et de l'attestation de Monsieur [P] [H] que la SAS MARSOL n'a pas entendu mettre en 'uvre la procédure disciplinaire, n'ayant souhaité qu'entendre de façon informelle Monsieur [G] [O] suite à la plainte de l'un de ses clients. L'employeur n'a donc pas convoqué par écrit Monsieur [G] [O] à un entretien préalable à une sanction. Dès lors, l'employeur n'était pas tenu d'accepter que Monsieur [G] [O] soit assisté d'un autre salarié lors de cet entretien. De façon surabondante, il convient de rappeler que dans la mesure où la sanction envisagée n'était qu'un avertissement sans autre incidence sur la carrière, la rémunération, la fonction ou le maintien du salarié dans l'entreprise, l'employeur n'était pas tenu de respecter la procédure disciplinaire.
Sur le fond, il résulte de la lettre du 2 avril 2013 que la SAS MARSOL a adressé un avertissement à Monsieur [G] [O] aux motifs suivants «'Le 28 mars 2013, j'ai reçu un courrier d'un de nos clients qui m'informait d'un problème de comportement vous concernant et me réclamait votre exclusion du chantier pour les éléments suivants':
- non-respect des consignes données,
- problème relationnel avec l'entourage du chantier,
- utilisation intempestive du téléphone pendant la conduite de la pelle.
Ces faits se rajoutent à une plainte orale d'un de nos autres clients pour les mêmes motifs en août 2012.
De plus, votre relation avec une majorité du personnel de l'entreprise reste compliquée.
Pour l'ensemble de ces faits, je me vois dans l'obligation de vous notifier un avertissement'».
Il convient de constater que la SAS MARSOL ne produit aucune pièce pour justifier des faits d'août 2012 et des problèmes relationnels rencontrés par Monsieur [G] [O] avec d'autres salariés.
En revanche, il résulte du mail du 28 mars 2013 que le responsable de la société SBPI, cliente de la SAS MARSOL, a fait état des reproches suivants « Cette personne ne participe à aucune réunion journalière sur le déroulement des travaux et des problèmes de sécurité. Cette personne travaille en permanence avec le téléphone à la main et passe des heures chaque jour au téléphone pendant que les autres travaillent dans de mauvaises conditions. Nous ne voyons pas d'esprit d'équipe pour la bonne marche du chantier. Nous souhaiterions donc que cette personne ne travaille plus sur notre chantier ». Monsieur [G] [O] ne conteste pas qu'il était bien le salarié visé par cette plainte très détaillée et circonstanciée. Il conteste cependant, la réalité des faits en s'appuyant sur l'attestation de Monsieur [P] [H]. Or, cette attestation permet seulement de constater que Monsieur [G] [O] respectait les consignes qu'il lui donnait en tant que chef d'équipe et que dans ce cadre Monsieur [H] n'a reçu aucune plainte ou réclamation du client. Cette attestation est donc insuffisante à remettre en cause les faits retenus à l'encontre de Monsieur [G] [O].
Du fait de la gravité des faits reprochés et de leur éventuelle conséquence en matière de sécurité, Monsieur [G] [O] étant conducteur de pelle, le fait qu'il passe beaucoup de temps au téléphone est dangereux pour les autres intervenants sur le chantier, l'avertissement prononcé à son encontre apparaît justifié et proportionné.
Au vu de l'ensemble de ces éléments, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Monsieur [G] [O] de sa demande tendant à l'annulation de l'avertissement du 2 avril 2013 et de sa demande subséquente de dommages et intérêts.
Sur l'obligation de résultat :
En application des articles L. 4121-1 et suivants du code du travail, l'employeur est tenu, à l'égard de son personnel, d'une obligation de sécurité de résultat qui lui impose de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé de ses salariés.
Le manquement à l'obligation de sécurité de résultat est caractérisé soit par un comportement fautif imputable à l'employeur, ou à l'un de ses salariés ayant pour effet de porter atteinte à la santé ou à la sécurité du salarié, soit par un événement extérieur ayant les mêmes effets dont l'employeur aurait été informé et auquel il se serait abstenu de remédier ou auquel il aurait donné une réponse inappropriée.
Monsieur [G] [O] soutient que la SAS MARSOL n'aurait pas respecté son obligation de résultat ce qui justifierait le prononcé de la résiliation du contrat aux torts de l'employeur.
Il est constant que la SAS MARSOL a travaillé pour la société TOTAL sur un chantier à [Adresse 6] et qu'elle y a notamment affecté Monsieur [G] [O] en qualité de conducteur de pelle.
Monsieur [G] [O] prétend dans un premier temps avoir été exposé à des produits toxiques, chimiques ou CMR sans que l'employeur ne respecte ses obligations dans ce cadre.
Il résulte du plan de prévention n° PRA-2011-1905 portant sur le chantier litigieux que parmi les risques répertoriés figuraient celui relatif aux produits toxiques et aux produits CMR (cancérogènes, mutagènes, reprotoxiques). Des mesures de prévention étaient prévues pour prévenir ces risques, la remise d'une fiche de sécurité et d'équipement de protection individuels. La liste des risques fait également mention d'un risque relatif aux «'terres polluées'» lors de travaux de terrassement. Il est précisé qu'en cas de détection de terres polluées, une information doit être donnée aux responsables. Par ailleurs, le complément à l'analyse de risques prévoit pour les terres polluées comme pour les CMR ou intoxication, des équipements individuels de protection doivent être remis (combinaison, bottes et gants, masques).
Il résulte de l'attestation de Monsieur [H] [Y], conducteur de travaux et responsable du chantier sur le site de [Adresse 6] que le plan a été lu à l'ensemble des salariés présents sur le chantier et que ceux-ci pouvaient le consulter librement, le plan restant dans son véhicule. D'ailleurs, Monsieur [G] [O] a bien signé la première page de ce plan. Il serait pour le moins curieux qu'il ait accepté de signer ce document s'il n'en avait pas eu connaissance.
L'attestation de Monsieur [Y] ainsi que les factures d'achat produites par l'employeur, permettent de constater que la SAS MARSOL a bien mis à disposition de ses salariés les équipements de protection individuels prévus au plan de prévention en cas d'exposition au risque CMR (combinaison, masque et gants).
Cependant, il résulte de ce plan de prévention que la SAS MARSOL n'a effectué que des travaux de terrassement sur la zone Nord du chantier. La fiche d'analyse des risques propre à la SAS MARSOL ne contient aucune mention sur le risque d'exposition à un quelconque produit chimique, toxique ou encore à des produits dits CMR pas plus qu'à des terres polluées. Aucune mesure de prévention spécifique n'avait dès lors à être mise en place par la SAS MARSOL sur ces deux risques.
Par ailleurs, Monsieur [G] [O] ne produit aucune pièce démontrant qu'il aurait effectivement été exposé à des produits chimiques, toxiques ou des CMR ou encore à des terres dites polluées sur le chantier litigieux. Le compte-rendu de consultation établi par le Docteur [S] fait état d'informations générales données par la CARSAT sur ce chantier. Il en résulte que si des terres polluées ont été excavées, la SAS MARSOL est intervenue en début de chantier, avant excavation des terres à une période où la pollution était moindre. Cette pollution moindre n'est étayée par aucune pièce et il n'est pas justifié que les simples travaux de terrassement réalisés par la SAS MARSOL aient mis effectivement à jour des terres polluées. Même si ce risque n'était pas prévu dans la fiche d'analyse de risque propre à la SAS MARSOL, il a été jugé que celle-ci justifiait bien avoir mis à disposition de ces salariés les équipements de protection individuels. Par ailleurs, il convient de constater qu'aux termes du plan de prévention, le risque «'terres polluées'» et celui relatif à l'exposition aux produits toxiques ou CMR ou encore chimiques sont différents et traités dans des rubriques différentes ce qui permet d'en déduire que l'expression «'terres polluées'» est sans lien avec l'exposition aux produits toxiques, chimiques ou CMR.
Aucune exposition aux produits toxiques, chimiques ou CMR n'étant démontrée, la SAS MARSOL n'était pas dans l'obligation de remettre à Monsieur [G] [O] une fiche d'exposition à ces risques pas plus que de le soumettre à un suivi médical spécifique.
Enfin, la SAS MARSOL justifie avoir régulièrement formé Monsieur [G] [O] aux risques liés aux chantiers réalisés pour la société TOTAL, l'employeur produisant «'le passeport groupement sécurité intersociétés'» reprenant les formations suivies par le salarié. Ces formations à la sécurité sont destinées au personnel des entreprises extérieures intervenant dans les industries chimiques et pétrochimiques, Total. Le passeport permet de constater que Monsieur [G] [O] a été formé le 26 mars 2009, le 27 juillet 2010, le 14 avril 2011 et le 26 mars 2013.
En outre, la SAS MARSOL justifie avoir élaboré deux notes de service, le 13 décembre 2011 et le 20 décembre 2010 sur la santé, la sécurité et l'environnement dans laquelle elle s'engage à informer régulièrement les salariés, identifier les dangers, évaluer les risques ou encore les prévenir. Elle rappelle dans ses notes la possibilité pour les salariés d'exercer leur droit de retrait en la matière.
Par ailleurs, il résulte de la fiche médicale d'aptitude du 8 mars 2013 que le médecin du travail a déclaré Monsieur [G] [O] apte à reprendre le travail avec une contre-indication de deux mois sur les chantiers du site Total [Adresse 6]. S'il n'est pas contesté que la SAS MARSOL a affecté Monsieur [G] [O] à d'autres chantiers pour la société Total, il est constant qu'elle ne l'a pas affecté de nouveau sur le site de [Adresse 6]. La SAS MARSOL justifie avoir en conséquence respecté l'avis du médecin du travail.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la SAS MARSOL justifie avoir respecté son obligation de sécurité. Il convient en conséquence, de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Monsieur [G] [O] de sa demande tendant au prononcé de la rupture du contrat aux torts de l'employeur et des demandes indemnitaires subséquentes mais également de sa demande tendant à la remise d'une fiche d'exposition.
Par ailleurs, il convient de constater que le conseil de prud'hommes n'a effectivement pas statué sur la demande tendant à l'établissement d'une notice de poste. Cependant, cette notice n'est exigée qu'en cas d'exposition à des produits chimiques dangereux, exposition non démontrée en l'espèce. Il convient en conséquence de débouter Monsieur [G] [O] de sa demande portant sur la remise de la fiche de poste.
Sur le licenciement :
Monsieur [G] [O] conclut au caractère abusif du licenciement, son inaptitude ayant pour origine les manquements de son employeur et celui-ci n'ayant pas respecté son obligation de reclassement.
Il convient dans un premier temps de constater qu'aucun manquement de l'employeur à son obligation de sécurité n'est justifié, la SAS MARSOL ayant démontré avoir respecté cette obligation en l'espèce. En conséquence, il n'est pas démontré que l'inaptitude de Monsieur [G] [O] a pour origine un manquement de l'employeur dans ce cadre.
Par ailleurs, en application des dispositions de l'article L. 1226-2 du code du travail , lorsque le salarié est déclaré par le médecin du travail inapte à reprendre, à l'issue des périodes de suspension, l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur est tenu de lui proposer un autre emploi approprié à ses capacités, compte tenu des conclusions écrites du médecin du travail et des indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en 'uvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail, existantes dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel appartient l'employeur et dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation lui permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel.
Il résulte de ce texte d'une part, que l'obligation de reclassement qui pèse sur l'employeur naît avec la déclaration d'inaptitude établie par le médecin du travail et d'autre part, que l'avis d'inaptitude du salarié ne dispense pas l'employeur de rechercher les possibilités de reclassement par la mise en 'uvre de mesures appropriées, que cette inaptitude soit totale et pour tout poste dans l'entreprise ou, a fortiori, lorsque que cette inaptitude ne concerne que le poste occupé jusqu'alors par le salarié.
La mise en 'uvre par l'employeur de mesures appropriées à l'état de santé du salarié doivent être conformes aux prescriptions et propositions énoncées par le médecin du travail dans la fiche d'aptitude et, à défaut d'énonciation dans ladite fiche de propositions de reclassement il appartient alors à l'employeur de solliciter le médecin du travail afin d'obtenir lesdites propositions.
Ainsi, le licenciement ne peut être prononcé que si l'employeur justifie, dans ces conditions, soit de l'impossibilité où il se trouve de proposer un emploi, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé.
En l'espèce il n'est pas contesté que dans le cadre de la visite de reprise, le médecin du travail a délivré le 16 décembre 2014 un avis d'inaptitude ainsi rédigé « inapte à tous postes - inaptitude à tous postes de travail au sein de l'entreprise et de l'ensemble des établissements du groupe, procédure en une seule visite - danger immédiat'».
La SAS MARSOL justifie de plusieurs échanges de courriers avec le médecin du travail suite à cet avis afin de déterminer le périmètre du reclassement. Finalement dans son courrier du 11 février 2015, le médecin du travail répondra à la SAS MARSOL que « L'état de santé de Monsieur [O] ne me permet pas de faire une quelconque proposition de reclassement au sein de votre groupe. Aucune mesure telle que mutation, transformation, aménagements de poste ou aménagement du temps de travail ne peut être envisagée dans cette situation ». Le médecin du travail avait déjà formulé les mêmes observations pour l'entreprise le 5 janvier 2015.
Parallèlement, la SAS MARSOL justifie de l'envoi le 13 janvier 2015 d'une lettre recommandée avec accusé de réception aux 5 autres entreprises du groupe CASTILLON': CASTILLON TP, SARAMITE TP, DUBOS TP, BAB TP et LAPIX BÂTIMENT. La SAS MARSOL produit les réponses de l'ensemble de ces sociétés entre le 16 janvier et le 2 février 2015. Toutes les réponses sont négatives.
Dans ces conditions, par lettre recommandée avec accusé de réception du 16 mars 2015, la SAS MARSOL a informé Monsieur [G] [O] de ses tentatives de reclassement qui se sont révélées infructueuses avant de le licencier le 3 avril 2015 pour inaptitude définitive au poste de travail constatée par le médecin du travail et impossibilité de procéder au reclassement.
Dès lors, la SAS MARSOL justifie de recherches loyales, sérieuses et effectives de reclassement. Le licenciement est donc bien pourvu d'une cause réelle et sérieuse.
Il convient par conséquent de débouter Monsieur [G] [O] de ses demandes relatives au licenciement.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :
Selon l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens.
Il convient en conséquence de condamner Monsieur [G] [O] aux entiers dépens.
Enfin, il convient de condamner Monsieur [G] [O] à verser à la SAS MARSOL la somme de 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile. Monsieur [G] [O] sera débouté de sa demande fondée sur cet article.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour,
Confirme le jugement du 29 avril 2014, rendu par le conseil de prud'hommes de Pau, section industrie en ce qu'il a débouté Monsieur [G] [O] :
- de sa demande tendant à l'annulation de l'avertissement du 2 avril 2013 et de sa demande indemnitaire subséquente,
- de sa demande tendant au prononcé de la rupture du contrat aux torts de l'employeur et des demandes indemnitaires subséquentes,
- de sa demande tendant à la remise d'une fiche d'exposition,
Y ajoutant,
Déboute Monsieur [G] [O] de sa demande tendant à la remise d'une notice de poste,
Dit le licenciement intervenu le 3 avril 2015 pourvu d'une cause réelle et sérieuse,
Déboute en conséquence Monsieur [G] [O] de ses demandes indemnitaires fondées sur le licenciement,
Condamne Monsieur [G] [O] à verser à la SAS MARSOL la somme de 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute Monsieur [G] [O] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Monsieur [G] [O] aux entiers dépens.
Arrêt signé par Madame THEATE, Présidente, et par Madame HAUGUEL, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE,LA PRÉSIDENTE,