DT/CD
Numéro 16/03649
COUR D'APPEL DE PAU
Chambre sociale
ARRÊT DU 29/09/2016
Dossier : 14/01824
Nature affaire :
Demande d'indemnités ou de salaires
Affaire :
[R] [I]
C/
URSSAF AQUITAINE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 29 Septembre 2016, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 15 Juin 2016, devant :
Madame THEATE, Président
Monsieur GAUTHIER, Conseiller
Madame FILIATREAU, Vice-Président placé, délégué en qualité de Conseiller par ordonnance du 9 mai 2016
assistés de Madame DEBON, faisant fonction de Greffière.
Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTE :
Madame [R] [I]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Maître DUPUY, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉE :
URSSAF AQUITAINE
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par la SELARL COULAUD et PILLET, avocats au barreau de BORDEAUX
sur appel de la décision
en date du 14 AVRIL 2014
rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE PAU
RG numéro : F 12/00539
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Madame [R] [I] qui avait été lauréate du concours des inspecteurs de l'URSSAF a terminé sa formation le 7 septembre 1983. Elle est entrée au service de URSSAF de Pau (devenue URSSAF AQUITAINE à la suite de la régionalisation) le 20 septembre 1983 et n'a jamais bénéficié en raison de sa nomination immédiate à l'issue de sa formation de l'application de l'article 32 de la Convention collective du personnel des organismes de sécurité sociale accordant des échelons d'avancement aux agents diplômés.
Le 27 août 2012, elle a saisi le conseil de prud'hommes de Pau, section encadrement, pour obtenir la condamnation de l'URSSAF à lui payer des rappels de salaires, les indemnités de congés payés afférentes et des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail. La tentative de conciliation ayant échoué, l'affaire et les parties ont été renvoyées devant la formation de jugement.
Par jugement du 14 avril 2014, auquel il conviendra de se reporter pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, le conseil de prud'hommes de Pau :
* a débouté Madame [R] [I] de sa demande fondée sur l'application de l'article 32 de la Convention collective du personnel des organismes de sécurité sociale (rappels de salaire et indemnité compensatrice de congés payés) ;
* s'est déclaré incompétent pour statuer sur la demande relative à l'application du protocole du 11 mars 1991 ;
* dit que l'URSSAF AQUITAINE s'était rendu coupable d'exécution déloyale du contrat de travail en méconnaissance de l'article L. 1222-1 du code du travail et a alloué à Madame [R] [I] une somme de 100 € à ce titre ;
* débouté Madame [R] [I] de ses autres demandes ;
* condamné l'URSSAF AQUITAINE aux dépens de l'instance.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 9 mai 2014, l'avocat de Madame [R] [I] a, au nom et pour le compte de sa cliente, interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 18 avril 2014.
Selon conclusions enregistrées au greffe de la cour le 15 juin 2016 et reprises oralement à l'audience du 15 juin 2016, Madame [R] [I] demande à la cour de :
* dire que la 'promotion' de l'article 33 de la Convention collective n'entraîne pas la suppression des échelons accordés au titre de l'article 32 pour les agents diplômés du cours des cadres ;
* dire que l'URSSAF AQUITAINE viole le principe d'égalité de traitement ;
* dire que Madame [R] [I] est en droit de bénéficier d'un rappel de salaires au titre de l'article 32 de la Convention collective ;
* de condamner en conséquence l'URSSAF AQUITAINE à lui payer les sommes suivantes :
- 11.147,25 € arrêtée au 31mai 2016, à titre de rappels de salaires, sur la base de l'article 32 de la Convention collective applicable dans le respect de la prescription quinquennale ;
- 1.114,72 € à titre de congés payés au prorata de ce rappel de salaire ;
- 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;
- 1.500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en sus des dépens de l'instance ;
* d'ordonner la délivrance des bulletins de salaires rectifiés pour la période d'août 2007 à mai 2016 sous astreinte de 500 € par jour de retard ;
* de condamner l'URSSAF AQUITAINE aux dépens y compris d'exécution.
L'appelante fait tout d'abord un rappel exhaustif des articles 29, 31, 32 et 33 de la Convention collective applicable, dans leur rédaction antérieure à l'application du protocole du 14 mai 1992 puis postérieure à ce protocole entré en vigueur le 1er janvier 1993, dont il découle que dans chaque catégorie d'emploi, les agents bénéficiaient, dans ce cadre conventionnel, d'un système d'avancement par échelon (10 de 4 % ou 20 de 2 % selon que l'on se situe avant ou après la date d'entrée en vigueur du protocole du 14 mai 1992) acquis à l'ancienneté d'une part, au choix, d'autre part.
S'agissant de l'avancement au choix, la Convention collective applicable distinguait l'avancement au mérite (qui découle d'une inscription sur un tableau ou de l'appréciation portée chaque année par la hiérarchie sur l'agent), de la situation des agents diplômés au titre de l'une des options du Cours de Cadres de l'Ecole Nationale qui se voyaient automatiquement allouer un échelon voire deux échelons de choix : un, dès la fin des épreuves de l'examen, l'autre, au bout de deux ans s'ils n'avaient pas obtenu leur promotion dans ce délai.
Le dernier alinéa de l'article 33 de la Convention collective stipulait cependant :
* dans sa première version : qu'en cas de promotion dans une catégorie ou un échelon d'emploi supérieur, l'agent conservait les échelons d'avancement à l'ancienneté alors que les échelons au choix étaient supprimés ;
* dans sa version applicable à compter du 1er janvier 1993 : qu'en cas de promotion dans une catégorie ou un échelon d'emploi supérieur, les 'échelons supplémentaires d'avancement conventionnels' acquis dans l'emploi précédent étaient supprimés tandis que 'les autres échelons d'avancement conventionnels' acquis étaient maintenus.
Madame [R] [I] interprète ces dispositions comme signifiant que les échelons acquis par avancement au mérite étaient seuls supprimés tandis que les échelons 'de choix' accordés aux agents diplômés au titre de l'une des options du Cours de Cadres de l'Ecole Nationale étaient conservés par l'agent, l'URSSAF AQUITAINE considérant que seuls les échelons d'avancement à l'ancienneté étaient conservés.
L'appelante fait valoir que son analyse serait conforme à celle de l'UCANSS qui est l'organisme de droit privé exerçant pour le compte de l'ACOSS (Agence centrale des organismes de sécurité sociale) des tâches mutualisées de gestion des ressources humaines du régime de la sécurité sociale et dont les décisions et accords 's'appliquent de plein droit lorsqu'ils sont d'application automatique d'un accord collectif national' et après agrément de l'autorité compétente de l'Etat dans les autres cas.
Elle ajoute que la position adoptée par l'URSSAF AQUITAINE, qui désormais accepte le maintien des échelons acquis à la suite de l'obtention du diplôme d'inspecteur pour les agents relevant de l'application du protocole du 14 mai 1992, méconnaît le principe d'égalité de traitement en ce qu'elle crée une différence entre agents exerçant les mêmes fonctions d'inspecteurs de recouvrement :
* selon la date de leur prise de fonction (avant ou après l'entrée en vigueur du protocole précité) ;
* selon les URSSAF dans lesquelles ils exercent (puisque certaines maintiennent le bénéfice des échelons de choix, d'autres pas) alors que les clauses en litige sont applicables au niveau national et ont vocation à régir toutes les URSSAF ;
* et au sein des URSSAF qui refusent ce bénéfice, entre les inspecteurs qui ont agi en justice et obtenu gain de cause et ceux qui n'ont pas agi ;
sans justifier de ces disparités de traitement par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
Pour Madame [R] [I] la position adoptée par l'URSSAF AQUITAINE n'est au surplus conforme :
* ni au texte de l'article 33 de la Convention collective qui distingue clairement l'avancement 'au choix' de l'article 29 de la Convention, de l'avancement 'de choix' de l'article 32 et qui, dans sa rédaction postérieure à l'entrée en vigueur du protocole du 14 mai 1992, limite expressément la suppression qu'il stipule aux seuls 'échelons supplémentaires d'avancement conventionnels acquis dans l'emploi précédent' ;
* ni à la jurisprudence de la Cour de cassation et des cours d'appel, la Cour de cassation ayant depuis longtemps admis que les salariés relevant de l'application du protocole du 14 mai 1992 devaient bénéficier de l'avancement conventionnel au choix de l'article 32 et plus récemment, interdit toute distinction entre les salariés promus avant et après l'entrée en vigueur du protocole du 14 mai 1992 sur le fondement du principe d'égalité de traitement. Elle souligne que dans les arrêts dont se prévaut l'URSSAF AQUITAINE les salariés n'avaient pas invoqué ce principe.
L'appelante en déduit qu'elle est en droit de revendiquer un rappel de salaire calculé sur la base de l'application des échelons supprimés, y compris les congés payés y afférents et la rectification des bulletins de salaire qui en découlent.
L'appelante ajoute que l'argument tiré par l'URSSAF AQUITAINE du maximum du plafond conventionnel de 40 % qu'elle avait atteint lors des opérations de transposition de 2005 est inopérant dans la mesure où, selon les accords conclus, les salariés ayant atteint le maximum d'avancement conventionnel au moment des opérations de transposition percevaient l'équivalent des échelons conventionnels sous forme de primes provisoires, qui auraient été maintenues après le 1er janvier 2005 conformément :
* à ce qui a été dit par l'UCANSS dans sa note sur le protocole d'accord du 30 novembre 2004 ;
* à ce qui a été appliqué par l'URSSAF aux salariés qui avaient bénéficié pour la période antérieure des échelons de l'article 32 ;
* à ce qui a été fait pour les inspecteurs régularisés après le jugement du conseil de prud'hommes de Pau du 14 avril 2014 qui ont obtenu un rappel de salaire au titre de l'article 32 sans prise en considération des augmentations de salaire dont ils avaient pu bénéficier entre 2005 et 2014.
Sur l'exécution déloyale du contrat, l'appelante fait valoir sur le fondement de l'article L. 1222-1 du code du travail, que l'URSSAF AQUITAINE a refusé toute régularisation voire toute discussion sur ce différend, et que l'amorce de négociation tentée par l'URSSAF AQUITAINE la veille de l'audience devant le conseil de prud'hommes est restée sans suite.
Par conclusions enregistrées le 14 juin 2016 et reprises oralement à l'audience, l'URSSAF AQUITAINE demande à la cour de confirmer le jugement dont appel sauf en ce qu'il a alloué à l'appelante des dommages et intérêts au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail, de débouter Madame [R] [I] de l'ensemble de ses prétentions et de la condamner au paiement d'une indemnité de procédure de 1.500 €.
L'URSSAF AQUITAINE reprend à son tour l'historique des textes régissant l'avancement des agents et en particulier des agents diplômés au titre de l'une des options du Cours de Cadres de l'Ecole Nationale en rappelant que le 30 novembre 2004 a été signé un nouvel accord relatif à la rémunération et à la classification de l'emploi dans les organismes de sécurité sociale qui a mis en place une nouvelle structure de rémunération, supprimé l'article 32 et modifié les dispositions de l'article 33. Les éléments de rémunération en pourcentage ont ainsi disparu du dispositif conventionnel et ont été, selon les situations, transposés en 'points d'expérience' et en 'points de compétence'. De plus, les inspecteurs pré-recrutés par l'URSSAF AQUITAINE sont désormais formés et nommés dès obtention de leur certification en sorte que le dispositif antérieur de l'article 32 n'a plus de raison d'être.
L'URSSAF AQUITAINE rappelle ensuite la jurisprudence de la Cour de cassation depuis 2010, jusqu'aux arrêts récents de 2015 et 2016 concernant les salariés relevant du régime antérieur à l'application du protocole du 14 mai 1992, dont elle considère qu'ils sont favorables à son analyse. Elle fait en effet valoir que la distinction sémantique entre 'échelons de choix' et 'échelons au choix' n'a pas de sens dans la mesure où la Convention collective ne prévoit que deux types d'avancement : à l'ancienneté et au choix. Cette distinction n'a d'ailleurs pas été validée par la Cour de cassation. L'intimée ajoute que le dernier revirement opéré par référence au principe 'à travail égal salaire égal' est contraire à l'évolution de la même Cour et au principe selon lequel les différences de traitement entre catégories professionnelles opérées par voie de conventions ou d'accords collectifs négociés et signés par des organisations syndicales représentatives sont présumés justifiées en sorte qu'il appartient à celui qui les conteste de démontrer qu'elles sont étrangères à toute considération de nature professionnelle.
L'URSSAF AQUITAINE fait d'ailleurs valoir que dans son dernier arrêt (12 février 2016) la Cour de cassation est revenue à son analyse antérieure (application de l'article 33 dans sa rédaction du 8 février 1957) alors même que le principe 'à travail égal salaire égal' avait été invoqué. Plus ponctuellement, elle affirme que les seuls cas d'inspecteurs ayant donné lieu à une révision de leur situation sont ceux qui relevaient de l'application du protocole du 14 mai 1992 applicable à compter du 1er janvier 1993, ou ceux qui, issus d'un recrutement interne étaient défavorisés par rapport à leurs collègues issus du recrutement externe, en sorte que l'invocation du principe 'à travail égal salaire égal' n'est en l'espèce pas pertinente. Elle se prévaut en outre de l'autonomie propre à chaque URSSAF dont elle déduit que les salariés ne peuvent opérer des comparaisons entre salariés qui, bien qu'ayant reçu la même formation, sont employés par différentes URSSAF.
En tout état de cause, l'URSSAF AQUITAINE fait valoir qu'au moment de la transposition du 1er janvier 2005, opérée en exécution du protocole d'accord du 30 novembre 2004, Madame [R] [I] avait atteint le maximum du plafond conventionnel de 40 % en sorte que la 'suppression des 4 %' au titre de l'article 32 n'a eu aucune incidence sur sa rémunération redéployée conformément aux stipulations du protocole d'accord du 30 novembre 2004, et que pour la période antérieure, la demande se heurte à la prescription. Elle ajoute que la demande de Madame [R] [I] créerait, s'il y était fait droit, une inégalité de traitement vis-à-vis de ses collègues qui du fait du plafonnement de l'avancement conventionnel à 40 % n'ont pu bénéficier d'une majoration de rémunération.
S'agissant enfin de la note de l'UCANSS, l'intimée soutient qu'elle vise uniquement le maintien des primes provisoires attribuées aux salariés diplômés du cours des cadres, en attente d'une promotion, qui à cette date avaient déjà atteint le plafond d'avancement maximal de 40 % et n'auraient donc pu, au regard de l'article 29, bénéficier normalement de l'échelon de choix de l'article 32, ce qui n'était pas la situation de Madame [R] [I] qui ayant été immédiatement nommée aux fonctions d'inspecteur à la suite de l'obtention de son concours n'a jamais bénéficié de l'application des dispositions de l'article 32 de la Convention collective, et en toute hypothèse n'avait pas atteint en septembre 1983 le plafond d'avancement maximal de 40 %.
Sur l'exécution prétendument déloyale du contrat de travail qu'elle conteste, l'URSSAF AQUITAINE expose qu'elle n'a été saisie des réclamations des salariés qu'en 2011, 'dans un contexte juridique incertain', que dès 2013, conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation, et à la position adoptée par l'UCANSS elle a proposé la régularisation de certains salariés relevant des dispositions des articles 32 et 33 de la Convention collective tels qu'issus du protocole d'accord du 14 mai 1992 dont ne relève pas Madame [R] [I]. L'URSSAF AQUITAINE conteste en tout état de cause la réalité du préjudice alors que pendant 28 ans Madame [R] [I] n'a formé aucune demande
MOTIFS
Il importe en premier lieu de relever que les dispositions du jugement du conseil de prud'hommes critiqué relatives à l'application du protocole du 11 mars 1991 ne sont contestées, ni évoquées par l'appelante, ni par l'intimée, en sorte que ces dispositions sont définitives et doivent être confirmées.
S'agissant des autres dispositions, il est acquis aux débats que Madame [R] [I] relève au regard de la date de son entrée en fonction en qualité d'inspectrice (19 septembre 1983), de la Convention collective applicable de 1976 au 31 décembre 1992.
Les articles 29 à 33 de cette convention instauraient pour les agents, dans chaque catégorie d'emploi, un système d'avancement à l'ancienneté d'une part, au choix d'autre part. Pour cette seconde catégorie, la convention distinguait :
* l'attribution d'échelons d'avancement 'au mérite' (établi sur la base des notes attribuées par la direction : article 31),
* de l'attribution d'échelons pour l'obtention d'un diplôme au titre de l'une des options du cours des cadres de l'Ecole Nationale organisés par la FNOSS et l'UNCAF, et pour le cas où les agents ainsi diplômés n'auraient pas obtenu leur promotion après deux ans de présence stipulait l'attribution d'un nouvel échelon (article 32),
L'article 33 précisait :
'En cas de promotion dans une catégorie ou un échelon d'emploi supérieur, les échelons d'avancement à l'ancienneté sont maintenus étant entendu qu'ils doivent être calculés sur la base du nouveau salaire de titularisation. Par contre les échelons au choix sont supprimés.'
Sur le certificat de formation des cadres, daté du 28 octobre 1983, qui a été remis à Madame [R] [I], était portée la mention suivante :
'Cette attestation confère à son titulaire les avantages prévus par les articles 32 et 34 de la Convention collective du travail du personnel des organismes de sécurité sociale et d'allocations familiales'.
Il n'est cependant pas discuté que Madame [R] [I] n'a bénéficié d'aucun des échelons prévus à l'article 32 de la Convention collective précitée et notamment pas celui qui était lié à l'obtention du diplôme au titre de l'une des options du cours des cadres de l'Ecole Nationale, l'URSSAF AQUITAINE considérant que, comme pour ses collègues promus en interne, le bénéfice des échelons acquis au titre de l'article 32 était automatiquement supprimé conformément à l'article 33, par l'effet de la 'promotion'.
Il importe à ce stade de relever que l'appelante ne discute pas l'application de cet article, bien que la question de la 'promotion' soit susceptible de se poser pour un agent directement recruté au niveau de cadre et n'ayant jamais occupé aucun autre poste à l'URSSAF AQUITAINE.
Il n'est dès lors pas contestable, au visa de l'article 33, que Madame [R] [I], dont la prise de fonction avait été immédiate ne pouvait dès lors prétendre bénéficier d'aucun échelon d'avancement, la distinction opérée entre échelon au choix (visé à l'article 31) et échelon de choix (retenu à l'article 32) étant contraire à la fois à la lettre et à l'esprit de cet article selon lequel, en cas de promotion dans une catégorie ou un échelon d'emploi supérieur, seuls les échelons d'avancement à l'ancienneté étaient maintenus. C'est en tous cas en ce sens que s'est prononcée la chambre sociale de la Cour de cassation.
Le protocole du 14 mai 1992 a cependant en partie remanié les articles 29 à 33 précités : la distinction entre 'avancement conventionnel' obtenu par ancienneté et 'avancement conventionnel supplémentaire' résultant de l'appréciation portée annuellement par la hiérarchie a été maintenue (l'article 29), et l'article 32 a continué de poser les conditions d'obtention 'd'échelons d'avancement conventionnel' pour les agents diplômés au titre de l'une des options du cours des cadres organisée par l'UNCASS.
La modification a principalement concerné la rédaction de l'article 33, qui en cas de promotion, a limité la suppression des échelons acquis dans l'emploi précédent aux seuls 'échelons supplémentaires d'avancement conventionnel' et expressément maintenu les 'autres échelons d'avancement conventionnel' (voir article 33 : 'En cas de promotion les échelons supplémentaires d'avancement conventionnel acquis dans l'emploi précédents sont supprimés. Les autres échelons d'avancement conventionnel acquis sont maintenus.').
Dès lors et au terme d'une lecture littérale de cet article, la Cour de cassation a dit que les agents relevant de l'application du protocole de 1992, devaient continuer à bénéficier des échelons qualifiés par l'article 32 'd'échelons d'avancement conventionnel' acquis du fait de l'obtention du diplôme précité, à la suite de leur promotion, puisque seuls 'les échelons supplémentaires d'avancement conventionnel' de l'article 29 étaient concernés par l'application de l'article 33.
Cette analyse du protocole du 14 mai 1992 a été acceptée par l'URSSAF qui l'a en conséquence mise en oeuvre et a procédé aux régularisations qui en découlaient.
Il en est résulté une différence de traitement manifeste entre les inspecteurs de recouvrement de l'URSSAF recrutés avant et après l'application du protocole de 1992 puisque les premiers ne pouvaient prétendre à un complément de rémunération accordé - en considération d'un événement dont ils justifiaient les uns comme les autres (obtention du même diplôme) - aux seuls inspecteurs entrés en fonction après 1993, qui exerçaient pourtant les mêmes fonctions que leurs collègues plus anciens. La différence de traitement est en conséquence manifeste.
Pour la justifier, l'employeur ne peut opposer le principe selon lequel les différences de traitement entre catégories professionnelles opérées par voie de conventions ou d'accords collectifs négociés et signés par des organisations syndicales représentatives sont présumés justifiées et qu'il appartient à celui qui les conteste de démontrer qu'elles sont étrangères à toute considération de nature professionnelle, dès lors qu'en l'espèce, la différence de traitement a lieu au sein d'une même catégorie professionnelle et pour des agents occupant exactement le même emploi et travaillant dans des conditions identiques. L'URSSAF AQUITAINE ne le conteste pas et admet en effet que les inspecteurs diplômés du cours des cadres postérieurement au mois de janvier 1993 et avant le mois de janvier 2005, ont bénéficié d'une régularisation de leur situation afin de la mettre en conformité avec l'arrêt rendu par la Cour de cassation le 27 mars 2013.
Il a été jugé qu'au regard du respect du principe à travail égal, salaire égal, la seule circonstance que les salariés aient été engagés avant ou après l'entrée en vigueur d'un accord collectif ne saurait suffire à justifier des différences de traitement entre-eux, pour autant que cet accord collectif n'a pas pour objet de compenser un préjudice subi par les salariés présents dans l'entreprise lors de son entrée en vigueur, ce qui n'est manifestement pas le cas en l'espèce, puisque ce sont les seuls agents engagés après l'entrée en vigueur du protocole qui bénéficie de l'avantage litigieux.
Or, en l'espèce, force est de constater qu'aucun élément objectif ne justifie cette différence.
Pour conclure au débouté de Madame [R] [I], l'URSSAF AQUITAINE oppose un autre moyen fondé sur l'absence de préjudice.
Elle rappelle qu'un accord a été négocié et conclu le 30 novembre 2004, qui a mis en place une nouvelle structure de rémunération, supprimé les articles 31 et 32 ainsi que les éléments de rémunération en pourcentage et modifié l'article 33.
Ainsi, à compter du 1er janvier 2005, les échelons en pourcentage antérieurement attribués aux agents ont été transposés en 'points d'expérience' et 'points de compétence' selon une grille de transposition énoncée à l'article 9 du protocole du 30 novembre 2004.
L'employeur ajoute qu'aussi bien sous le régime de l'accord de 1957 que de celui de 1992 l'avancement conventionnel était plafonné à 40 % du salaire. Or, Madame [R] [I] avait - grâce à son ancienneté et son mérite - atteint ce plafond à la veille de la mise en oeuvre de l'accord du 30 novembre 2004, en sorte que la non attribution des 4 % au titre de l'article 32 n'a eu pour effet que de retarder le moment où elle a atteint le plafond de 40 % mais n'a eu aucune incidence sur les opérations de transposition la concernant au 31 décembre 2004.
Elle fait enfin valoir que pour la période antérieure, la demande de Madame [R] [I] se heurte à la prescription.
L'appelante oppose à cette argumentation la note de l'UCANSS :
* rappelant qu'aux termes de l'article 32 (des deux protocoles : antérieur et postérieur au 14 mai 1992) l'attribution d'échelon pour les salariés lauréats du cours des cadres ayant atteints le plafond d'avancement de 40 %, prenait la forme d'une prime provisoire ;
* précisant que cette prime ne devait pas être incluse dans l'ancien salaire servant à la détermination du nombre de points d'expérience et de compétence à attribuer sur le nouveau coefficient de qualification, qu'il convenait en conséquence d'isoler cette somme en euros lors des opérations de transposition, cette somme venant s'ajouter, pour son montant antérieur, à la nouvelle rémunération telle qu'elle résulte des opérations de transposition.
La note précisait que 'les salariés qui avaient bénéficié pour la période antérieure des échelons de l'article 32 avaient un niveau de rémunération maintenu après les opérations de transposition quel que soit leur niveau d'avancement'.
Madame [R] [I] se prévaut enfin de 'la situation des inspecteurs régularisés après jugement du conseil de prud'hommes de Pau du 14 avril 2014 qui ont obtenu leur rappel de salaire au titre de l'article 32 sans prise en considération des augmentations de salaire dont ils ont pu bénéficier entre 2005 et 2014'.
L'appelante n'est cependant pas fondée à revendiquer le bénéfice des dispositions de l'article 32 concernant la situation des agents ayant atteints le plafond des 40 %, ni celui de la note précitée afférente au cas particulier de ces agents dans la mesure où à la date à laquelle cette salariée aurait dû bénéficier de l'attribution des échelons de choix de 4 % pour obtention du diplôme, elle n'avait évidemment pas atteint le plafond de 40 % puisqu'elle n'était pas salariée de l'URSSAF AQUITAINE avant cette obtention. Elle ne relève donc pas de cette catégorie d'agents.
Est également sans emport l'argumentation tirée du maintien de la rémunération des salariés qui avaient bénéficié pour la période antérieure des échelons de l'article 32, dans la mesure où cette situation ne peut se concevoir que dans la limite des 40 % précité, qui s'est toujours appliqué à tous les salariés. Or, il sera rappelé que Madame [R] [I] avait atteint ce plafond à la date de la transposition, en sorte qu'elle a bénéficié à compter de cette date de la rémunération maximale à laquelle elle pouvait prétendre au regard de son statut et de ses fonctions.
L'appelante ne peut enfin se prévaloir des jugements rendus par le conseil de prud'hommes de Pau au profit d'autres inspecteurs qui se sont vu allouer les rappels de salaires qu'ils avaient réclamés dans la mesure où :
*d'une part, ces décisions qui ont été rendues entres parties différentes, n'ont pas autorité de chose jugée dans les rapports entre l'URSSAF AQUITAINE et Madame [R] [I] ;
* d'autre part, il ne ressort pas de ces décisions que l'URSSAF AQUITAINE avait invoqué dans ces affaires l'incidence du protocole d'accord du 30 novembre 2004 ayant modifié les modalités de calcul des rémunérations et supprimé l'article 32 et ses conséquences.
Il en découle que Madame [R] [I] ne peut en toute hypothèse continuer d'appliquer comme elle le fait, un pourcentage supplémentaire de 4 % au-delà du 1er janvier 2005 alors que cette modalité de calcul a été supprimée à cette date, ni revendique le versement d'une prime dont elle ne remplissait pas les conditions pour la percevoir. De plus, l'URSSAF AQUITAINE fait à juste titre observer - mais Madame [R] [I] ne demande aucun rappel de salaire pour cette période - que les rappels de salaire découlant de l'application de l'échelon de 4 % de septembre 1983 jusqu'à la date à laquelle elle a atteint le taux maximal de 40 % sont prescrits. Il en découle que Madame [R] [I] ne peut prétendre revendiquer le versement des rappels de salaire qu'elle réclame.
Il n'en demeure pas moins que le préjudice subi par Madame [R] [I] du fait de la différence de traitement est certain et doit être indemnisé, en sorte qu'il y a lieu d'ordonner la réouverture des débats pour inviter l'appelante à chiffrer le montant des dommages et intérêts qui lui sont dus à ce titre et permettre un débat contradictoire de ce chef.
Sur la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat
Madame [R] [I] reproche à l'URSSAF AQUITAINE non seulement d'avoir refusé de régulariser sa situation mais également de n'avoir pas répondu à sa lettre de réclamation et d'être restée fermée à toute négociation.
L'URSSAF AQUITAINE invoque le contexte jurisprudentiel incertain, la demande tardive de Madame [R] [I] et les propositions de négociations qu'elle a faites dès que la position de la Cour de cassation a été clairement arrêtée - au moins pour les agents entrant dans le champ d'application du protocole du 14 mai 1992.
De fait, la première demande de régularisation de Madame [R] [I] date du 31 décembre 2011, soit 28 ans après la nomination de cette salariée et la date à laquelle elle aurait pu prétendre à l'avantage revendiqué, ce qui est de nature à susciter quelques interrogations. L'URSSAF AQUITAINE fait en outre valoir à juste titre, qu'au regard de la succession des accords conclus, de leur rédaction et des modifications apportées, leur mise en oeuvre a donné lieu à des lectures et applications diverses non seulement par les URSSAF mais aussi par les juridictions, en sorte qu'il ne peut lui être reproché de n'avoir pas immédiatement fait droit aux prétentions de ses agents diplômés et en particulier à celles de Madame [R] [I].
Enfin, il est établi qu'à compter de 2013 - date à partir de laquelle la jurisprudence a été définitivement arrêtée pour les agents relevant du protocole de 1992 - soit l'URSSAF AQUITAINE ne s'est pas opposée, devant les juridictions déjà saisies, aux prétentions de ses inspecteurs (nommés à ces fonctions à compter du 1er janvier 1993) soit, a pris l'initiative de les régulariser.
Enfin, si l'absence de réponse à un courrier peut caractériser un défaut de civilité, il n'en constitue pas pour autant un manquement aux obligations du contrat de travail.
Il en découle que la preuve d'une exécution déloyale du contrat de travail n'est pas rapportée.
Il y a donc lieu d'infirmer le jugement du conseil de prud'hommes qui tout en déboutant Madame [R] [I] de ses demandes a néanmoins considéré que l'employeur avait manqué à son obligation de bonne foi en ne faisant pas droit à ses prétentions et de débouter la salariée de ce chef.
Sur les dépens et l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
Les dépens et l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile sont réservés jusqu'à la fin de l'instance.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, contradictoirement, par arrêt mis à disposition au greffe et en dernier ressort :
CONFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Pau en ce qu'il s'est déclaré incompétent pour statuer sur la demande relative à l'application du protocole du 11 mars 1991 ;
L'INFIRME pour le surplus ;
ET STATUANT À NOUVEAU :
DIT que Madame [R] [I] a été victime d'une différence de traitement en ce que l'URSSAF AQUITAINE lui a refusé le bénéfice de l'article 32 de la Convention collective du personnel des organismes de la sécurité sociale et des allocations familiales ;
DIT que Madame [R] [I] n'est pas fondée à évaluer le préjudice subi à ce titre par application d'une clause conventionnelle n'ayant plus cours à la date de sa mise en oeuvre ;
ORDONNE la réouverture des débats de ce chef et INVITE Madame [R] [I] à réévaluer sa demande fondée sur la différence de traitement, conformément à ce qui est dit dans les motifs du présent arrêt ;
RÉSERVE à statuer de ce chef ;
DÉBOUTE Madame [R] [I] de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale par l'URSSAF AQUITAINE du contrat de travail ;
RÉSERVE à statuer sur les dépens ;
RENVOIE l'affaire et les parties à l'audience du lundi 3 avril 2017 à 14 heures 10 devant la chambre sociale de la cour d'appel de Pau,
Arrêt signé par Madame THEATE, Présidente, et par Madame HAUGUEL, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE,LA PRÉSIDENTE,