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29/09/2016 | FRANCE | N°14/01823

France | France, Cour d'appel de Pau, Chambre sociale, 29 septembre 2016, 14/01823


DT/CD



Numéro 16/03648





COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale







ARRÊT DU 29/09/2016









Dossier : 14/01823





Nature affaire :



Demande d'indemnités ou de salaires















Affaire :



[L] [X]



C/



URSSAF AQUITAINE


































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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R Ê T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 29 Septembre 2016, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.







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APRES DÉBATS



à l...

DT/CD

Numéro 16/03648

COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 29/09/2016

Dossier : 14/01823

Nature affaire :

Demande d'indemnités ou de salaires

Affaire :

[L] [X]

C/

URSSAF AQUITAINE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 29 Septembre 2016, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 15 Juin 2016, devant :

Madame THEATE, Président

Monsieur GAUTHIER, Conseiller

Madame FILIATREAU, Vice-Président placé, délégué en qualité de Conseiller par ordonnance du 9 mai 2016

assistés de Madame DEBON, faisant fonction de Greffière.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANT :

Monsieur [L] [X]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Maître DUPUY, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

URSSAF AQUITAINE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par la SELARL COULAUD et PILLET, avocats au barreau de BORDEAUX

sur appel de la décision

en date du 14 AVRIL 2014

rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE PAU

RG numéro : F 12/00541

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Monsieur [L] [X] est entré dans un service de protection sociale le 30 septembre 1983. Issu de la 24ème promotion du concours des inspecteurs du 23 mai 1989, il a été nommé inspecteur à l'URSSAF de PAU le 1er juin 1989.

Le 27 août 2012, il a saisi le conseil de prud'hommes de Pau, section encadrement, pour obtenir la condamnation de l'URSSAF à lui payer les sommes suivantes :

* 8.309,84 € arrêtée au 30 juin 2013, à titre de rappels de salaires, sur la base de l'article 32 de la Convention collective applicable, dans le respect de la prescription quinquennale

* 830,98 € à titre de congés payés au prorata de ce rappel de salaire ;

* 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

* 800 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en sus des dépens de l'instance.

La tentative de conciliation ayant échoué, l'affaire et les parties ont été renvoyées devant la formation de jugement.

Par jugement du 14 avril 2014, auquel il conviendra de se reporter pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, le conseil de prud'hommes de Pau :

* a débouté Monsieur [L] [X] de sa demande fondée sur l'application de l'article 32 de la Convention collective (rappels de salaire et indemnité compensatrice de congés payés) ;

* s'est déclaré incompétent pour statuer sur la demande relative à l'application du protocole du 11 mars 1991 ;

* dit que l'URSSAF AQUITAINE s'était rendu coupable d'exécution déloyale du contrat de travail en méconnaissance de l'article L. 1222-1 du code du travail et a alloué à Monsieur [L] [X] une somme de 100 € à ce titre ;

* débouté Monsieur [L] [X] de ses autres demandes ;

* condamné l'URSSAF AQUITAINE aux dépens de l'instance.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 9 mai 2014, l'avocat de Monsieur [L] [X] a, au nom et pour le compte de son client, interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 18 avril 2014.

Selon conclusions enregistrées au greffe de la cour le 15 juin 2016 et reprises oralement à l'audience, Monsieur [L] [X] demande à la cour de :

* dire que la 'promotion' de l'article 33 de la Convention collective n'entraîne pas la suppression des échelons accordés au titre de l'article 32 pour les agents diplômés du cours des cadres ;

* dire que l'URSSAF AQUITAINE viole le principe d'égalité de traitement ;

* dire que Monsieur [L] [X] est en droit de bénéficier d'un rappel de salaires au titre de l'article 32 de la Convention collective ;

* de condamner en conséquence l'URSSAF AQUITAINE à lui payer les sommes suivantes :

- 12.446,88 € arrêtée au 31mai 2016, à titre de rappels de salaires, sur la base de l'article 32 de la Convention collective applicable dans le respect de la prescription quinquennale ;

- 1.244,68 € à titre de congés payés au prorata de ce rappel de salaire ;

- 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

- 1.500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en sus des dépens de l'instance ;

* d'ordonner la délivrance des bulletins de salaires rectifiés pour la période d'août 2007 à mai 2016 sous astreinte de 500 € par jour de retard ;

* de condamner l'URSSAF AQUITAINE aux dépens y compris d'exécution.

Après un rappel exhaustif des articles 29, 31, 32 et 33 de la Convention collective applicable, dans leur rédaction antérieure à l'application du protocole du 14 mai 1992 puis postérieure à ce protocole entré en vigueur le 1er janvier 1993, dont il découle que dans chaque catégorie d'emploi, les agents bénéficient d'un système d'avancement par échelon (10 de 4 % ou 20 de 2 % selon que l'on se situe avant ou après la date d'entrée en vigueur du protocole du 14 mai 1992) acquis à l'ancienneté d'une part, au choix, d'autre part.

S'agissant de cette dernière catégorie la Convention collective distingue l'avancement au mérite (qui découle d'une inscription sur un tableau) de la situation des agents diplômés au titre de l'une des options du Cours de Cadres de l'Ecole Nationale qui se voient automatiquement allouer un échelon voire deux de choix (un, dès la fin des épreuves de l'examen, l'autre, au bout de deux ans s'ils n'ont pas obtenu leur promotion dans ce délai).

Le dernier alinéa de l'article 33 de la Convention collective stipule cependant qu'en cas de promotion dans une catégorie ou un échelon d'emploi supérieur, l'agent conserve les échelons d'avancement à l'ancienneté alors que les échelons au choix sont supprimés.

Monsieur [L] [X] interprète ces dispositions comme signifiant que les échelons acquis par avancement au mérite sont seuls supprimés les échelons 'de choix' appliqués aux agents diplômés au titre de l'une des options du Cours de Cadres de l'Ecole Nationale étant conservés par le salarié tandis que l'URSSAF AQUITAINE considère que seuls les échelons d'avancement à l'ancienneté sont conservés.

L'appelant fait valoir que son analyse est celle de l'UCANSS qui est l'organisme de droit privé exerçant pour le compte de l'ACOSS (Agence centrale des organismes de sécurité sociale) des tâches mutualisées de gestion des ressources humaines du régime de la sécurité sociale et dont les décisions et accords 's'appliquent de plein droit lorsqu'ils sont d'application automatique d'un accord collectif national' et après agrément de l'autorité compétente de l'Etat dans les autres cas.

Il ajoute que la position adoptée par l'URSSAF AQUITAINE méconnaît le principe d'égalité de traitement en ce qu'elle pénalise certains salariés seulement et parmi les inspecteurs de recouvrement, certains d'entre-eux puisque certaines URSSAF maintiennent le bénéfice des échelons de choix d'autres pas et qu'au sein des URSSAF qui refusent ce bénéfice, des inspecteurs ont obtenu gain de cause devant le conseil de prud'hommes, ce qui crée une différence de traitement avec ceux qui n'ont pas agi.

Pour Monsieur [L] [X] la position adoptée par l'URSSAF AQUITAINE n'est au surplus conforme :

* ni au texte de l'article 33 de la Convention collective qui distingue clairement l'avancement 'au choix' de l'article 29 de la Convention, de l'avancement 'de choix' de l'article 32 et qui, dans sa rédaction postérieure à l'entrée en vigueur du protocole du 14 mai 1992, limite expressément la suppression qu'il stipule aux seuls 'échelons supplémentaires d'avancement conventionnels acquis dans l'emploi précédent' ;

* ni à la jurisprudence de la Cour de cassation et des cours d'appel, la Cour de cassation ayant depuis longtemps admis que les salariés relevant de l'application du protocole du 14 mai 1992 devaient bénéficier de l'avancement conventionnel au choix de l'article 32 et plus récemment interdit toute distinction entre les salariés promus avant et après l'entrée en vigueur du protocole du 14 mai 1992 sur le fondement du principe d'égalité de traitement. Or, dans les arrêts cités par l'URSSAF AQUITAINE les salariés n'avaient pas invoqué ce principe.

Monsieur [L] [X] en déduit qu'il est en droit de revendiquer un rappel de salaire calculé sur la base de l'application des échelons supprimés, y compris les congés payés y afférents et la rectification des bulletins de salaire qui en découlent.

Sur l'exécution déloyale du contrat, l'appelant fait valoir sur le fondement de l'article L. 1222-1 du code du travail, que l'URSSAF AQUITAINE a refusé toute régularisation voire toute discussion sur ce différend, et que l'amorce de négociation tentée par l'URSSAF AQUITAINE la veille de l'audience devant le conseil de prud'hommes est restée sans suite.

Par conclusions enregistrées le 13 juin 2016 et reprises oralement à l'audience, l'URSSAF AQUITAINE demande à la cour de confirmer le jugement dont appel sauf en ce qu'il a alloué à l'appelante des dommages et intérêts au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail, de débouter Monsieur [L] [X] de l'ensemble de ses prétentions et de la condamner au paiement d'une indemnité de procédure de 1.500 €.

L'URSSAF AQUITAINE reprend à son tour l'historique des textes régissant l'avancement des agents et en particulier des agents diplômés au titre de l'une des options du Cours de Cadres de l'Ecole Nationale en rappelant que le 30 novembre 2004 a été signé un nouvel accord relatif à la rémunération et à la classification de l'emploi dans les organismes de sécurité sociale qui a mis en place une nouvelle structure, supprimé l'article 32 et modifié les dispositions de l'article 33. Les éléments de rémunération en pourcentage ont en conséquence disparu du dispositif conventionnel et ont été, selon les situations, transposés en 'points d'expérience' et en 'points de compétence'. De plus, les inspecteurs pré-recrutés par l'URSSAF AQUITAINE sont désormais formés et nommés dès obtention de leur certification.

L'URSSAF AQUITAINE rappelle ensuite la jurisprudence de la Cour de cassation depuis 2010, jusqu'aux arrêts récents de 2015 et 2016 concernant les salariés relevant du régime antérieurs à l'application du protocole du 14 mai 199, dont elle considère qu'ils sont favorables à son analyse. Elle fait en effet valoir que la distinction sémantique entre 'échelons de choix' et 'échelons au choix' n'a pas de sens dans la mesure où la Convention collective ne prévoit que deux types d'avancement : à l'ancienneté et au choix. Elle ajoute que le revirement opéré par référence au principe 'à travail égal salaire égal' est contraire à l'évolution de la même Cour, au visa notamment du principe de participation, selon lequel les différences de traitement entre catégories professionnelles opérées par voie de conventions ou d'accords collectifs négociés et signés par des organisations syndicales représentatives sont présumés justifiées et qu'il appartient à celui qui les conteste de démontrer qu'elles sont étrangères à toute considération de nature professionnelle.

Elle soutient que dans son dernier arrêt (12 février 2016), la Cour de cassation est revenue à son analyse antérieure (application de l'article 33 dans sa rédaction du 8 février 1957) alors même que le principe 'à travail égal salaire égal' avait été invoqué. Plus ponctuellement, elle affirme que les seuls cas d'inspecteurs ayant donné lieu à une révision de leur situation sont ceux qui relevaient de l'application du protocole du 14 mai 1992 applicable à compter du 1er janvier 1993, ou ceux qui, issus d'un recrutement interne étaient défavorisés par rapport à leurs collègues issus du recrutement externe, en sorte que l'invocation du principe 'à travail égal salaire égal' n'est pas justifiée. Elle se prévaut en outre de l'autonomie propre à chaque URSSAF dont elle déduit que les salariés ne peuvent opérer des comparaisons entre salariés qui, bien qu'ayant reçu la même formation, sont employés par différentes URSSAF.

Sur l'exécution prétendument déloyale du contrat de travail, qu'elle conteste, l'URSSAF AQUITAINE expose qu'elle n'a été saisie des réclamations des salariés qu'en 2011, "dans un contexte juridique incertain', que dès 2013, conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation, et à la position adoptée par l'UCANSS, elle a proposé la régularisation de certains salariés relevant des dispositions des articles 32 et 33 de la Convention collective tels qu'issus du protocole d'accord du 14 mai 1992 dont ne relève pas Monsieur [L] [X]. L'URSSAF AQUITAINE conteste en tout état de cause la réalité du préjudice alors que pendant 28 ans Monsieur [L] [X] n'a formé aucune demande.

MOTIFS

Il importe en premier lieu de relever que les dispositions du jugement du conseil de prud'hommes critiqué relatives à l'application du protocole du 11 mars 1991 ne sont contestées, ni évoquées par l'appelante, ni par l'intimée, en sorte que ces dispositions sont définitives et doivent être confirmées.

S'agissant des autres dispositions, il est acquis aux débats que Monsieur [L] [X] relève, au regard de la date de son entrée en fonction en qualité d'agent de contrôle, de la Convention collective applicable de 1976 au 31 décembre 1992.

Les articles 29 à 33 de cette convention instauraient pour les agents, dans chaque catégorie d'emploi, un système d'avancement à l'ancienneté d'une part, au choix d'autre part. Pour cette seconde catégorie, la convention distinguait :

* l'attribution d'échelons d'avancement 'au mérite' (établi sur la base des notes attribuées par la direction : article 31),

* de l'attribution d'échelons pour l'obtention d'un diplôme au titre de l'une des options du cours des cadres de l'Ecole Nationale organisés par la FNOSS et l'UNCAF, et pour le cas où les agents ainsi diplômés n'auraient pas obtenu leur promotion après deux ans de présence stipulait l'attribution d'un nouvel échelon (article 32),

L'article 33 précisait :

'En cas de promotion dans une catégorie ou un échelon d'emploi supérieur, les échelons d'avancement à l'ancienneté sont maintenus étant entendu qu'ils doivent être calculés sur la base du nouveau salaire de titularisation. Par contre les échelons au choix sont supprimés.'

Sur le certificat de formation des cadres, daté du 26 juin 1989, qui a été remis à Monsieur [L] [X], était portée la mention suivante :

'Cette attestation confère à son titulaire les avantages prévus par les articles 32 et 34 de la Convention collective du travail du personnel des organismes de sécurité sociale et d'allocations familiales.'

Il n'est cependant pas discuté que Monsieur [L] [X] n'a bénéficié d'aucun des échelons prévus à l'article 32 de la Convention collective précitée et notamment pas celui qui était lié à l'obtention du diplôme au titre de l'une des options du cours des cadres de l'Ecole Nationale, l'URSSAF AQUITAINE considérant que, comme pour ses collègues promus en interne, le bénéfice des échelons acquis au titre de l'article 32 était automatiquement supprimé conformément à l'article 33, par l'effet de la 'promotion'.

Il n'est pas contestable, au visa de l'article 33, que Monsieur [L] [X], dont la prise de fonction, en qualité d'agent de contrôle, a été immédiate à la suite de l'obtention de son diplôme, ne pouvait prétendre bénéficier d'aucun échelon d'avancement, la distinction opérée entre échelon au choix (visé à l'article 31) et échelon de choix (retenu à l'article 32) étant contraire à la fois à la lettre et à l'esprit de cet article selon lequel, en cas de promotion dans une catégorie ou un échelon d'emploi supérieur, seuls les échelons d'avancement à l'ancienneté étaient maintenus. C'est en tous cas en ce sens que s'est prononcée la chambre sociale de la Cour de cassation.

Le protocole du 14 mai 1992 a cependant en partie remanié les articles 29 à 33 précités : la distinction entre 'avancement conventionnel' obtenu par ancienneté et 'avancement conventionnel supplémentaire' résultant de l'appréciation portée annuellement par la hiérarchie a été maintenue (l'article 29), et l'article 32 a continué de poser les conditions d'obtention 'd'échelons d'avancement conventionnel' pour les agents diplômés au titre de l'une des options du cours des cadres organisée par l'UNCASS.

La modification a principalement concerné la rédaction de l'article 33, qui en cas de promotion, a limité la suppression des échelons acquis dans l'emploi précédent aux seuls 'échelons supplémentaires d'avancement conventionnel' et expressément maintenu les 'autres échelons d'avancement conventionnel' (voir article 33 : 'En cas de promotion les échelons supplémentaires d'avancement conventionnel acquis dans l'emploi précédents sont supprimés. Les autres échelons d'avancement conventionnel acquis sont maintenus.').

Dès lors et au terme d'une lecture littérale de cet article, la Cour de cassation a dit que les agents relevant de l'application du protocole de 1992, devaient continuer à bénéficier des échelons qualifiés par l'article 32 'd'échelons d'avancement conventionnel' acquis du fait de l'obtention du diplôme précité, à la suite de leur promotion, puisque seuls 'les échelons supplémentaires d'avancement conventionnel' de l'article 29 étaient concernés par l'application de l'article 33.

Cette analyse du protocole du 14 mai 1992 a été acceptée par l'URSSAF qui l'a en conséquence mise en oeuvre et a procédé aux régularisations qui en découlaient.

Il en est résulté une différence de traitement manifeste entre les inspecteurs de recouvrement de l'URSSAF recrutés avant et après l'application du protocole de 1992 puisque les premiers ne pouvaient prétendre à un complément de rémunération accordé - en considération d'un événement dont ils justifiaient les uns comme les autres (obtention du même diplôme) - aux seuls inspecteurs entrés en fonction après 1993, qui exerçaient pourtant les mêmes fonctions que leurs collègues plus anciens. La différence de traitement est en conséquence manifeste.

Pour la justifier, l'employeur ne peut opposer le principe selon lequel les différences de traitement entre catégories professionnelles opérées par voie de conventions ou d'accords collectifs négociés et signés par des organisations syndicales représentatives sont présumés justifiées et qu'il appartient à celui qui les conteste de démontrer qu'elles sont étrangères à toute considération de nature professionnelle, dès lors qu'en l'espèce, la différence de traitement a lieu au sein d'une même catégorie professionnelle et pour des agents occupant exactement le même emploi et travaillant dans des conditions identiques. L'URSSAF AQUITAINE ne le conteste pas et admet en effet que les inspecteurs diplômés du cours des cadres postérieurement au mois de janvier 1993 et avant le mois de janvier 2005, ont bénéficié d'une régularisation de leur situation afin de la mettre en conformité avec l'arrêt rendu par la Cour de cassation le 27 mars 2013.

Il a été jugé qu'au regard du respect du principe à travail égal, salaire égal, la seule circonstance que les salariés aient été engagés avant ou après l'entrée en vigueur d'un accord collectif ne saurait suffire à justifier des différences de traitement entre-eux, pour autant que cet accord collectif n'a pas pour objet de compenser un préjudice subi par les salariés présents dans l'entreprise lors de son entrée en vigueur, ce qui n'est manifestement pas le cas en l'espèce, puisque ce sont les seuls agents engagés après l'entrée en vigueur du protocole qui bénéficie de l'avantage litigieux.

Or en l'espèce, force est de constater qu'aucun élément objectif ne justifie cette différence.

Sur le préjudice que Monsieur [L] [X] a nécessairement subi du fait de la différence de traitement dont il a été victime il importe de rappeler qu'un accord a été négocié et conclu le 30 novembre 2004, qui a mis en place une nouvelle structure de rémunération, supprimé les articles 31 et 32 ainsi que les éléments de rémunération en pourcentage et modifié l'article 33. Ainsi, à compter du 1er janvier 2005, les échelons en pourcentage antérieurement attribués aux agents ont été transposés en 'points d'expérience' et 'points de compétence' selon une grille de transposition énoncée à l'article 9 du protocole du 30 novembre 2004. Il en découle que Monsieur [L] [X] ne peut comme il le fait, déterminer l'indemnisation du préjudice à laquelle il peut prétendre au titre de la différence de traitement, sur la base d'un rappel de salaire calculé à compter du mois d'août 2007 par référence au 4% de l'article 32, cet article et le mode de calcul auquel il se réfère ayant été supprimés à compter du 1er janvier 2005.

Dès lors l'indemnisation du préjudice ne peut se faire que sur la base de dommages et intérêts prenant en compte l'ensemble des composantes du préjudice, ou, si Monsieur [L] [X] considère que ce préjudice se limite à la seule différence de salaire, sur la base d'un rappel de salaire calculé en tenant compte :

* des points supplémentaires dont il aurait bénéficié lors de la transposition de l'accord du 30 novembre 2004, s'il avait été fait application de l'article 32 depuis 1986 jusqu'au 31 décembre 2004,

* de l'incidence de cette prise en compte sur le salaire dû à Monsieur [L] [X] à compter du mois d'août 2007 (outre les congés payés).

Il y a donc lieu d'ordonner la réouverture des débats de ce chef, l'appelant ne pouvant se prévaloir des jugements rendus par le conseil de prud'hommes de Pau au profit d'autres inspecteurs qui se sont vu allouer les rappels de salaires qu'ils avaient réclamés aux motifs :

*d'une part, que ces décisions, qui ont été rendues au profit de tiers, n'ont pas autorité de chose jugée dans les rapports entre l'URSSAF AQUITAINE et Monsieur [L] [X] ;

* d'autre part, il ne ressort pas de ces décisions que l'URSSAF AQUITAINE avait invoqué dans ces affaires l'incidence du protocole d'accord du 30 novembre 2004 ayant modifié les modalités de calcul des rémunérations et supprimé l'article 32 et ses conséquences.

Sur la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat

Monsieur [L] [X] reproche à l'URSSAF AQUITAINE non seulement d'avoir refusé de régulariser sa situation mais également de n'avoir pas répondu à sa lettre de réclamation et d'être restée fermée à toute négociation.

L'URSSAF AQUITAINE invoque le contexte jurisprudentiel incertain, la demande tardive de Monsieur [L] [X] et les propositions de négociations qu'elle a faites dès que la position de la Cour de cassation a été clairement arrêtée - au moins pour les agents entrant dans le champ d'application du protocole du 14 mai 1992.

De fait, la première demande de régularisation de Monsieur [L] [X] date du 5 janvier 2012, soit 23 ans après la nomination de ce salarié et après la date à compter de laquelle il aurait pu prétendre à l'avantage revendiqué, ce qui est de nature à susciter quelques interrogations. L'URSSAF AQUITAINE fait en outre valoir à juste titre, qu'au regard de la succession des accords conclus, de leur rédaction et des modifications apportées, leur mise en oeuvre a donné lieu à des lectures et applications diverses non seulement par les URSSAF mais aussi par les juridictions, en sorte qu'il ne peut lui être reproché de n'avoir pas immédiatement fait droit aux prétentions de ses agents diplômés et en particulier à celles de Monsieur [L] [X].

Enfin, il est établi qu'à compter de 2013 - date à partir de laquelle la jurisprudence a été définitivement arrêtée pour les agents relevant du protocole de 1992 - soit l'URSSAF AQUITAINE ne s'est pas opposée, devant les juridictions déjà saisies, aux prétentions de ses inspecteurs (nommés à ces fonctions à compter du 1er janvier 1993) soit, a pris l'initiative de les régulariser.

Enfin, si l'absence de réponse à un courrier peut caractériser un défaut de civilité, il n'en constitue pas pour autant un manquement aux obligations du contrat de travail.

Il en découle que la preuve d'une exécution déloyale du contrat de travail n'est pas rapportée.

Il y a donc lieu d'infirmer le jugement du conseil de prud'hommes qui tout en déboutant Monsieur [L] [X] de ses demandes a néanmoins considéré que l'employeur avait manqué à son obligation de bonne foi en ne faisant pas droit à ses prétentions et de débouter le salarié de ce chef.

Sur les dépens et l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

Les dépens et l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile sont réservés jusqu'à la fin de l'instance.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement par arrêt mis à disposition au greffe et en dernier ressort :

CONFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Pau en ce qu'il s'est déclaré incompétent pour statuer sur la demande relative à l'application du protocole du 11 mars 1991 ;

L'INFIRME pour le surplus ;

ET STATUANT À NOUVEAU :

DIT que Monsieur [L] [X] a été victime d'une différence de traitement en ce que l'URSSAF AQUITAINE lui a refusé le bénéfice de l'article 32 de la Convention collective du personnel des organismes de la sécurité sociale et des allocations familiales ;

DIT que Monsieur [L] [X] n'est pas fondé à évaluer le préjudice subi à ce titre par application d'une clause conventionnelle n'ayant plus cours à la date de sa mise en oeuvre ;

ORDONNE la réouverture des débats de ce chef et INVITE Monsieur [L] [X] à réévaluer sa demande fondée sur la différence de traitement, conformément à ce qui est dit dans les motifs du présent arrêt ;

RÉSERVE à statuer de ce chef ;

DÉBOUTE Monsieur [L] [X] de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale par l'URSSAF AQUITAINE du contrat de travail ;

RÉSERVE à statuer sur les dépens ;

RENVOIE l'affaire et les parties à l'audience du lundi 3 avril 2017 à 14 heures 10 devant la chambre sociale de la cour d'appel de Pau.

Arrêt signé par Madame THEATE, Présidente, et par Madame HAUGUEL, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE,LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 14/01823
Date de la décision : 29/09/2016

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-09-29;14.01823 ?
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