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15/09/2016 | FRANCE | N°15/04046

France | France, Cour d'appel de Pau, Chambre sociale, 15 septembre 2016, 15/04046


VP/CD



Numéro 16/03431





COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale







ARRÊT DU 15/09/2016









Dossier : 15/04046





Nature affaire :



Demande formée par le bailleur ou le preneur relative à la poursuite ou au renouvellement du bail















Affaire :



[K] [W] [R] [F]



C/



[O] [J] [W]

épouse [T]













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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R Ê T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 15 Septembre 2016, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article...

VP/CD

Numéro 16/03431

COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 15/09/2016

Dossier : 15/04046

Nature affaire :

Demande formée par le bailleur ou le preneur relative à la poursuite ou au renouvellement du bail

Affaire :

[K] [W] [R] [F]

C/

[O] [J] [W]

épouse [T]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 15 Septembre 2016, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 01 Juin 2016, devant :

Madame THEATE, Président

Madame COQUERELLE, Conseiller

Madame PEYROT, Conseiller

assistées de Madame HAUGUEL, Greffière.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTE :

Madame [K] [W] [R] [F]

L'Enclave d'Aujan

[Localité 1]

Représentée par la SCP [R] - FAIVRE, avocats au barreau de GERS

INTIMÉE :

Madame [O] [J] [W] épouse [T]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par la SCP CHEVALLIER-FILLASTRE, avocats au barreau de TARBES

sur appel de la décision

en date du 06 OCTOBRE 2015

rendue par le TRIBUNAL PARITAIRE DES BAUX RURAUX DE TARBES

RG numéro : 51-14-000014

FAITS ET PROCÉDURE :

Monsieur [B] [Q] et son épouse née [A] [I] ont, par acte sous seing privé du 19 décembre 1997, donné à Madame [O] [W] épouse [T], bail à ferme sur les parcelles terres sises :

- commune de [Localité 3] (65) : lieu-dit [Localité 4] cadastrées section A n° [Cadastre 1], [Cadastre 2], [Cadastre 3], [Cadastre 4], [Cadastre 5], lieu-dit [Localité 5] : section A n° [Cadastre 6] et [Cadastre 7], lieu-dit [Localité 6] section B n° [Cadastre 8] et [Cadastre 9] et lieu-dit [Localité 7] section A n° [Cadastre 8] pour une contenance totale de 6 ha 36 a et 24 ca,

- commune de Castelnau Moagnoac (65) : lieu-dit [Localité 8] cadastrées section A n° [Cadastre 8], [Cadastre 10], [Cadastre 11], [Cadastre 12], [Cadastre 13], [Cadastre 14], [Cadastre 15], [Cadastre 16], lieu-dit [Localité 9] : section A n° [Cadastre 8], [Cadastre 8], [Cadastre 17], [Cadastre 18], [Cadastre 19], [Cadastre 20], [Cadastre 21], [Cadastre 22], [Cadastre 23], [Cadastre 24] et [Cadastre 25] pour une contenance totale de 18 ha 40 a et 68 ca.

Par acte notarié reçu le 5 novembre 2013, les époux [D] ont fait donation à Madame [K] [F] de l'usufruit des biens loués, à titre temporaire et jusqu'au 31 décembre 2024.

Par exploit d'huissier en date du 3 mars 2014, Madame [K] [F], usufruitière, a donné congé à Madame [O] [G] du bail rural dont elle est titulaire, aux fins de reprise personnelle et à effet au 18 décembre 2015.

Par courrier recommandé avec avis de réception adressée le 19 juin 2014, Madame [O] [W] épouse [T] a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux de Tarbes en contestation de ce congé qu'elle demande de dire nul et de nul effet.

En l'absence de conciliation, les parties, régulièrement convoquées, ont été renvoyées en audience de jugement où elles ont présentées les demandes suivantes :

- Madame [O] [G] a maintenu sa demande en nullité du congé délivré par Madame [O] [G] et sollicité la condamnation de cette dernière à lui régler une indemnité de procédure,

- Madame [K] [F] a opposé l'irrecevabilité de la demande et au fond en a sollicité le rejet considérant valide le congé délivré. Elle a également présenté une demande d'indemnité de procédure.

Par jugement rendu le 6 octobre 2015, le tribunal paritaire des baux ruraux de Tarbes a :

Vu les articles 595 alinéa 4, 1131, 1165, 1167 du code civil, 514 et suivants, 696 et 700 du code de procédure civile,

- dit que Madame [K] [F] avait qualité pour donner congé,

- annulé le congé donné par acte d'huissier de justice du 3 mars 2014 par Madame [K] [F] à Madame [O] [G],

- condamné Madame [K] [F] à payer à Madame [O] [G] la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement,

- condamné Madame [K] [F] aux dépens.

Par courrier recommandé avec avis de réception adressé le 3 novembre 2015, reçu le 4 novembre 2015 au greffe de la cour d'appel, Maître [R] a, au nom et pour le compte de Madame [K] [F], interjeté appel en toutes ses dispositions de ce jugement, qui lui a été notifié le 9 octobre 2015, dans des conditions de forme et délai du recours qui ne sont pas discutées.

Les parties ont été régulièrement convoquées par le greffe à comparaître à l'audience de la Chambre sociale du 1er juin 2016.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Madame [K] [F], appelante, a remis ses conclusions les 6 janvier et 26 mai 2016 qui ont été oralement confirmées à l'audience par son avocat.

Elle demande à la Cour :

- de réformer le jugement entrepris,

- de déclarer irrecevable et pour le surplus mal fondée l'action en contestation de congé intentée par Madame [O] [G],

- de l'en débouter ainsi que de toutes ses demandes,

- de la condamner à lui régler la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et la condamner au paiement des entiers dépens.

A l'appui de ses prétentions, l'appelante :

1/ invoque une irrégularité de procédure déjà présentée en première instance et à laquelle il n'a pas été répondu en ce que, en application de l'article 885 du code de procédure civile, la demande devant le tribunal paritaire des baux ruraux doit indiquer 'même de façon sommaire, les motifs sur lesquels elle repose...' ;

Elle indique que la violation de cette règle de motivation sommaire constitue une fin de non-recevoir pouvant, selon l'article 123 du code de procédure civile, être soulevée à tout moment et sans avoir à justifier d'un grief.

Elle déclare que la lettre de saisine de Madame [O] [G] du 17 juin 2014 ne contient aucune indication sur les motifs de l'annulation du congé demandée et doit dès lors être déclarée irrecevable.

2/ sur le fond :

Elle critique le jugement entrepris qui a considéré qu'en procédant à la donation à titre temporaire de l'usufruit des terres objet du bail concédé à Madame [O] [G], Monsieur [B] [Q] et son épouse née [A] [I], propriétaires et bailleurs, avaient 'manifestement contourné le statut du fermage...', indiquant que le 'contournement manifeste' n'est pas un motif de nature à faire échec à un congé pour reprise aux fins d'exploitation personnelle, le preneur devant démontrer que le bénéficiaire ne remplit pas les conditions de reprise exigées par l'article L. 411-57 du code rural et de la pêche maritime.

Madame [K] [F] rappelle que le jugement ne fait aucune référence à ce texte et ajoute même un motif se rapportant à une autre affaire intéressant un certain Monsieur [B].

L'appelante déclare que la décision doit être réformée dès lors qu'elle remplit les conditions de reprise prévues par l'article L. 411-57 étant usufruitière et donc bailleur, âgée de 52 ans à plus de 5 ans de la retraite, et justifier de ses qualités d'exploitante agricole inscrite à la MSA depuis le 1er janvier 1990 comme chef d'une exploitation de 59 ha 07 a et 51 ca.

Elle précise que la reprise des terres louées n'entraîne pas pour son exploitation un dépassement du seuil de 90 ha fixé par le schéma directeur des structures du département du Gers, le seuil applicable à la région naturelle 'coteaux Nord' étant porté à 100 ha par l'application combinée des articles 2 et 6 du schéma directeur du Gers du 10 mai 2010.

Elle ajoute disposer du matériel nécessaire pour exploiter et en justifier et s'engage encore à une exploitation personnelle pendant 9 ans en résidant sur son immeuble d'habitation de [Localité 10] à proximité des terres reprises.

Elle combat les moyens présentés par Madame [O] [G] tirés de la cause illicite de la donation, de l'impossibilité pour l'usufruitier de donner congé et sur le défaut d'autorisation d'exploiter :

- sur la cause illicite de la donation en usufruit :

Elle déclare que Madame [O] [G] conteste la licéité de la cause de l'acte de donation lui ayant donné qualité pour agir alors que les donateurs, Monsieur [B] [Q] et son épouse née [A] [I], n'ont pas été mis en cause.

Elle indique que la cause et les mobiles ont d'ailleurs été confondus exposant les motifs subjectifs qui ont mû les époux [Q] à lui consentir l'usufruit temporaire des terres considérées et la perception pendant cette période des fermages. Elle fait valoir l'intention libérale dont ils ont été animés à son égard à l'issue d'une très longue et épuisante procédure en diminution du prix du fermage qui les a opposée à leur locataire.

Elle demande d'écarter la fausse cause retenue par le premier juge qui n'a jamais été démontrée par la demanderesse en nullité qui devait pourtant prouver que cette donation n'a pas entraîné pour les donateurs un dépouillement réel, irrévocable et accepté par le donataire.

Elle ajoute qu'il n'est pas établi que la donation ait été consentie dans l'intention de nuire au fermier soulignant que le bailleur ne saurait être restreint dans sa liberté de donner par les droits du preneur ajoutant qu'il est encore tout à fait libre dans les choix qui le déterminent sur le donateur.

L'appelante appuie encore sa critique du jugement remarquant que le juge a même invoqué dans sa motivation des faits totalement étrangers au litige relatifs à un certain M. [B].

- Elle indique encore avoir, en sa qualité d'usufruitière des biens loués, qualité pour donner le congé, en dépit des dispositions de l'article L. 411-47 du code rural et de la pêche maritime qui n'octroie ce droit qu'au propriétaire citant un arrêt de cassation du 29 janvier 1974 précisant que les dispositions de l'article 595 alinéa 4 du code civil n'interdisent pas à l'usufruitier de délivrer seul congé au preneur, affirmant qu'une assimilation est faite par la jurisprudence entre l'usufruitier et le bailleur.

- elle affirme qu'elle n'est pas soumise à la procédure d'autorisation d'exploiter déclarant que trois régimes existent en la matière : la déclaration préalable, l'autorisation préalable et la liberté d'exploiter dans laquelle elle se trouve justifiant des conditions de capacité professionnelle agricole et d'une exploitation n'excédant pas le seuil maximal fixé par le schéma directeur.

- enfin elle soutient que la date du congé donné au 18 décembre 2015 reste valide même si certaines parcelles ont été louées non au 18 décembre 1997 mais au 31 décembre de la même année, le fait que le preneur devant quittant les lieux le 19 décembre ou fin décembre étant sans conséquence sur la validité du congé donné plus de 18 mois avant le terme du bail.

Madame [O] [G], intimée, a déposé ses conclusions le 14 mars 2016 qui ont également été oralement confirmées à l'audience par son avocat.

Elle sollicite de la cour la confirmation du jugement entrepris et consécutivement :

- sur le fondement des articles 1108 et 1131 du code civil et L. 411-66 du code rural et de la pêche maritime, de constater la nullité du congé délivré le 3 mars 2014 en raison de la fraude à ses droits d'ordre public issus du statut des baux ruraux résultant de l'acte de donation du 5 novembre 2013,

- de constater que ce congé n'a pas été donné pour la bonne date pour les parcelles A [Cadastre 26] et A [Cadastre 8] de la commune de Sarriac Magnoac,

- de dire le congé nul car fondé sur des textes inadéquats, à savoir les articles L. 411-31 et L. 411-58 du code rural et de la pêche maritime, seul un congé sur les articles L. 411-31 ou L. 411-35 était possible,

- de constater que les conditions de dérogation à l'autorisation administrative préalable (L. 331-2 du code rural et de la pêche maritime) ne sont pas réunies et que le congé encourt encore la nullité de ce chef,

- de débouter Madame [K] [F] de toutes ses demandes et la condamner à lui régler la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Madame [O] [G] déclare tout d'abord sa demande recevable précisant avoir sommairement motivé sa requête comme le prévoit l'article 885 du code de procédure civile, sa demande indiquant néanmoins qu'elle sollicitait la nullité du congé délivré le 3 mars 2014 par Madame [K] [F]. Elle ajoute qu'en application de ce texte, il suffit d'indiquer ce sur quoi porte la saisine comme par exemple une contestation d'acte, une non exécution d'obligation ou une exécution dommageable, etc.

Elle indique encore qu'en tout état de cause, si comme le soutient l'appelante, ce 'défaut de motivation' constitue une fin de non-recevoir, elle a, ainsi qu'en dispose l'article 126 du code de procédure civile régularisé la procédure avant que le juge statue, par les écritures motivées qu'elle a déposées et soutenues. Elle souligne que Madame [K] [F] a, pour sa part, omis d'annexer au congé les pièces visées à l'acte.

Sur le fond la preneuse intimée soutient que plusieurs motifs permettent d'annuler le congé contesté :

Elle indique préliminairement que ce n'est pas 'par égarement' comme tente de le soutenir l'appelante que le premier juge fait mention dans sa décision de M. [B] mais rappelle sur ce point, que Monsieur [B] [Q] et son épouse née [A] [I] ont, 'par un montage juridique' attribué l'usufruit temporaire des terres qui lui sont louées à deux personnes : Madame [K] [F], pour une partie, et pour l'autre, à Monsieur [B] qui lui a également donné un congé qui a été définitivement annulé, M. [B] n'ayant pas, contrairement à l'appelante, contesté la décision.

Elle invoque :

* la cause illicite de l'acte de donation en usufruit du 5 novembre 2013 rappelant que le principe selon lequel la fraude corrompt tout.

Elle rappelle les dispositions de l'article 1131 du code civil et critique l'acte intervenu par lequel Monsieur [B] [Q] et son épouse née [A] [I], qui ont un enfant, vont, le 5 novembre 2013, faire donation de l'usufruit des terres qu'elle loue, à titre temporaire pour une période de 11 ans, à deux personnes, Madame [K] [F] et M. [B].

Elle fait remarquer que cette donation intervient peu de temps après un arrêt de la cour d'appel de Pau du 28 mars 2013 qui va mettre fin au contentieux qui l'a opposé à ses bailleurs les époux [Q] ayant pour objet une diminution de son fermage qui a été accueillie par la Cour, le prix de son bail étant ramené à un montant annuel de 3.981,66 € à compter de 2009.

Elle souligne que dès le 3 mars 2014 congé sera donné aux fins d'exploitation personnelle par l'usufruitière bailleresse.

Madame [O] [G] déclare que ces éléments établissent que la cause impulsive et déterminante de la donation était de contourner le statut d'ordre public des baux ruraux et de la priver de ses droits sur le bail exploité depuis 1997.

Elle indique que l'article L. 411-66 du code rural et de la pêche maritime qui sanctionne les actes de reprise exercés par fraude aux droits du preneur lui permet d'intervenir directement à l'encontre de l'auteur du congé qui est Madame [K] [F].

* la nullité du congé résulte encore des dispositions de l'article L. 411-47 du code rural et de la pêche maritime qui ne donne qu'au propriétaire la qualité pour donné congé du bail rural sauf si ce congé est délivré au fondement des articles L. 411-31 ou L. 411-35 ce qui n'est pas le cas en l'espèce, l'acte de congé visant les articles L. 411-47 et L. 411-58.

* elle fait valoir l'inexactitude du terme donné pour le congé fixé au 18 décembre 2015 alors les parcelles A 19 et A 31 sont loués depuis le 31 décembre 1997.

* elle indique enfin, qu'en application de l'article L. 331-2 du code rural et de la pêche maritime deux régimes distincts sont prévus pour le contrôle des structures : la déclaration préalable ou l'autorisation préalable et soutient que Madame [K] [F] ne peut justifier ni de l'une, ni de l'autre, ni d'ailleurs remplir les conditions pour en bénéficier, cette absence justifiant encore la nullité du congé.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

I - Sur la recevabilité de l'appel :

L'appel interjeté par Madame [K] [F] a été formalisé dans les conditions de forme et délai requises et est donc recevable.

II - Sur la recevabilité de la demande :

Madame [K] [F] fait tout d'abord valoir une irrégularité de procédure, présentée en première instance et à laquelle il n'a pas été répondu, invoquant, au visa de l'article 885 du code de procédure civile, l'absence d'indication, dans la requête initiale de la locataire, Madame [O] [G], des motifs sur lesquels repose sa contestation.

Aux termes de l'article 885 du code de procédure civile, devant le tribunal paritaire des baux ruraux, 'La demande est formée et le tribunal saisi par déclaration faite, remise ou adressée au greffe du tribunal ou par acte d'huissier de justice adressé à ce greffe.

Lorsqu'elle est formée par déclaration au greffe, la demande comporte les mentions prescrites par l'article 58.

Dans tous les cas la demande doit indiquer, même de façon sommaire, les motifs sur lesquels elle repose...' ;

L'article 58 du même code prévoit que la déclaration au greffe '... contient, à peine de nullité :

1°- pour les personnes physiques : l'indication des nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance du demandeur,

- pour les personnes morales...

2° L'indication des nom, prénoms et domicile de la personne contre laquelle la demande est formée ou, s'il s'agit d'une personne morale...

3° L'objet de la demande.

(...)

Elle est datée et signée' ;

L'article 112 du code de procédure civile déclare par ailleurs : 'La nullité des actes de procédure peut être invoquée au fur et à mesure de leur accomplissement ; mais elle est couverte si celui qui l'invoque a, postérieurement à l'acte critiqué, fait valoir des défenses au fond ou opposé une fin de non-recevoir sans soulever la nullité'.

Selon les articles 113 et 114 du même code, tous les moyens de nullité doivent être soulevés simultanément à peine d'irrecevabilité et aucun acte ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n'est pas expressément prévue sauf en cas d'inobservation d'une formalité d'ordre substantielle ou d'ordre public.

L'article 115 du code de procédure civile ajoute que 'la nullité est couverte par la régularisation ultérieure de l'acte si aucune forclusion n'est intervenue et si la régularisation ne laisse subsister aucun grief'.

En outre, l'article 122 du code de procédure civile énonce 'Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut du droit d'agir tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée'.

L'article 126 du même code précise toutefois 'Dans le cas où la situation donnant lieu à fin de non-recevoir est susceptible d'être régularisée, l'irrecevabilité sera écartée si sa cause a disparu au moment où le juge statue...'.

En application de ce texte, il est établi qu'une fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité d'une demande pour absence de motivation doit être prévue par un texte et que cette irrégularité est néanmoins susceptible d'être régularisée, en cours de procédure, et avant l'expiration du délai prévu pour accomplir cette formalité de motivation.

En l'espèce et selon les textes visés plus avant, il est établi que la requête initiale présentée devant le tribunal paritaire des baux ruraux doit exposer, de façon sommaire, les motifs sur lesquels elle repose (article 885) et notamment contenir, à peine de nullité, l'objet de la demande (article 58).

Il est démontré que Madame [O] [G] a déposé le 20 juin 2014, par courrier recommandé avec avis de réception du 19 juin, une demande devant le tribunal paritaire des baux ruraux à l'encontre de Madame [K] [F] pour contester le congé qui lui a été donné, par cette dernière, en qualité d'usufruitière, pour reprise aux fins d'exploitation personnelle, des terres qu'elle loue auprès des époux [Q]. Elle sollicitait la nullité de cet acte.

Par conclusions postérieures remises en cours de procédure devant le tribunal paritaire des baux ruraux, Madame [O] [G] a précisément exposé les motifs sur lesquels elle se fondait pour se prévaloir de la nullité du bail congé qu'elle sollicitait.

Ainsi et au vu de ces éléments, il y a lieu de constater que non seulement la requête initiale présentée par la locataire des terres, Madame [O] [G], est explicite en ce qu'elle indique sommairement qu'elle se réclame de la nullité du congé qui lui a été donné mais qu'encore elle a, par conclusions postérieures, longuement développé chacun des motifs sur lesquels elle fondait sa demande, moyens qui ont été oralement développés à l'audience comme l'exige la procédure devant le tribunal paritaire des baux ruraux.

En conséquence, il convient d'écarter le moyen tiré de l'irrecevabilité de la demande présentée par l'appelante.

III - Au fond :

Sur la validité du congé aux fins de reprise des terres pour exploitation personnelle donné le 3 mars 2014 par Madame [K] [F], usufruitière, à Madame [O] [G], locataire :

L'appelante soutient que le congé qu'elle a notifié en qualité d'usufruitière des terres louées est parfaitement valide et ne peut être remis en cause dès lors :

- que la cause de l'acte de donation en usufruit, consenti le 5 novembre 2013 par Monsieur [B] [Q] et son épouse née [A] [I], ne peut être contestée les donateurs n'ayant pas été mis en cause dans la procédure soulignant sur ce point que la cause et les mobiles de l'acte ont d'ailleurs été confondus par le premier juge qui ne pouvait ainsi retenir la fausse cause ;

- qu'elle a parfaitement qualité, en tant qu'usufruitière des biens loués, de donner congé ;

- qu'elle n'est pas soumise à la procédure d'autorisation d'exploiter déclarant que trois régimes existent en la matière : la déclaration préalable, l'autorisation préalable et la liberté d'exploiter dans laquelle elle se trouve justifiant des conditions de capacité professionnelle agricole et d'une exploitation n'excédant pas le seuil maximal fixé par le schéma directeur.

- enfin, que la date du congé donné au 18 décembre 2015 reste valide même si certaines parcelles ont été louées non au 18 décembre 1997 mais au 31 décembre de la même année.

a/ sur la contestation de l'acte de donation temporaire en usufruit :

Il est constant, en application des articles L. 491-1, L. 412-1 et L. 421- 12 du code rural et de la pêche maritime, que le tribunal paritaire des baux ruraux a compétence exclusive pour connaître de l'action tendant à l'annulation d'un acte authentique telle une donation portant sur des biens immobiliers prétendument passés en fraude des droits du preneur.

En l'espèce, il est établi que, par acte notarié du 5 novembre 2013, Monsieur [B] [Q] et son épouse née [A] [I], propriétaires, ont fait donation de l'usufruit des terres louées à Madame [O] [G] depuis le 19 décembre 1997, à titre temporaire et pour une période de 11 ans, à deux personnes tiers, Madame [K] [F] et Monsieur [B].

Toutefois et en l'absence de mise en cause à la présente procédure des époux [Q], donateurs, la contestation de cet acte de donation temporaire en usufruit ne peut être critiqué.

Ce moyen doit en conséquence être écarté et le jugement entrepris infirmé de ce chef.

b/ sur la qualité de l'auteur du congé :

Selon l'article L. 411-47 du code rural et de la pêche maritime 'le propriétaire qui entend s'opposer au renouvellement doit notifier congé au preneur dix-huit mois au moins avant l'expiration du bail par acte extrajudiciaire...'.

Par ailleurs, si en application du dernier alinéa de l'article 595 du code civil l'usufruitier ne peut, sans le concours du nu-propriétaire, donner à bail un fonds rural, il est constant que ces dispositions ne font pas obstacle à ce que l'usufruitier délivre seul congé au preneur.

Il convient de constater qu'en l'espèce, le congé a été régulièrement donné, par exploit d'huissier, en date du 3 mars 2014, par Madame [K] [F] ès qualités d'usufruitière, à Madame [O] [G], locataire, pour le bail rural dont elle est titulaire, aux fins de reprise personnelle et à effet au 18 décembre 2015.

Madame [K] [F] avait donc, en sa qualité d'usufruitière des biens affermés, pleine capacité pour donner à Madame [O] [G], locataire, congé en vue d'une reprise aux fins d'exploitation personnelle.

Ce moyen de nullité doit en conséquence également être rejeté.

c/ sur l'absence d'autorisation administrative d'exploiter détenue par Madame [K] [F] candidate à la reprise des terres pour exploitation personnelle :

L'appelante soutient ne pas être soumise à la procédure d'autorisation d'exploiter déclarant que trois régimes coexistent en la matière : la déclaration préalable, l'autorisation préalable et la liberté d'exploiter, dernière situation dans laquelle elle se trouve pouvant justifier des conditions de capacité professionnelle agricole et d'une exploitation n'excédant pas le seuil maximal fixé par le schéma directeur.

Selon l'article L. 312-6 du code rural et de la pêche maritime prévoit notamment que 'la surface minimum d'installation est fixée dans le schéma directeur départemental des structures agricoles pour chaque région naturelle du département et de chaque culture. Elle est révisée périodiquement... '.

L'article L. 331-2 du même code prévoit que 'Sont soumises à autorisation préalable les opérations suivantes :

1° - les installations, les agrandissements ou les réunions d'exploitations agricoles au bénéfice d'une exploitation agricole mise en valeur par une ou plusieurs personnes physiques ou morales, lorsque la surface totale qu'il est envisagé de mettre en valeur excède le seuil fixé par le schéma départemental des structures.

Ce seuil est compris entre une et deux fois l'unité de référence définie à l'article L. 312-5...'.

Au vu des éléments de l'espèce il est établi que le schéma directeur des structures agricoles pour le département du Gers (arrêté préfectoral du 16 juin 2009 - pièce 7 appelante) a fixé 90 hectares la surface minimum à partir de laquelle toutes les opérations d'installations, d'agrandissements, de réunions ou de suppressions d'exploitations sont soumises à autorisation administrative d'exploiter.

Or, si le relevé d'exploitation du 22 avril 2015 établi par la Mutualité sociale agricole (pièce 6 appelante) indique qu'à cette date, Madame [K] [F] exploite, à titre personnel, 59 hectares 7 ares et 51 centiares de terres agricoles, il doit être constaté que, dans le congé litigieux, Madame [K] [F] a précisé, sans aucune ambiguïté, exploiter, à titre personnel, 70 hectares de terres.

Dans de telles conditions sachant que les terres louées à Madame [O] [G], objet de la reprise envisagée, représentent une superficie totale de 24 hectares 76 ares et 92 centiares (pièce 2 appelante), il est mathématiquement établi que l'exploitation personnelle envisagée par Madame [K] [F], du fait du congé donné à Madame [O] [G], constitue un agrandissement d'exploitation dont la superficie est supérieure au seuil de 90 hectares fixé par le schéma départemental des structures agricoles du Gers dès lors que la réunion des propriétés totalise une superficie de 94 hectares 76 ares et 92 centiares.

Or, il résulte de l'article L. 411-58 du code rural et de la pêche maritime que, si le bailleur, ou comme tel est le cas en l'espèce, l'usufruitier des terres louées, peut refuser le renouvellement du bail s'il entend reprendre le bien pour lui-même, son conjoint, son concubin lié par un pacte civil de solidarité ou d'un descendant, l'exercice de ce droit de reprise, qui constitue une installation, un agrandissement ou une réunion d'exploitation pour le bénéficiaire, est soumis au contrôle des structures défini par les articles L. 331-1 et suivants du code rural et de la pêche maritime et le bénéficiaire de la reprise doit, s'il est soumis à autorisation, avoir obtenu celle-ci au jour d'effet du congé, cette autorisation ne devant pas avoir été annulée.

En l'espèce, il est démontré que, contrairement à ce que soutient l'appelante, la reprise des terres louées à Madame [O] [G] pour exploitation personnelle par Madame [K] [F], telle que déclarée au titre du congé délivré le 3 mars 2014, était soumise, dans le cadre des règles sur le contrôle des structures agricoles, à une autorisation administrative d'exploiter que Madame [K] [F] n'a jamais demandée.

Dès lors et en l'absence de cette autorisation indispensable le congé délivré le 3 mars 2014 pour reprise personnelle par Madame [K] [F] est invalide et doit être annulé.

Au vu des éléments de l'espèce, il apparaît équitable de condamner Madame [K] [F] à régler à Madame [O] [G] une somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Madame [K] [F], succombant à l'instance, sera déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et, par application de l'article 696 du code de procédure civile, condamnée aux entiers dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au Greffe, et en dernier ressort,

DÉCLARE recevable l'appel formé par Madame [K] [F],

DÉCLARE recevable la demande présentée par Madame [O] [G] en contestation du congé du bail à ferme qui lui a été délivré par exploit du 3 mars 2014,

INFIRME le jugement rendu le 6 octobre 2015 par le tribunal paritaire des baux ruraux de Tarbes en ce qu'il a annulé le congé donné le 3 mars 2014 par Madame [K] [F] à Madame [O] [G] en retenant que l'acte de donation temporaire en usufruit consenti par Monsieur [B] [Q] et son épouse née [A] [I], propriétaires, à Madame [O] [G] par acte notarié du 5 novembre 2013, reposait sur une fausse cause,

STATUANT À NOUVEAU,

ANNULE le congé délivré le 3 mars 2014 par Madame [K] [F], pour reprise aux fins d'exploitation personnelle des terres, à Madame [O] [G] en l'absence d'obtention par Madame [K] [F] de l'autorisation administrative d'exploiter nécessaire à la reprise,

DÉBOUTE les parties de leurs plus amples demandes,

CONDAMNE Madame [K] [F] à régler à Madame [O] [G] la somme de DEUX MILLE euros (2.000 €) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Madame [K] [F] au paiement des entiers dépens.

Arrêt signé par Madame THEATE, Présidente, et par Madame HAUGUEL, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE,LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 15/04046
Date de la décision : 15/09/2016

Références :

Cour d'appel de Pau 3S, arrêt n°15/04046 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-09-15;15.04046 ?
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