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15/09/2016 | FRANCE | N°14/01569

France | France, Cour d'appel de Pau, Chambre sociale, 15 septembre 2016, 14/01569


MF/CD



Numéro 16/03433





COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale







ARRÊT DU 15/09/2016









Dossier : 14/01569





Nature affaire :



Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution















Affaire :



Société d'Economie Mixte D'EXPLOITATION DES THERMES DE BAGNÈRES DE BIGORRE



C/



[M] [O]

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R Ê T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 15 Septembre 2016, les parties en ayant été préalablement avisées dans les con...

MF/CD

Numéro 16/03433

COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 15/09/2016

Dossier : 14/01569

Nature affaire :

Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution

Affaire :

Société d'Economie Mixte D'EXPLOITATION DES THERMES DE BAGNÈRES DE BIGORRE

C/

[M] [O]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 15 Septembre 2016, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 30 Mai 2016, devant :

Madame THEATE, Président

Madame COQUERELLE, Conseiller

Madame FILIATREAU, Vice-Président placé, délégué en qualité de Conseiller par ordonnance du 9 mai 2016

assistées de Madame HAUGUEL, Greffière.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTE :

Société d'Economie Mixte d'Exploitation des THERMES DE BAGNÈRES DE BIGORRE représentée par Madame [M], Directrice

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Assistée de Maître ARDANUY de la SELAFA FIDAL, avocat au barreau de DAX

INTIMÉE :

Madame [M] [O]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 1]

Assistée de Monsieur BADETS, délégué syndical, muni d'un pouvoir régulier

sur appel de la décision

en date du 07 AVRIL 2014

rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE TARBES

RG numéro : F 11/00272

FAITS et PROCÉDURE

Suivant contrat à durée indéterminée du 28 octobre 2009, la société d'économie mixte d'exploitation des THERMES DE BAGNÈRES DE BIGORRE a embauché Madame [M] [O] en qualité de masseuse esthéticienne.

Le 2 mai 2011, la société d'économie mixte d'exploitation des THERMES DE BAGNÈRES DE BIGORRE a convoqué Madame [M] [O] à un entretien préalable de licenciement le 10 mai 2011. Suite à la réception d'un certificat médical établissant l'impossibilité pour la salariée de se déplacer, la société d'économie mixte d'exploitation des THERMES DE BAGNÈRES DE BIGORRE a de nouveau convoqué Madame [M] [O] le 10 mai 2011à un entretien préalable de licenciement le 18 mai 2011.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 23 mai 2011, la société d'économie mixte d'exploitation des THERMES DE BAGNÈRES DE BIGORRE a licencié Madame [M] [O] pour absences répétées et prolongées ayant des répercussions sur le fonctionnement de l'entreprise et ayant nécessité de procéder à son remplacement définitif.

Madame [M] [O] a saisi le conseil de prud'hommes de Tarbes par requête reçue le 4 juillet 2011 contestant son licenciement.

Les parties ont été convoquées pour l'audience de conciliation du 5 septembre 2011, date à laquelle l'affaire a été renvoyée en bureau de jugement, à défaut de conciliation.

En l'état de ses dernières conclusions, Madame [M] [O] a sollicité du conseil de prud'hommes de :

- dire et juger son licenciement abusif et sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la société d'économie mixte d'exploitation des THERMES DE BAGNÈRES DE BIGORRE à lui verser la somme de 30.000 € de dommages et intérêts,

la condamner à 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Par jugement du 5 mars 2012, le conseil de prud'hommes de Tarbes a ordonné une mesure d'instruction confiée à deux conseillers rapporteurs afin de mettre l'affaire en l'état et d'apporter tout éclaircissement sur les conditions de travail de Madame [M] [O] ainsi que sur la rupture du contrat de travail.

Plusieurs témoins ont été entendus et des procès-verbaux d'audition du 20 février 2013 ont retranscrit leur déclaration. Les conseillers rapporteurs ont rédigé un rapport le 23 septembre 2013 et renvoyé l'examen de l'affaire à l'audience du 2 décembre 2013.

Par jugement en date du 7 avril 2014, le conseil de prud'hommes de Tarbes, section activités diverses, a :

- dit que le licenciement de Madame [M] [O] est sans cause réelle et sérieuse,

- condamné la société d'économie mixte d'exploitation des THERMES DE BAGNÈRES DE BIGORRE à verser à Madame [M] [O] la somme de 15.000 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et abusif ;

- condamné la société d'économie mixte d'exploitation des THERMES DE BAGNÈRES DE BIGORRE à verser à Madame [M] [O] la somme de 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dit que le présent dispositif est assorti de l'exécution provisoire ;

- débouté la société d'économie mixte d'exploitation des THERMES DE BAGNÈRES DE BIGORRE de sa demande reconventionnelle ;

- condamné la société d'économie mixte d'exploitation des THERMES DE BAGNÈRES DE BIGORRE aux entiers dépens.

Le jugement a été notifié aux parties par lettre recommandée avec accusé de réception, reçue le 9 avril 2014 par la société d'économie mixte d'exploitation des THERMES DE BAGNÈRES DE BIGORRE.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 18 avril 2014, le conseil de la société d'économie mixte d'exploitation des THERMES DE BAGNÈRES DE BIGORRE a formé appel de ce jugement

Les parties ont été convoquées devant la chambre sociale de la présente Cour pour l'audience du 30 mai 2016.

MOYENS et PRÉTENTIONS DES PARTIES

Lors de l'audience, la société d'économie mixte d'exploitation des THERMES DE BAGNÈRES DE BIGORRE a déposé ses conclusions le 26 mai 2016 dans lesquelles elle sollicite de voir :

- réformer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Tarbes le 7 avril 2014,

- dire le motif du licenciement de Madame [M] [O] réel et sérieux,

- la débouter de ses demandes,

- la condamner aux dépens de l'instance ainsi qu'au paiement d'une indemnité de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle s'est opposée à la demande de réintégration formée à l'audience par Madame [M] [O] dans le cadre de sa demande en nullité du licenciement.

A l'appui de ses prétentions, la société d'économie mixte d'exploitation des THERMES DE BAGNÈRES DE BIGORRE fait valoir :

- Sur le harcèlement :

La société d'économie mixte d'exploitation des THERMES DE BAGNÈRES DE BIGORRE rappelle que le conseil de prud'hommes avait missionné des conseillers rapporteurs qui ont procédé à une audition le 20 février 2013 de laquelle il ne résulterait pas que la salariée ait été victime de harcèlement ou de pressions quelconques. Elle ajoute que le Conseil a retenu que «'les conseillers rapporteurs n'ont pu, en auditionnant d'éventuels témoins, établir un harcèlement moral ayant altéré la santé de Madame [O] qui est la cause indirecte de son licenciement'; il s'agit plutôt de conséquences pour cette salariée de reproches et des contraintes émanant d'une directrice, dont il est démontré le caractère particulièrement autoritaire et intransigeant'». La société d'économie mixte d'exploitation des THERMES DE BAGNÈRES DE BIGORRE conclut donc au rejet des demandes de Madame [M] [O] fondées sur le harcèlement.

- Sur le licenciement :

La société d'économie mixte d'exploitation des THERMES DE BAGNÈRES DE BIGORRE rappelle que l'absence prolongée d'un salarié constitue un motif réel et sérieux de licenciement dès lors que l'employeur est en mesure de prouver que cette absence engendre une perturbation du fonctionnement de l'entreprise et la nécessité d'un remplacement définitif. Elle ajoute que le conseil de prud'hommes n'a pas remis en question la perturbation du fonctionnement de l'entreprise par les absences de Madame [M] [O] mais a contesté la nécessité d'un remplacement définitif. Or, la société d'économie mixte d'exploitation des THERMES DE BAGNÈRES DE BIGORRE considère que le juge ne peut s'immiscer dans les choix de gestion de l'employeur. Elle considère à ce titre qu'il était impératif qu'une seule personne remplace la salariée absente au vu de la spécificité de l'emploi (connaissance de la clientèle, de l'équipe, des méthodes de travail...). Elle précise avoir d'abord recruté Madame [X] [L] suivant contrat à durée déterminée pendant les absences de Madame [M] [O] puis par contrat à durée indéterminée à compter du 1er juillet 2011. Elle ajoute encore, que les tâches effectuées par ces deux salariées sont similaires à l'exception des fonctions de chef d'équipe qui étaient confiées à Madame [M] [O] qui bénéficiait d'une expérience supérieure à celle de Madame [L]. La société d'économie mixte d'exploitation des THERMES DE BAGNÈRES DE BIGORRE rappelle à ce titre que l'affectation de responsabilités relève de la libre appréciation du seul employeur. Elle ajoute encore que le registre du personnel permet de constater que l'équipe a toujours comporté trois personnes. Elle conclut par conséquent à la réformation du jugement entrepris.

Madame [M] [O] a déposé ses conclusions le 2 mars 2016 dans lesquelles elle sollicite de voir':

- dire et juger son licenciement nul et ordonner sa réintégration,

- dire et juger son licenciement abusif et sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la société d'économie mixte d'exploitation des THERMES DE BAGNÈRES DE BIGORRE à lui verser la somme de 30.000 € de dommages et intérêts,

la condamner à 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Sur le harcèlement moral :

A l'appui de ses prétentions, Madame [M] [O] fait valoir qu'elle a été victime de harcèlement moral puisque dès les premiers mois dans l'entreprise, la directrice se serait comportée de manière vexatoire à son égard. Elle indique avoir rédigé un document résumant sa première année et dans lequel elle ferait état de certains faits caractéristiques d'un harcèlement moral, faits qu'elle a repris dans son courrier du 14 mai 2011 envoyé à la direction. Elle précise que ces faits ont été générateurs d'un état de santé dépressif médicalement constaté et que la dégradation des conditions de travail est bien le fait de la directrice en raison'des faits suivants non contestés par la direction :

- de pressions continuelles,

- de reproches incessants,

- du mépris affiché,

- des critiques vexantes faites en public.

Madame [M] [O] fait état de différentes attestations permettant d'appuyer sa demande. Elle précise dans ce cadre que les témoignages de salariés entendus par les conseillers rapporteurs sont très différents selon qu'ils fassent encore partie ou non de l'entreprise laissant présumer l'emprise morale de la direction sur son personnel.

Madame [M] [O] ajoute pour sa part, avoir tenté de trouver une solution amiable par le recours au maire de la commune puis, à l'inspection du travail ou encore, à la médecine du travail. Les courriers rédigés par ces deux services démontreraient également le harcèlement moral.

Madame [M] [O] considérant rapporter la preuve de la matérialité des faits laissant présumer l'existence d'un harcèlement, estime que l'employeur ne pouvait se prévaloir de la perturbation liée à son absence prolongée sur le fonctionnement de l'entreprise alors que cette absence était la conséquence du harcèlement moral dont elle a été victime. Elle rappelle à ce titre les dispositions de l'article L. 1152-3 du code du travail prévoyant la nullité de la rupture du contrat de travail dans cette hypothèse.

Sur le licenciement, Madame [M] [O] précise que la lettre de licenciement est conforme aux exigences de la jurisprudence mais que la salariée recrutée pour la remplacer n'effectuerait pas les mêmes tâches ni les mêmes responsabilités qu'elle. Elle en conclut que son remplacement a été effectué par une nouvelle répartition du travail entre les salariés et ne peut être considéré comme nécessaire. Elle estime à ce titre que si la perturbation dans le fonctionnement de l'entreprise est démontrée, l'employeur n'apporte pas la preuve de la nécessité d'un remplacement définitif, le contrat de travail à durée déterminée de Madame [L] pouvant être renouvelé pour la saison estivale. Elle précise encore que son licenciement est intervenu à une période de conflit entre elle et la direction et que son absence prolongée a été une opportunité pour l'employeur pour rompre le contrat alors même qu'elle avait refusé une rupture conventionnelle. Madame [M] [O] en conclut que le licenciement doit être déclaré sans cause réelle et sérieuse.

Sur son préjudice, Madame [M] [O] précise être restée deux ans au chômage et avoir retrouvé depuis un an une activité dans le même domaine mais que son salaire a diminué fortement passant de 22.195 € à 17.218 €. Outre son préjudice matériel, elle précise avoir subi un préjudice moral consécutif à son licenciement et aux deux années d'arrêt maladie.

MOTIFS

Sur le licenciement :

1/ Sur la nullité du licenciement pour harcèlement moral :

Madame [M] [O] invoque la nullité de son licenciement, ayant été victime d'un harcèlement moral de la part de sa directrice.

Selon l'article L. 1152-1 du code du travail, « aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».

En application de cet article, lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l'espèce, il convient de constater qu'aucune des pièces produites par Madame [M] [O] ne permet de justifier de faits précis et concordants commis à son encontre par Madame [E], directrice des établissements de thermes. Ainsi son résumé de l'année 2010 et ses courriers adressés à sa direction ou au maire de la commune ne sont corroborés par aucune pièce extérieure à sa personne et ne peuvent dans ces conditions recevoir de valeur probante.

En effet, tant les attestations de témoins que les auditions réalisées par les conseillers rapporteurs en cours de procédure ne font pas état de fait précis et circonstanciés commis par Madame [E] à l'encontre directement de Madame [M] [O]. Si ces pièces permettent de constater que Madame [E] n'était pas appréciée globalement par ses salariés en raison de son comportement parfois discourtois et peu respectueux, aucune ne détaille de faits précis et individualisés commis à l'encontre de Madame [M] [O] et pouvant laisser présumer d'un harcèlement moral. L'attestation de Monsieur [D] [A] permet seulement de constater que les discussions entre les esthéticiennes et la directrice étaient tendues et qu'à l'issue, elles étaient dans un état de stress qui pouvait aller jusqu'à la crise de larmes et ce notamment pour Madame [M] [O]. Cependant, elle n'est pas suffisamment circonstanciée pour déterminer la nature des discussions et le cas échéant les propos tenus par la directrice.

En outre, les personnes entendues par les conseillers rapporteurs n'ont pu retracer de faits précis commis à l'encontre de Madame [M] [O] n'en ayant pas été témoin et faisant simplement état de rumeurs de tensions au sein de l'équipe et avec la directrice.

L'ensemble des attestations et témoignages portent sur le comportement de la directrice vis-à-vis des salariés ou de la personne attestant ou témoignant mais pas spécialement à l'encontre de Madame [M] [O].

Enfin, les pièces médicales produites ne sont pas probantes faute d'être détaillées ou de porter sur les faits de harcèlement moral invoqué. Ainsi, le certificat du 9 mai 2011 ne porte que sur l'impossibilité pour Madame [M] [O] de se rendre à l'entretien préalable de licenciement, le médecin indiquant qu'elle se «'trouve dans l'incapacité psychologique d'y répondre'». Le courrier du Docteur [K] fait état d'un «'syndrome anxio-dépressif manifeste depuis 6 mois environ lié à une ambiance de travail délétère sur son lieu de travail, où elle subirait d'après ses dires un harcèlement moral'». Quant au courrier de Madame [W] [P] il fait état «'d'un vécu de souffrance au travail'» et «'d'échanges conflictuels avec sa directrice sur des détails'». Or, ces pièces ne font que reprendre les déclarations de Madame [M] [O] et ne sont étayées par aucun autre élément de preuve.

En outre, certaines attestations ou témoignages permettent de constater que Madame [M] [O] a été nommée chef de service par Madame [E] ce qui aurait engendré des tensions avec d'autres salariés. L'absence de précision dans les pièces médicales ne permet pas de rattacher l'origine du syndrome à cette ambiance entre collègues ou à des faits précis et concrets commis par Madame [E] laissant présumer d'un harcèlement moral.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que Madame [M] [O] ne justifie pas de l'existence de faits précis et concordants qui pris dans leur ensemble permettent de présumer de l'existence d'un harcèlement moral. Il convient en conséquence de la débouter de ses demandes relatives à la nullité du licenciement.

2/ Sur la cause réelle et sérieuse de licenciement :

Selon l'article L. 1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toute mesure d'instruction qu'il estime utile. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

L'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.

La lettre de licenciement, dont les motifs énoncés fixent les limites du litige, est ainsi rédigée « Ce licenciement pour cause réelle et sérieuse est motivé par les raisons ci-après exposées':

- nécessité de procéder à votre remplacement définitif afin de faire face aux prochaines périodes de vacances estivales,

- vos absences répétées et prolongées ont des répercussions sur le fonctionnement de l'entreprise ».

Il convient dans un premier temps de rappeler que l'absence prolongée du salarié peut constituer un motif réel et sérieux de rupture du contrat, si une situation objective de l'entreprise, dont le fonctionnement est perturbé, oblige l'employeur à pourvoir au remplacement définitif du salarié.

Pour justifier le licenciement, il faut donc que deux conditions soient réunies :

- l'absence du salarié doit perturber objectivement le fonctionnement de l'entreprise ;

- le remplacement définitif du salarié absent doit être une nécessité pour l'entreprise.

C'est à l'employeur de prouver qu'il a procédé au remplacement définitif du salarié, licencié en raison de son absence prolongée pour maladie, dans un délai raisonnable après son licenciement. À défaut le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

En l'espèce, il est constant que Madame [M] [O] a été placée en arrêt maladie du 8 au 28 novembre 2010 puis du 1er décembre 2010 au 30 juin 2011. Le fait que son absence prolongée, plus de six mois de façon continue, a perturbé le fonctionnement de l'entreprise qui n'emploie que 3 esthéticiennes qui ne peuvent être remplacées en interne par d'autres salariés et qui doivent respecter des rendez-vous parfois fixés longtemps à l'avance, n'est pas contesté par Madame [M] [O]. En effet, celle-ci indique dans ses écritures « La SEM des THERMES DE BAGNÈRES DE BIGORRE démontre la perturbation inévitable engendrée par le prolongement de l'absence de Madame [M] [O]'». En revanche, elle conteste la nécessité de son remplacement définitif. Or, cette décision tout comme l'affectation des esthéticiennes à la réalisation des différents soins ou encore la décision de nommer un responsable de service, relèvent du seul pouvoir de direction de l'employeur et de ses choix de gestion.

Par ailleurs, il résulte du contrat à durée déterminée et de ses avenants que la société d'économie mixte d'exploitation des THERMES DE BAGNÈRES DE BIGORRE a dû embaucher Madame [X] [L], esthéticienne en remplacement de Madame [M] [O] et ce jusqu'au 30 juin 2011. Le contrat de travail et le registre du personnel permettent de constater que l'employeur a ensuite embauché Madame [X] [L] par contrat à durée indéterminée toujours en qualité d'esthéticienne et ce à compter du 1er juillet 2011. La société d'économie mixte d'exploitation des THERMES DE BAGNÈRES DE BIGORRE démontre donc bien que le remplacement de Madame [M] [O] a été définitif et ce rapidement après son licenciement. Dès lors le licenciement de Madame [M] [O] repose bien sur une cause réelle et sérieuse.

Dans ces conditions, il convient de':

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse et alloué des dommages et intérêts à Madame [M] [O],

- de débouter Madame [M] [O] de l'ensemble de ses demandes.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :

Madame [M] [O], étant la partie perdante, il convient de la condamner aux entiers dépens.

L'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre partie.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour,

Infirme le jugement rendu le 7 avril 2014 par le conseil de prud'hommes de Tarbes en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Dit le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse,

Déboute Madame [M] [O] de l'ensemble de ses demandes,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Madame [M] [O] aux entiers dépens.

Arrêt signé par Madame THEATE, Présidente, et par Madame HAUGUEL, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE,LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 14/01569
Date de la décision : 15/09/2016

Références :

Cour d'appel de Pau 3S, arrêt n°14/01569 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-09-15;14.01569 ?
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