VP/CD
Numéro 16/03286
COUR D'APPEL DE PAU
Chambre sociale
ARRÊT DU 08/09/2016
Dossiers : 14/01411
14/01427
Nature affaire :
Demande d'indemnités ou de salaires liée à la rupture autorisée ou non d'un contrat de travail d'un salarié protégé
Affaire :
SAS ESKULANAK
C/
[C] [G]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 08 Septembre 2016, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 23 Mai 2016, devant :
Madame THEATE, Président
Monsieur GAUTHIER, Conseiller
Madame PEYROT, Conseiller
assistés de Madame HAUGUEL, Greffière.
Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTE :
SAS ESKULANAK
[Adresse 1]
[Adresse 2]
Représentée par Maître DUBERNET DE BOSCQ, avocat au barreau de BAYONNE
INTIMÉ :
Monsieur [C] [G]
[Adresse 3]
[Adresse 4]
Comparant, assisté de Monsieur [R] [Z], délégué syndical, munie d'un pouvoir régulier
sur appel de la décision
en date du 11 JUIN 2012
rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE BAYONNE
RG numéro : F11/00088
FAITS ET PROCÉDURE :
La SAS ESKULANAK, entreprise spécialisée en tôlerie aéronautique, a engagé Monsieur [C] [G] le 24 mars 1997, en qualité de soudeur, niveau IV échelon 2.
Par requête datée du 7 mars 2011, enregistrée le 8 mars 2011, Monsieur [C] [G] a attrait son employeur devant le conseil de prud'hommes de Bayonne en demandant :
- de constater la rupture de son contrat de travail,
- de condamner la SAS ESKULANAK à lui régler :
* salaire : mémoire,
* rappel de salaire du 16 mars 2010 au 28 décembre 2011 : mémoire,
* indemnité de congés payés : 5.688,91 €,
* indemnité de préavis : 4.740,76 €,
* congés payés sur préavis : 474 €,
* indemnité de licenciement : 6.992,61 €,
* dommages et intérêts pour rupture abusive (2 ans de salaire) : 56.889,12 €,
* dommages et intérêts au titre des articles 1142 et suivants du code civil : 10.000 €.
Monsieur [C] [G] sollicitait en outre la remise par l'employeur de la lettre de licenciement, du certificat de travail, de l'attestation Pôle Emploi et celle de formation, ainsi que sa condamnation à lui régler une somme de 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
A défaut de conciliation, aux termes des conclusions déposées et soutenues par son conseiller, délégué syndical, devant le bureau de jugement, Monsieur [C] [G] a demandé au conseil de prud'hommes :
- de prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeur pour : non-respect à ses obligations essentielles, discrimination syndicale, harcèlement, exécution de mauvaise foi du contrat de travail,
En conséquence :
- de condamner la SAS ESKULANAK :
à lui remettre les documents de rupture : certificat de travail du 24 mars 1997 jusqu'au jour du prononcé de la résiliation judiciaire, droit à la formation et attestation Pôle Emploi, et celle de formation ;
à lui régler les sommes suivantes :
* indemnité de licenciement (15 ans au 24 mars) : 6.992,61 €,
* dommages et intérêts pour rupture abusive (2 ans de salaire) : 56.889,12 €,
* indemnité de préavis : 4.740,76 €,
* congés payés sur préavis : 474 €,
* indemnité de congés payés : 5.688,91 €,
* dommages et intérêts au titre des articles 1142, 1382 et 1383 du code civil : 15.000 €,
* article 700 du code de procédure civile : 1.000 €,
- de la condamner aux entiers dépens.
La SAS ESKULANAK s'est opposée à toutes ces demandes dont elle a demandé le rejet et a sollicité reconventionnellement la condamnation du salarié à lui régler la somme de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Par jugement rendu le 11 juin 2012, le conseil de prud'hommes de Bayonne, section industrie, a :
- prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Monsieur [C] [G] aux torts de la SAS ESKULANAK à la date du jugement,
- dit que le licenciement de Monsieur [C] [G] est sans cause réelle et sérieuse,
- condamné la SAS ESKULANAK à lui régler les sommes suivantes :
* dommages et intérêts pour rupture abusive : 35.555,70 €,
* indemnité de licenciement : 6.992,61 €,
* indemnité de préavis : 4.740,76 €,
* congés payés sur préavis : 474 €,
* indemnité de congés payés : 1.896,30 €,
* article 700 du code de procédure civile : 500 €,
- condamné la SAS ESKULANAK à lui remettre les documents liés à la rupture du contrat de travail : certificat de travail du 24 mars 1997 à la date du prononcé du jugement, droits à formation et attestation Pôle Emploi,
- débouté Monsieur [C] [G] de ses autres demandes,
- débouté la SAS ESKULANAK de toutes ses demandes,
- condamné la SAS ESKULANAK aux entiers dépens.
Par courrier recommandé avec avis de réception expédié au greffe de la Cour d'Appel le 13 juin 2012, reçu le 15 juin, Maître DUBERNET DE BOSCQ, a, au nom et pour le compte de la SAS ESKULANAK, interjeté appel de ce jugement, notifié le 13 juin 2012, dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas discutées.
Après radiation et réinscription de l'affaire au rôle, les parties ont été régulièrement convoquées devant la Cour par le Greffe à l'audience des plaidoiries du 23 mai 2016, date à laquelle elles ont comparu par représentation de leur avocat et défenseur syndical respectif.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
La SAS ESKULANAK a remis ses écritures les 11 avril 2014 et 19 mai 2016, qui ont été oralement confirmées à l'audience par son avocat. Elle demande à la Cour :
- de dire et juger qu'elle n'a commis aucun manquement pouvant justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail de Monsieur [C] [G],
- de dire et juger que le licenciement prononcé le 4 juillet 2013 pour inaptitude régulier en la forme et parfaitement fondé ;
En conséquence :
- d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Monsieur [C] [G] aux torts de l'employeur,
- de débouter Monsieur [C] [G] de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions,
- de le condamner à lui payer la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
A titre subsidiaire, pour le cas où la résiliation judiciaire du contrat de travail serait confirmée,
- de dire et juger que Monsieur [C] [G] qui avait déménagé à [Adresse 5] n'entendait plus se tenir à la disposition de l'employeur, ni poursuivre le contrat de travail ;
En conséquence :
- de fixer la date de la rupture au 11 juin 2012, date du jugement,
- de condamner Monsieur [C] [G] à rembourser la quote part d'indemnité de licenciement indûment versée soit 1.060,11 € ;
En tout état de cause,
- de débouter Monsieur [C] [G] de sa demande au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés,
- de réduire à de justes proportions les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- de débouter Monsieur [C] [G] de toutes ses autres prétentions.
Elle indique être spécialisée en tôlerie aéronautique et avoir engagé Monsieur [C] [G] le 24 mars 1997 en qualité de soudeur niveau I, échelon 2.
Elle relate les difficultés rencontrées avec ce salarié à compter de 2005 qui ont conduit, dans l'objectif d'un regain de motivation, à le transférer sur une autre fabrication sans que ce changement génère le résultat attendu. Elle fait état de la procédure de licenciement qui a été envisagée avec convocation à un entretien préalable le 15 février 2006 aux termes duquel une nouvelle chance a été donnée à Monsieur [C] [G], la procédure de rupture étant abandonnée.
L'employeur précise que Monsieur [C] [G] a été élu le 29 juin 2007 membre titulaire de la délégation unique du personnel (comité d'entreprise et délégué du personnel) ajoutant qu'il existe bien au sein de la société un CHSCT.
Les 16 et 22 février 2010, la SAS ESKULANAK déclare avoir constaté des faits de 'sabotage' sur des matrices, pièces destinées au traitement de l'air de l'avion, provenant et à destination de l'un de ses principaux clients, la société LIEBHERR de Toulouse, actes qu'elle a imputé, au terme des informations recueillies, à Monsieur [C] [G]. Elle déclare avoir, dans ces circonstances, engagé à l'encontre de ce salarié une procédure de licenciement pour faute grave, dans le respect des règles spécifiques liées au statut de délégué du personnel de Monsieur [C] [G], et avoir ainsi :
- convoqué le salarié pour l'entretien préalable, fixé le 16 mars 2010, et pour son audition par le comité d'entreprise sur le projet de rupture le 29 mars 2010, l'employeur précise qu'à l'issue, les résultats sur le projet de licenciement ont été : pour : 0 voix - contre : 3 voix et abstention : 4 voix ;
- sollicité, le 9 avril 2010, l'avis de l'Inspection du travail qui a opposé, le 17 mai 2010, un refus du licenciement, décision qui sur recours de l'employeur, a été annulée par le Ministre du Travail le 19 novembre 2010, qui a cependant refusé le licenciement en raison de l'existence d'un nouveau doute.
L'appelante précise que le 16 mars 2010, jour de l'entretien préalable, Monsieur [C] [G] lui a remis une déclaration d'accident du travail relative à un fait survenu le même jour, à 3 heures du matin, à l'occasion 'de soudures sur le lieu de travail et/ou activités courantes au domicile'. Elle ajoute que le salarié n'a plus repris son emploi à compter de cette date et précise que la caisse primaire d'assurance maladie, confirmée par la commission de recours amiable puis par jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de bayonne du 20 mars 2013 a refusé, de prendre l'accident déclaré en charge à titre professionnel. Monsieur [C] [G] a été déclaré inapte par le médecin du travail par avis définitif du 28 mai 2013, et qu'en l'absence de toute possibilité de reclassement, il a été licencié pour inaptitude médicale le 4 juillet 2013.
En premier lieu, la SAS ESKULANAK invoque l'absence de tout manquement de sa part aux obligations qui lui incombent.
Elle rappelle les dispositions de l'article 1184 du code civil et souligne qu'en matière sociale, seul un manquement d'une gravité suffisante faisant obstacle à la poursuite du contrat de travail peut justifier la résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur.
Elle déclare que devant les premiers juges, Monsieur [C] [G] soutenait avoir été victime de discrimination syndicale et de harcèlement de la part de son employeur auquel il reprochait encore, la violation d'obligations essentielles et l'exécution de mauvaise foi du contrat de travail, ajoutant en cause d'appel deux nouveaux griefs tirés : d'une part, de la modification unilatérale de son contrat et, d'autre part, du non-respect de l'obligation de sécurité de résultat, mais dénonce l'imprécision des griefs et l'absence de production par le salarié - qui a la charge de la preuve - de tout élément de nature à établir la matérialité des griefs invoqués.
La SAS ESKULANAK conteste que l'affectation de Monsieur [C] [G] en février 2010 sur la fabrication était une modification de ses fonctions et attributions, le salarié ayant continué à occuper son poste de soudeur dans des conditions d'emploi strictement identiques et relève que l'Inspection du travail, destinataire de la lettre de contestation de Monsieur [C] [G] du 12 février 2010, n'a pas réagi.
Elle indique qu'en tout cas, le défaut d'accord exprès du salarié protégé sur cette affectation ancienne ne saurait légitimer, un an plus tard, une demande de résiliation judiciaire du contrat.
L'appelante critique le jugement entrepris au motif que les premiers juges ne pouvaient, après avoir écarté le harcèlement et la discrimination syndicale invoqués par le salarié, prononcer la résiliation judiciaire en considérant que l'employeur 'a manqué à ses obligations sur ce point en mettant tout en 'uvre pour tenter de licencier Monsieur [G] pour faute grave,...' et ce, 'malgré le refus du Comité d'Entreprise de licencier Monsieur [G]...' dont l'avis ne lie pas l'employeur (Conseil d'Etat 20 mars 1996). Elle en déduit qu'elle a agi en toute légalité en saisissant 1'Inspection du travail du projet de licenciement de Monsieur [C] [G] en avril 2010, après avis du comité d'entreprise.
Elle ajoute que les premiers juges ne pouvaient pas non plus retenir comme un manquement à ses obligations le fait d'avoir engagé, quatre ans plus tôt, en février 2006 à l'encontre de Monsieur [C] [G] une procédure de licenciement à laquelle elle a renoncé par mesure de clémence, cet abandon de procédure étant son droit.
L'appelante réfute ensuite la discrimination syndicale et le harcèlement moral allégués par le salarié.
Sur la discrimination, elle soutient que les allégations du salarié ne sont étayées par aucun élément probant.
Sur le licenciement envisagé, elle rappelle que la sanction envisagée à l'encontre de Monsieur [C] [G] participe de l'exercice normal de son pouvoir disciplinaire, dès lors qu'il repose sur des motifs sérieux, objectifs, étrangers à toute appartenance syndicale. Tel était le cas de la demande d'autorisation de licencier Monsieur [G] adressée à l'Inspection du travail (lettre du 9 avril 2010) où les griefs reprochés au salarié étaient étayés par l'enquête réalisée et de nombreux documents (clichés photographiques, attestations...), soulignant que la plainte déposée par Monsieur [C] [G] pour faux et subornation de témoins a été classée sans suite par Monsieur le Procureur de la République de Pau. Or, non seulement le refus du licenciement opposé par l'autorité administrative (annulée le 19 novembre 2010 par le Ministre du travail) ne suffit pas à caractériser une discrimination syndicale, mais à aucun moment, ces autorités n'ont considéré que la procédure de licenciement engagée pouvait constituer une mesure discriminatoire, alors que selon les articles R. 2421-7 et R. 2421-16 du code du travail, l'Inspecteur du travail et, éventuellement le Ministre, doit vérifier, quel que soit le motif du licenciement envisagé, que la mesure n'est pas en rapport avec le mandat détenu, sollicité ou antérieurement exercé par le salarié.
Sur le harcèlement moral, la SAS ESKULANAK déclare que Monsieur [C] [G] ne s'appuie, là encore, que sur ses seules affirmations (y compris le 'cahier personnel' de Monsieur [G]) et sur des attestations imprécises et non circonstanciées.
Elle rappelle que le fait de convoquer Monsieur [G] à un entretien préalable de licenciement et de solliciter de l'Inspecteur du travail l'autorisation de le licencier pour des faits graves ne peut être considérés comme des actes de harcèlement moral et ce nonobstant le fait que cette autorisation ait été refusée, pour les motifs déjà exposés. Elle conteste en outre, tout lien entre l'état dépressif du salarié et ses conditions de travail, rappelant le refus de la caisse primaire d'assurance maladie de la commission de recours amiable puis du tribunal des affaires de sécurité sociale de prendre en charge l'accident du travail déclaré par le salarié au titre des risques professionnels.
La SAS ESKULANAK souligne qu'il ressort des écrits et pièces produites par Monsieur [G] lui-même que l'origine de son état dépressif était bien antérieure (2007 au moins) à l'entretien préalable du 16 mars 2010.
L'appelante indique au contraire établir l'absence de tout acharnement de sa part envers ce salarié, les bonnes conditions de travail dans l'entreprise et le respect des obligations légales et conventionnelles lui incombant.
Elle fait enfin valoir que les circonstances au demeurant non fautives, postérieures à la date du jugement prud'homal entrepris ne peuvent être invoquées : ainsi de l'allégation du salarié selon laquelle le paiement de son salaire n'a pas été repris en juin 2013 alors que la visite médicale avait eu lieu le 28 mai 2013, anomalie qui a d'ailleurs été rapidement rectifiée et qui dès lors n'est pas de nature à justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail.
La SAS ESKULANAK conclut en conséquence au débouté du salarié protégé de l'ensemble de ses prétentions et à la confirmation par la Cour du caractère régulier et fondé du licenciement prononcé le 4 juillet 2003 pour inaptitude du salarié et impossibilité de reclassement.
Subsidiairement, si la résiliation judiciaire du contrat de travail était prononcée, la SAS ESKULANAK conclut au rejet des demandes pécuniaires du salarié.
Elle rappelle que la date de rupture du contrat de travail est fixée au jour du jugement rendu par le conseil de prud'hommes, sous réserve de l'exercice des voies de recours pouvant légitimer que la date de la rupture du contrat de travail soit fixée à la date de la décision d'appel.
Elle fait valoir que Monsieur [C] [G] avait décidé, bien avant que les juges ne se prononcent sur la résiliation demandée, de ne pas poursuivre son contrat de travail puisqu'il avait déménagé à [Localité 1] ainsi que le montre ses écritures déposées en 2011 et l'adresse portée sur divers documents versés au dossier tels ses bulletins de paie.
Elle indique qu'à la date de rupture du contrat de travail, alors fixée au 11 juin 2012, Monsieur [G] comptait une ancienneté de 15 ans et 2 mois et demande en conséquence la restitution par Monsieur [C] [G] de la quote part d'indemnité de licenciement indûment versée soit une somme de 1.060,11 € (11.661,19 € - 2.650,27 € x 4) selon les dispositions de la convention collective nationale des ouvriers de la métallurgie.
Elle ajoute qu'il ne peut être fait droit à la demande indemnitaire démesurée de Monsieur [C] [G] qui devra être réduite à de justes proportions et qui ne saurait excéder le plancher prévu par la loi.
Elle demande également le rejet de l'indemnité compensatrice de congés payés sollicitée par le salarié qui a été rempli de ses droits à ce titre pour un montant de 2.475,08 € à l'issue de la procédure de licenciement.
Monsieur [C] [G], intimé, a remis ses écritures le 27 mars 2014 qui ont également été oralement confirmées à l'audience par son conseil, défenseur syndical, à l'exception du poste de demande relatif à l'indemnité de licenciement sollicitée et accordée pour une somme de 6.992,61 €.
Il demande à la Cour de confirmer le jugement contesté en ce qu'il a condamné la SAS ESKULANAK à lui régler les sommes suivantes majorées des intérêts légaux :
* 35.555,70 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive,
* 4.740,76 € à titre de préavis outre 474 € pour congés payés sur préavis,
* 1.896,30 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés.
* 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.
Il forme appel incident et sollicite de la Cour l'infirmation du jugement sur les autres chefs de demandes et ainsi de condamner la SAS ESKULANAK à lui régler les sommes suivantes :
* 13.000,70 € en complément de celle allouée au titre des dommages et intérêts pour rupture abusive, ce montant correspondant à la différence entre la somme allouée et celle correspondant à une indemnisation de deux ans de salaire,
* 10.000 € à titre de dommages et intérêts sur le fondement au titre des articles 1142 et 1382 et suivants du code civil ainsi que pour exécution déloyale et de mauvaise foi du contrat de travail,
* 300.000 € à titre de dommages et intérêts sur le fondement des articles L. 1152-1 et suivants du code du travail au titre du harcèlement moral dont il a été victime,
* 10.000 € à titre de dommages et intérêts pour discrimination syndicale sur le fondement de l'article L. 2141-8 du code du travail,
* 10.000 € pour dommages et intérêts au titre de la diffamation (annulation de sanction),
* 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
- Sur la résiliation judiciaire de son contrat de travail :
Monsieur [C] [G] précise préliminairement que, contrairement aux déclarations de la société employeur, il a bien demandé la résiliation de son contrat de travail à effet à la date du jugement de première instance.
Sur le fond, il considère que les fautes de l'employeur justifiant la résiliation judiciaire sont constituées, à savoir : discrimination syndicale, harcèlement et exécution de mauvaise foi du contrat de travail.
Il déclare que le comportement fautif de l'employeur est démontré puisqu'il a, à quatre reprises, essayé de le licencier : en 2006, en 2010 devant le Comité d'Entreprise puis devant l'Inspection du travail et finalement devant le Ministre. Monsieur [C] [G] reprend toute la procédure de licenciement soulignant les refus opposés à la mesure par l'Inspecteur du travail et le Ministre et revient longuement sur les faits de sabotage de pièces survenus les 16 et 22 février 2010 qui lui ont été injustement imputés.
Il dit que de 2007 à début 2010, alors qu'il exerçait son mandat de délégué du personnel, depuis son élection le 29 juin 2007, il est devenu 'la bête noire à abattre' et déclare justifier de cette situation par la production d'articles de presse sur son employeur retraçant les fortes mobilisations devant l'établissement lors d'actions à l'appel des syndicats et révélant le climat délétère que le dirigeant s'évertuait à maintenir.
Il considère que les écrits de la société appelante tant en première instance qu'en appel caractérisent des actes de diffamation à son encontre.
Pour établir les faits de discrimination syndicale, Monsieur [C] [G] s'appuie sur le rapport établi par l'Inspecteur du travail à l'occasion de la procédure de licenciement refusée, et qui révèle que 'l'encadrement (de la SAS ESKULANAK) est plus que familial (une smala) qui ne supporte aucune contradiction ou syndicat, qu'un litige sérieux était à l'origine du conflit, quatre salariés accusés injustement...' (page 3 de ses conclusions d'appel). Le salarié accuse son employeur de pratiquer à l'époque et toujours un anti-syndicalisme primaire ajoutant qu'aux termes de cette enquête, l'Inspection du travail a également dénoncé une utilisation illégale de la vidéosurveillance, filmant abusivement les lieux de travail et non les parties communes.
Il évoque d'autres manquements de l'employeur à ses obligations en matière : d'heures de délégation, d'affichage obligatoire, d'absence de mise à disposition des salariés du document unique, et surtout la modification par l'employeur de son contrat et de ses conditions de travail alors que la loi interdit de changer de poste un délégué du personnel sans son accord.
Ainsi, les 9 et 10 février 2010, la direction a décidé unilatéralement de le changer de poste une première fois avant de se raviser et de le changer une deuxième fois de poste dans la même journée. Il dit que ce dernier poste est mal éclairé, un autre salarié, Monsieur [Y], avait d'ailleurs demandé et obtenu de quitter ce lieu de travail pour ces raisons. Il déclare que cette méthode s'apparente de fait à une sanction.
Il indique que ce manquement justifie à lui seul la rupture aux torts de l'employeur et que la poursuite de l'exécution du contrat ne vaut pas l'accord exprès exigé qu'il n'a jamais donné.
- Il évoque par ailleurs la défaillance de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat dès lors qu'il est démontré que ses conditions de travail sont à l'origine de la dégradation de son état de santé et de son état dépressif et ce nonobstant le refus opposé à la reconnaissance du caractère professionnel de l'accident qu'il a déclaré le 16 mars 2010.
Il souligne en effet, que le tribunal des affaires de sécurité sociale a motivé le refus de prise en charge au titre des risques professionnels de l'accident qu'il a déclaré le 16 février 2010, non pas parce que les faits dénoncés n'étaient pas établis mais parce qu'ils relevaient plutôt de la maladie professionnelle.
Il rappelle le déroulement de l'entretien préalable du 16 mars 2010 et l'attestation de Monsieur [W] qui démontre combien l'employeur s'est montré odieux envers lui, ce qui a déclenché un état dépressif et l'arrêt de travail dans lequel il se trouve depuis cette date.
Le salarié déclare qu'après une hospitalisation en novembre 2010, il est toujours sous traitement, que sa situation psychique a amené des difficultés dans son couple, et que son épouse a dû elle aussi subir des soins appropriés. Il demande de considérer dans l'évaluation de son préjudice, le fait que lui et son épouse qui ne pouvaient devenir parents, venaient d'obtenir l'autorisation de postuler à l'adoption, cet événement ayant été remis en cause par la perte de son emploi.
Il fait encore valoir que durant la suspension de son contrat de travail pour maladie, l'employeur a fait obstruction au versement régulier des compléments de salaire allant jusqu'à éditer des bulletins de salaire jamais rémunérés et fait état d'une absence de rémunération du 28 juin au 4 juillet 2013.
- Sur son licenciement pour inaptitude :
Il indique avoir contesté cette mesure dès le 12 juillet 2013.
Il reprend l'argumentaire exposé ci-dessus sur ses conditions de travail et le harcèlement qu'il a subi qu'il déclare être les véritables raisons de son inaptitude.
Il conteste également son solde de tout compte, précisant que l'employeur a délibérément choisi de lui appliquer l'indemnité conventionnelle de licenciement qui limite le calcul aux 15 années d'ancienneté moins favorable que l'indemnité légale.
- Il confirme ses demandes indemnitaires sous la réserve de l'indemnité de licenciement qu'il a exclu de ses demandes. Sur ce point, il déclare que dans le dernier état de la jurisprudence de la Cour de cassation et du Conseil d'Etat, le juge est autorisé à l'indemniser à hauteur du préjudice subi qu'il évalue à la somme de 14.236 € par an hors augmentation. Il détaille son calcul en indiquant avoir 57 ans et donc une espérance de vie, en 2013, de 78,7 ans, soit 21 années.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
I - Sur la jonction des procédures :
Il convient en application des articles 367 et 368 du code de procédure civile, de prononcer la jonction de ces deux procédures 14/01411 et 14/01427 qui sont traitées sous l'unique numéro de rôle 14/01411 ;
II - Sur la recevabilité des appels :
L'appel principal de la SAS ESKULANAK et incident de Monsieur [C] [G] ont été formalisés dans les délais et formes requis et sont donc recevables.
III - Au fond :
1/ Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail demandée par le salarié, Monsieur [C] [G] :
En application des dispositions générales issues de l'article 1134 du code civil et de celles prévues à l'article L. 1231-1 du code du travail, tout salarié peut demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail et lorsqu'un licenciement intervient après que cette demande ait été initiée, il appartient au juge de rechercher, en premier lieu, si la demande de résiliation est justifiée et, seulement s'il ne l'estime pas fondée, de statuer, en second lieu, sur le licenciement.
Il appartient en conséquence au juge du fond, saisi d'une demande de résiliation judiciaire aux torts de l'employeur, de vérifier si les manquements invoqués par le salarié sont établis et s'ils sont d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite du contrat de travail et ainsi légitimer le prononcé de la résiliation en lui faisant produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ou, lorsque le salarié bénéficie d'un statut protecteur, tel un délégué du personnel, ceux d'un licenciement nul pour violation de ce statut.
Par ailleurs, en application des articles L. 2141-5, L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail, il appartient au salarié s'estimant victime d'une discrimination et/ou d'un harcèlement, de soumettre au juge les éléments de fait objectifs laissant supposer l'existence d'une discrimination syndicale ou d'une situation de harcèlement.
En l'espèce, Monsieur [C] [G], engagé le 24 mars 1997 par la SAS ESKULANAK en qualité de soudeur, a été élu aux fonctions de délégué du personnel le 29 juin 2007. En application des articles L. 2411-1 et suivants du code du travail, il bénéficiait donc du statut protecteur attaché à ces fonctions jusqu'au terme de son mandat, 28 juin 2011 prolongé de six mois soit le 28 décembre 2011.
Monsieur [C] [G] soutient que la résiliation judiciaire de son contrat de travail, prononcée par le jugement contesté, est justifiée en raison du non-respect par l'employeur de ses obligations essentielles, à savoir : la modification unilatérale de ses conditions de travail alors qu'il exerçait les fonctions de délégué du personnel, des actes de discrimination syndicale et de harcèlement, l'exécution de mauvaise foi du contrat de travail.
1-1/ sur la modification unilatérale de ses conditions de travail résultant de son changement de poste les 9 et 10 février 2010 :
En application de l'article L. 2411-1 du code du travail, aucune modification de leur contrat de travail, ni aucun changement de leurs conditions de travail ne peut être imposé aux salariés protégés, l'employeur souhaitant y procéder devant recueillir leur accord exprès qui ne peut résulter de la poursuite de l'exécution du contrat sans protestation ni réserve.
Pour établir le manquement de l'employeur à cette obligation Monsieur [C] [G] produit un courrier du 9 février 2010 (sa pièce 3), par lequel la SAS ESKULANAK, confirmant un entretien du même jour, lui a notifié un avertissement pour exécution d'un temps de soudure une fois et demie supérieur à celui de ses collègues et temps d'attente trop long entre deux soudures, et sa réaffectation sur d'autres produits. Il a contesté ces griefs et sanction le 12 février suivant dans un courrier - communiqué en copie à l'Inspection du travail - où il 'prend acte de sa nouvelle affectation sur d'autres produits... '.
Cependant, le salarié ne démontre pas qu'à compter du 9 février 2010, ses fonctions et attributions ou conditions de travail ont été modifiées, le fait qu'il lui soit demandé d'intervenir sur la soudure de nouvelles pièces faisant partie intégrante de son activité et ne pouvant dès lors caractériser une modification de son contrat ou un changement de ses conditions de travail soumis à son accord exprès, l'autorité administrative informée par le salarié de cette situation n'ayant d'ailleurs fait aucune observation de ce chef.
La résiliation judiciaire du contrat sur ce fondement n'est donc pas justifiée et doit être écartée.
1-2/ sur les faits de discrimination syndicale :
Selon l'article L. 2141-5 du code du travail : 'Il est interdit à l'employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d'avancement, de rémunération et d'octroi d'avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail...'.
Par ailleurs, l'article L. 2141-7 du même code énonce : 'Il est interdit à l'employeur ou à ses représentants d'employer un moyen quelconque de pression en faveur ou à l'encontre d'une organisation syndicale'.
Monsieur [C] [G] déduit le comportement fautif et discriminatoire de l'employeur des faits suivants :
- les quatre tentatives de licenciement menées contre lui,
- le refus de licencier opposé par le Ministre dont la décision, qui s'impose à la Cour en raison de l'autorité de la chose jugée qui y est attachée, établit le caractère injustifié des griefs allégués contre lui par l'employeur,
- le rapport établi par l'Inspecteur du travail, à l'occasion de la procédure de licenciement refusée, qui démontre la discrimination syndicale pratiquée au sein de la SAS ESKULANAK.
a/ sur la discrimination syndicale résultant des tentatives de licenciement menées par l'employeur en 2006 et en 2010 :
S'agissant de la procédure de licenciement initiée en 2006 dont la réalité est établie et à laquelle l'employeur a renoncé à l'issue de l'entretien préalable, Monsieur [D], directeur de production, a relaté dans sa déclaration au 6 mai 2010 (pièce 4 de l'appelante) les circonstances dans lesquelles cette procédure avait été engagée :
'J'ai constaté courant 2005 que Monsieur [C] [G] passait beaucoup plus de temps que ses collègues pour effectuer le soudage de cadre A320. A ce titre, je me suis entretenu avec lui et celui-ci m'a indiqué que ces écarts de temps étaient conséquents à un manque de motivation de sa part du fait de travailler depuis plusieurs années sur des produits similaires. Nous avons donc convenu lui et moi de le transférer sur une autre fabrication de manière à lui permettre de trouver une motivation dans son travail. Malheureusement, après plusieurs mois, nous n'avons pas constaté d'amélioration dans son attitude au travail et dans le respect des temps moyens de fabrication.
Nous avons reçu Monsieur [C] [G] en entretien préalable pour son licenciement le 15 février 2006.
Lors de cet entretien Monsieur [C] [G] nous a demandé de lui laisser une nouvelle chance et s'est engagé à respecter les temps moyens de fabrication et changer d'attitude'.
Ces déclarations du directeur de production, qui ne sont pas contredites, établissent que :
* la procédure de licenciement initiée en 2006, a été engagée sur des motifs objectifs issus d'un retard dans l'exécution du travail lié à une démotivation du salarié depuis 2005 ;
* l'employeur a accepté de prendre en compte à la fois les explications données par le salarié et sa volonté de se ressaisir, ce qui l'a conduit non seulement à renoncer à la sanction envisagée mais également à lui proposer des conditions de travail plus 'motivantes';
dont il y a lieu de déduire qu'il n'existe pas d'élément propre à établir que l'employeur aurait pris en considération l'appartenance de Monsieur [C] [G] à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale de ce dernier pour arrêter sa décision.
Sur les tentatives de le licencier menées en 2010 par l'employeur malgré les refus opposés par le Comité d'Entreprise, l'Inspecteur du travail et enfin le Ministre du travail, qui constitue également un élément susceptible d'étayer une situation de harcèlement moral il est cependant rappelé à juste titre par l'employeur que :
* la procédure a été menée, de façon régulière et conforme aux dispositions légales ;
* le Comité d'Entreprise, dont l'avis ne lie pas l'employeur en application de l'article L. 2421-3 du code du travail, n'a pas refusé le licenciement mais s'est en majorité abstenu à quatre voix contre trois (procès-verbal du 29 mars 2010 pièce 14 appelante),
* la décision refusant l'autorisation de licencier prise par l'Inspecteur du travail a été annulée par le Ministre pour défaut de motivation, l'Inspecteur n'ayant fondé son refus que sur les seules dénégations du salarié. Or, cette annulation démontre que l'employeur était parfaitement légitime à la contester ;
* le Ministre du travail n'a refusé l'autorisation de licencier qu'en raison d'un doute sur l'imputabilité au salarié des faits du 16 février 2010 et de son irresponsabilité pour les faits du 22 février suivant.
Ce faisant, l'employeur démontre qu'il n'a fait qu'exercer les voies de droit qui lui étaient ouvertes dans des conditions légitimes et régulières sans acharnement ni abus, dans la mise en oeuvre de ces procédures.
S'agissant de la procédure de rupture du contrat pour faute grave initiée en mars 2010, il sera rappelé que le Ministre du Travail, de l'emploi et de la santé a, le 19 novembre 2010, (pièce 10 employeur), statuant sur recours hiérarchique, annulé la décision de l'Inspecteur du travail du 17 mai 2010, mais refusé l'autorisation de licencier sollicitée par la SAS ESKULANAK en considérant :
- pour les actes de sabotage du 16 février 2010 : '... qu'un doute subsiste ainsi sur l'imputabilité des faits au salarié et qu'aux termes de l'article L. 1333-1 du code du travail, ce doute profite au salarié',
- pour les faits du 22 février 2010, au vu des doutes émis par le directeur de production (Monsieur [D]) lors de l'enquête, qu'ils n'étaient pas imputables à Monsieur [C] [G].
Cette décision définitive s'impose et rend sans objet toute discussion sur les fautes reprochées et la procédure initiée.
Il est en effet constant qu'en cas de refus par l'autorité administrative de l'autorisation de licencier, le juge judiciaire, saisi par le salarié d'une demande en résiliation judiciaire fondée sur des manquements de l'employeur en lien avec cette procédure de licenciement, reste tenu par les motifs de refus exposés par l'Inspecteur du travail ou, comme en l'espèce, le Ministre du Travail.
Par ailleurs, en vertu des articles R. 2421-7 et R. 2421-16 du code du travail, l'Inspecteur du travail et, en cas de recours hiérarchique, le Ministre, 'examinent notamment si la mesure de licenciement envisagée est en rapport avec le mandat détenu, sollicité ou antérieurement exercé par l'intéressé'.
Il en découle qu'à deux reprises, l'Inspecteur du travail puis le Ministre du travail, ont, en application de cette exigence légale, nécessairement vérifié que le licenciement pour faute grave poursuivi à l'encontre de Monsieur [C] [G] pouvait être en rapport avec son mandat de délégué du personnel, les documents fournis par le salarié sur ce point confirmant d'ailleurs très largement qu'il a porté à la connaissance de l'Inspecteur du travail, et par voie de conséquence, à celle du Ministre, le contexte de revendications salariales et syndicales à la période du licenciement.
Dès lors, par l'effet de ces règles et de l'autorité de la chose jugée attachée à la décision ministérielle dont le salarié à juste titre se réclame, la procédure de licenciement engagée en 2010 et refusée par l'autorité administrative ne saurait caractériser une pratique de discrimination syndicale à l'encontre de Monsieur [C] [G].
b/ En outre, la Cour constate qu'aucune pièce, ni aucun élément ne vient étayer les déclarations du salarié qui évoque des délits d'entrave en indiquant que l'employeur ne respecte pas les règles en matière d'affichage obligatoire en entreprise, ne met pas à disposition des salariés le document unique, ni la convention collective, que les heures de délégation ne peuvent être prises en totalité pour cause de non remplacement, les seules affirmations de Monsieur [C] [G] ne pouvant suffire à démontrer les manquements allégués.
En conséquence, il convient d'écarter le moyen tiré de la discrimination syndicale invoqué par le salarié au fondement de la résiliation judiciaire de son contrat de travail.
1-3/ sur les faits de harcèlement moral :
Le harcèlement moral est caractérisé par des agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits du salarié et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Il résulte des dispositions des articles L. 1152-1, L. 1152-2 et L. 1154-1 du code du travail, que dès lors que le salarié établit la matérialité de faits constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments pris dans leur ensemble permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
La réalité d'un syndrome anxio-dépressif qui ne peut être contestée dès lors qu'elle est établie par avis médical ne suffit pas à démontrer le lien entre le syndrome et des difficultés rencontrées par le salarié dans le cadre de son travail, dont le médecin n'a pu être personnellement et directement le témoin.
En l'espèce, au titre des 'actes pertinents ayant, potentiellement ou non, dégradé ses conditions de travail laissant présumer des agissements de harcèlement moral', Monsieur [C] [G] invoque des pressions psychologiques et morales qu'il étaye par : la procédure de licenciement 'injustifiée et vexatoire' mise en oeuvre contre lui par l'employeur, par les écrits de ses collègues et par les pièces médicales qu'il produit.
S'agissant de la procédure de licenciement initiée en 2006, les motifs et modalités de cette procédure et la relation qui en a été faite par Monsieur [D], directeur de production, dont il a déjà été dit qu'elle n'était pas contredite ne fait pas ressortir d'élément qui permettraient de présumer l'existence d'un harcèlement moral.
Quant à la poursuite de la procédure de licenciement menée en 2010 par l'employeur en dépit des refus successivement opposés par le Comité d'Entreprise, l'Inspecteur du travail et le Ministre du travail, qui pourrait constituer un fait susceptible d'étayer une situation de harcèlement moral, il sera relevé que :
* la procédure a été menée, de façon régulière et conforme aux dispositions légales ;
* le comité d'entreprise, dont l'avis ne lie pas l'employeur en application de l'article L. 2421-3 du code du travail, n'a pas refusé le licenciement mais s'est en majorité abstenu à quatre voix contre trois (procès-verbal du 29 mars 2010 pièce 14 appelante),
* la décision refusant l'autorisation de licencier prise par l'Inspecteur du travail a été annulée par le Ministre pour défaut de motivation, l'Inspecteur n'ayant fondé son refus que sur les seules dénégations du salarié. Or, cette annulation démontre que l'employeur était parfaitement légitime à la contester ;
* le Ministre du travail n'a refusé l'autorisation de licencier qu'en raison d'un doute sur l'imputabilité au salarié des faits du 16 février 2010 et de son irresponsabilité pour les faits du 22 février suivant.
Dont il résulte que l'employeur n'a fait qu'exercer les voies de droit qui lui étaient ouvertes dans des conditions légitimes et régulières, sans acharnement ni abus, dans la mise en oeuvre de ces procédures.
S'agissant des attestations de collègues de travail produites par Monsieur [C] [G], la plupart constituent des lettres d'estime dépourvues d'élément ou de la relation de faits objectifs, précis et circonstanciés susceptibles de caractériser l'existence des pressions prétendument exercées par l'employeur sur le salarié. Ainsi en est-il des attestations de Messieurs [Y], [H], [U], [S], [N] et [P], [Q], [X] et [K].
D'autres (celle de Monsieur [V] et de Monsieur [W]) évoquent des conditions de travail pénalisantes (un défaut d'éclairage, un outillage inadapté) mais sont directement contredites par :
* Monsieur [E], responsable d'atelier (ligne assemblage par soudage), qui de façon précise et détaillée atteste : 'que l'entreprise a construit un bâtiment entièrement neuf en 2009 intégrant les normes les plus modernes. En ce qui concerne les lignes de soudure dont je suis responsable, il a été créé une trentaine de cabines offrant les garanties les meilleures en termes d'ergonomie et de qualité des conditions de travail. Les cabines de soudure bénéficient toutes d'un éclairage naturel et pour les soudeurs souhaitant un niveau de lumière plus important, il a été installé des éclairages d'appoint. De manière plus générale, toutes les demandes tendant à l'amélioration des conditions de travail sont validées' ;
* Monsieur [M], responsable qualité produit, qui affirme (pièce 41 - appelante)'avoir exercé le poste de contrôleur ligne assemblage soudure dans laquelle Monsieur [C] [G] était opérateur soudure lors des faits. Mes conditions de travail, autant que celles des différents opérateurs de la ligne étaient optimales en terme d'éclairage et d'espace... aucun des soudeurs ne s'étaient plaints des conditions de travail... en ce qui concerne plus particulièrement Monsieur [C] [G], son poste était, comme celui des autres soudeurs, parfaitement conforme et les cabines dans lesquelles il a pu travailler ont toujours bénéficié d'un niveau d'éclairage conforme...'.
Dont il y a lieu de déduire au regard du caractère précis et étayé des deux dernières attestations que la preuve des faits allégués par le salarié n'est pas rapportée.
Monsieur [T] (pièces 15 et 16 de l'intimé) atteste enfin, de la dégradation de l'état moral et physique de Monsieur [C] [G] '... suite aux pressions pratiquées sur lui depuis quatre ans, maintenant son statut de délégué du personnel et comité d'entreprise le stigmatisant encore aux yeux de Monsieur [D], directeur de production et de la direction, Madame [I] lui ayant dit par exemple, que son rôle de délégué du personnel n'était pas de défendre systématiquement les salariés qu'ils n'en valaient pas la peine, mais plutôt de défendre les intérêts de l'entreprise' ; se bornent à affirmer, en termes très généraux, des pressions exercées sur Monsieur [C] [G] sans les étayer par des faits concrets permettant d'identifier ces pressions, l'exemple de la discussion entre la directrice des ressources humaines et le délégué du personnel qui est rapportée, apparaissant sans lien avec un harcèlement moral.
Il en va de même de l'attestation de Monsieur [W], soudeur, (pièce 14 de l'intimé) qui, à l'instar de ses collègues, se borne à des déclarations générales et non circonstanciées ou à des faits équivoques et non susceptibles de caractériser des agissements de harcèlement moral.
Il doit enfin être souligné, que la SAS ESKULANAK apporte encore une sérieuse contestation au harcèlement invoqué par Monsieur [C] [G], en produisant - pièces 25 à 34 - les attestations de plusieurs salariés, de membres du comité d'entreprise qui affirment n'avoir jamais constaté des pressions exercées par l'employeur sur Monsieur [C] [G] (Messieurs [R], [H], [L], [N], [U], [S], [F], [O], [P] et Madame [J]).
Sur la dégradation de son état de santé enfin, Monsieur [C] [G], fixe l'origine de sa dépression nerveuse au 16 mars 2010, date de l'entretien préalable en vu de son licenciement pour faute grave dont il ressort de l'attestation de Monsieur [W], qui l'assistait à cette occasion, que l'employeur s'est montré odieux envers lui. C'est aussi la date à laquelle il a déclaré avoir été consécutivement victime d'un accident du travail, le salarié soutenant que le refus de prise en charge de cet accident au titre des risques professionnels ne permettant pas d'écarter le lien entre sa dépression et le harcèlement subi au travail, le tribunal des affaires de sécurité sociale ayant admis qu'il s'agissait plus d'une maladie professionnelle.
Il résulte cependant des éléments médicaux versés aux débats par le salarié :
* qu'il est suivi depuis au moins le mois de mai 2007 - premier certificat médical produit - pour des problèmes stomacaux, ainsi que les nombreuses prescriptions médicamenteuses établies entre mai 2007 et décembre 2010 l'établissent ;
* qu'il a commencé un traitement contre l'anxiété dès le mois d'octobre 2007 lequel s'est poursuivi, avec prescriptions d'antidépresseurs à compter du 19 mars 2008, jusqu'en décembre 2010, dates des derniers certificats produits ;
* que Monsieur [C] [G] fait lui-même état, dans ses écritures, d'une situation personnelle et familiale déstabilisante vécue à la même époque.
Il est ainsi établi que, bien avant le 16 mars 2010, Monsieur [C] [G] était traité pour un état dépressif.
De plus le 16 mars 2010, jour de l'entretien préalable, le salarié a remis à son employeur une déclaration d'accident du travail survenu 'à 3 heures du matin environ sur le lieu de travail et domicile à l'occasion de soudure sur le lieu de travail et ou activités courantes au domicile', les lésions déclarées sont 'brûlures, convulsions, spasmes, aérophagie, douleurs intenses, etc' (pièce 21 - appelante) et produit pour cet accident, deux arrêts de travail établis le 16 mars 2010 mais par deux médecins différents :
- celui du Docteur [C] à Anglet, qui a prescrit un arrêt jusqu'au 18 mars 2010 pour une épigastrite hyperalgique,
- celui du Docteur [B] à Saint Pierre d'Irrube, qui a prescrit un arrêt jusqu'au 26 mars 2010 pour une 'épigastralgie de stress par harcèlement moral sur son lieu de travail', étant relevé qu'à compter du 26 mars 2010, le docteur [B] prescrira des arrêts de prolongation qui sont justifiés par 'un syndrome anxiodépressif sévère réactionnel à un harcèlement moral au travail'.
Il doit cependant être rappelé que les certificats médicaux reprenant les propos du salarié sur les origines professionnelles de l'affection médicalement constatée, ne permettent pas d'établir de lien entre un état médicalement constaté et des agissements dont le médecin n'a pas été le témoin et pour lesquels il ne peut être que le porte parole de son patient. En l'occurrence, l'appréciation du Docteur [B] est très sérieusement contredite par les pièces médicales analysées qui démontrent que l'origine de l'état dépressif du salarié est bien antérieure aux faits du 16 mars 2010 qui ne peuvent dès lors en être la cause.
Enfin, il doit être observé que Monsieur [C] [G] n'a jamais fait état du harcèlement moral dont il affirme avoir été victime auprès du médecin du travail qui, au contraire, l'a déclaré apte à chacune des visites faites en mars 2005, mai 2006, avril et novembre 2007 et janvier 2009 (pièce 38 appelante), et n'a pas plus saisi le CHSCT, malgré sa parfaite connaissance de la législation en la matière, considérant son mandat de représentant du personnel.
Dans ces conditions, il y a lieu de débouter Monsieur [C] [G] de ses prétentions fondées sur le harcèlement moral.
Aux termes de la présente analyse et au vu de l'ensemble, la Cour, ayant écarté les manquements fautifs allégués contre l'employeur par le salarié et issus de la modification du contrat de travail sans accord exprès, de la discrimination syndicale et du harcèlement, la résiliation judiciaire du contrat sollicitée par le salarié le 7 mars 2011 doit être rejetée.
En conséquence, la Cour infirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris et déboute Monsieur [C] [G] de sa demande en résiliation judiciaire de son contrat de travail et de toutes les demandes indemnitaires subséquentes.
2/ Sur le licenciement pour inaptitude médicale et impossibilité de reclassement prononcé le 4 juillet 2013 :
Il convient de rappeler qu'en arrêt de travail pour maladie depuis le 16 mars 2010, Monsieur [C] [G] a été déclaré, le 28 mai 2013 (pièce 35 - appelante) inapte à tout poste de travail par le médecin du travail à l'issue des deux visites effectuées les 6 et 28 mai 2013.
Il a été licencié pour inaptitude médicale et impossibilité de reclassement le 4 juillet 2013 aux termes d'une procédure dont la régularité est justifiée par l'employeur (pièce 39 sur l'information du salarié, les convocations et procès-verbaux des représentants du personnel, justificatifs des recherches de reclassement internes et au sein du Groupe).
Monsieur [C] [G] ne conteste son licenciement que pour le déclarer nul considérant que son inaptitude est la conséquence du harcèlement qu'il dit avoir subi et que la Cour a écarté.
Il y a donc lieu de débouter Monsieur [C] [G] de cette demande et de déclarer le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement régulier et légitime.
3/ Sur les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :
Monsieur [C] [G], intimé et appelant incident, succombant en ses prétentions, est débouté de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et, en application de l'article 696 du code de procédure civile, et condamné aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Enfin et au vu des éléments de l'espèce, et au regard de la situation économique de chaque partie, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la SAS ESKULANAK qui sera déboutée de la demande présentée de ce chef.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
PRONONCE la jonction des procédures enregistrées sous les numéros 14/01411 et 14/01427 sous l'unique numéro de rôle 14/01411,
DÉCLARE recevables les appels principal et incident formé par la SAS ESKULANAK et Monsieur [C] [G] à l'encontre du jugement rendu le 11 juin 2012 par le conseil de prud'hommes de Bayonne, section industrie,
INFIRME en toutes ses dispositions le jugement entrepris,
STATUANT À NOUVEAU :
DÉBOUTE Monsieur [C] [G] de sa demande en résiliation judiciaire du contrat de travail et de toutes les demandes indemnitaires subséquentes,
DIT régulier et légitime le licenciement de Monsieur [C] [G] prononcé pour inaptitude médicale et impossibilité de reclassement le 4 juillet 2013,
DÉBOUTE les parties de leurs plus amples demandes.
DÉBOUTE la SAS ESKULANAK et Monsieur [C] [G] de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
CONDAMNE Monsieur [C] [G] aux dépens.
Arrêt signé par Madame THEATE, Présidente, et par Madame HAUGUEL, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE,LA PRÉSIDENTE,