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09/06/2016 | FRANCE | N°14/02920

France | France, Cour d'appel de Pau, 1ère chambre, 09 juin 2016, 14/02920


PC/AM



Numéro 16/2416





COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre







ARRET DU 09/06/2016







Dossier : 14/02920





Nature affaire :



Demande d'exécution de travaux, ou de dommages-intérêts, formée par le maître de l'ouvrage contre le constructeur ou son garant, ou contre le fabricant d'un élément de construction















Affaire :



[H] [D]



C/



[Y] [I]

EURL

INTERIEUR 64

SELARL LEGRAND ès qualités de mandataire judiciaire de la société INTERIEUR 64













Grosse délivrée le :



à :





















RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R E T



prononcé publiquement par mise ...

PC/AM

Numéro 16/2416

COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre

ARRET DU 09/06/2016

Dossier : 14/02920

Nature affaire :

Demande d'exécution de travaux, ou de dommages-intérêts, formée par le maître de l'ouvrage contre le constructeur ou son garant, ou contre le fabricant d'un élément de construction

Affaire :

[H] [D]

C/

[Y] [I]

EURL INTERIEUR 64

SELARL LEGRAND ès qualités de mandataire judiciaire de la société INTERIEUR 64

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R E T

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 09 juin 2016, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 16 février 2016, devant :

Madame SARTRAND, Président

Monsieur CASTAGNE, Conseiller, magistrat chargé du rapport conformément à l'article 785 du code de procédure civile

Madame NICOLAS, Conseiller

assistés de Madame VICENTE, Greffier, présente à l'appel des causes.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTE :

Madame [H] [D]

née le [Date naissance 1] 1959 à [Localité 1]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Adresse 1]

assistée et représentée par Maître Thierry DE TASSIGNY, avocat au barreau de PAU

INTIMES :

Monsieur [Y] [I]

[Adresse 2]

[Localité 2]

assisté et représenté par Maître Julien MARCO, avocat au barreau de PAU

EURL INTERIEUR 64

[Adresse 3]

[Adresse 3]

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

SELARL LEGRAND ès qualités de mandataire judiciaire de la société INTERIEUR 64

[Adresse 4]

[Localité 2]

assistées et représentées par la SCP ARAGNOUET - LAMOURE, avocats au barreau de PAU

sur appel de la décision

en date du 23 AVRIL 2014

rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PAU

Courant 2011, Mme [D] a pris contact avec M. [I], exerçant, sous l'enseigne Art Déco, une activité d'ameublement et de décoration intérieure, dans le cadre d'un projet de rénovation d'une maison d'habitation qu'elle avait achetée à [Localité 2].

M. [I] a proposé divers travaux et aménagements et établi un descriptif accepté par Mme [D], sur la base duquel elle a confié des travaux à l'EURL Intérieur 64.

Courant mai 2012, Mme [D] a fait part de son mécontentement sur la qualité des travaux et a convoqué les intervenants à une réunion de réception fixée au 31 octobre 2012 à laquelle M. [I] a refusé de participer, la réception étant cependant prononcée, avec réserves.

Par acte du 23 septembre 2013, Mme [D] a fait assigner 'Art Déco', pris en la personne de son représentant légal, M. [I] et l'EURL Intérieur 64 en paiement de diverses sommes en réparation de ses multiples préjudices.

Par jugement du 23 avril 2014, le tribunal de grande instance de Pau a :

- débouté Mme [D] de toutes ses demandes en tant que dirigées à l'encontre de 'Art Déco',

- condamné l'EURL Intérieur 64 à lui payer les sommes de 9 630,30 € HT au titre de la garantie de parfait achèvement pour les désordres ayant donné lieu à réserves le 31 octobre 2012 et de 14 043,30 € en restitution de trop-perçu,

- débouté Mme [D] de ses autres demandes contre l'EURL Intérieur 64,

- débouté l'EURL Intérieur 64 de ses demandes reconventionnelles,

- condamné l'EURL Intérieur 64 à payer à Mme [D] la somme de 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Mme [D] a interjeté appel de cette décision, selon déclaration transmise au greffe de la Cour le 24 juillet 2004, en intimant l'EURL Intérieur 64 et M. [I].

Par conclusions du 6 janvier 2015, la SELARL Legrand est intervenue volontairement à l'instance, ès qualités de mandataire judiciaire de l'EURL Intérieur 64.

Par ordonnance du 11 février 2015, le magistrat de la mise en état a déclaré recevable l'appel formé par Mme [D] à l'encontre de M. [I], pris en son nom personnel.

A l'audience du 16 février 2016, l'ordonnance de clôture du 15 janvier 2016 a été révoquée pour permettre aux parties de donner toutes explications sur la situation de l'EURL Intérieur 64, desquelles il résulte que cette EURL est en phase d'observation et que Mme [D] a régulièrement déclaré sa créance à la procédure collective ouverte à son égard, à la suite de quoi la clôture a été prononcée, avant l'ouverture des débats.

Dans ses dernières conclusions déposées le 27 mars 2015, auxquelles il convient de se référer pour l'exposé détaillé des moyens de droit et de fait, Mme [D] demande à la Cour, réformant le jugement entrepris, au visa des articles 1792 et suivants et 1147 et suivants du code civil :

- à l'égard de M. [I] :

$gt; sur le fondement de l'article 1147 du code civil :

* de dire que M. [I] est intervenu comme maître d'oeuvre sur le chantier de rénovation, qu'au vu des relations amicales qu'elle entretenait avec lui, elle était dans l'impossibilité morale d'établir un contrat de maîtrise d'oeuvre mais qu'elle lui a néanmoins confié une mission complète de maîtrise d'oeuvre comprenant la conception du projet, l'établissement d'un descriptif, le choix de l'entrepreneur, le contrôle des règlements et de l'avancement du chantier, le suivi bi-hebdomadaire du chantier et une assistance aux opérations de réception,

* de dire que le rapport d'expertise extra-judiciaire de M. [M] est opposable aux parties et en toute hypothèse recevable pour avoir été régulièrement communiqué et contradictoirement discuté,

* de dire que M. [I] a manqué à ses obligations de maître d'oeuvre et que sa responsabilité contractuelle ou 'quasi-contractuelle' est engagée,

$gt; sur le fondement de l'article 1792, s'agissant des désordres affectant l'installation de chauffage :

* de dire que l'absence de tout chauffage dans l'escalier, l'entrée et le dégagement ne permet pas de chauffer normalement la maison,

* de dire que ce désordre rend l'ouvrage impropre à sa destination,

* de dire que la responsabilité décennale de M. [I] est engagée de ce chef,

- à l'égard de l'EURL Intérieur 64 :

de dire qu'elle a manqué à ses obligations telles qu'issues de l'article 1792-6 du code civil et que sa responsabilité décennale est engagée au titre des malfaçons relevées sur le chauffage,

- en conséquence :

$gt; de condamner 'solidairement' M. [I] à lui payer les sommes, TTC, de 10 718,19 € au titre des travaux de suppression et remplacement des volets roulants, 10 411,10 € au titre du remplacement de toutes les portes-fenêtres, 4 199,75 € au titre de la remise en état de la salle de bains, 462,24 € pour la mise en place d'une prise téléphonique dans chaque pièce, 6 496,51 € pour les travaux d'isolation de combles et en sous-face du rez-de-chaussée, pour la séparation du séjour et de la cage d'escalier par une cloison de verre et la pose de radiateurs dans l'entrée, l'escalier et le dégagement haut et de 3 600 € au titre des honoraires de maîtrise d'oeuvre,

$gt; de fixer sa créance au passif de l'EURL Intérieur 64 aux mêmes sommes,

- sur les comptes entre les parties :

$gt; de fixer sa créance à l'égard de l'EURL Intérieur 64 à la somme de 17 067,30 € au titre d'un trop-perçu sur marché,

$gt; de condamner M. [I] à lui payer la somme de 2 260,10 € au titre des éléments de cuisine payés mais jamais fournis,

- à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise judiciaire afin de vérifier l'existence des désordres, de déterminer leur cause, d'en apprécier l'imputabilité et d'en chiffrer le coût de réfection,

- en toute hypothèse, de condamner M. [I] et la SELARL Legrand à lui payer la somme de 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions du 17 février 2015, M. [I] demande à la Cour :

- en la forme, de statuer ce que de droit sur la recevabilité de l'appel interjeté par Mme [D],

- à titre principal, de déclarer irrecevables les demandes nouvelles présentées en cause d'appel à son encontre par Mme [D] qui n'avait conclu en première instance qu'à l'encontre d' 'Art Déco',

- subsidiairement :

$gt; de déclarer non contradictoire et inopposable le rapport d'expertise amiable,

$gt; de constater l'absence de manquements contractuels de sa part,

$gt; de rejeter la demande d'expertise présentée à titre subsidiaire par Mme [D] et de la débouter de toutes ses demandes,

- très subsidiairement, de condamner l'EURL Intérieur 64 à le garantir de toute condamnation prononcée à son encontre,

- de condamner Mme [D] à lui payer la somme de 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens avec bénéfice de distraction au profit de Me Marco.

Il soutient pour l'essentiel :

- qu'il n'a jamais été mis en mesure de présenter ses observations devant l'expert mandaté par Mme [D] dont les 'rapports de visite' au terme desquels il a procédé à des 'estimations' lui sont inopposables,

- que l'expert privé a procédé à des évaluations variables et contradictoires qui ne peuvent servir de support à une condamnation,

- que la demande subsidiaire tendant à l'institution d'une expertise judiciaire, présentée pour la première fois en cause d'appel, doit être rejetée,

- qu'aucun élément du dossier ne caractérise l'existence d'une convention de maîtrise d'oeuvre alors que sa prestation s'est limitée à un simple suivi du chantier, à l'émission de solutions d'aménagement, d'agencement et de conception de la cuisine ne contenant aucune préconisation précise des travaux à réaliser et à la mise en relation de Mme [D] avec l'EURL Intérieur 64 à l'égard de laquelle il ne disposait d'aucun pouvoir de direction, assumant un rôle de simple interface entre le maître d'ouvrage et l'entrepreneur et n'ayant été rémunéré qu'en qualité d'apporteur d'affaires,

- que l'existence de désordres de nature décennale n'est pas établie au vu des pièces versées aux débats, s'agissant spécialement de l'incidence de l'absence d'éléments de chauffage dans l'escalier, l'entrée et le dégagement, alors même que les travaux de chauffage ont été conclus directement entre Mme [D] et l'EURL Intérieur 64, sans intervention de sa part,

- que sa responsabilité ne peut être engagée à l'égard de Mme [D] sur le fondement de l'article 1147 du code civil dès lors :

$gt; d'une part, que celle-ci ne peut à la fois le poursuivre sur ce fondement et agir contre l'EURL Intérieur 64 au titre de la garantie de parfait achèvement, qu'elle ne peut en effet cumuler ces deux actions et rechercher une double indemnisation d'un même préjudice alors que la garantie légale prime toute autre action,

$gt; d'autre part, qu'aucun manquement à son devoir de conseil envers Mme [D] n'est caractérisé alors qu'il n'avait pas été investi d'une mission de maîtrise d'oeuvre et que les désordres sont imputables à des défauts de réalisation,

- que les prétentions chiffrées de Mme [D], par leur caractère variable et fluctuant, ne peuvent servir de fondement à une quelconque condamnation dont, si elle intervenait, l'EURL Intérieur 64 devrait être condamnée à le garantir.

Dans ses dernières conclusions déposées le 2 décembre 2014, l'EURL Intérieur 64 demande à la Cour :

- de confirmer partiellement le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme [D] de ses demandes formées contre elle pour atteinte au principe du contradictoire car fondées exclusivement sur deux rapports amiables et non contradictoires entraînant leur inopposabilité, de sa demande de condamnation à réparer un préjudice financier de 20 000 € et de sa demande en paiement des honoraires de maîtrise d'oeuvre,

- réformant la décision entreprise pour le surplus :

1 - sur les demandes de Mme [D] :

$gt; au titre de la garantie de parfait achèvement : de constater la responsabilité solidaire de l'EURL Intérieur 64 et de M. [I] et de les condamner solidairement au paiement de la somme de 9 630,30 € HT,

$gt; au titre du trop-perçu : de constater la violation par le premier juge des articles 4, 5, 12 et 16 du code de procédure civile, de débouter Mme [D] de sa demande de condamnation de ce chef,

$gt; en outre, de constater la défaillance de Mme [D] à démontrer sa responsabilité contractuelle, de constater que Mme [D] tente de modifier ses prétentions initiales et l'objet du litige et de la débouter de sa demande en paiement de la somme de 17 067,30 €,

2 - sur les autres demandes de Mme [D] :

$gt; sur la demande d'expertise judiciaire : de constater que Mme [D] est l'unique responsable de sa carence probatoire et de la débouter de cette demande,

$gt; de prendre acte de l'abandon par Mme [D] de ses demandes en paiement d'honoraires d'huissier et d'expertise et en réparation de préjudice financier,

3 - reconventionnellement :

$gt; de prendre acte de la rupture unilatérale abusive de Mme [D],

$gt; de constater les difficultés financières en ayant résulté pour elle,

$gt; de constater l'acharnement de Mme [D] à nuire à ses intérêts,

$gt; de condamner Mme [D] à lui payer la somme de 15 000 € en réparation de son préjudice financier,

$gt; d'ordonner éventuellement la compensation entre les créances réciproques des parties,

- en toute hypothèse, de débouter Mme [D] de ses demandes, de lui octroyer un délai de paiement de 24 mois pour le règlement des éventuelles indemnités allouées à Mme [D], 'd'arbitrer un article 700 du code de procédure civile' et de la condamner aux entiers dépens.

MOTIFS

Par ordonnance du 11 février 2015, le magistrat de la mise en état a rejeté la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel de Mme [D] contre M. [I], pris en son nom personnel.

Il résulte de la combinaison des articles 914 alinéa 2 et 916 alinéa 2 du code de procédure civile que cette ordonnance a autorité de chose jugée au principal et qu'à défaut d'avoir été déférée à la Cour et en l'absence de justification de l'existence d'une cause d'irrecevabilité de l'appel révélée postérieurement au dessaisissement du magistrat de la mise en état, il y a lieu de considérer que la question de la recevabilité de l'appel de Mme [D] contre M. [I] a définitivement été tranchée par la dite ordonnance.

Sur la fin de non-recevoir soulevée par M. [I] du chef des dispositions de l'article 564 du code de procédure civile :

M. [I] soutient qu'à défaut d'avoir formé en première instance une quelconque demande à son encontre, Mme [D] qui n'avait conclu qu'à l'encontre 'd'Art Déco' ou 'de la société Art Déco' est irrecevable, par application de l'article 564 du code de procédure civile, à présenter pour la première fois en cause d'appel des demandes contre lui, en nom personnel.

Il est en l'espèce constant que les termes 'Art Déco' constituent, non la dénomination d'une personne morale, mais un simple nom commercial, mentionné sur l'ensemble des documents professionnels de M. [I] et sous lequel celui-ci exerce son activité, en nom personnel.

Dans ces conditions, il y a lieu de considérer qu'en agissant et en formant en première instance des demandes contre 'Art Déco', Mme [D] a entendu désigner sous ce vocable M. [I], pris en son nom personnel (lequel est au demeurant intervenu volontairement en première instance pour conclure au débouté de Mme [D]) en sorte que les demandes formées directement contre lui en cause d'appel étaient virtuellement comprises dans les demandes soumises au premier juge, au sens de l'article 566 du code de procédure civile et ne constituent pas des demandes nouvelles prohibées par l'article 564 du code de procédure civile.

La fin de non-recevoir soulevée de ce chef par M. [I] sera donc rejetée.

Sur la qualification juridique de la participation de M. [I] à l'opération de rénovation immobilière litigieuse :

M. [I] conteste la qualité de maître d'oeuvre de l'opération de rénovation immobilière que Mme [D] prétend lui imputer en soutenant n'être intervenu que dans le cadre

d'une esquisse préliminaire de conception, sans mission de maîtrise d'oeuvre ni de coordination des travaux, en ne jouant qu'un rôle d'apporteur d'affaire et d'interface entre Mme [D] et l'EURL Intérieur 64.

Si aucun contrat n'a été régularisé entre Mme [D] et M. [I], l'appelante verse aux débats le devis 88175301 établi le 12 novembre 2011 par 'Art Déco' ainsi rédigé :

'Description

- prestation Art Déco (étude et suivi quotidien du chantier), 6 % du devis (76 109,75 €, cf. document joint) 4 566,50 €,

- remise exceptionnelle de 40 % soit 2 739,90 € TTC,

- fourniture d'une cuisine complète ... 5 890 € TTC.'

Ce document - dont l'authenticité n'est pas contestée par M. [I] - précise clairement la nature et l'étendue de la mission à accomplir par celui-ci qui excèdent le rôle d'un simple apporteur d'affaire et de concepteur de projet qu'il prétend avoir exercé.

Ce document - qui constitue, au sens de l'article 1347 du code civil, un commencement de preuve par écrit rendant vraisemblable l'existence du contrat de maîtrise d'oeuvre invoqué par Mme [D] - est corroboré :

- par le descriptif précis et détaillé des travaux établi par 'Art Déco' (pièce n° 1 produite par Mme [D]),

- par une correspondance d'Art Déco du 14 novembre 2011 (dont M. [I] ne conteste pas l'authenticité) aux termes de laquelle il est indiqué que les travaux auront une durée approximative de six mois et les règlements s'effectueront au fur et à mesure à l'ordre d'EURL Intérieur 64, que la prestation d'Art Déco ainsi que le montant de la cuisine seront facturés par Art Déco, avec règlement de 30 % à la signature couvrant les premiers achats des matériaux ainsi que la mise en route du chantier, qu'un point sera effectué tous les quinze jours en fonction de l'avancée des travaux et que tous les règlements devront passer par l'intermédiaire d'Art Déco afin de veiller au bon déroulement de l'avancée des travaux.

Il convient dès lors de juger que M. [I] est intervenu en qualité de maître d'oeuvre de conception et d'exécution sur le chantier de rénovation de la propriété de Mme [D].

Sur les demandes indemnitaires de Mme [D] :

Dans le dernier état de ses conclusions, Mme [D] sollicite indemnisation à concurrence de 10 718,19 € au titre des travaux de suppression et remplacement des volets roulants, 10 411,10 € au titre du remplacement de toutes les portes-fenêtres, 4 199,75 € au titre de la remise en état de la salle de bains, 462,24 € pour la mise en place d'une prise téléphonique dans chaque pièce, 6 496,51 € pour les travaux d'isolation de combles et en sous-face du rez-de-chaussée, pour la séparation du séjour et de la cage d'escalier par une cloison de verre et la pose de radiateurs dans l'entrée, l'escalier et le dégagement haut et de 3 600 € au titre des honoraires de maîtrise d'oeuvre.

Elle fonde ses demandes sur un procès-verbal de réception établi le 31 octobre 2012 et auquel est annexée une liste manuscrite de 54 réserves, tous documents établis sous l'égide d'un architecte (M. [M]) dont elle s'était adjoint les services, après un examen des lieux en présence du gérant de l'EURL Intérieur 64 mais en l'absence de M. [I] ('Art Déco') cependant régulièrement convoqué par lettre recommandée avec accusé de réception du 8 octobre 2012.

Ce procès-verbal et la liste de réserves y annexées doivent être considérés comme opposables tant à l'EURL Intérieur 64 qui a participé à la réunion du 31 octobre 2012 qu'à M. [I] qui, régulièrement convoqué aux opérations de réception, ne peut se prévaloir d'une non-comparution pour laquelle il ne justifie d'aucune cause légitime.

Mme [D] forme des demandes tendant à voir déclarer M. [I] et l'EURL Intérieur 64 solidairement responsables :

- de divers désordres ayant fait l'objet de réserves à la réception pour lesquels elle sollicite, sur la base de l'évaluation réalisée postérieurement par M. [M] (pièce n° 13 de l'appelante), une indemnité de 9 630,30 € HT sur le fondement de l'article 1792-6 du

code civil à l'égard de l'EURL Intérieur 64 (qui ne conteste pas ce chef de condamnation prononcée par le premier juge) et sur le fondement de l'article 1147 du code civil à l'encontre de M. [I], lequel se prévaut du caractère inopposable de cette évaluation à son égard,

- des désordres dits 'nécessitant des travaux de remise en état' (suppression et remplacement des volets roulants, remplacement de toutes les portes-fenêtres, réfection salle de bains, installation de prise téléphonique dans chaque pièce, travaux d'isolation en combles, pose de radiateurs dans l'entrée, l'escalier et le dégagement de l'étage) pour lesquels elle sollicite l'octroi d'une indemnité de 35 887,70 € (honoraires de maîtrise d'oeuvre inclus) sur les fondements des articles 1792 et 1792-6 du code civil à l'encontre de l'EURL Intérieur 64 et 1147 et 1792 du dit code à l'encontre de M. [I], lesquels contestent tous deux tant le principe même d'un droit à réparation que le montant des réclamations formulées de ce chef.

Or, l'analyse des rapports de M. [M] des 2 juillet et 3 septembre 2013 établit que celui-ci a procédé, de manière unilatérale et non contradictoire, tant à la détermination qu'à l'évaluation des réparations et, s'agissant des volets roulants extérieurs et des portes-fenêtres, proposé diverses solutions de remise en état et/ou de régularisation par rapport à des non-conformités, non objectivement démontrées, à la réglementation d'urbanisme applicable, pour un coût oscillant entre 14 411,30 € TTC et 32 287,79 € TTC en fonction de l'ampleur des reprises, Mme [D] sollicitant validation des estimations les plus élevées.

La Cour estime, dans ces conditions, ne pouvoir statuer en l'état sur les demandes réciproques des parties et ordonnera, avant-dire-droit sur l'ensemble du litige (hors qualification juridique de la participation de M. [I] à l'opération de rénovation sur laquelle il a été ci-dessus statué), par application des articles 232 et 263 du code de procédure civile, une expertise judiciaire selon les modalités qui seront précisées dans le dispositif du présent arrêt.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Après en avoir délibéré, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

Vu le jugement du tribunal de grande instance de Pau en date du 23 avril 2014,

Vu l'ordonnance du 11 février 2015 par laquelle le magistrat de la mise en état a déclaré recevable l'appel formé par Mme [D] à l'encontre de M. [I], pris en son nom personnel,

Rejette la fin de non-recevoir tirée des dispositions de l'article 564 du code de procédure civile, soulevée par M. [I] à l'encontre des demandes formées contre lui par Mme [D],

Juge que M. [I] est intervenu en qualité de maître d'oeuvre de conception et d'exécution sur le chantier de rénovation intérieure de la propriété de Mme [D],

Avant dire droit sur l'ensemble des autres demandes, tant principales que reconventionnelles,

Sursoit à statuer,

Ordonne une expertise judiciaire et commet pour y procéder M. [E] [P], expert judiciaire, [Adresse 5], tél. XXXXXXXXXX, lequel aura pour mission :

- de convoquer et entendre les parties et se faire remettre d'elles tous documents qu'il estimera nécessaires à l'exécution de sa mission,

- de se rendre sur les lieux du litige, en présence des parties ou celles-ci dûment convoquées,

- de vérifier la réalité des désordres mentionnés dans le procès-verbal de réception du 31 octobre 2012, d'en préciser les causes (erreurs d'exécution et/ou de conception, manquements à des obligations de surveillance de la part du maître d'oeuvre et/ou de conseil de l'entrepreneur et du maître d'oeuvre) et d'en évaluer le coût de réfection au regard, notamment, de l'estimation produite par l'appelante (pièce n° 13),

- de vérifier l'existence des autres désordres pour lesquels Mme [D] sollicite une indemnité globale de 35 887,70 € (suppression et remplacement des volets roulants, remplacement de toutes les portes-fenêtres, réfection salle de bains, installation de prise téléphonique dans chaque pièce, travaux d'isolation en combles, pose de radiateurs dans l'entrée, l'escalier et le dégagement de l'étage), d'en rechercher les causes, en vérifiant notamment, s'agissant des volets roulants extérieurs et des portes-fenêtres, leur conformité aux règles d'urbanisme applicables à l'immeuble, de préciser s'ils étaient ou non apparents, en toutes leurs conséquences, à la date de la réception, d'en décrire les conséquences en précisant s'ils compromettent ou non la solidité et/ou la destination de l'ouvrage et de proposer une évaluation de leur réfection,

- de donner tous éléments permettant d'évaluer le préjudice, notamment de jouissance, éventuellement subi par Mme [D],

- de donner tous éléments permettant de procéder à l'apurement des comptes entre les parties, en vérifiant notamment si l'ensemble des travaux facturés par l'EURL Intérieur 64 et payés par Mme [D] a été effectivement exécuté,

Dit qu'avant de déposer son rapport définitif, l'expert établira un pré-rapport qu'il communiquera aux parties en leur intimant un délai raisonnable pour lui adresser leurs dires auxquels il sera répondu dans le rapport définitif,

Fixe à 3 000 € (trois mille euros) le montant de la consignation à valoir sur la rémunération de l'expert dont Mme [D] devra faire l'avance auprès de la régie de recettes de la Cour avant le 10 août 2016, sous peine de caducité de la désignation de l'expert,

Dit que l'expert devra déposer son rapport définitif dans les trois mois de sa saisine,

Dit qu'en cas d'empêchement ou de refus de l'expert, il sera procédé à son remplacement par simple ordonnance du magistrat chargé du suivi des expertises de la première chambre de la Cour, saisi à la requête de la partie la plus diligente ou d'office,

Réserve les dépens en fin de cause.

Le présent arrêt a été signé par Mme Sartrand, Président, et par Mme Vicente, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER,LE PRESIDENT,

Sandra VICENTE Christine SARTRAND


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 14/02920
Date de la décision : 09/06/2016

Références :

Cour d'appel de Pau 01, arrêt n°14/02920 : Expertise


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-06-09;14.02920 ?
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