JN/AM
Numéro 16/2062
COUR D'APPEL DE PAU
1ère Chambre
ARRET DU 19/05/2016
Dossier : 15/04779
Nature affaire :
Demande tendant à la remise en vente du bien (procédures introduites avant le 1er janvier 2007)
Affaire :
SCI MM
C/
SCI JCM
CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL PYRENEES GASCOGNE
[S] [Q]
[P] [E] divorcée [Q]
[N] [W]
SAS [T] [Z]
Grosse délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R E T
prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 19 mai 2016, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 16 février 2016, devant :
Madame SARTRAND, Président
Monsieur CASTAGNE, Conseiller
Madame NICOLAS, Conseiller, magistrat chargé du rapport conformément à l'article 785 du code de procédure civile
assistés de Madame VICENTE, Greffier, présente à l'appel des causes.
Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTE :
SCI MM
[Adresse 4]
[Adresse 4]
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
assistée et représentée par Maître Emmanuel TANDONNET, avocat au barreau de TARBES
INTIMES :
SCI JCM
[Adresse 2]
[Adresse 2]
prise en la personne de son gérant Monsieur [I] [Q], domicilié en cette qualité audit siège
assistée de Maître Stéphane JAFFRAIN, avocat au barreau de TARBES
représentée par Maître Christelle QUILLIVIC, avocat au barreau de PARIS
CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL PYRENEES GASCOGNE
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
assistée et représentée par Maître Paul CHEVALLIER, avocat au barreau de TARBES
Monsieur [S] [Q]
[Adresse 6]
[Adresse 6] [Adresse 6]
Madame [P] [E] divorcée [Q]
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 1]
Monsieur [N] [W]
au domicilie élu de Maître [U] [L], Huissier de Justice, [Adresse 3]
[Localité 1]
SAS [T] [Z]
au domicilie élu de Maître [U] [L], Huissier de Justice, [Adresse 3]
[Localité 1]
assignés
sur appel de la décision
en date du 05 NOVEMBRE 2015
rendue par le JUGE DE L'EXECUTION DU TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE TARBES
La Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Pyrénées Gascogne (la banque), a poursuivi la vente forcée d'un bien immobilier situé à [Localité 2] (65), cadastré section [Cadastre 1], et appartenant à M. [Q] [S] et Mme [E] [P] divorcée [Q].
Le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Tarbes, par jugement d'orientation du 26 février 2015, en a ordonné la vente forcée et l'a fixée à l'audience du 25 janvier 2015.
Par jugement d'adjudication du 25 juin 2015, la SCI MM a été déclarée adjudicataire.
En vertu d'un mandat en date du 3 juillet 2015, donné par la SCI JCM en cours de formation, à son gérant, cette société en cours de formation a, le 6 juillet 2015, déclaré faire surenchère du 10ème du prix en application des articles R. 322-50 et suivants du code des procédures civiles d'exécution.
La SCI MM a contesté la validité de cette surenchère, au visa des articles R. 322-52 et suivants du code des procédures civiles d'exécution.
Le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Tarbes, dans un jugement du 5 novembre 2015, a notamment :
- déclaré valable la surenchère formée par la SCI JCM,
- débouté en conséquence la SCI MM de son action en nullité de cette surenchère,
- condamné la SCI MM à payer à la SCI JCM la somme de 500 € de frais irrépétibles,
- dit que les biens seront remis à la vente à l'audience de surenchère du 3 mars 2016 à 9 heures sur la mise à prix de 72'600 €, le surenchérisseur étant déclaré adjudicataire si cette enchère n'est pas couverte.
La SCI MM a régulièrement relevé appel de ce jugement, par déclaration remise au greffe de la Cour le 28 décembre 2015.
Dûment autorisée par le premier président ou son délégataire, à assigner à jour fixe pour l'audience du 16 février 2016, à 13 h 45, elle justifie avoir délivré assignation le 13 janvier 2016, aux parties en cause à savoir :
- la SCI JCM, à personne,
- M. [Q],à personne,
- Mme [E] [P], à étude,
- le Crédit Agricole de Tarbes, à personne,
- M. [J] [N], à domicile,
- la SAS [T] [Z], à domicile.
Par ses dernières conclusions du 15 janvier 2016, la SCI MM (enchérisseur) conclut à la réformation du jugement du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Tarbes du 5 novembre 2015, et demande de juger que :
$gt; la déclaration de surenchère de la société JCM est nulle, faute d'existence légale de cette société, en l'absence d'immatriculation au RCS au jour de la déclaration, date d'expiration du délai de surenchère,
$gt; en conséquence, la SCI MM est adjudicataire pour le prix de 66 000 €,
$gt; la SCI JCM sera condamnée à lui payer 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ses dernières conclusions du 15 février 2016, la SCI JCM (surenchérisseur), conclut à la confirmation du jugement du 5 novembre 2015 et à la condamnation de l'appelant à lui payer 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, faisant valoir que :
- la jurisprudence de la Cour de cassation, selon laquelle la capacité de surenchérir devait s'apprécier à la date d'expiration du délai de surenchère, soit au cas présent jusqu'au 6 juillet 2015, résultait d'une évolution législative estimée trop contraignante pour les sociétés en cours de formation,
- cette jurisprudence a fait l'objet d'un revirement, le 19 décembre 2002, en matière de folle enchère, confirmé par un nouvel arrêt du 10 septembre 2009, en matière d'enchère rendus par la Cour de cassation, deuxième chambre civile,
- l'irrégularité de fond, constituée par le défaut de qualité pour ester en justice (article 117 du code de procédure civile), est susceptible d'être couvert (article 121 du même code).
Par ses dernières conclusions du 15 février 2016, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Pyrénées Gascogne, créancier poursuivant, a conclu à la confirmation du jugement dont appel, et à la condamnation de l'appelante à lui payer 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, invoquant la même jurisprudence que celle invoquée par la SCI JCM.
M. [Q], Mme [E] [P], son ex-épouse, M. [J] [N], et la SAS [T] [Z], n'ont pas constitué avocat.
La présente décision sera rendue par défaut, en application des dispositions de l'article 474 du code de procédure civile.
SUR QUOI LA COUR
Pour rejeter l'exception de nullité de la déclaration de surenchère, le premier juge a retenu que :
- pour effectuer régulièrement une déclaration de surenchère, une société doit être dotée de la personnalité morale,
- cette qualité doit s'apprécier au jour de l'enregistrement des statuts, car les formalités d'immatriculation d'une société qui n'ont pour objet que d'assurer la publicité de la création de cette société, produisent un effet rétroactif au jour de l'enregistrement,
- les statuts ont été signés le 27 mai 2015, date de leur dépôt au greffe du RCS aux fins d'immatriculation,
- ces statuts prévoyaient une reprise des actes accomplis entre leur signature et l'immatriculation,
- la déclaration de surenchère est du 6 juillet 2015,
- l'assemblée générale de la société a décidé de la reprise de cet acte antérieur par procès-verbal du 7 juillet 2015,
- la surenchère est réputée avoir été conclue dès l'origine, et l'immatriculation intervenue après la déclaration de surenchère ne peut avoir pour effet de la rendre nulle.
C'est ce point de la décision qui fait l'objet de la contestation, puisqu'il est reproché au premier juge d'avoir appliqué une jurisprudence de la Cour de cassation seulement applicable à l'enchère mais en aucun cas à la surenchère, et faussement présentée comme un revirement de jurisprudence.
L'appelante soutient au contraire que selon une jurisprudence constante, et à nouveau affirmée par la Cour de cassation le 20 décembre 2007, une SCI, pour surenchérir valablement, doit être immatriculée avant l'expiration du délai (de 10 jours à compter de l'adjudication), à défaut de quoi la surenchère est nulle, et ce même si les statuts de la société prévoient une clause de reprise des engagements des fondateurs, la déclaration de surenchère ne pouvant être validée rétroactivement.
Selon l'article R. 322-51 du code des procédures civiles d'exécution, à peine d'irrecevabilité, la surenchère est formée par acte d'avocat et déposée au greffe du juge de l'exécution dans les 10 jours suivant l'adjudication.
Pour régulièrement effectuer une déclaration de surenchère, une société doit être dotée de la personnalité morale, qu'elle acquiert le jour de l'enregistrement de ses statuts (date de son immatriculation).
Au cas particulier, l'adjudication est intervenue le 25 juin 2015.
Le délai de 10 jours pour faire surenchère, expirant le dimanche 5 juillet 2015, a été prorogé jusqu'au lundi 6 juillet 2015, premier jour ouvrable suivant (article 641 du code de procédure civile).
La SCI JCM, n'a été immatriculée que le 7 juillet 2015, au registre du commerce et des sociétés.
Il en résulte que cette société n'avait pas la personnalité morale, au jour de la déclaration de surenchère effectuée le 6 juillet 2015, dernier jour du délai pour former surenchère.
Selon la jurisprudence invoquée par les intimés, lorsque les statuts d'une société en cours de formation, prévoient que la société reprendra pour son compte les actes accomplis pendant sa formation, ces engagements, par l'effet de l'immatriculation, sont réputés souscrits dès l'origine.
Pour pouvoir appliquer cette jurisprudence au cas particulier, en raison du délai prévu par le législateur sous peine d'irrecevabilité de la déclaration de surenchère, il serait nécessaire que l'immatriculation de la société intervienne dans le délai pour former surenchère, ce qui n'est pas le cas.
C'est donc à tort que le premier juge a estimé que la surenchère était valable.
Sa décision sera infirmée et la surenchère annulée.
Au vu de considérations tenant à l'équité ou à la situation économique de la partie condamnée, il n'y a pas lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à la cause.
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Après en avoir délibéré, statuant publiquement, par défaut et en dernier ressort,
Infirme le jugement du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Tarbes, en date du 5 novembre 2015,
Statuant à nouveau :
Déclare nulle la surenchère formée pour le compte de la SCI JCM en cours de formation, selon déclaration de surenchère en date du 6 juillet 2015,
Déclare la SCI MM adjudicataire pour le prix fixé au jugement d'adjudication du 25 juin 2015,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile, à la cause, tant en premier ressort qu'en appel,
Condamne la SCI JCM aux dépens,
Autorise les avocats de la cause qui en ont fait la demande à recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu provision.
Le présent arrêt a été signé par Mme Sartrand, Président, et par Mme Vicente, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER,LE PRESIDENT,
Sandra VICENTE Christine SARTRAND