SG/CD
Numéro 16/01716
COUR D'APPEL DE PAU
Chambre sociale
ARRÊT DU 28/04/2016
Dossier : 13/04335
Nature affaire :
Demandes d'un salarié protégé
Affaire :
[M] [Z]
C/
CAISSE D'ÉPARGNE AQUITAINE POITOU CHARENTES,
SYNDICAT DU PERSONNEL DES BANQUES CGT PAYS BASQUE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 28 Avril 2016, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 24 Février 2016, devant :
Madame THEATE, Président
Monsieur GAUTHIER, Conseiller
Madame COQUERELLE, Conseiller
assistés de Madame HAUGUEL, Greffière.
Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANT :
Monsieur [M] [Z]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Comparant, assisté de Maître MENDIBOURE, avocat au barreau de BAYONNE
INTIMÉS :
CAISSE D'EPARGNE AQUITAINE POITOU CHARENTE
prise en la personne de son représentant légal, demeurant en cette qualité
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Maître CHONNIER, avocat au barreau de BAYONNE
SYNDICAT DU PERSONNEL DES BANQUES CGT PAYS BASQUE
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Non comparant, non représenté
sur appel de la décision
en date du 21 NOVEMBRE 2013
rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DÉPARTAGE DE BAYONNE
RG numéro : F 11/00148
LES FAITS, LA PROCÉDURE :
M. [Z] a été salarié de la caisse d'épargne des pays de l'Adour (CEPA), devenue caisse d'épargne Aquitaine Poitou-Charentes (CEAPC, la société) de janvier 1976, au 31 mars 2015, date de son départ en retraite exposant, dans son courrier du 17 septembre 2014, que ce départ était motivé par le harcèlement moral subi depuis des années.
M. [Z] a été investi de plusieurs mandats de représentation du personnel et de conseiller prud'homal salarié.
Il a saisi le conseil de prud'hommes de Bayonne, par requête en date du 31 mars 2011 pour, notamment, diverses demandes de rappels de salaire et :
- qu'il soit dit qu'il a subi une situation de discrimination syndicale au sein de la CEAPC ; en conséquence que la CEAPC soit condamnée à lui payer :
* 100 000 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice subi, outre repositionnement au coefficient CM6 avec effet au 1er janvier 2006 ;
- que soit prononcée la résiliation judiciaire de son contrat de travail et en conséquence que la CEAPC soit condamnée à lui payer :
- l'indemnité de préavis,
- l'indemnité de licenciement,
- 150 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 148 830 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour violation du statut protecteur,
À défaut de conciliation le 3 mai 2011, l'affaire a été renvoyée devant le bureau de jugement qui, par décision du 28 mai 2013 s'est déclaré en partage de voix.
Par jugement du 21 novembre 2013, auquel il conviendra de se reporter pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, le juge départiteur du conseil de prud'hommes de Bayonne (section commerce), après avoir pris l'avis des conseillers présents, l'a débouté de toutes ses demandes.
Par déclaration au greffe de la cour d'appel en date du 10 décembre 2013 M. [Z], représenté par son conseil, a interjeté appel du jugement.
DEMANDES ET MOYENS DES PARTIES :
M. [Z], par conclusions écrites, déposées le 18 janvier 2016, reprises oralement à l'audience et auxquelles il convient de se référer, demande à la cour de :
- réformer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Bayonne,
en conséquence :
- dire qu'il a subi une situation de discrimination syndicale au sein de la CEAPC,
- condamner la CEAPC à lui payer :
* 220 000 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice subi,
* 50 000 euros à titre de dommages-intérêts pour le harcèlement subi à compter de 2012,
- dire que la rupture du contrat de travail est imputable à l'employeur et condamner la CEAPC à lui payer :
* 14 134 euros à titre d'indemnité de préavis,
* 55 154 euros à titre d'indemnité de licenciement,
* 100 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- dire que la rupture du contrat de travail assimilée à un licenciement sans cause réelle et sérieuse a été prononcée en violation du statut protecteur des représentants du personnel et qu'il s'agit d'un licenciement nul,
- en conséquence, condamner la CEAPC à lui payer 128 500 euros à titre d'indemnité pour violation du statut protecteur,
- condamner la CEAPC à lui payer 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Sur la discrimination :
M. [Z] soutient qu'il a été victime de discrimination syndicale en ce que : il a subi une stagnation de sa situation salariale depuis 1984, date à laquelle il obtenu la qualification de TM5 soit pendant 31 ans sur 39 ans de carrière (I) et en ce qu'il a subi une véritable mise au placard en étant dépourvu de poste de travail réel et effectif au sein de l'entreprise depuis au moins 2005, ce qui l'a empêché d'évoluer (II).
Il fait valoir, en substance :
I - sur l'absence d'évolution de carrière :
L'absence d'évolution de carrière s'est traduite par une stagnation de sa rémunération puisque la première et dernière augmentation individuelle est intervenue en 1984 ;
- la rupture dans l'évolution de carrière s'est traduite par 2 éléments significatifs ;
- 1) - en 2002, il a été contraint de saisir la commission paritaire nationale contentieuse pour une absence d'évolution depuis 7 ans ;
- 2 ) - le 9 avril 2008, il lui a été appliqué l'article 87 de l'accord collectif du 25 juin 2004, qui instaure le principe d'une garantie salariale pour les salariés qui n'ont pas bénéficié d'une évolution de salaire de base d'au moins 2,5 % pendant 8 ans, ce qui témoigne de sa non évolution durant 8 années consécutives, et en septembre 2011, il a fait l'objet d'une seconde application de ces dispositions, ce qui témoigne d'une persévérance dans le comportement discriminant mis en place par l'employeur ;
Malgré les accords d'entreprise sur l'évolution de carrière du 25 juin 2004, il n'a pas bénéficié des entretiens permettant de faire le point sur sa carrière (au moins une fois tous les 5 ans, et les entretiens sur les compétences (au moins une fois tous les 2 ans), ce qui l'empêchera d'évoluer au sein de l'entreprise et créera une situation de disparité avec les salariés bénéficiant régulièrement de ces mesures ;
Sur 14 salariés entrés en fonction même temps que lui : 2 ont une classification TM3 ; 1 a atteint le niveau d'agent de maîtrise TM4 ; 3, dont lui-même, sont au niveau TM5 ; les 8 autres ont évolué en catégorie cadre.
Il n'a jamais fait l'objet d'aucune critique sérieuse sur la qualité de son travail et sur ses compétences reconnues au début de sa carrière par l'attribution notamment d'un diplôme interne dont il n'a jamais pu obtenir l'application.
Il considère que l'employeur ne cache pas que l'élément qui a freiné, voire stoppé l'évolution de sa carrière, est son engagement syndical, ce qu'il a traduit dans son courrier du 4 avril 2011 en ces termes : « nous souhaitons en conséquence que vous poursuiviez votre activité au sein de cette unité, nonobstant l'exercice de vos mandats syndicaux et engagements prud'homaux ».
II - sur l'absence de poste de travail :
- il s'est trouvé dépourvu de tout poste de travail au sein de l'entreprise à partir de 2005 ;
- cette absence de poste de travail est consécutive à l'attitude de l'employeur qui, à compter de 2002, l'a privé d'un véritable poste de travail alors qu'il a postulé à de nombreuses reprises à des postes en rapport avec ses compétences et les diplômes internes obtenus ;
- en 1991, lors de la fusion de la caisse d'épargne des pays de l'Adour, il n'a pas été réaffecté au sein de la nouvelle structure et, avec l'autre représentant syndical, il est resté pendant 2 années au service de la comptabilité à [Localité 1], service pourtant appelé à disparaître, et n'a été réaffecté à la nouvelle entité qu'en janvier 1993 ;
- après avoir abandonné tous ses mandats de 1993 à 2001, en septembre 2001 il a exercé à nouveau un mandat de délégué syndical et de représentant syndical au comité d'entreprise et il a été affecté à la direction juridique et du contentieux sans que la mission qui lui a été confiée ne soit véritablement définie et précisée ;
- à la fin du mois de décembre 2005, il a terminé sa mission au service contentieux sans être repositionné sur un poste de travail ;
- le 31 janvier 2008, il lui a été proposé un poste de « gestionnaire de recouvrement » avec un classement en TM5 qu'il a été obligé de refuser aux motifs qu'il s'agissait d'un poste inférieur à sa classification et que compte tenu de sa situation de représentant syndical il refusait d'être surclassé sur un poste de travail occupé par des salariés classés en TM4 ;
M. [Z] considère que cette absence de poste de travail a produit ses effets en matière de discrimination puisqu'il n'a pu évoluer dans son emploi et qu'il a été placé à l'écart de la collectivité de travail, et que sa convocation le 30 octobre 2012 à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement a signé la volonté définitive de l'employeur de se séparer de lui. Cette première procédure a échoué mais a été poursuivie par une seconde qui a trouvé son terme le 3 août 2015, après son départ de l'entreprise le 31 mars, par le désistement de l'employeur devant le tribunal administratif.
Il soutient que la persistance de ces éléments, plus particulièrement l'absence d'évolution de carrière et l'absence d'évolution dans la classification pendant 31 ans, et l'absence de fourniture d'un travail réel et effectif caractérisent bien une situation de discrimination syndicale, qui, outre une rémunération volontairement moindre que celle de ses collègues, lui a nécessairement causé un préjudice moral.
Il considère que les arguments d'ordre général évoqués par l'employeur ne sont pas de nature à expliquer son absence d'évolution de carrière ; le fait qu'une part importante des salariés n'a pas bénéficié d'augmentation ou d'évolution de carrière n'est pas, en matière de discrimination, susceptible d'expliquer et de justifier le comportement discriminatoire allégué ; les entretiens d'écoute évoqués par l'employeur ne constituent pas les entretiens tels que définis par la loi ou par les accords collectifs.
Sur le harcèlement moral :
Il soutient également qu'à la discrimination syndicale s'est ajoutée une pratique de harcèlement moral dans le but de l'obliger à quitter son emploi ou aux fins de le pousser à commettre une faute grave justifiant son licenciement.
Il prétend que les pratiques de harcèlement moral, à visée discriminatoire, se sont principalement développées à partir de 2012, s'ajoutant à une situation dévalorisante puisqu'il était privé d'emploi réel et effectif depuis au moins la fin de l'année 2005.
Il fait valoir que le harcèlement est caractérisé par de prétendues propositions d'emploi qui sous couvert de tenter de régler la situation qui l'a maintenu pendant 10 ans dans un emploi sans lui confier de tâches précises, a aggravé cette situation ; il lui a été proposé des emplois sans rapport avec ses compétences et ses diplômes, l'obligeant à les refuser ; il lui a également été proposé un surclassement au regard de la fonction exercée manifestement conçu pour le discréditer en sa qualité de représentant syndical, puis des postes de travail de plus en plus éloignés de son lieu de vie, le dernier poste concernant un emploi à [Localité 2], à 400 km de son domicile, alors que dans le même temps de nombreux postes de sa compétence étaient dévolus à d'autres salariés ; l'employeur a tenté de le licencier à 2 reprises, la première fois, en prétendant qu'il ne souhaitait plus prendre aucun poste de travail, alors que depuis des années ses demandes d'emploi n'étaient pas prises en compte ; à partir du second refus d'autorisation de licencier l'employeur a procédé pendant 7 mois à des retenues de salaire pour de prétendues absences injustifiées.
M. [Z] maintient sa demande de résiliation judiciaire formulée en première instance, tout en modifiant les termes puisqu'il a quitté son emploi le 31 mars 2015 dans le cadre d'un départ en retraite qu'il a dû anticiper et il sollicite que la cour qualifie la rupture intervenue à cette date en rupture imputable à l'attitude de l'employeur, avec les conséquences d'un licenciement nul compte tenu de la violation du statut protecteur, alors qu'il aurait pu bénéficier d'une activité continue et d'un salaire complet, outre les avantages conventionnels jusqu'en 2017.
La CEAPC, par conclusions écrites, déposées le 17 février 2016, reprises oralement à l'audience et auxquelles il convient de se référer, demande à la cour de :
Sur la demande de requalification de la rupture :
- dire que cette demande est sans objet suite au départ en retraite de M. [Z],
Sur la discrimination :
vu les articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail,
- dire que M. [Z] n'a subi aucune discrimination en raison de son activité syndicale,
Sur le harcèlement moral :
vu les articles L. 1153-1 et L. 1154-1 du code du travail,
- dire que M. [Z] n'a subi aucun harcèlement moral,
Au total :
- confirmer dans toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud'hommes de Bayonne,
- le condamner à payer à la CEAPC à somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- le condamner aux entiers dépens.
La CEAPC soutient que M. [Z] n'est pas fondé à demander que son départ en retraite produise les effets d'un licenciement abusif et par suite des indemnités qui en résultent et, en tout état de cause, il lui appartient d'établir la réalité des manquements prétendus de l'employeur.
Sur la discrimination syndicale :
La CEAPC rappelle l'évolution professionnelle du salarié depuis son embauche.
- Elle fait valoir qu'en 2002, le salarié a sollicité la commission paritaire nationale contentieuse afin qu'elle examine ses « possibilités d'avancement », et il ne sait nullement plaint de discrimination, se bornant à mettre en avant dans son mémoire, ses qualités professionnelles ;
- il a refusé de faire l'entretien d'appréciation des compétences au cours de l'été 2011, alors que c'est au cours de cet entretien que le salarié fait remonter à son manager et à la DRH ses souhaits d'évolution de carrière.
En février 2011,11 postes de cadres sur 35 lui ont été proposés.
Sur les 21 salariés embauchés en 1976 :
- 10 sont encore présents dans l'entreprise à ce jour ; hormis 3 salariés qui viennent de la banque Inchauspé et ont été intégré en 2005-2006 avec reprise de leur ancienneté depuis 1976, la situation des 7 autres personnes est la suivante :
- 2 salariés occupent un poste classé F ;
- M. [Z] occupe un poste classé E ;
- 1 salarié occupe un poste classé D ;
- 3 salariés occupent un poste classé C, dont un a le même niveau de diplôme que M. [Z].
Entre 2003 et 2011, un changement de système de classification est intervenu (accord du 30 septembre 2003 : les niveaux T1 à CM10 ont remplacé les niveaux A à I).
Sur cette période aucun salarié de cet échantillon n'a connu de promotion.
Le panel de comparant produit par M. [Z] est irrecevable car il ne retient que 14 salariés alors qu'il en compte 20.
Il est inexact que tous les salariés occupant un poste TM5 en 2008 seraient tous passés cadres.
La CEAPC démontre l'absence de discrimination en produisant 6 tableaux retraçant l'évolution comparative de carrière (classification et salaires) de salariés entrés au sein de la CEAPC en 1976, en même temps que M. [Z] et ayant ou non la même qualification à ce jour.
En ce qui concerne la rémunération : M. [Z] avait une rémunération brute, avec ou sans les primes familiales, nettement supérieure à la moyenne et à la médiane des salariés entrés à la même date que lui dans l'ancienne CEPA (tableau 5), et légèrement en deçà de la moyenne et médiane établie au niveau du nouvel ensemble DEAPC (tableau 2).
En ce qui concerne la classification : M. [Z] se situe légèrement au-dessus de la moyenne des salariés entrés en 1976 au niveau de l'actuelle CEAPC (tableau 4) et très au-dessus de cette moyenne au niveau de l'ancienne CEPA (tableau 6).
M. [Z] a bénéficié d'entretiens d'écoute au moment de la fusion des caisses, qui valent entretiens de carrière ; il a été reçu par le directeur départemental RH le 13 janvier 2012 ; s'il n'a pas bénéficié d'entretien d'appréciation de compétences c'est parce qu'il a refusé de s'y rendre.
M. [Z] a bénéficié de la garantie salariale mise en place par l'accord du 25 juin 2004 en 2008 et en 2011 ; en refusant de faire des entretiens d'appréciation des compétences il s'est privé du dispositif d'augmentations individuelles résultant directement des entretiens.
M. [Z] a été chargé de mission au service contentieux à compter de septembre 2002 ;
A partir de janvier 2008, il a bénéficié de plusieurs propositions qu'il a systématiquement refusées ; ce faisant, la CEAPC a été contrainte de l'enjoindre d'occuper un emploi conforme à la qualification et la rémunération contractuellement convenues, mais il a persisté dans son attitude de refus.
Sur le harcèlement moral : les différents éléments de fait dont M. [Z] entend se prévaloir, qui sont ceux invoqués à l'appui de sa demande en reconnaissance de discrimination syndicale, ne sont pas davantage de nature à caractériser un quelconque harcèlement moral.
L'erreur commise par la CEAPC dans la procédure de licenciement propre aux salariés protégés ne peut constituer un fait de harcèlement moral alors que les faits invoqués à l'appui de la décision de licenciement sont apparus avérés, même si l'inspecteur du travail a refusé l'autorisation.
Le syndicat du personnel des banques CGT Pays Basque a accusé réception le 18 août 2015 de sa convocation pour l'audience du 24 février 2016 à laquelle il n'était ni comparant, ni représenté et n'avait fait connaître aucune demande ni aucun moyen.
La décision sera donc réputée contradictoire.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
L'appel, interjeté dans les formes et délais prescrits par la loi, sera déclaré recevable en la forme.
Sur la nature de la demande :
M. [Z] a saisi le conseil de prud'hommes le 31 mars 2011 d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail, puis le 17 septembre 2014 il a informé l'employeur de son départ à la retraite à la date du 31 mars 2015 et, par conclusions d'appel, il demande que son départ à la retraite soit requalifié de prise d'acte de la rupture aux torts de l'employeur, avec les conséquences d'un licenciement nul compte tenu de la violation de son statut protecteur.
Dans son courrier du 17 septembre 2014, le salarié informe l'employeur de son départ en retraite en indiquant, notamment : « cette cessation d'activité m'est imposée par le harcèlement que je subis depuis des années de la direction des ressources humaines et qui est devenue insupportable ».
Le départ à la retraite d'un salarié est un acte unilatéral par lequel il manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail, de sorte que du fait de la formulation de manquements imputables à l'employeur comme cause de la rupture des relations contractuelles, sa décision de départ en retraite est équivoque et doit s'analyser en une prise d'acte de la rupture du contrat qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse voire, le cas échéant, d'un licenciement nul, si les faits invoqués la justifiaient ou, dans le cas contraire, d'un départ volontaire à la retraite.
En l'espèce, le salarié invoque comme cause de son départ à la retraite la discrimination syndicale et le harcèlement moral subis, de sorte que sa demande s'analyse en prise d'acte de la rupture des relations contractuelles.
I - Sur la discrimination syndicale :
En application des articles L. 1132-1, L. 1134-1 et L. 2141-5 du code du travail, lorsque le salarié présente plusieurs éléments de fait constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'une telle discrimination et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
Constitue une discrimination syndicale le fait pour l'employeur d'écarter d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, de sanctionner, de licencier, d'exclure un salarié d'avantages accordés à d'autres salariés de l'entreprise placés dans une situation identique, ou de lui faire subir un traitement particulier notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation, pour des raisons liées à son appartenance syndicale.
Sur les éléments produits par le salarié :
1) - le déroulement de carrière de M. [Z] :
M. [Z] a été engagé par la caisse d'épargne des pays de l'Adour en janvier 1976, en qualité de « stagiaire guichetier ».
Son déroulement de carrière a été :
- en juin 1977, il obtenu un certificat de titularisation au poste de guichetier ;
- en janvier 1982, il a été affecté à un poste de responsable « d'agence volant » ;
- en février 1984, caissier principal, au siège de l'entreprise à [Localité 1] (à compter du 1er avril 1984) classé 2AM, puis C de l'accord de 1985 ;
- avril 1987, il a été transféré au service comptabilité pour y occuper une fonction de comptable jusqu'à fin 1992 ; (en septembre 1991, suppression du service comptabilité à l'occasion de la fusion de la caisse d'épargne des pays de l'Adour) ;
- 1989 : aide comptable, emploi classé C ;
- juin 1993 : responsable antenne contentieux, poste de classification « E », selon la lettre de nomination du 24 juin 1993 (pièce 1 bis du salarié) ;
- mai 1995 : « responsable sécurité personnes et biens » à la direction de [Localité 1], emploi classé E ;
- septembre 2002 : emploi de chargé de mission à la « direction du juridique et du contentieux » ;
- 2004 : positionné en catégorie TM4, puis TM5 ;
- février 2009 : gestionnaire recouvrement particulier, emploi classé TM5.
2) - Les fonctions représentatives de M. [Z] :
M. [Z] a été investi de plusieurs mandats de représentation du personnel. Ainsi :
- à compter de janvier 1983, janvier 2003 et décembre 2008, il a été élu en qualité de conseiller salarié au conseil de prud'hommes de [Localité 1], fin de mandat fin 2017 ;
- à compter de janvier 1983, il a été désigné délégué syndical ;
- à partir de 1987, il a été élu à la commission exécutive nationale branche de la caisse d'épargne ;
- 1995 : seconde le président du CHSCT ; membre du comité de sécurité ;
- septembre 2001 : nommé délégué syndical local, puis responsable syndical national de la caisse d'épargne ;
- candidat aux fonctions de délégué du personnel en novembre 2012 ;
- candidat aux fonctions de membre du comité d'entreprise lors des élections professionnelles du 16 novembre 2012.
3) - la comparaison de la situation de M. [Z] avec d'autres salariés de l'entreprise :
M. [Z] soutient que pendant 31 ans il n'a bénéficié d'aucune augmentation individuelle ou d'évolution de coefficient.
Il ressort des pièces versées aux débats (bulletins de salaire) qu'il était :
- en juillet 1986, classé catégorie 2AM, échelon 4 ;
- en décembre 1991, aide comptable, niveau C ;
- en juillet 1993, agent d'exploitation-placements, niveau C ;
- en juin 1993, affecté en qualité de responsable antenne contentieux, classé E (lettre de notification) ;
- à compter de mai 1995, chargé de sécurité des personnes et des biens, classé E (lettre de notification) ;
- en janvier 2002, chargé de sécurité, classé E ;
- en octobre 2002, chargé de mission, classé E ;
- en avril 2006, chargé de mission (cont/recouv), classé TM5 ;
- en septembre 2009, gestionnaire recouvrement part., agent de maîtrise, classé TM5 ;
- en novembre 2014, gestionnaire recouvrement partic., employé, classé TM5.
Il prétend que sur 14 salariés entrés en fonction même temps que lui :
- 2 ont une classification TM3 ;
- 1 a atteint le niveau d'agent de maîtrise TM4 ;
- 3, dont lui-même, sont au niveau TM5 ;
- les 8 autres ont évolué en catégorie cadre.
M. [Z] a établi cette comparaison au vu de la liste électorale pour les élections professionnelles au comité d'entreprise et des délégués du personnel de 2006.
M. [Z] a été engagé à compter du mois de janvier 1976.
Il fait valoir qu'il ressort de la liste électorale (pièce 27) que :
- sur la liste des électeurs collège « cadres », 8 salariés sont entrés dans l'entreprise en 1976.
- sur la liste des électeurs du collège « agents de maîtrise », 6 salariés sont entrés dans l'entreprise en 1976 : 3 sont classés TM4, 3 sont classés TM5, dont lui-même.
Le fait que M. [Z] se situe dans la moyenne des classifications par rapport aux salariés entrés en même temps que lui dans l'entreprise, et qu'il soit donc mieux classé que certains de ces salariés, ne suffit pas, en lui-même et à lui seul, à établir qu'il n'a subi aucune discrimination dès lors que certains autres salariés ont bénéficié d'une progression de carrière plus importante et plus rapide, ce qui peut laisser supposer que son évolution de carrière a été ralentie du fait de la discrimination syndicale alléguée.
M. [Z] fait valoir que de 1993 à 2001, alors qu'il n'était plus investi de mandats syndicaux, il a obtenu un poste de responsable unité contentieux en mai 1993, puis en octobre 1995 il a été nommé responsable sécurité des personnes et des biens à la direction de [Localité 1], dans ce cadre il a secondé le président du CHSCT et a été chargé des dossiers « An 2000 » puis « euro fiduciaire » ce qui démontre, selon lui, ses capacités et la confiance que lui accordait l'employeur quand il est dépourvu de mandat. (conclusions page 3).
À compter du mois de septembre 2001, il a été désigné délégué syndical puis en janvier 2003, il a été de nouveau élu conseiller salarié au conseil de prud'hommes.
Or, M. [Z] fait valoir que l'absence d'évolution de sa carrière pendant au moins 8 ans est notamment établie par le courrier que l'employeur lui a adressé le 9 avril 2008 (courrier du directeur des ressources humaines) qui mentionne que « l'article 8 de l'accord collectif national sur la carrière des salariés du 25 juin 2004 a instauré le principe d'une garantie salariale selon les modalités suivantes : tout salarié doit avoir bénéficié, au terme de 8 années consécutives de travail effectif ou assimilé, d'une évolution de son salaire de base initiale égale à 2,5 % de la rémunération annuelle minimale du niveau de classification de son emploi, à l'exclusion des augmentations générales, des éventuelles intégrations d'avantages individuels acquis dont il a bénéficié au cours de cette période et des effets de la modification de son contrat de travail ». Le courrier poursuit ainsi : « dans le cadre de la mise en place et du suivi de ce dispositif, je vous informe que votre rémunération mensuelle de base est augmentée, avec effet au 1er janvier 2008, de 53,87 euros ».
L'absence d'évolution de carrière s'est prolongée au-delà, puisqu'en septembre 2011, il a bénéficié d'une seconde application de cet accord collectif.
Le rapprochement entre les fonctions et responsabilités qui lui ont été confiées dans la période pendant laquelle il n'était plus en charge de mandats syndicaux, avec l'absence d'évolution professionnelle à partir du moment où il a été de nouveau investi de tels mandats, laisse supposer l'existence de la discrimination invoquée.
En avril 2002, il a été transféré à la « direction du juridique et du contentieux » pour un emploi de chargé de mission qu'il considère n'avoir jamais été défini (conclusions page 3).
Le 7 mai 2002, il a sollicité l'entreprise (courriel à M. [N] [M] - pièce 2 n° 3) pour un examen de son avancement dans l'emploi, au titre de l'article 2.2.1 de l'accord sur les instances paritaires nationales du 22 décembre 1994, lequel stipule notamment : « après 5 années d'expérience, à temps complet, dans le même emploi, tout salarié qui n'aura bénéficié ni d'un avancement autre que l'augmentation de sa prime de durée d'expérience, ni d'une promotion, peut saisir son employeur qui devra procéder à l'examen de sa situation ».
Le 24 juillet 2002, la direction de l'entreprise accuse réception de sa demande du 7 mai.
La première réponse qui lui est donnée a été faite par courrier du 9 août 2002 de M. [N] [M], membre du directoire en charge des affaires générales (pièce 20) duquel il ressort notamment que l'absence d'évolution de carrière pendant 5 ans est reconnue par l'employeur qui écrit notamment « vous occupez depuis plus de 5 ans un emploi de chargé de sécurité. Sur cette période vous avez bénéficié exclusivement de l'augmentation de votre prime de durée d'expérience et d'évolutions de votre rémunération liées à des augmentations générales décidées au niveau national ou local ». Puis, le représentant de l'employeur conclut son courrier en ces termes : « L'étude de votre situation professionnelle avec vos responsables hiérarchiques, notamment le degré de maîtrise de votre emploi ainsi que vos capacités d'évolution et d'anticipation, ne nous permet pas d'envisager dans l'immédiat un avancement dans l'emploi ».
Le salarié a interrogé ses supérieurs hiérarchiques par courriels du 21 août 2002 (à [J] [S] et [M] [V], directeur logistique et moyens généraux) sur le sens de cette conclusion et sur les faits circonstanciés qui avaient permis de porter une telle appréciation sur son activité professionnelle. Il prétend, sans être démenti sur ce point, n'avoir obtenu aucune réponse à son interrogation.
En réalité, lorsque le salarié interroge l'employeur sur son absence d'avancement dans l'emploi, ce n'est pas 5 ans qu'il compte dans le même emploi sans avancement, mais 7 ans. En effet, c'est à compter du 2 mai 1995 (lettre du 28 avril 1995) qu'il a été nommé « responsable sécurité personnes et biens » à la direction de [Localité 1]. L'article 2.2.1 de l'accord national sur les instances paritaires nationales du 22 décembre 1994, cité précédemment, stipule également que « après 7 années d'expérience à temps complet, dans le même emploi, tout salarié qui n'aura bénéficié ni d'un avancement autre que l'augmentation de sa prime de durée d'expérience, ni d'une promotion, peut saisir la commission paritaire nationale siégeant en formation contentieuse » pour que soient examinées les possibilités d'avancement du salarié et vérifiée la concordance entre le contenu de l'emploi réel et le contenu de l'emploi confié. C'est sur le fondement de cet article que le salarié a saisi la commission paritaire nationale contentieuse, par courrier du 28 août 2002 aux fins de voir évoquée sa situation salariale qui n'a pas évolué depuis 7 ans « après avoir vainement demandé un avancement dans son emploi auprès de ses supérieurs hiérarchiques ». La commission s'est réunie le 22 octobre 2002 et a rendu un avis de partage des voix, les 8 représentants de la délégation des employeurs ayant considéré qu'il n'y avait pas lieu de donner suite à la demande d'avancement, au contraire des 8 représentants de la délégation des salariés.
En l'absence de réponse de l'employeur, le salarié a demandé à pouvoir consulter son dossier personnel (courriel du 26 août 2002), lequel a révélé ne contenir « aucun document relatif à son activité, ses formations, son appréciation liée à son emploi de chargé de sécurité des personnes et des biens » selon l'attestation de Mme [H] [N], déléguée du personnel, qui l'a assisté dans le cadre de la consultation de ce dossier le 28 août 2002 à la direction des ressources humaines, en présence également de Monsieur [G] [Q].
Le salarié a notamment exposé dans son mémoire présenté pour la réunion de la commission paritaire nationale contentieuse, produit aux débats (pièce 2) les diverses formations suivies de 1995 à 2000, sans être contredit ou démenti, duquel il ressort qu'il a suivi les formations suivantes, également justifiées par plusieurs pièces produites aux débats : audit et gestion des risques sur 4 jours en octobre 1995 ; responsable sécurité sur 6 jours en février et mai 1996 ; être efficace en réunion sur 3 jours en septembre 1996 ; sauveteur secouriste du travail sur 4 jours en novembre 1996 ; télécommunications sur 2 jours en décembre 1996 ; accompagnateur des victimes d'agression sur 4 jours en juin 1997 ; sécurité et santé sur les chantiers sur 2 jours en janvier 1998 ; téléphonie sur 2 jours en juin 1999 ; intervention des sociétés extérieures et plan de prévention sur 2 jours en novembre 1999 ; sécurité bancaire-actualisation sur 2 jours en septembre 2000.
Dans ce même mémoire il a également exposé les missions qui lui avaient été confiées pendant cette période qu'il avait exécutées, sans être, non plus, contredit ou démenti, duquel il ressort les missions suivantes : membre du groupe projet « passation de pouvoir entre responsable d'agence » en 1996 ; chef de mission pour la mise en place d'un logiciel pour la gestion des encaisses 1997/1998 ; membre du groupe projet « passage An 2000 » en 1999 ; responsable sphère fiduciaire du « projet euro » en 2000/2001 ; membre du groupe du travail, représentant l'employeur, dans le groupe régional interbancaire transports de fonds en 2000/2001.
Ainsi, en dépit d'une affectation pendant 7 années sur un poste, de plusieurs formations suivies et de plusieurs missions effectuées pendant la même période, aucun élément relatif à son activité ni à ses formations n'apparaît dans son dossier personnel, ce qui permet donc de s'interroger sur les éléments à partir desquels l'employeur a pu considérer que l'étude de sa situation professionnelle, son degré de maîtrise de son emploi et sa capacité d'évolution et d'anticipation ne permettaient pas d'envisager un avancement dans l'emploi, et, par voie de conséquence, laisse supposer l'existence de la discrimination invoquée.
Sur l'absence d'emploi véritable à compter du début de l'année 2006 :
M. [Z] soutient qu'à partir du 31 décembre 2005, il n'a plus occupé véritablement d'emploi.
Le 24 mai 2006, il écrit à Monsieur [E] [E], membre du directoire en charge des ressources humaines, que depuis le 31 décembre 2005 il n'a « pas d'emploi dans l'entreprise » (pièce 4).
Il prétend, qu'il n'a jamais été réaffecté sur un poste et qu'il n'apparaît pas sur l'organigramme du service contentieux au sein duquel il était censé exercé ses fonctions (organigramme du service Recouvrement Particuliers - pièces 5 et 6), qu'il ne pouvait accepter les postes qui lui ont été proposés en novembre et décembre 2007 (conclusions page 4) car, pour l'un de ces postes, il n'avait pas les compétences requises (pièce 9), et pour l'autre, il ne pouvait accepter d'être surclassé au regard de ses collègues occupant un poste similaire mais à un niveau de classification moindre et compte tenu de ses fonctions syndicales, cette proposition étant inacceptable et discriminatoire et de nature à entraver son action syndicale et le décrédibiliser en le plaçant dans une situation constituant « un avantage non justifié ». La même proposition lui a été faite en juillet 2010, et le 11 octobre 2011 également refusée le 2 août 2010, le 27 octobre 2011 (pièces 11, 12 et 13).
L'entreprise a répondu au courrier du 24 mai 2006 du salarié le 30 mai 2006 (courrier de M. [E] [E] - pièce 7) en ces termes : « Je fais suite à votre courrier du 24 mai dernier et vous rappelle que le descriptif de votre mission vous a été adressé par mes soins le 20 mars 2006. Je prends bonne note de votre souhait d'évoluer vers un nouveau poste. Je transmets vos v'ux au département développement des RH qui ne manquera pas de vous solliciter dans l'hypothèse d'une nouvelle opportunité de poste. Vous souhaitant bonne réception de la présente et convaincu de votre implication dans la mission qui a été confiée' ».
Le salarié conteste avoir reçu le 20 mars 2006 le descriptif de la mission confiée et indique que (son courrier du 29 novembre 2006 - pièce 9) « Ce simple descriptif n'apporte aucune information supplémentaire sur le cadre temporel de ma mission par rapport au courrier et au descriptif que vous m'avez remis le 8 novembre 2004 et qui fixait à 2 ans la durée de la mission avec un point de départ au 1er janvier 2004 » et en déduisait que sa mission avait pris fin le 31 décembre 2005 et en conséquence que depuis lors, il était sans emploi.
Le courrier du 8 novembre 2004 (pièce 64) auquel le salarié fait allusion, mentionne que sa classification dans le cadre de la mission en cours est bien « TM5 », qu'elle a pris effet au 1er janvier 2004, qu'une rectification sera apportée sur son bulletin de salaire du mois de novembre, et ajoute « vous trouverez ci-joint le contenu de votre mission ». En fait, aucune des parties ne produit aux débats la pièce, censée avoir été jointe, sur le contenu de la mission confiée, mais le salarié ne conteste pas en avoir été destinataire puisqu'il fait référence dans son courrier du 29 novembre 2006 à un descriptif, bien qu'il ne soit pas prétendu, par aucune des parties, que ce descriptif serait celui visé dans le courrier du 30 mai et adressé le 20 mars 2006.
Cependant, il convient de relever que les tâches confiées à compter du 1er janvier 2004 ressortent d'une « mission », que celle-ci est censée être limitée dans le temps, comme c'est généralement le cas lorsque l'on veut, par l'usage de cette notion de « mission », viser des tâches temporaires ou confiées temporairement par opposition à un emploi défini par des tâches fixes, stables et permanentes, ainsi qu'il apparaît dans le « descriptif de mission » joint au courrier du 30 mai 2006 qui mentionne, au titre de la contribution attendue, qu'il s'agit d'« accompagner, participer et soutenir, durant la durée de la mission' », alors qu'aucun élément n'est produit précisant et justifiant la durée de cette mission.
Sur les propositions d'emploi faites au salarié et refusées par celui-ci, il convient de relever, outre les arguments développés pour justifier le refus, que les premières propositions sont intervenues en janvier 2008, soit près de 2 ans après que le salarié s'est plaint de n'être pas occupé dans un véritable emploi et sans que pendant cette période l'employeur justifie de la réalité d'un emploi véritable.
Il doit également être relevé que le fait pour l'employeur de réitérer en juin 2010 et en octobre 2011 les propositions d'emploi refusées par le salarié en 2008, sans que les arguments développés lors des refus aient fait l'objet d'une contestation et critique argumentées et justifiées par l'employeur, ne saurait constituer une véritable proposition d'emploi ni l'expression d'une véritable volonté de mettre un terme à une situation litigieuse qui a duré plusieurs années, mais au contraire serait plutôt de nature à entretenir le conflit en répétant les mêmes causes et donc les mêmes effets.
Le salarié a manifesté et confirmé sa volonté d'évolution professionnelle, à plusieurs reprises, notamment le 15 mars 2000 par le biais du document « expression des v'ux d'évolution professionnelle », ainsi que dans le courriel du 28 août 2003 à M. [S] [W] (pièce 14), ou encore dans les candidatures qu'il a présentées comme en juillet 2006 sur un poste de « responsable moyens Généraux » refusée le 7 août 2006, ou sur un poste de « responsable département immobilier et sécurité à la direction secrétariat générale » refusée le 28 mai 2004.
L'employeur a pris acte, également à plusieurs reprises, de l'expression de cette volonté d'évolution professionnelle, comme dans les courriers du 14 juin 2000 et 10 octobre 2000 (courriers de [S] [W]), outre ceux dont il a été précédemment fait état.
Or, si les notifications des refus de nomination aux postes sollicités mentionnent effectivement chaque fois qu'il a été pris note de la « réelle volonté d'évoluer » du salarié et de « la pertinence de son argumentation », en revanche, aucune motivation n'est donnée sur les raisons du refus.
Il convient également de souligner que, alors que pendant plusieurs années l'employeur faisait état de ce qu'il avait été confié à M. [Z] une « mission » au service recouvrement particuliers, mission que le salarié considérait être non définie et dépourvue de tout contenu, au point qu'il soutient avoir été privé d'un véritable emploi, cette mission paraît être devenue un « emploi » dans le courrier du 4 avril 2011 (pièce 15) du directeur départemental RH site Adour, M. [W], pérennisant ainsi des tâches censées être limitées dans le temps.
Par ce même courrier l'employeur écrivait au salarié : « Nous souhaitons en conséquence que vous poursuiviez votre activité au sein de cette unité nonobstant l'exercice de vos mandats syndicaux et engagements prud'homaux ».
Le salarié a répondu par courrier du 23 mai 2011 (pièce 29) en indiquant notamment qu'il ne pouvait pas « poursuivre » une activité « qui n'a jamais réellement débuté ».
Mais surtout, en mentionnant qu'il souhaitait une poursuite de l'activité du salarié « nonobstant l'exercice de ses mandats syndicaux et engagements prud'homaux », l'employeur fait expressément référence aux activités prud'homales et syndicales du salarié tout en exprimant une relation entre son activité professionnelle et son activité syndicale, et plus précisément une relation négative.
En effet, la préposition « nonobstant » est ici utilisée pour introduire la proposition relative à l'exercice des mandats syndicaux et engagements prud'homaux, et signifie donc qu'il est souhaité que la poursuite de l'activité ne soit pas empêchée par l'exercice des mandats syndicaux. Or, l'expression d'un souhait qu'une chose n'en empêche pas une autre est aussi l'expression de la crainte qu'une chose soit empêchée par une autre, en l'espèce, que l'activité professionnelle soit empêchée par l'exercice des mandats syndicaux.
Ainsi, l'absence d'éléments précisant la durée de la mission, l'absence de toute mention relative à la présence et aux fonctions de M. [Z] dans les organigrammes de l'entreprise, l'écoulement d'une durée de près de 2 années avant la formulation de propositions d'un emploi bien défini, et pas seulement d'une mission indéterminée dans le temps, l'absence de motivation donnée aux refus opposés aux candidatures du salarié, et l'expression de la crainte que l'activité professionnelle soit empêchée par l'exercice des mandats syndicaux, sont de nature à étayer l'argument du salarié selon lequel il n'était pas occupé à un véritable emploi, et surtout laissent supposer l'existence de la discrimination invoquée.
Après le refus du salarié de 2 modifications de contrat qui lui ont été proposées les 19 et 24 janvier 2012 dans le cadre de propositions d'emploi (à [Localité 3] et [Localité 2]) il lui a été fait injonction (courrier du 4 juillet 2012 - pièce 32) de reprendre son travail au poste de gestionnaire recouvrement particuliers.
Le salarié a répondu (courrier du 12 octobre 2012 - pièce 33) que la seule activité qui lui a été confiée par le responsable du département est d'« Exprimer un avis motivé sur les dossiers des clients réaffectés une seconde fois au recouvrement amiable après un retour dans l'année dans son agence de domiciliation », ce qu'il analysait comme étant le fait de « deviner, à partir de l'historique informatique des mouvements des comptes clients, les raisons de leur rechute en client débiteur », tâche qu'il considérait ne correspondre « en rien à la finalité de l'emploi présenté dans la définition, à savoir assurer le traitement des dossiers complexes » et ne répondant « ni à la qualification, ni aux tâches que la définition met à la charge du titulaire de l'emploi », soit une activité le tenant à l'écart du traitement des dossiers, ne lui permettant pas d'assumer le rôle de second du service dévolu par cette définition et ayant pour conséquence de le placer en surclassement par rapport aux autres salariés du département, sans aucun motif légitime, si ce n'est « pour objectif » de le « discréditer aux yeux du personnel de l'entreprise ».
Le salarié poursuit en indiquant que si l'employeur justifie cet ordre de reprendre son travail par « l'épuisement des possibilités de propositions négociées », il rappelle que dès le 13 juillet, l'entreprise a fait paraître en interne 24 offres d'emploi dont certaines auraient pu lui être proposées, comme le poste de responsable d'unité moyens généraux pour lequel il prétend avoir obtenu en 1987 le diplôme nécessaire pour avoir priorité pour l'affectation sur un emploi de cadre.
À la suite de ce courrier, l'employeur a convoqué le salarié à un entretien préalable à licenciement et a sollicité le 12 décembre 2012 l'avis du conseil de discipline nationale et le 13 février 2013 l'autorisation de l'inspection du travail de procéder au licenciement pour motif disciplinaire du salarié.
L'autorisation de procéder au licenciement a été refusée par décision du 28 février 2013 au motif que la procédure suivie par l'entreprise est irrémédiablement viciée du fait du défaut d'information et de consultation du comité d'entreprise qui affecte substantiellement la régularité de la procédure interne. Aucun recours n'a été exercé à l'encontre de cette décision.
L'entreprise a procédé, le 8 avril 2014, à une nouvelle convocation à entretien préalable à une mesure disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement.
Le conseil de discipline national s'est réuni le 13 juin 2014. La délégation des salariés a émis, pour partie, un avis défavorable au licenciement de M. [Z] et pour une autre partie, un avis favorable ; la délégation des employeurs a rendu un avis favorable.
L'entreprise a sollicité l'autorisation de licencier le salarié pour les griefs reprochés suivants : refus de venir à son poste de travail ; non-respect des règles concernant la pose des crédits d'heures ; non-respect des règles relatives aux absences pour congés de formation syndicale et prud'homale pour la journée du 14 mars 2014 ; modalités de décompte de ses heures prud'homales de janvier à mars 2014, assorties d'un doute sur sa présence au conseil de prud'hommes le 18 mars 2014 ; absence de réponse à une convocation de sa manager en date du 10 février 2014 à un entretien fixé le 17 février 2014 ; absences injustifiées à son poste de travail le 17 février 2014, les 3, 5 et 25 mars 2014, le 2 avril 2014.
L'inspecteur du travail a, par décision du 22 juillet 2014, refusé l'autorisation de procéder au licenciement de M. [Z], aux motifs que :
- sur la pose des crédits d'heures : les faits sont établis mais ne peuvent être imputés totalement au salarié et aucun préjudice ou trouble manifeste et excessif ne découle de la situation pour l'entreprise ;
- sur le décompte de ses heures : il n'est pas établi de faits fautifs ;
- sur la journée du 14 mars : le fait est établi mais ne saurait faire grief ;
- sur les autres absences : la CEAPC n'a pas tiré les conséquences sur le contrat de travail de M. [Z] de ses choix de gestion intervenue à compter de sa création en 2008 ; l'entreprise ne démontre pas avoir 'uvré à la reprise d'une collaboration sereine et confiante avec son salarié, dans un cadre compatible avec l'exercice de ses différents mandats par l'intéressé ; en tout état de cause, les faits établis parmi ceux invoqués demeurent partiellement imputables au salarié et ne saurait constituer une faute d'une gravité suffisante pour justifier l'ultime sanction au regard de l'ensemble des éléments rappelés et de l'ancienneté du salarié.
La CEAPC a formé un recours hiérarchique en annulation et en réformation de la décision de l'inspection du travail. Puis, dans le cadre d'une décision de rejet implicite, elle a saisi le tribunal administratif de Pau le 13 mars 2015 de la même demande, dont elle s'est désistée le 3 août 2015 en raison du départ à la retraite du salarié.
Dans le cadre de la présente instance, ce qu'il importe de relever dans la demande d'autorisation de licenciement et dans la décision de l'inspecteur du travail, c'est d'une part, que plusieurs des griefs formulés à l'encontre du salarié étaient en lien direct avec l'exercice de ses activités syndicales et prud'homales, griefs qui n'ont pas été considérés par l'autorité administrative comme pouvant justifier le licenciement, et d'autre part, que l'entreprise n'avait pas « 'uvré à la reprise d'une collaboration sereine et confiante avec son salarié dans un cadre compatible avec l'exercice de ses divers mandats », de sorte que si l'inspecteur du travail ne s'est pas prononcé expressément sur l'existence, ou non, d'une discrimination syndicale, ce qui en l'espèce ne lui était pas demandé, en revanche, le fait d'avoir écarté les griefs relatifs aux conditions d'exercice par le salarié de ses activités syndicales et prud'homales et d'avoir souligné le rôle, qui peut être qualifié de négatif, de l'employeur à l'égard du salarié dans le déroulement des relations contractuelles, laisse supposer l'existence de la discrimination invoquée.
Enfin, le salarié soutient que pendant plusieurs années il n'a jamais bénéficié des entretiens permettant de faire le point de sa carrière, malgré les accords d'entreprise sur l'évolution de carrière du 25 juin 2004.
L'accord collectif national sur la carrière des salariés du 25 juin 2004, entré en vigueur le 1er juillet 2004, qui s'applique à l'ensemble des salariés des entreprises du réseau, décrit notamment les mesures visant « à optimiser la gestion des carrières, c'est-à-dire à faciliter l'identification et le développement des compétences des collaborateurs, en cohérence avec les besoins et les orientations générales des entreprises », précise que « la gestion de carrière est efficace dès lors que les compétences et les perspectives d'évolution sont abordées et évaluées avec le collaborateur de façon professionnelle, rigoureuse et régulière » et fixe au minimum tous les 2 ans l'appréciation des compétences de chaque salarié pour apprécier ses compétences mises en 'uvre dans le cadre de son emploi et mesurer le degré de maîtrise de cet emploi et d'évolution du salarié dans sa filière d'activité, et au minimum tous les 5 ans un entretien de carrière afin de faire un point avec le salarié sur son expérience professionnelle, les actions conduites et les compétences acquises sur l'ensemble de son parcours.
M. [Z] soutient que le fait de n'avoir pas bénéficié de ces entretiens l'a empêché d'évoluer au sein de l'entreprise et a créé une situation de disparité avec les salariés bénéficiant régulièrement de ces mesures.
Le fait est qu'aucune des parties ne verse aux débats de compte-rendu de ces entretiens ou de justificatifs de la tenue de ces mesures au bénéfice de M. [Z], ce qui laisse supposer l'existence de la discrimination invoquée.
Par conséquent, il y a plusieurs éléments qui laissent supposer l'existence de la discrimination syndicale invoquée, de sorte qu'il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
Sur l'évolution professionnelle du salarié :
La société soutient que le panel de comparant produit par le salarié est irrecevable car, pour justifier son traitement prétendument discriminatoire, il se prévaut d'un panel de salariés entrés en 1976 à partir de la liste électorale des élections de 2006, panel dans lequel il ne retient que 14 salariés alors qu'il en compte 20 (pièce 35 du salarié).
A ces 20 salariés la société indique ajouter un autre salarié qui n'apparaît pas sur la liste électorale (M. [P]). En fait ce salarié apparaît bien sur la liste électorale collège des agents de maîtrise (page 7).
En réalité, l'examen de la liste électorale produite fait apparaître :
- 10 salariés entrés en 1976, classés cadres en 2006 ;
- 6 salariés entrés en 1976, classé agents de maîtrise en 2006 (3 classés TM4, 3 classés TM5, dont M. [Z]) ;
- 5 salariés entrés en 1976, classés employés ;
soit un total de 21 salariés ayant la même ancienneté en 2006.
La société fait valoir que contrairement à ce que prétend M. [Z], tous les salariés qui occupaient un poste TM5 en 2008 ne sont pas tous passés cadres, que sur les 21 salariés du panel, les 3 salariés qui étaient classés TM5 en 2006 sont restés à cette classification 2008 ; sur les 358 personnes de l'entreprise qui occupaient un poste TM5 au 31 décembre 2007, au 31 décembre 2011, 159 sont restés à cette classification, soit 44 %, 157 étaient passés cadres soit 44 % et 42 ont été rétrogradés, soit 12 %.
M. [Z] se situe légèrement au-dessus de la moyenne des salariés entrés en 1976 au niveau de l'actuelle CEAPC, et très au-dessus de cette moyenne au niveau de l'ancienne CEPA, et en ce qui concerne la rémunération il avait une rémunération brute, avec ou sans les primes familiales, nettement supérieure à la moyenne à la médiane des salariés entrés à la même date que lui dans l'ancienne structure, et légèrement en deçà de la moyenne et médiane établie au niveau de la nouvelle structure.
Mais, ce dont se plaint le salarié c'est d'une absence d'évolution professionnelle, ou en tout état de cause d'une stagnation de son évolution professionnelle, à partir de l'année 2001.
Dès lors, le fait que tous les salariés sont entrés en même temps dans l'entreprise ne suffit pas pour caractériser une absence d'évolution professionnelle, ou une stagnation de cette évolution, de M. [Z] à partir de l'année 2001 au regard de la classification de tous les salariés en 2006 dans la mesure où il n'est précisé par aucune des parties qu'elle était la classification de chaque salarié à la date de son entrée dans l'entreprise.
En revanche, l'évolution de ces salariés de 2006 jusqu'à leur départ de l'entreprise peut constituer un élément pertinent.
Or, en l'espèce, il ressort du tableau établi par l'employeur (pièce 2) que sur ces 21 salariés un seul a connu une évolution de carrière entre 2006 et son départ de l'entreprise (Monsieur [D] [F], classé CM7 en 2006, et CM8 en 2008).
En l'espèce, le fait que le litige porte non pas sur une disparité de rémunération entre salariés placés dans une situation identique, susceptible de constituer une violation de l'application du principe « à travail égal, salaire égal », mais sur le déroulement de la carrière dont M. [Z] prétend que la sienne a été ralentie, voire arrêtée, du fait de ses activités syndicales, la position hiérarchique des salariés à un moment donné n'est pas, en elle-même et à elle seule, suffisante pour caractériser la discrimination invoquée, ou au contraire l'écarter, d'autant que, ainsi qu'il a été dit précédemment, il n'est pas précisé la situation de chacun lors de son embauche.
En revanche, ce qui importe c'est de déterminer si le salarié a pu bénéficier, au même titre que tout autre salarié, des possibilités internes à l'entreprise en matière, notamment, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle ou de mutation ou s'il en a été empêché pour des raisons liées à son appartenance syndicale.
Sur les entretiens de carrière et d'appréciation des compétences :
La société conteste l'affirmation de M. [Z] selon laquelle il n'a pas bénéficié d'entretiens de carrière alors qu'il a bénéficié d'entretiens d'écoute au moment de la fusion des caisses, qui valaient entretiens de carrière, ainsi qu'il l'a reconnu dans son courrier du 14 janvier 2008 (pièce 9).
Le courrier du 14 janvier 2008 adressé à M. [S] [W], fait suite à l'entretien que ce dernier lui a accordé le 9 janvier concernant la proposition d'emploi de « chargé travaux neufs et NCA » qui lui a été remise à cette occasion, et qu'il a refusée.
Mais, si le salarié a effectivement eu un entretien avec un responsable hiérarchique, l'objet et les conditions de cet entretien ne satisfont pas aux exigences fixées par l'accord collectif national sur la carrière des salariés du 25 juin 2004 pour la tenue d'entretien sur les appréciations des compétences et pour faire le point de carrière, dont la régularité et les objectifs sont définis et ont été précédemment rappelés.
La société fait également valoir que le salarié a été reçu par le directeur départemental RH de sites pour faire un point sur sa situation professionnelle le 13 janvier 2012, et renvoie à sa pièce 5.
La pièce 5 est l'édition des échanges de courriels qui ont eu lieu entre M. [Z] et M. [W] entre le 8 et le 14 décembre 2011 pour la fixation d'un rendez-vous, finalement fixé au vendredi 13 janvier.
Mais, d'une part, la fixation d'une date d'un rendez-vous pour un entretien ne signifie pas que cet entretien a effectivement eu lieu, et d'autre part, et surtout, ne démontre pas que l'entretien prévu était soit un entretien d'appréciation des compétences, soit un entretien pour faire le point de carrière du salarié, dans les conditions prévues par l'accord collectif du 25 juin 2004.
En effet, aucun compte-rendu de cet entretien n'est produit, alors que l'accord collectif prévoit que chacun des entretiens fait l'objet d'un support, établi à l'issue de l'entretien dont une copie est remise au salarié, qui dispose d'un délai de 5 jours ouvrés maximum pour apporter ses commentaires et le signer, et dont tous les supports concernant chaque salarié sont conservés par la DRH de l'entreprise.
La société, enfin, fait valoir que si M. [Z] n'a pas bénéficié d'entretien d'appréciation de compétences c'est parce qu'il a refusé de s'y rendre, comme en 2011 où il n'a pas répondu à la convocation du 1er août pas plus qu'à celle du 12 août alors qu'il a eu parfaitement connaissance de l'une et de l'autre.
Elle produit (pièce 1) les copies de messages courriels qui portent en objet « appréciation des compétences » pour le message qui fixe une date d'entretien au 1er août 2011, « entretien d'appréciation-proposition d'un second rendez-vous » pour le message qui fixe une date d'entretien au 12 août 2011. La date d'expédition de ces 2 messages n'apparaît pas sur les copies produites, ou en tout cas n'a pu être identifiée. Sont également produites les copies de 2 autres courriels du 10 août 2011 qui portent pour objet « notification de transfert de réunion : entretien d'appréciation-proposition d'un second rendez-vous », transfert effectué, selon le texte du message, par M. [Z] aux 2 autres destinataires des messages initiaux.
M. [Z] ne conteste pas avoir reçu ces messages, de sorte qu'il y a lieu de dire qu'il a été régulièrement convoqué pour cet entretien auquel il ne s'est pas présenté et alors qu'il ne justifie pas son absence.
Mais, en tout état de cause, il convient de rappeler que l'accord collectif du 25 juin 2004, est entré en vigueur au 1er janvier 2004 et qu'il prévoyait au minimum un entretien d'appréciation des compétences tous les 2 ans et un entretien de carrière tous les 5 ans. Ainsi, le salarié aurait dû bénéficier de 5 entretiens d'appréciation des compétences entre 2006 et 2014 et de 2 entretiens de carrière entre 2009 et 2014, de sorte qu'une seule convocation à un seul entretien en 2011 n'est manifestement pas susceptible de satisfaire aux conditions fixées par l'accord collectif.
Sur ce point, l'employeur ne démontre pas que sa décision était justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
Sur la garantie salariale :
La société fait valoir que pour démontrer la situation de discrimination qu'il subit, M. [Z] fait référence à la garantie salariale mise en place par l'accord du 25 juin 2004, dont il a bénéficié en 2008 et en 2011, comme 486 personnes en ont bénéficié au même titre que lui en 2008 et 334 en 2011, outre qu'il a refusé de faire les entretiens d'appréciation des compétences, se privant du même coup du dispositif d'augmentation individuelle résultant directement des entretiens.
Mais, dès lors que la garantie salariale est accordée à tout salarié qui, au terme de 8 années consécutives de travail effectif ou assimilé, n'a pas bénéficié d'une évolution de son salaire de base initiale, à l'exclusion des augmentations générales, des éventuelles intégrations d'avantages individuels acquis dont il a pu bénéficier au cours de cette période et des effets de la modification de son temps de travail, c'est qu'il est reconnu que pendant cette période il n'a bénéficié d'aucune évolution personnelle de carrière.
Il convient de rappeler que le litige ne porte pas sur une violation du principe d'égalité de traitement, selon le principe « à travail égal, salaire égal », et qu'ainsi le fait que d'autres salariés soient placés dans la même situation en ayant bénéficié de cette garantie salariale n'est pas de nature à écarter l'hypothèse que s'il a dû lui être fait application de cette garantie salariale c'est parce qu'il n'a pas bénéficié d'une promotion, ou d'une évolution personnelle de carrière, dont les avantages lui auraient fait échapper aux conditions d'attribution de cette garantie, et ne permet donc pas d'écarter l'hypothèse qu'il a été tenu à l'égard d'une promotion personnelle pour des raisons liées à son activité syndicale, de sorte que l'employeur ne démontre pas que ses décisions de ne pas faire bénéficier le salarié d'une telle évolution était justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
Pour ce qui est du fait que le salarié se serait privé d'augmentations individuelles résultant directement des entretiens d'appréciation des compétences auxquels il aurait refusé de participer, il a été précédemment dit que l'employeur ne démontre pas ni avoir convoqué le salarié dans les délais les conditions fixées par l'accord collectif prévoyant ce type d'entretiens, ni que sa décision de ne pas le convoquer était justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
Sur l'absence de poste de travail :
La société fait valoir que M. [Z] a été chargé de mission au service contentieux à compter de septembre 2002 ; que lors de la fusion des caisses d'épargne aboutissant à la constitution de la CEAPC, il a bénéficié d'entretiens d'écoute qui valaient entretiens de carrière ; qu'à partir de janvier 2008, il a bénéficié de plusieurs propositions qu'il a systématiquement refusées ; que ce faisant, la société a été contrainte de l'enjoindre d'occuper un emploi conforme à la qualification et à la rémunération contractuellement convenue, alors que le salarié a persisté dans son attitude de refus.
Mais, d'une part, il a été dit précédemment que les entretiens d'écoute ne pouvaient valoir entretiens de carrière, et d'autre part, qu'il ne peut être reproché au salarié d'avoir refusé des emplois entraînant des modifications de son contrat de travail soumis à son accord préalable, qu'il était par conséquent libre d'accepter ou de refuser.
Mais surtout, en reconnaissant que la société a été contrainte d'enjoindre le salarié d'occuper un emploi conforme à la qualification et à la rémunération contractuellement convenue constitue du même coup la reconnaissance que le poste sur lequel le salarié était censé être affecté ne correspondait pas à un emploi conforme à son contrat, ce qu'il a affirmé pendant plusieurs années en affirmant qu'il n'était pas affecté sur un véritable emploi, affirmation non combattue par des éléments pertinents de nature à démontrer que la décision de l'employeur de le maintenir sur cette affectation était justifiée par des éléments étrangers à toute discrimination.
Par conséquent, au vu de l'ensemble de ces éléments, il y a lieu de dire la discrimination syndicale établie et, par voie de conséquence, que la prise d'acte du salarié protégé, justifiée, produit les effets d'un licenciement nul.
Sur la réparation du préjudice :
- indemnité au titre de la discrimination :
Pour chiffrer son préjudice au titre de la discrimination, M. [Z] considère que la période de discrimination prise en compte a débuté à la fusion de la CEPA en 1991, que s'il n'avait pas fait l'objet de discrimination il aurait obtenu un emploi de cadre pour lequel il était diplômé depuis 1987, qu'ainsi la discrimination a duré 23 ans ; il établit l'écart moyen entre le salaire moyen annuel de la classification CM6, premier niveau de cadre et classification immédiatement supérieure à celle qui était la sienne, TM5, qu'il chiffre à 5 713 euros annuels, auquel il ajoute 857 euros correspondant à 15 % au titre de l'ancienneté, intéressement et participation, soit une perte de salaire annuel de 6 570 euros sur laquelle il applique 30 % correspondant la perte sur la retraite, intègre 1 000 euros au titre du préjudice moral, le tout sur 23 ans, soit la somme totale de 219 443 euros, arrondie à 220 000 euros.
Mais, il convient de rappeler qu'il a bénéficié d'une évolution de coefficient en 1993, passant du niveau C à la classe E, et qu'il a fait valoir que de 1993 à 2001, alors qu'il n'était plus investi de mandats syndicaux, il a obtenu un poste de responsable unité contentieux en mai 1993, puis en octobre 1995 il a été nommé responsable sécurité personne des biens à la direction de [Localité 1] et dans ce cadre il a secondé le président du CHSCT et a été chargé des dossiers « An 2000 » puis « euro fiduciaire » ce qu'il a considéré comme démontrant ses capacités et la confiance que lui accordait l'employeur quand il est dépourvu de mandat. Ainsi, il n'a pas considéré avoir fait l'objet de discrimination pendant cette période.
En tout état de cause, étant dépourvu de tout mandat syndical, ou mandat de représentation, jusqu'en septembre 2001 date à laquelle il a été désigné délégué syndical et janvier 2003, où il a été de nouveau élu conseiller salarié prud'homal, il ne peut être retenu qu'avant cette date il a fait l'objet de discrimination syndicale.
En outre, M. [Z] prétend que depuis 1987 il était titulaire du diplôme (BA 1) lui permettant d'obtenir un emploi de cadre.
Mais, ainsi que le relève la société, l'obtention de ce diplôme ne lui permettait pas pour autant d'accéder aux emplois de cadres.
En effet, l'accord du 26 juin 1984 stipule en son article 2.1.2 que pour les employés et agents de maîtrise, l'accession à la catégorie des gradés est subordonnée à l'obtention du brevet d'aptitude (BA 1) et en son article 2.1.3 que les gradés doivent, pour pouvoir accéder à la catégorie des cadres, être détenteur du BA 2, puis que l'accès à cette fonction s'effectue par l'inscription sur une liste nationale de candidatures, soit sur proposition de la direction, soit sur demande individuelle, les candidatures individuelles devant être validées par le comité régional de la formation professionnelle, et encore que les salariés recrutés dans la catégorie cadres sont proposés, par la direction, pour participer à la formation BA 2, et doivent subir une épreuve de présélection.
S'il doit être considéré que la discrimination syndicale dont il a fait l'objet ne lui a pas permis de passer le diplôme d'aptitude 2 (BA 2), en revanche, il ne peut être considéré que s'il avait pu passer ce diplôme il aurait nécessairement accédé à la catégorie de cadre.
Par conséquent, son préjudice ne peut être calculé en considération d'une catégorie professionnelle dont il n'est pas établi qu'elle lui aurait nécessairement été reconnue, mais doit être apprécié en tant que perte de chance d'avoir pu accéder à une telle catégorie.
Au vu des éléments produits, il convient de fixer à la somme de 40 000 euros le montant des dommages-intérêts au titre de la discrimination syndicale.
Pour les mêmes raisons, que celles qui viennent d'être exposées, les autres préjudices, ou indemnités auxquelles le salarié a droit, ne peuvent être calculés en considération d'un indice d'une catégorie professionnelle dont il n'est pas établi qu'elle lui aurait été nécessairement reconnue, mais en considération de la rémunération qui était effectivement la sienne à la date de son départ de l'entreprise.
Le 20 novembre 2014, l'employeur lui a notifié que sa rémunération brute annuelle était portée à 45 104,25 euros, soit 3 758,68 euros bruts mensuels, ou 3 786,03 euros selon l'employeur (conclusions page 3) somme qui sera donc retenue.
- indemnité légale ou conventionnelle de licenciement :
M. [Z] a calculé sa demande d'indemnité en application des dispositions de l'article 2.2.4 de l'accord collectif national du 22 décembre 1994 en appliquant un mois de salaire par année jusqu'à 3 ans, puis ¿ mois par année au-delà de 3 ans.
Mais, ces modalités de calcul concernent le licenciement pour insuffisance résultant d'une incapacité professionnelle, ainsi que le licenciement pour motif économique prononcé en cas de difficultés économiques sérieuses mettant en cause la pérennité de l'entreprise (article 2.2.5), soit des situations qui ne concernent pas M. [Z].
Par conséquent, à défaut de dispositions conventionnelles définissant des modalités de calcul de l'indemnité de licenciement plus avantageuses que celles applicables à l'indemnité légale, il y a lieu de faire application de celle-ci, conformément d'ailleurs à ce que soutient l'employeur (conclusions écrites page 3).
Aux termes de l'article R. 1234-2 du code du travail : l'indemnité de licenciement ne peut être inférieure à un cinquième de mois de salaire par année d'ancienneté, auquel s'ajoutent deux quinzièmes de mois par année au-delà de dix ans d'ancienneté.
Le montant de l'indemnité légale de licenciement est donc de 69 155,62 euros {[(3 786,03 x 1/5 ) x 37,11] + [(3 786,03 x 2/5) x 27,11]}, somme à laquelle il convient de déduire la somme de 9 095 euros perçue par la salariée au titre de l'indemnité de départ en retraite, soit 60 060,62 euros, ramenée à 55 154 euros, somme réclamée par le salarié, en application des dispositions de l'article 4 du code de procédure civile.
- indemnité de préavis, et congés payés afférents :
Conformément à l'accord collectif national sur la carrière des salariés du 25 juin 2004, la durée du préavis pour un salarié classé TM5, est de 2 mois.
Le montant de l'indemnité compensatrice de préavis est donc de 7 572,60 euros à laquelle il convient d'ajouter la somme de 757,26 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférents.
- indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :
Compte tenu de l'ancienneté du salarié à la date de la rupture des relations contractuelles (plus de 37 ans) de son âge (59 ans) et du montant de son salaire mensuel moyen (3 786 euros), il convient de fixer à la somme de 60 000 euros le montant des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, étant souligné que M. [Z] ne produit pas d'élément de nature à justifier l'octroi de la somme sollicitée à ce titre.
- indemnité au titre de la violation du statut protecteur :
Le salarié protégé dont la prise d'acte produit les effets d'un licenciement nul lorsque les faits invoqués la justifiaient, a droit, outre les indemnités liées à la rupture, à une indemnité forfaitaire pour violation du statut protecteur égale à la rémunération qu'il aurait perçue depuis son éviction jusqu'à l'expiration de la période de protection, dans la limite de 2 ans, durée minimale légale de son mandat, augmentée de 6 mois.
M. [Z] est titulaire d'un mandat de conseiller prud'homal qui court jusqu'à la fin de l'année 2017.
Par conséquent, il convient de fixer le montant de l'indemnité au titre de la violation du statut protecteur à la somme de 113 589 euros (3 786,30 x 30 mois).
II - sur le harcèlement moral :
M. [Z] soutient qu'il a été victime de harcèlement moral.
En l'espèce, les faits invoqués pour soutenir le harcèlement moral allégué, sont également les faits invoqués au soutien de la discrimination syndicale, et qui ont été reconnus fondés.
Mais, les mêmes faits, fondés sur les articles L. 1132-1 au titre de la discrimination et L. 1152-1 du code du travail au titre du harcèlement moral, ne peuvent donner lieu à deux réparations distinctes que s'il est démontré qu'ils ont causé des préjudices distincts.
Or, M. [Z] fait valoir que les pratiques de harcèlement moral au cours de ses 3 dernières années de son activité professionnelle se sont renforcées notablement à compter de 2012, ont concouru à la discrimination syndicale et ont constitué un moyen supplémentaire de discrimination qui avait également pour objectif de faire pression sur lui pour l'amener à commettre une faute ou à quitter son emploi, que ce comportement a partiellement atteint son but puisqu'il a décidé de prendre sa retraite en mars 2015, alors qu'il aurait souhaité prolonger son exercice professionnel au sein de l'entreprise jusqu'à fin 2017.
Mais, précisément, sa demande de départ à la retraite a été requalifiée en prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur au motif de la discrimination syndicale subie et il a été précédemment reconnu que la prise d'acte produisait les effets d'un licenciement nul, donnant lieu à réparation, de sorte que le préjudice causé par la discrimination syndicale est, en l'espèce, identique au préjudice matériel et moral résultant du harcèlement moral invoqué, notamment en ce qu'il a été retenu, au titre de la discrimination, étant en outre souligné que l'atteinte à sa santé physique et/ou mentale n'est pas alléguée.
Sur les articles 696 et 700 du code de procédure civile :
La société, partie perdante, sera condamnée aux entiers dépens et à payer à M. [Z] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort, par mise à disposition au greffe,
REÇOIT l'appel formé le 10 décembre 2013 par M. [Z] à l'encontre du jugement rendu le 21 novembre 2013 par le conseil de prud'hommes de Bayonne (section commerce),
Constate que le syndicat du personnel des banques CGT Pays basque n'a formulé aucune demande,
INFIRME le jugement en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
DIT que la demande de départ la retraite de M. [Z] s'analyse en prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur,
DIT que M. [Z] a fait l'objet d'une discrimination syndicale,
DIT que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par M. [Z] produit les effets d'un licenciement nul du fait du statut protecteur du salarié,
CONDAMNE la caisse d'épargne Aquitaine Poitou-Charentes (CEAPC) à payer à M. [Z] :
- 40 000 euros le montant des dommages-intérêts au titre de la discrimination syndicale,
- 55 154 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,
- 7 572,60 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
- 757,26 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur le préavis,
- 60 000 euros le montant des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 113 589 euros au titre de l'indemnité pour violation du statut protecteur,
- 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
DÉBOUTE M. [Z] de sa demande de dommages-intérêts au titre du harcèlement moral,
CONDAMNE la caisse d'épargne Aquitaine Poitou-Charentes (CEAPC) aux entiers dépens, de première instance et d'appel.
Arrêt signé par Madame THEATE, Présidente, et par Madame HAUGUEL, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE,LA PRÉSIDENTE,