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31/03/2016 | FRANCE | N°13/03301

France | France, Cour d'appel de Pau, Chambre sociale, 31 mars 2016, 13/03301


MF/CD



Numéro 16/01380





COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale







ARRÊT DU 31/03/2016









Dossier : 13/03301





Nature affaire :



Demande en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur ou d'une personne substituée dans la direction, ou en réparation complémentaire pour faute inexcusable















Affaire :



Société GASCOGNE PAPER



C/



CPAM DES

LANDES,



[U] [J]







































RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R Ê T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 31 Mars 2016, les parties en ayant été préal...

MF/CD

Numéro 16/01380

COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 31/03/2016

Dossier : 13/03301

Nature affaire :

Demande en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur ou d'une personne substituée dans la direction, ou en réparation complémentaire pour faute inexcusable

Affaire :

Société GASCOGNE PAPER

C/

CPAM DES LANDES,

[U] [J]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 31 Mars 2016, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 11 Janvier 2016, devant :

Madame THEATE, Président

Madame COQUERELLE, Conseiller

Madame FILIATREAU, Vice-Président placé, délégué en qualité de Conseiller par ordonnance du 7 décembre 2015

assistés de Madame HAUGUEL, Greffière.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTE :

Société GASCOGNE PAPER

[Adresse 6]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par la SCP AGUERA ET ASSOCIÉS, avocats au barreau de LYON

INTIMÉS :

CPAM DES LANDES

[Adresse 1]

[Adresse 4]

[Localité 1]

Comparante en la personne de Madame SAYOUS-DUPONT, conseillère juridique, munie d'un pouvoir régulier

Monsieur [U] [J]

[Adresse 2]

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représenté par Maître BOUVET de la SCP MICHEL LEDOUX & ASSOCIÉS, avocat au barreau de PARIS

sur appel de la décision

en date du 29 JUILLET 2013

rendue par le TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SÉCURITÉ SOCIALE DES LANDES

RG numéro : 2012/0426

FAITS et PROCÉDURE

La société GASCOGNE PAPER exploite une entreprise industrielle basée à [Localité 3] qui est spécialisée dans la fabrication de papier kraft à base de bois de la forêt des Landes. Elle emploie environ 450 salariés.

Monsieur [U] [J] a été salarié de la société GASCOGNE PAPER, anciennement dénommée PAPETERIES DE GASCOGNE entre le 1er avril 1977 et le 30 septembre 2012 au service façonnage en qualité d'aide-bobineur puis à la maintenance en qualité de chaudronnier

Le 30 avril 2012, Monsieur [U] [J] a envoyé une déclaration de maladie professionnelle à laquelle était jointe un certificat médical initial du 24 avril 2012 faisant état de la présence d'une plaque pleurale diaphragmatique droite.

Le 12 juillet 2012, la CPAM des Landes a décidé de prendre en charge au titre de la législation relative aux risques professionnels, l'affection développée et déclarée par Monsieur [U] [J], la maladie «'plaques pleurales'» au titre du tableau n° 30': Affections professionnelles consécutives à l'inhalation de poussières d'amiante.

La société GASCOGNE PAPER a contesté cette décision devant la Commission de Recours Amiable.

Le 18 septembre 2012, la Commission de Recours amiable a maintenu la décision de la Caisse.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 3 octobre 2012, la société GASCOGNE PAPER a formé un recours contre ces décisions devant le tribunal des affaires de sécurité sociale des Landes.

Parallèlement, le 5 novembre 2012, Monsieur [U] [J] a saisi la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Landes d'une demande tendant à la reconnaissance de la faute inexcusable de la société GASCOGNE PAPER.

Le 16 novembre 2012, Monsieur [U] [J] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale d'une demande tendant à la reconnaissance de la faute inexcusable de la société GASCOGNE PAPER.

En l'état de ces dernières conclusions, la société GASCOGNE PAPER sollicitait de voir :

1/ sur le recours en inopposabilité :

- lui déclarer inopposable la décision de prise en charge, au titre de la réglementation professionnelle, de l'affection développée et déclarée par Monsieur [U] [J] ;

2/ sur l'action en reconnaissance d'une faute inexcusable :

Au principal,

- débouter Monsieur [U] [J] de sa demande,

Subsidiairement,

- débouter Monsieur [U] [J] des demandes formulées en réparation des souffrances physiques et morales et du préjudice d'agrément, et à titre subsidiaire, imputer le montant de l'indemnité en capital sur le montant de l'indemnité allouée en réparation des souffrances physiques et morales résultant du déficit fonctionnel permanent,

- débouter en tout état de cause Monsieur [U] [J] de sa demande formulée en réparation du préjudice d'agrément,

- lui déclarer inopposables les conséquences financières de la faute inexcusable reconnue,

- débouter la CPAM des Landes de son recours récursoire exercé en application des articles L. 452-2 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale.

En l'état de ces dernières conclusions, Monsieur [U] [J] sollicitait de voir':

- déclarer recevable et bien-fondé son recours,

- rejeter les exceptions et fins de non-recevoir invoquées par la société GASCOGNE PAPER,

- dire et juger que la maladie professionnelle dont est atteint Monsieur [U] [J] est due à une faute inexcusable de son employeur, la société GASCOGNE PAPER,

En conséquence,

- ordonner la majoration de la rente dont il bénéficie,

- dire que la majoration maximum de la rente suivra automatiquement l'augmentation du taux d'IPP en cas d'aggravation de son état de santé,

- fixer les dommages et intérêts qui lui seront alloués en réparation de ses préjudices personnels subis de la manière suivante :

12.000 € au titre du préjudice causé par les souffrances physiques,

20.000 € au titre du préjudice causé par les souffrances morales,

16.000 € au titre du préjudice d'agrément,

- dire et juger que les sommes allouées porteront intérêts au taux légal à compter du jugement à intervenir,

- condamner la société GASCOGNE PAPER au paiement de la somme de 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

Par jugement du 29 juillet 2013, le tribunal des affaires de sécurité sociale des Landes a :

- ordonné la jonction des deux dossiers,

- déclaré recevables les recours formés par Monsieur [U] [J] et la société GASCOGNE PAPER,

- dit que la société GASCOGNE PAPER en sa qualité d'employeur, a commis une faute inexcusable à l'origine de la maladie professionnelle dont souffre Monsieur [U] [J],

- fixé au maximum légal la majoration de la rente capitalisée,

- dit que le montant de la majoration de la rente capitalisée s'élève à la somme de 1.923,44 €,

- dit que la majoration de la rente capitalisée suivra l'évolution du taux d'incapacité permanente partielle en cas d'aggravation de l'état de santé,

- alloué à Monsieur [U] [J] la somme de 25.000 € au titre des souffrances physiques et morales endurées,

- alloué à Monsieur [U] [J] la somme de 12.000 € au titre du préjudice d'agrément,

- dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du jugement en application des dispositions de l'article 1153-1 du code civil,

- dit que la décision de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Landes de prendre en charge l'affection dont souffre Monsieur [U] [J] au titre de la législation professionnelle est opposable à la société GASCOGNE PAPER,

- dit que les indemnisations des préjudices corporels et personnels subis par Monsieur [U] [J] seront versées à l'assuré par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Landes qui pourra en récupérer le montant auprès de l'employeur,

- condamné la société GASCOGNE PAPER à payer à Monsieur [U] [J] la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté chacune des parties de ses autres demandes,

- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision.

Le jugement a été notifié par lettre recommandée avec accusé de réception reçu par la société GASCOGNE PAPER le 7 août 2013.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 4 septembre 2013, la société GASCOGNE PAPER a formé appel de cette décision.

Les parties ont été convoquées devant la chambre sociale de la présente Cour pour l'audience du 11 janvier 2016.

L'affaire a été mise en délibéré à cette date, par mise à disposition de la décision au greffe.

MOYENS et PRÉTENTIONS DES PARTIES

Lors de l'audience, la société GASCOGNE PAPER a repris ses conclusions tendant à voir :

- infirmer le jugement entrepris,

1/ sur le recours en inopposabilité :

- lui déclarer inopposable la décision de prise en charge querellée ;

2/ sur l'action en reconnaissance d'une faute inexcusable :

Au principal,

- débouter Monsieur [U] [J] de sa demande,

Subsidiairement,

- débouter Monsieur [U] [J] des demandes formulées en réparation des souffrances physiques et morales et du préjudice d'agrément, et à titre subsidiaire, imputer le montant de l'indemnité en capital sur le montant de l'indemnité allouée en réparation des souffrances physiques et morales résultant du déficit fonctionnel permanent,

- débouter, en tout état de cause, Monsieur [U] [J] de sa demande formulée en réparation du préjudice d'agrément,

- lui déclarer inopposables les conséquences financières de la faute inexcusable reconnue,

- débouter la CPAM des Landes de son recours récursoire exercé en application des articles L. 452-2 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale.

1/sur le recours en inopposabilité :

La société GASCOGNE PAPER estime que la CPAM ne rapporte pas la preuve d'une exposition habituelle au risque. Elle précise que Monsieur [U] [J] n'a pas précisé les dates auxquelles il aurait été exposé et que le seul flocage du plafond est insuffisant dès lors que ce flocage était contenu et donc non friable. Dès lors, les seules informations sont celles qu'elle a communiquées à la CPAM et l'attestation d'exposition qui ne permettent pas de constater une exposition habituelle.

Enfin, la société GASCOGNE PAPER fait valoir que le questionnaire de l'assuré n'a pas été soumis à sa consultation, cette carence lui faisant grief puisque la partie de l'enquête administrative relative aux travaux effectués par Monsieur [U] [J] concerne Monsieur [H] et non Monsieur [U] [J] ce qu'elle a signalé sur la fiche de consultation. La CPAM n'a donc pas respecté le principe du contradictoire ce qui lui fait grief puisqu'elle a été privée de connaître les déclarations de Monsieur [U] [J] sur la base desquelles l'agent enquêteur s'est basé pour retenir une exposition au risque d'inhalation des poussières d'amiante. La décision de prise en charge doit donc lui être déclarée inopposable.

2/ sur la faute inexcusable :

La société GASCOGNE PAPER expose qu'elle ne produisait, ni ne transformait de l'amiante mais reconnaît que les matériaux d'isolation et les équipements de protection qu'elle utilisait contenaient de l'amiante à une époque où l'usage de ce produit n'était pas prohibé. Elle rappelle à cet égard le caractère évolutif de la législation et fait valoir qu'elle n'a pas été rappelée à l'ordre par l'inspection du travail au cours de la période précitée. Elle argue de la défaillance de l'Etat, le décret du 17 août 1977 n'ayant ni interdit l'usage de l'amiante ni imposé une protection efficace, et la prohibition (relative) de l'utilisation de l'amiante ne résultant que du décret du 24 décembre 1996. Elle se prévaut à cet égard d'un arrêt du Conseil d'Etat du 9 novembre 2015 qui retenant la 'négligence des pouvoirs publics' a ordonné un partage des responsabilités avec l'employeur dans une affaire de faute inexcusable en matière de maladie professionnelle consécutive à l'inhalation d'amiante. Elle en déduit que les employeurs qui, comme elle, ne produisaient, ni ne transformait de l'amiante, ne pouvaient avoir conscience du danger auquel étaient exposés leurs salariés avant la fin des années 1977 voire de l'année 1996 qui est celle à laquelle les travaux auxquels étaient employés les salariés de la société GASCOGNE PAPER ont été intégrés aux tableaux n° 30 et 30 bis des maladies professionnelles. Elle se fonde enfin sur un rapport réalisé en 2006 par le Cabinet TECHNOLOGIA à la demande du CHSCT où il est écrit que la société GASCOGNE PAPER avait 'globalement suivi la réglementation' et que des masques anti-poussières avaient été mis à la disposition des salariés.

Elle en conclut que Monsieur [U] [J], n'a pas rapporté la preuve qu'elle avait conscience du danger auquel il a pu être exposé.

Elle déduit de l'ensemble de ces éléments que Monsieur [U] [J] n'est pas fondé à poursuivre la faute inexcusable.

3/ sur les demandes pécuniaires :

La société GASCOGNE PAPER conteste les montants alloués en faisant valoir qu'aux termes de la jurisprudence de la Cour de cassation et en l'absence de pertes de gain professionnel ou d'incidence professionnelle, ce qui est le cas de Monsieur [U] [J] dont la maladie a été diagnostiquée l'année de son départ à la retraite, la rente allouée au titre de la maladie professionnelle indemnise nécessairement les éléments de nature extra-patrimoniale pour lesquels il ne peut y avoir double indemnisation. Il appartiendrait dès lors à la victime de prouver que les souffrances physiques et morales ne sont pas d'ores et déjà indemnisées au titre du déficit fonctionnel permanent, lui-même indemnisé par la rente, en outre majorée lorsque la victime était déjà à la retraite. Elle ajoute que l'article L. 434-2 du code de la sécurité sociale prévoit d'ailleurs que le taux de rente est déterminé d'après des éléments de nature patrimoniale et extra-patrimoniale, certaines caisses primaires détaillant d'ailleurs, la part du taux professionnel dans le taux d'IPP globalement fixé.

S'agissant des plaques pleurales, la société GASCOGNE PAPER rappelle qu'il s'agit de lésions bénignes et n'entraînent pas d'altération fonctionnelle respiratoire significative. Elle ajoute que la présente de ces plaques n'entraînerait pas de majoration du risque de voir se développer des pathologies plus lourdes et notamment un cancer broncho-pulmonaire.

Par ailleurs, la société GASCOGNE PAPER expose que Monsieur [U] [J] ne produit que des documents généraux et aucune pièce médicale probante pour établir l'existence de souffrances physiques. Elle précise encore que les angoisses chez les victimes de plaques pleurales résultent d'idées fausses largement répandues quant à leur caractère évolutif. Les souffrances physiques et morales n'étant pas démontrées, elle conclut au rejet des demandes indemnitaires fondées sur ce point et subsidiairement à leur imputation sur l'indemnité en capital allouée.

Quant au préjudice d'agrément, la société GASCOGNE PAPER affirme que Monsieur [U] [J] ne rapporte pas la preuve d'une pratique régulière d'une activité sportive ou de loisirs à laquelle il ne pourrait plus s'adonner du fait de l'apparition de la maladie professionnelle. Elle conclut au rejet de la demande.

En dernier lieu la société GASCOGNE PAPER conclut à l'inopposabilité des conséquences financières de la faute inexcusable, au regard de l'inopposabilité de la décision de prise en charge dont elle se prévaut également pour les motifs sus-évoqués. Elle sollicite donc le rejet du recours subrogatoire de la CPAM des Landes.

La Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Landes a été représentée par Madame [P] [A], suivant pouvoir versé aux débats, et a repris les conclusions tendant à voir confirmer le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale des Landes du 29 juillet 2013.

Sur l'exposition au risque, la CPAM des Landes rappelle que le tableau n° 30 prévoit un système de reconnaissance par présomption et qu'il suffit de prouver l'exposition des poussières d'amiante. La CPAM des Landes rajoute encore, que le tableau n° 30 prévoit une liste indicative de travaux et que n'importe quels travaux exposant le salarié aux poussières d'amiante permet de remplir la condition. Elle précise sur ce point que l'employeur a rédigé une attestation d'exposition à l'amiante pour Monsieur [U] [J] ce qui suffirait à valider la condition relative aux travaux exposant à l'amiante. Elle ajoute, que par arrêté du 3 mars 2015, la société GASCOGNE PAPER a été inscrite sur la liste des établissements permettant l'ouverture du droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité, en raison de l'exposition aux poussières d'amiante qui existait dans cette entreprise. Elle rajoute, que le rapport du cabinet Technologia que lui a transmis l'employeur démontre également la présence massive d'amiante dans l'entreprise. Elle précise enfin, qu'aucune durée d'exposition n'est prévue par le tableau qu'il s'agisse de seuil ou de durée d'exposition.

Sur l'enquête administrative, la CPAM des Landes indique qu'elle ne contient que des erreurs de plume puisque le nom de famille de l'assuré apparaît bien à plusieurs reprises et que le rapport mentionne par erreur deux fois le nom de «'[H]'» au lieu de «'[J]'». Par ailleurs, sur l'absence de présentation du questionnaire de l'assuré à la consultation de l'employeur, la CPAM indique qu'il s'agit de simples allégations non démontrées de l'employeur. Elle expose que lors de la consultation du dossier, le représentant de l'employeur a signé le document intitulé "CPAM des Landes consultation du dossier" et que la responsable qui a consulté les dossiers est habituée de ces procédures et n'aurait pas manqué de souligner cette absence.

Pour sa part, Monsieur [U] [J] a repris oralement à l'audience, ses conclusions tendant à voir :

- confirmer le jugement rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Mont de Marsan le 29 juillet 2013 en ce qu'il a :

- dit que la société GASCOGNE PAPER en sa qualité d'employeur, a commis une faute inexcusable à l'origine de la maladie professionnelle dont souffre Monsieur [U] [J],

- fixé au maximum légal la majoration de la rente capitalisée,

- dit que le montant de la majoration de la rente capitalisée s'élève à la somme de 1.923,44 €,

- dit que la majoration de la rente capitalisée suivra l'évolution du taux d'incapacité permanente partielle en cas d'aggravation de l'état de santé,

- alloué à Monsieur [U] [J] la somme de 12.000 € au titre du préjudice d'agrément,

- alloué à Monsieur [U] [J] la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- réformer la décision entreprise sur l'évaluation des souffrances physiques et morales subies par Monsieur [U] [J] et lui allouer la somme de 35.000 € à ce titre,

- condamner la société GASCOGNE PAPER au paiement d'une somme supplémentaire de 5.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

1/ sur la faute inexcusable :

Après avoir rappelé la définition de la faute inexcusable, et repris la jurisprudence de la Cour de cassation en la matière, Monsieur [U] [J] détaille les maladies provoquées par l'inhalation d'amiante (plaques pleurales, cancer broncho-pulmonaire, fibrose pulmonaire, mésothéliome...) et les atteintes tant fonctionnelles que psychologiques qu'elles génèrent.

Monsieur [U] [J] fait ensuite valoir que le lien de causalité entre la pathologie dont il est atteint et l'exposition à l'amiante, ne peut être contesté dans la mesure où d'une part, le caractère professionnel de la maladie a été reconnu par la CPAM des Landes et d'autre part, cette relation est scientifiquement établie à ce jour.

Monsieur [U] [J] explique ensuite que la société GASCOGNE PAPER est le leader mondial du papier kraft naturel frictionné et l'un des plus importants producteurs européens de papier kraft naturel, que bien que n'utilisant pas l'amiante comme matière première, l'exposition à l'amiante était courante dans ce type d'usine en raison :

* de son incorporation dans les éléments de friction des machines de production ;

* de son utilisation sous forme de tresses et de joints comme éléments d'étanchéité ;

* de son utilisation comme élément de calorifugeage des chaudières ;

* de son utilisation pour le flocage des plafonds dans les ateliers ;

Toutes utilisations établies chez GASCOGNE PAPER.

Elle rappelle les conclusions d'un rapport du CHSCT de 2006 dans lequel il est écrit :

'Les opérateurs ne disposaient d'aucune protection individuelle d'aucun équipement de protection individuelle sinon des masques anti-poussières de type P1 et P2 nettement insuffisants'. 'L'outillage a favorisé la production de fibres fines','le travail s'effectuait souvent dans des espaces confinés','les déchets n'étaient pas recueillis dans de sacs étanches'.

Monsieur [U] [J] précise qu'il a été exposé à l'inhalation de poussières d'amiante en raison de son travail au sein de la société GASCOGNE PAPER. Il précise qu'il a occupé le poste de chaudronnier. Il précise avoir assuré la maintenance des chaudières, changeant notamment les joints en amiante et avoir participé lors des arrêts techniques à l'entretien des chaudières. L'exposition serait encore démontrée par les attestations produites ainsi que par la fiche d'exposition remplie par le médecin du travail.

Sur la conscience du danger qu'aurait dû avoir l'employeur, même avant 1977, Monsieur [U] [J] évoque l'existence de dispositions légales et de travaux scientifiques publiés, remontant au début du XXème siècle et surtout à partir de la 2ème moitié de ce siècle et en déduit que la société GASCOGNE PAPER, qui emploie du personnel ayant des connaissances scientifiques de haut niveau, ne peut sérieusement prétendre qu'elle pouvait légitimement ne pas avoir eu conscience du danger encouru par les salariés en contact avec l'amiante.

S'agissant des dispositifs de sécurité, Monsieur [U] [J] souligne que le décret du 17 août 1977 prescrivait ceux qui avaient déjà été prévus par le décret du 10 juillet 1913 et consistaient principalement dans l'obligation faite aux employeurs d'évacuer les poussières des ateliers et d'en renouveler l'air. Ces mesures d'assainissement simples n'ont cependant pas été mises en place en raison du coût des investissements qu'elles imposaient. De plus, la société GASCOGNE PAPER n'a communiqué aucune information aux salariés sur les moyens de protéger leur santé. Elle fait enfin valoir que l'employeur ne saurait s'exonérer de la responsabilité qui lui incombe en invoquant la faute de l'Etat qui est sans incidence sur celle reprochée à l'employeur.

2/ sur les conséquences de la reconnaissance de la faute inexcusable :

Monsieur [U] [J] rappelle qu'en cas de faute inexcusable, la majoration de la rente est fixée à son maximum et sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a jugé que cette majoration suivrait l'augmentation du taux d'IPP.

Sur les souffrances endurées, Monsieur [U] [J] soutient que la jurisprudence de la Cour de cassation élaborée en matière de recours des tiers payeurs n'est pas applicable à la rente servie en matière d'accident du travail ou de maladie professionnelle, dont l'objet exclusif est de contribuer à la réparation du préjudice subi par l'intéressé dans sa vie professionnelle du fait du handicap, comme le juge régulièrement la juridiction administrative.

Au demeurant, les souffrances physiques et morales ne font pas partie, en tant que telles, des éléments nécessaires à la détermination du taux d'incapacité tels que définis à l'article L. 434-2 du code de la sécurité sociale, et depuis 1976 les souffrances endurées constituent un poste de préjudice indemnisable au titre de la faute inexcusable seulement, preuve que ces souffrances ne sont pas indemnisées par le biais de la rente. Au demeurant, la rente étant calculée sur la base du salaire, admettre la thèse de la société GASCOGNE PAPER reviendrait à sur-valoriser les 'souffrances' des salariés les mieux payés au détriment de ceux qui le sont moins, de plus, elle entraînerait, de fait, une exonération de l'employeur lorsque le titulaire de la rente est retraité puisque aucune indemnisation complémentaire ne pourrait être demandée par ce dernier, alors que le principe constitutionnel de la responsabilité veut que les conséquences pécuniaires de la faute soient supportées par l'employeur et lui seul. Il en va de même de l'indemnisation du préjudice d'agrément.

Monsieur [U] [J] affirme que les souffrances physiques qu'il ressent sont certainement indemnisables dès lors qu'elles sont provoquées par les maladies contractées du fait du contact à l'amiante, qu'il en va de même des anxiétés, angoisses, souffrances morales endurées du fait de la crainte d'être atteint sinon d'une maladie létale, en tous cas d'une dégradation grave de son état de santé.

Sur les souffrances physiques, Monsieur [U] [J] indique s'être vu diagnostiqué des plaques pleurales diaphragmatiques droites. Il présente désormais une gêne respiratoire, une dyspnée à l'effort et des quintes de toux répétitives ce qui serait établi par des attestations et des études médicales.

Sur les souffrances morales, il précise que les attestations établissent qu'il a changé de comportement après le diagnostic. Il rappelle que plusieurs collègues ont présenté des pathologies liées à l'amiante et que pour certains, ils en sont décédés. Il rappelle encore que l'amiante est hautement cancérogène et que son inquiétude est réelle.

Sur le préjudice d'agrément, Monsieur [U] [J] fait valoir qu'il ne peut plus du fait de son affection, s'adonner à ses activités de loisirs et notamment la pêche.

MOTIFS

1/ Sur l'opposabilité de la décision de prise en charge et le caractère professionnel de la maladie présentée par Monsieur [U] [J] :

La société GASCOGNE PAPER invoque des moyens de forme et de fond au soutien de sa demande tendant à lui voir déclarer inopposable la décision de prise en charge de la maladie présentée par Monsieur [U] [J]. Le moyen de forme sera examiné en premier lieu.

Selon l'article R. 441-11 du code de la sécurité sociale,

'I. - La déclaration d'accident du travail peut être assortie de réserves motivées de la part de l'employeur.

Lorsque la déclaration de l'accident en application du deuxième alinéa de l'article L. 441-2 n'émane pas de l'employeur, la victime adresse à la caisse la déclaration de l'accident. Un double est envoyé par la caisse à l'employeur à qui la décision est susceptible de faire grief par tout moyen permettant de déterminer sa date de réception. L'employeur peut émettre des réserves motivées. La caisse adresse également un double de cette déclaration au médecin du travail.

En cas de rechute d'un accident du travail, le double de la demande de reconnaissance de la rechute de l'accident du travail déposé par la victime est envoyé par la caisse primaire à l'employeur qui a déclaré l'accident dont la rechute est la conséquence par tout moyen permettant de déterminer sa date de réception. L'employeur peut alors émettre des réserves motivées.

II. - La victime adresse à la caisse la déclaration de maladie professionnelle. Un double est envoyé par la caisse à l'employeur à qui la décision est susceptible de faire grief par tout moyen permettant de déterminer sa date de réception. L'employeur peut émettre des réserves motivées. La caisse adresse également un double de cette déclaration au médecin du travail.

III. - En cas de réserves motivées de la part de l'employeur ou si elle l'estime nécessaire, la caisse envoie avant décision à l'employeur et à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l'accident ou de la maladie ou procède à une enquête auprès des intéressés. Une enquête est obligatoire en cas de décès'.

Selon l'article R. 441-13 du code de la sécurité sociale, 'Le dossier constitué par la caisse primaire doit comprendre :

1°) la déclaration d'accident et l'attestation de salaire ;

2°) les divers certificats médicaux ;

3°) les constats faits par la caisse primaire ;

4°) les informations parvenues à la caisse de chacune des parties ;

5°) les éléments communiqués par la caisse régionale ;

6°) éventuellement, le rapport de l'expert technique.

Il peut, à leur demande, être communiqué à l'assuré, ses ayants droit et à l'employeur, ou à leurs mandataires.

Ce dossier ne peut être communiqué à un tiers que sur demande de l'autorité judiciaire'.

Enfin, selon l'article R. 441-14 du code de la sécurité sociale, 'Lorsqu'il y a nécessité d'examen ou d'enquête complémentaire, la caisse doit en informer la victime ou ses ayants droit et l'employeur avant l'expiration du délai prévu au premier alinéa de l'article R. 441-10 par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. A l'expiration d'un nouveau délai qui ne peut excéder deux mois en matière d'accidents du travail ou trois mois en matière de maladies professionnelles à compter de la date de cette notification et en l'absence de décision de la caisse, le caractère professionnel de l'accident ou de la maladie est reconnu.

En cas de saisine du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, mentionné au cinquième alinéa de l'article L. 461-1, le délai imparti à ce comité pour donner son avis s'impute sur les délais prévus à l'alinéa qui précède.

Dans les cas prévus au dernier alinéa de l'article R. 441-11, la caisse communique à la victime ou à ses ayants droit et à l'employeur au moins dix jours francs avant de prendre sa décision, par tout moyen permettant d'en déterminer la date de réception, l'information sur les éléments recueillis et susceptibles de leur faire grief, ainsi que sur la possibilité de consulter le dossier mentionné à l'article R. 441-13.

La décision motivée de la caisse est notifiée, avec mention des voies et délais de recours par tout moyen permettant de déterminer la date de réception, à la victime ou ses ayants droit, si le caractère professionnel de l'accident, de la maladie professionnelle ou de la rechute n'est pas reconnu, ou à l'employeur dans le cas contraire. Cette décision est également notifiée à la personne à laquelle la décision ne fait pas grief.

Le médecin traitant est informé de cette décision'.

En l'espèce, il est constant que suite à la déclaration de maladie professionnelle, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie a envoyé à Monsieur [U] [J] et à la société GASCOGNE PAPER, un questionnaire mais aussi qu'elle a diligenté une enquête. Il résulte du procès-verbal que pendant son enquête, elle a interrogé non seulement le salarié mais aussi l'employeur, les retranscriptions des auditions permettant de constater que des questions ont été posées par l'enquêteur tant au salarié qu'à l'employeur. La comparaison de leur retranscription aux questionnaires permet de constater que le contenu est un peu différent.

Par courrier du 22 juin 2012, la CPAM des Landes a invité l'employeur à venir consulter le dossier. Or, il résulte de la fiche dite «'consultation du dossier'» que seules les cases « enquête réalisée par la CPAM'» ont été cochées et non les cases «'questionnaire assuré ». Ce document type contient sur la gauche une colonne de croix à cocher mentionnant les pièces consultées et sur la droite une même colonne pour la liste des pièces dont une copie est sollicitée. Ce document est signé de l'employeur. Il en résulte que le questionnaire assuré n'a pas été soumis à la consultation de la société GASCOGNE PAPER. Or, la CPAM ne produit aucune pièce permettant de constater qu'elle a totalement respecté son devoir d'information en soumettant à la consultation de l'employeur l'ensemble des pièces du dossier et notamment ce questionnaire.

Pourtant, il convient de rappeler que selon l'article R. 411-11 retranscrit ci-dessus, les caisses primaires sont tenues, préalablement à leur décision, d'assurer l'information de la victime ou de ses ayants droit et de l'employeur sur la procédure d'instruction et les points susceptibles de leur faire grief. L'obligation d'information pesant sur la caisse, celle-ci doit démontrer que l'instruction a bien été contradictoire. Dans ce cadre et sous réserve des obligations de secret professionnel et médical, toute pièce prise en compte par la caisse dans la procédure de décision est communicable aux « parties » dans le cadre de l'instruction contradictoire, même si elle n'est pas expressément mentionnée à l'article R. 441-13 du code de la sécurité sociale.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, il convient de constater que la CPAM des Landes a manqué à son obligation d'information en ne respectant pas le contradictoire.

Il convient en conséquence de déclarer inopposable à la société GASCOGNE PAPER la déclaration de prise en charge de la maladie professionnelle de Monsieur [U] [J]. Cette inopposabilité de la décision de prise en charge s'étend aux décisions subséquentes qui sont susceptibles d'être prises sur son fondement, telle une décision attributive de rente ou les indemnités dues au titre de la faute inexcusable commise par l'employeur. La CPAM des Landes ne pourra donc pas, le cas échéant, exercer son recours subrogatoire à l'encontre de l'employeur. Le jugement entrepris sera donc infirmé sur ce point.

La déclaration de prise en charge étant inopposable à l'employeur, il n'y a pas lieu d'examiner le moyen de fond développé également par la société GASCOGNE PAPER à l'appui de sa demande tendant à lui voir déclarer cette décision inopposable et ce d'autant que le caractère professionnel de la maladie présentée par Monsieur [U] [J] n'est pas discuté par les autres parties.

2/ Sur la faute inexcusable :

Selon l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, 'Lorsque l'accident est dû à la faute inexcusable de l'employeur ou de ceux qu'il s'est substitués dans la direction, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire dans les conditions définies aux articles suivant'.

En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles et accidents du travail, soit du fait des produits fabriqués ou utilisés par l'entreprise soit d'un manquement aux règles d'hygiène ou de sécurité, de sorte que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

Il appartient dès lors à Monsieur [U] [J] qui invoque la faute inexcusable de démontrer d'une part que l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger et d'autre part qu'il n'avait pris aucune mesure pour l'en préserver.

Il est constant que Monsieur [U] [J] a été salarié de la société GASCOGNE PAPER, anciennement dénommée PAPETERIES DE GASCOGNE, entre le 1er avril 1977 et le 30 septembre 2012 au service façonnage en qualité d'aide-bobineur puis à la maintenance en qualité de chaudronnier

Lors de l'enquête de la CPAM, Monsieur [U] [J] a déclaré avoir effectué des travaux d'entretien et de maintenance sur les chaudières et sur l'ensemble des machines qui contenaient toutes de nombreuses pièces en amiante. Monsieur [U] [J] a également indiqué avoir participé à l'entretien des chaudières lors des arrêts techniques une fois par an entre 7 et 15 jours jusqu'en 1984. L'employeur dans la fiche de renseignement reconnaît d'ailleurs que «'Monsieur [J] est susceptible d'avoir été exposé de 1979 à 1990, dans les périodes d'arrêts techniques (15 jours par an) où il intervenait en tout endroit du site et notamment où il pouvait être amené à participer à l'entretien des chaudières. Des masques anti-poussières étaient mis à disposition.'».

Par ailleurs, le rapport d'expertise TECHNOLOGIA diligenté à la demande du CHSCT, décrit l'exposition des agents selon leur poste. En ce qui concerne l'entretien et la maintenance dont faisait partie Monsieur [U] [J], le rapport précise que les agents étaient exposés à l'amiante lors du remplacement des joints et férodos sur différentes machines mais également lors des changements des tresses constituant les presses-étoupes. Les opérations menées pour le remplacement de ces pièces entraînaient l'émission de fibres d'amiante parfois à un niveau important notamment lorsque le point d'émission de poussières se trouvait dans la zone respiratoire des ouvriers.

Par ailleurs, il n'est pas contesté que Monsieur [U] [J] participait aux travaux d'entretien des chaudières pendant leur arrêt technique ce qui résulte du rapport d'enquête et de la fiche de renseignement remplie par l'employeur.

Le rapport de la SA TECHNOLOGIA décrit avec précision ces travaux. Il en résulte que deux arrêts étaient programmés tous les ans pour l'entretien des chaudières (un arrêt par chaudière) pour une durée de 15 jours environ. Les salariés devaient nettoyer l'intérieur de la chaudière dont les parois étaient constituées de blocs Bailey entourés d'une isolation en tresses d'amiante, les blocs et tresses endommagés devant être changés. Le rapport précise que l'intervention commençait parfois avant refroidissement complet, les salariés étant exposés à de fortes chaleurs ce qui aggrave l'exposition au risque. Le rapport précise que si ces travaux d'entretien n'étaient pas permanents, l'exposition à l'amiante a été considérable pendant leur exécution et que l'exposition a été multipliée par de nombreux facteurs aggravants :

- absence d'élément de protection à l'exception de masques anti-poussières de type P1 ou P2 nettement insuffisants et de lunettes ;

- médiocrité des conditions de visibilité obligeant à être proches de la zone d'action, les poussières d'amiante étant alors émises dans leur zone respiratoire';

- utilisation d'un outillage favorisant la production de fibres fines et ce d'autant qu'aucun travail n'était effectué sous brumisation d'eau ;

- absence de récupération des déchets dans des sacs étanches, ceux-ci étant laissés à même le sol et manipulés sans précaution.

Les joints et freins en amiante et les cordons ou tresses d'amiante dans les chaudières, ayant persisté au moins jusqu'en 1998 selon le rapport, il en résulte que Monsieur [U] [J] a bien été exposé à l'inhalation de poussières d'amiante lors de travaux de pose et de dépose de calorifugeage contenant de l'amiante et lors des travaux sur des matériaux en amiante ou réalisés dans des locaux contenant de l'amiante et ce au moins jusqu'en 1998.

En outre, les attestations de Messieurs [C], [X], [M], [Q], [Z], [W], [T], [L], [E] et [F] confirment en tant que de besoin que Monsieur [U] [J] a été exposé aux poussières d'amiante qui étaient très présentes dans la société. Cette présence massive d'amiante est confirmée par le rapport de la société TECHNOLOGIA cité ci-dessus. D'ailleurs, cette présence d'amiante dans l'entreprise n'est pas réellement contestée par la société GASCOGNE PAPER. Monsieur [U] [J] produit en outre l'attestation d'exposition à l'amiante délivrée par la société GASCOGNE PAPER faisant état d'une exposition à l'amiante entre le 1er janvier 1979 et le 30 décembre 1996, et listant les postes exposés ainsi': « travail avec tresses d'amiante à l'intérieur des chaudières. Rectification des freins et joints amiantés ». L'attestation précise que :

- jusqu'au 30/12/1990, l'exposition a été limitée aux périodes d'intervention pour l'entretien des chaudières lors des arrêts techniques qui avaient lieu en moyenne une fois par an et duraient de 10 à 15 jours,

- jusqu'au 30/12/1996, l'exposition résultait de l'entretien sur joints et freins.

Il convient encore de souligner que par arrêté du 3 mars 2015, la société GASCOGNE PAPER a été classée sur la liste des établissements de fabrication, flocage et calorifugeage à l'amiante susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante pour la période de 1973 à 1998 (sous les différentes dénominations de la société).

Il en résulte que Monsieur [U] [J] a bien démontré l'exposition aux poussières d'amiante pendant l'exécution de son travail au sein de la société GASCOGNE PAPER.

Il convient de rappeler que la nocivité de l'amiante est connue de longue date, les premiers cas de fibrose ayant été diagnostiqués dès 1906. Ainsi, il résulte d'une note sur l'hygiène et la sécurité des ouvriers dans les filatures et tissage d'amiante rédigée par Monsieur [D], inspecteur du travail, en 1906, qu'aucune ventilation artificielle n'assurait l'évacuation directe des poussières siliceuses et que cette inobservation totale des règles de l'hygiène allait occasionner de nombreux décès pour le personnel.

Parallèlement, de nombreuses études scientifiques ont établi les risques d'infections graves et notamment cancéreuses pour les salariés exposés à l'amiante et proposé les moyens à mettre en 'uvre pour protéger les salariés. A partir des années 1960, des congrès et conférences ont été spécifiquement réservés à l'étude des maladies professionnelles liées à l'amiante, au niveau national et international,

D'ailleurs, dès le 2 août 1945, la France a reconnu ce risque en créant par ordonnance le tableau n° 30 relatif aux affections professionnelles consécutives à l'inhalation des poussières d'amiante, ce tableau a par la suite été complété à plusieurs reprises. Par décret du 13 septembre 1955, la liste susceptible de provoquer des maladies asbestosiques visées au tableau n° 30 a été fixée à titre indicatif et non plus limitatif.

Dès le XIXème siècle, le législateur français avait adopté une réglementation pour assurer l'hygiène et la sécurité des travailleurs.

Ainsi, une loi du 12 juin 1893 concernant l'hygiène et la sécurité des travailleurs dans les établissements industriels et concernant les manufactures, fabriques, usines, chantiers, et ateliers de tous genres, prévoyait en son article 2 que « tous les établissements doivent être tenus dans un état constant de propreté et présenter des conditions d'hygiène et de salubrité nécessaires à la santé du personnel'». Un décret du 20 novembre 1904 pris en application de cette loi, précisait encore les mesures à prendre, son article 6 prévoyant notamment l'évacuation des poussières au fur et à mesure de leur production notamment par des hottes ou tambours avec une ventilation aspirante énergique.

Ce texte a été abrogé par la loi du 26 novembre 1912 mais qui a repris en son article 66 des dispositions identiques à celles susvisées de même que le décret d'application du 10 juillet 1913. Par la suite, un décret du 13 décembre 1948 a prévu que dans les cas exceptionnels où serait reconnue impossible l'exécution des mesures de protection collective contre les poussières, vapeurs ou gaz irritants ou toxiques, prescrites, des masques et dispositifs de protection appropriés devraient être mis à disposition des travailleurs.

Ces textes ont ensuite été codifiés dans le code du travail avant d'être abrogés le 1er décembre 1986.

Jusqu'à cette date, la société GASCOGNE PAPER était tenue par cette législation générale sur les poussières et devait donc mettre en place un système d'évacuation des poussières, y compris les poussières de l'amiante, en vue d'éviter tout risque d'inhalation pour les salariés.

Par décret du 17 août 1977, des mesures particulières d'hygiène applicables dans les établissements où le personnel était exposé à l'action des poussières d'amiante ont été prévues. Un arrêté du 25 août 1977 est venu poser les modalités du contrôle de l'empoussièrement dans les établissements où le personnel était exposé à l'action des poussières d'amiante. Ces dispositions au vu de la généralité des termes employés par l'article 1 du Décret étaient bien applicables à la société GASCOGNE PAPER.

Il en résulte que compte tenu de l'importance de cette entreprise, de sa taille et de ses moyens matériels et financiers, la société GASCOGNE PAPER disposant d'un personnel hautement qualifié pour avoir une connaissance précise de la réglementation en vigueur, elle ne pouvait ignorer le danger ou le risque auquel elle exposait ses salariés. Elle avait ou aurait donc dû nécessairement avoir conscience du danger.

Il résulte des textes susvisés qu'au moins jusqu'au 8 décembre 1984, la société GASCOGNE PAPER était tenue d'appliquer la réglementation générale relative à l'hygiène et plus spécifiquement, aux poussières, et était donc tenue de mettre en place :

- un système d'évacuation des poussières, des gaz incommodes, insalubres ou toxiques, en dehors des locaux de travail, au fur et à mesure de leur production ;

- des hottes avec cheminées d'appels ou tout autre appareil d'élimination efficace pour les buées, vapeur, gaz, poussières légères ;

- des tambours en communication avec une ventilation aspirante énergique, installés autour des appareils produisant des poussières ;

- des masques et dispositifs de protection appropriés à disposition des travailleurs, dans les cas exceptionnels où serait reconnue impossible l'exécution des mesures de protection collective prescrites contre les poussières, vapeurs ou gaz irritants ou toxiques.

Par ailleurs, à compter de 1977, elle était tenue de mettre en place les mesures suivantes spécifiques aux poussières d'amiante :

- les travaux doivent être effectués soit par voie humide, soit dans des appareils capotés et mis en dépression ou tout autre procédé d'efficacité équivalente autorisé par le directeur départemental du travail ;

Sauf dans l'hypothèse où la limite fixée ne serait pas dépassée :

- des équipements de protection individuelle doivent être mis à la disposition du personnel notamment des appareils respiratoires anti-poussières en cas de travaux occasionnels et de courte durée et s'il est techniquement impossible de respecter les dispositions de l'article 3, l'employeur étant tenu de prendre toutes mesures pour que ces équipements soient effectivement utilisés,

- un contrôle de l'atmosphère des lieux de travail au moins une fois par mois ou tous les trois mois si lors des trois contrôles précédant les résultats des mesures ont montré que la concentration moyenne ne dépassait pas une fibre par centimètre cube d'air ;

- des consignes écrites à toute personne affectée aux travaux susceptibles d'émettre des fibres d'amiante de manière à l'informer des risques auxquels son travail l'expose et des précautions à prendre pour éviter ces risques, cette information écrite devant être complétée par une information orale dispensée par le médecin du travail.

Or, il résulte des attestations de Messieurs [C], [X], [W], [T], [E] et [F] qu'aucune information sur les dangers de l'amiante n'a été donnée aux salariés ni aucun moyen de protection individuel ou collectif à l'exception de simple masque en papier. Les seules affirmations du rapport de la société TECHNOLOGIA indiquant que « l'entreprise des Papeteries de Gascogne a globalement suivi la réglementation en vigueur aux différentes époques. Le repérage des produits amiantés, l'évaluation de l'empoussièrement et les métrologies individuelles ont été réalisés. Lors des dépassements des valeurs d'empoussièrement en vigueur, des investigations de retrait ont été engagées'» sont à relativiser par rapport aux autres constatations du rapport et notamment les lignes qui suivent ces constatations et qui indiquent :

- qu'il n'y a pas eu de mesure ou investigations métrologiques concernant les travaux pendant les arrêts des chaudières alors que ces activités étaient hautement exposées à l'empoussièrement amiantifère ;

- qu'aucune formation et information du personnel et du CHSCT n'a été mise en place ;

- l'utilisation des masques anti-poussières était réservée aux seuls travaux pendant les arrêts des chaudières ;

- les vêtements de travail étaient nettoyés par les salariés chez eux alors que les vêtements devaient être entretenus et nettoyés par l'employeur pour éviter les contaminations des proches des salariés ;

- la direction n'a pas tenu de liste des personnes exposées ni de fiches d'exposition avant 1996 ;

- le retrait des produits amiantés n'a commencé qu'en 1997 sans respecter les règles de prévention des risques liés aux déchets amiantés.

En ce qui concerne les travaux en atelier et notamment sur les joints et pièces en amiante, le rapport précise « il est impensable qu'ils soient effectués sur des postes non équipés de systèmes de captage au point d'émission des poussières. Ces dispositifs n'existaient pas dans l'atelier avant 1998 et les opérateurs portaient rarement des équipements de protection respiratoire. Rappelons que la ventilation par captage est une obligation réglementaire à chaque fois qu'il y a pollution spécifique d'un atelier, et ce, depuis les décrets de décembre 1984'».

Il résulte de ces éléments que la société GASCOGNE PAPER n'a pas justifié avoir mis en place les mesures prévues par les textes précités.

Il convient enfin de rappeler que l'employeur ne peut s'exonérer de sa propre responsabilité en invoquant celle de l'Etat alors même que l'obligation de sécurité pèse sur lui en application du contrat de travail.

Par conséquent, et au vu de l'ensemble de ces éléments, il convient de dire que la société GASCOGNE PAPER a bien manqué à son obligation de sécurité de résultat et que ce manquement a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, puisqu'elle avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé Monsieur [U] [J] et qu'elle n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

Il convient par conséquent de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit que la société GASCOGNE PAPER a commis une faute inexcusable à l'origine de la maladie professionnelle dont est atteint Monsieur [U] [J] mais de l'infirmer en ce qu'il a dit que les sommes allouées à Monsieur [U] [J] seront avancées par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Landes qui pourra en récupérer le montant auprès de l'employeur. Il convient en effet de rejeter le recours récursoire formé par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Landes à l'encontre de la société GASCOGNE PAPER, la décision de prise en charge de la maladie professionnelle lui ayant été déclarée inopposable.

3/ Sur l'indemnisation des préjudices :

Les articles L. 452-1 et suivant organisent un régime spécifique d'indemnisation des préjudices consécutifs à l'accident du travail (ou maladie professionnelle) lorsque celui-ci est dû à la faute inexcusable de l'employeur.

1/ sur la majoration de rente :

Selon l'article L. 452-2 du code du travail, 'Dans le cas mentionné à l'article précédent, la victime ou ses ayants droit reçoivent une majoration des indemnités qui leur sont dues en vertu du présent livre.

Lorsqu'une indemnité en capital a été attribuée à la victime, le montant de la majoration ne peut dépasser le montant de ladite indemnité.

Lorsqu'une rente a été attribuée à la victime, le montant de la majoration est fixé de telle sorte que la rente majorée allouée à la victime ne puisse excéder, soit la fraction du salaire annuel correspondant à la réduction de capacité, soit le montant de ce salaire dans le cas d'incapacité totale.

En cas d'accident suivi de mort, le montant de la majoration est fixé sans que le total des rentes et des majorations servies à l'ensemble des ayants droit puisse dépasser le montant du salaire annuel ; lorsque la rente d'un ayant droit cesse d'être due, le montant de la majoration correspondant à la ou aux dernières rentes servies est ajusté de façon à maintenir le montant global des rentes majorées tel qu'il avait été fixé initialement ; dans le cas où le conjoint, le partenaire d'un pacte civil de solidarité ou le concubin survivant recouvre son droit à la rente en application du troisième alinéa de l'article L. 434-9, la majoration dont il bénéficiait est rétablie à son profit.

Le salaire annuel et la majoration visée au troisième et au quatrième alinéa du présent article sont soumis à la revalorisation prévue pour les rentes par l'article L. 434-17.

La majoration est payée par la caisse, qui en récupère le capital représentatif auprès de l'employeur dans des conditions déterminées par décret'.

La faute inexcusable ayant été retenue à l'encontre de l'employeur et aucune faute de la victime n'étant invoquée, il convient de dire que Monsieur [U] [J] a droit à la majoration de la rente capitalisée prévue par cet article et de la fixer au maximum prévu par la loi. En outre et comme l'avait justement rappelé le premier juge, la majoration de la rente capitalisée allouée à la victime étant calculée en fonction de la réduction de la capacité dont la victime est atteinte, la majoration de la rente doit suivre l'évolution du taux d'incapacité initialement attribué. Il convient de confirmer le jugement entrepris sur ces points.

2/ sur le préjudice personnel de Monsieur [U] [J] :

Selon l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, 'Indépendamment de la majoration de rente qu'elle reçoit en vertu de l'article précédent, la victime a le droit de demander à l'employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d'agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle. Si la victime est atteinte d'un taux d'incapacité permanente de 100 %, il lui est alloué, en outre, une indemnité forfaitaire égale au montant du salaire minimum légal en vigueur à la date de consolidation.

De même, en cas d'accident suivi de mort, les ayants droit de la victime mentionnés aux articles L. 434-7 et suivants ainsi que les ascendants et descendants qui n'ont pas droit à une rente en vertu desdits articles, peuvent demander à l'employeur réparation du préjudice moral devant la juridiction précitée.

La réparation de ces préjudices est versée directement aux bénéficiaires par la caisse qui en récupère le montant auprès de l'employeur'.

A l'examen de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, tel qu'interprété à la lumière de la décision n° 2010-8QPC du Conseil constitutionnel du 18 juin 2010, en présence d'une faute inexcusable de l'employeur, la victime peut demander à celui-ci la réparation, non seulement des chefs de préjudice énumérés par le texte susvisé, mais aussi de l'ensemble des dommages non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale. Il en résulte que différents postes de préjudices complémentaires peuvent être indemnisés sous réserve de ne pas être déjà totalement ou partiellement couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale. Il est ainsi admis que peuvent être indemnisés dans ce cadre, les frais d'aménagement du logement et du véhicule, le préjudice sexuel, le déficit fonctionnel temporaire, le préjudice d'agrément et les souffrances physiques et morales.

S'agissant des souffrances physiques et morales, celles-ci s'entendent des souffrances physiques et morales non indemnisées au titre du déficit fonctionnel permanent. Elles se rattachent ainsi au déficit fonctionnel temporaire, qui inclut, pour la période antérieure à la date de consolidation, l'incapacité fonctionnelle totale ou partielle ainsi que le temps d'hospitalisation et les pertes de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique. Il peut donc faire l'objet d'une réparation complémentaire. En revanche, le déficit fonctionnel permanent ne peut faire l'objet d'une réparation complémentaire sur le fondement de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, tel qu'interprété par le Conseil constitutionnel dans sa décision précitée du 18 juin 2010, dans la mesure où ce préjudice est indemnisé au titre du livre IV du code de la sécurité sociale. En effet, il résulte des articles L. 434-1, L. 434-2 et L. 452-2 du code de la sécurité sociale que la rente versée à la victime d'un accident du travail indemnise, d'une part, les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité, d'autre part, le déficit fonctionnel permanent.

Sur, le préjudice d'agrément réparable en application de l'article L. 452-3 du même code est constitué par l'impossibilité pour la victime de continuer à pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisir, la victime devant justifier de l'exercice de cette activité avant la maladie ou l'accident pour obtenir une réparation à ce titre.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que Monsieur [U] [J] ne peut solliciter une demande de réparation pour des postes de préjudices rattachés au déficit fonctionnel permanent déjà réparé par l'octroi de la rente majorée. Par conséquent, ses demandes tendant à la réparation des souffrances physiques et morales ne sont recevables que pour la partie qui se rattachent au déficit fonctionnel temporaire. Elles seront analysées en un seul poste, celui des souffrances endurées subies pendant la maladie et jusqu'à la consolidation. Dès lors, il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de la société GASCOGNE PAPER tendant à « imputer le montant de l'indemnité en capital sur le montant de l'indemnité allouée en réparation des souffrances physiques et morales résultant du déficit fonctionnel permanent ».

Dans ce cadre, il résulte des pièces médicales produites et notamment du certificat médical initial et du certificat du Docteur [B] que Monsieur [U] [J] présente une plaque pleurale diaphragmatique droite calcifiée. Il n'est pas produit de pièces médicales personnelles établissant les conséquences de la pathologie pour Monsieur [U] [J] et notamment les éventuelles souffrances endurées. Les dernières études médicales produites établissent comme conséquence possible une dyspnée, c'est-à-dire une difficulté à respirer à l'effort, une diminution de la capacité vitale forcée, c'est-à-dire du volume maximum d'air expulsé au cours d'une expiration, ou encore des surinfections bronchiques accompagnés ou non de toux.

Monsieur [U] [J] est né le [Date naissance 1] 1956 et était âgé de 55 ans lors du diagnostic.

Il résulte des attestations de membres de sa famille ou de proches que Monsieur [U] [J] présente une gêne respiratoire, une dyspnée de l'effort et quintes de toux répétitives. Les attestations permettent également d'établir que Monsieur [U] [J] a changé de comportement depuis le diagnostic devenant parfois « préoccupé, d'humeur changeante, colérique voir agressif » avec son entourage. Il s'est montré anxieux.

En effet, compte tenu de la nature de sa pathologie, il a nécessairement subi des souffrances morales et ce d'autant, qu'il savait que plusieurs de ses collègues étaient décédés de suites de pathologies liées à l'inhalation de poussières d'amiante. Même s'il n'est pas établi scientifiquement un lien certain entre les plaques pleurales et des maladies plus graves de type cancer broncho-pulmonaire, les études produites par les parties étant contradictoires sur ce point, Monsieur [U] [J] a nécessairement subi un préjudice d'angoisse lié à la prise de conscience de son état et à la peur de développer une pathologie plus grave. En effet, les recherches médicales sur ce dernier point se poursuivent et sont susceptibles de faire évoluer les avis médicaux fixés à un moment donné ce qui laisse place pour les malades, au doute et à l'anxiété légitime qui peut en découler. En outre, la connaissance par Monsieur [U] [J] de sa contamination par un agent hautement cancérogène susceptible de causer l'apparition d'une pathologie mettant en jeu le pronostic vital constitue nécessairement un préjudice.

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, il convient de fixer le préjudice de Monsieur [U] [J] à la somme de 15.000 € au titre des souffrances endurées. Le jugement entrepris sera réformé en ce qu'il avait fixé le montant du préjudice au titre des souffrances physiques et morales à la somme de 25.000 €.

Par ailleurs, il convient de constater que Monsieur [U] [J] ne justifie pas de l'impossibilité de continuer à pratiquer des activités spécifiques sportive ou de loisirs. Les attestations produites permettant seulement de constater qu'il rencontre des difficultés pour les exercer, s'essoufflant plus rapidement notamment en ce qui concerne la chasse ou la pêche. Monsieur [U] [J] sera donc débouté de cette demande et le jugement entrepris réformé en ce qu'il a fixé le préjudice d'agrément à la somme de 12.000 €.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépenses de contentieux :

En application de l'article R. 144-10 du code de la sécurité sociale, l'appelant qui succombe est condamné au paiement d'un droit qui ne peut excéder le 10ème du montant mensuel du plafond prévu à l'article L. 241-3 ; il peut toutefois être dispensé du paiement de ce droit par une mention expresse figurant dans la décision,

Il convient en l'espèce de condamner la société GASCOGNE PAPER au paiement du droit fixé par les articles R. 144-10 et L. 241-3 du code de la sécurité sociale.

Enfin, il convient de condamner la société GASCOGNE PAPER à verser à Monsieur [U] [J] la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement et contradictoirement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour et en dernier ressort,

Confirme le jugement rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale des Landes le 29 juillet 2013 en ce qu'il a :

- dit que la société GASCOGNE PAPER en sa qualité d'employeur, a commis une faute inexcusable à l'origine de la maladie professionnelle dont souffre Monsieur [U] [J],

- fixé au maximum légal la majoration de la rente capitalisée,

- dit que le montant de la majoration de la rente capitalisée s'élève à la somme de 1.923,44 €,

- dit que la majoration de la rente capitalisée suivra l'évolution du taux d'incapacité permanente partielle en cas d'aggravation de l'état de santé,

Le réforme en ce qu'il a':

- alloué à Monsieur [U] [J] la somme de 25.000 € au titre des souffrances physiques et morales endurées,

- alloué à Monsieur [U] [J] la somme de 12.000 € au titre du préjudice d'agrément,

- dit que la décision de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Landes de prendre en charge l'affection dont souffre Monsieur [U] [J] au titre de la législation professionnelle est opposable à la société GASCOGNE PAPER,

- dit que les indemnisations des préjudices corporels et personnels subis par Monsieur [U] [J] seront versées à l'assuré par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Landes qui pourra en récupérer le montant auprès de l'employeur,

Statuant de nouveau,

Dit que la décision de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Landes de prendre en charge l'affection dont souffre Monsieur [U] [J] au titre de la législation professionnelle est inopposable à la société GASCOGNE PAPER

Fixe le préjudice de Monsieur [U] [J] à la somme de 15.000 € au titre des souffrances endurées, physiques et morales,

Déboute Monsieur [U] [J] de sa demande au titre du préjudice d'agrément,

Dit que les indemnisations des préjudices personnels subis par Monsieur [U] [J] seront versées à l'assuré par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Landes sans recours récursoire auprès de la société GASCOGNE PAPER,

Dit que ces sommes produiront intérêts au taux légal à compter de la présente décision,

Condamne la société GASCOGNE PAPER à verser à Monsieur [U] [J] la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société GASCOGNE PAPER au paiement du droit fixé par les articles R. 144-10 et L. 241-3 du code de la sécurité sociale.

Arrêt signé par Madame THEATE, Présidente, et par Madame DEBON, faisant fonction de greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE,LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13/03301
Date de la décision : 31/03/2016

Références :

Cour d'appel de Pau 3S, arrêt n°13/03301 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-03-31;13.03301 ?
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