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24/03/2016 | FRANCE | N°13/03896

France | France, Cour d'appel de Pau, Chambre sociale, 24 mars 2016, 13/03896


DT/SB



Numéro 16/01210





COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale







ARRÊT DU 24/03/2016









Dossier : 13/03896





Nature affaire :



Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution















Affaire :



[D] [Z]



C/



SA SOCIETE PRODWARE,



SAS COMPAGNIE IBM FRANCE







































RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R Ê T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 24 Mars 2016, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième ali...

DT/SB

Numéro 16/01210

COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 24/03/2016

Dossier : 13/03896

Nature affaire :

Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution

Affaire :

[D] [Z]

C/

SA SOCIETE PRODWARE,

SAS COMPAGNIE IBM FRANCE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 24 Mars 2016, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 27 Janvier 2016, devant :

Madame THEATE, Président

Monsieur GAUTHIER, Conseiller

Madame COQUERELLE, Conseiller

assistés de Madame HAUGUEL, Greffière.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANT :

Monsieur [D] [Z]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par la SCP DEFOS DU RAU-CAMBRIEL-REMBLIERE, avocats au barreau de DAX

INTIMEES :

SA SOCIETE PRODWARE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Maître MEIMOUN-HAYAT, avocat au barreau de PARIS

SAS COMPAGNIE IBM FRANCE

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Maître DE BUSSY, avocat au barreau de PARIS

sur appel de la décision

en date du 03 FEVRIER 2012

rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE BAYONNE

RG numéro : F11/00123

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Le groupe SEI a été créé dans les années 1980 par la fusion d'une coopérative SEI et d'une SA LSI. Ce groupe comptait trois départements techniques :

* systèmes ouverts (UNIX ) ;

* systèmes automations ;

* systèmes IBM.

Monsieur [D] [Z], directeur technique depuis 1986, était plus particulièrement chargé de ce troisième département.

En 1995, la société IBM a racheté le département systèmes IBM du groupe SEI et fondé la société ANELIA, sa filiale à 100 %, pour l'exploiter. Cette société spécialisée dans le service et l'ingénierie informatique employait une centaine de salariés. Son siège était à PAU mais elle développait son activité sur toute la FRANCE.

Le contrat de travail de Monsieur [D] [Z] a donc été transféré à cette nouvelle société. En tant que directeur technique niveau 3.3 coefficient 270, de la convention SYNTEC, ce cadre percevait un salaire composé d'une partie fixe et d'une partie variable (environ 20 %). Il bénéficiait également d'une participation aux résultats et de diverses primes.

En 2007, la société IBM a cédé l'ensemble des actions de la société ANELIA à l'une de ses concurrentes, la société PRODWARE.

Par lettre du 28 avril 2008, Monsieur [D] [Z] a refusé un avenant à son contrat de travail relatif à son affectation sur l'un des deux postes que lui proposait la société PRODWARE et dont il estimait que le niveau était inférieur au poste qu'il occupait.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du conseil de Monsieur [D] [Z] des 13 et 23 octobre 2008, la société PRODWARE a été mise en demeure de faire cesser les brimades ou harcèlement dont ce directeur était l'objet et de le rétablir dans ses fonctions et sa rémunération.

Par lettre du 12 janvier 2009, la société ANELIA a convoqué Monsieur [D] [Z] à un entretien préalable à son licenciement et par lettre recommandée avec accusé de réception du 06 février 2009, ce salarié a été licencié pour 'non-respect de ses obligations contractuelles'.

Le 14 mars 2011, Monsieur [D] [Z] a saisi le conseil de prud'hommes de BAYONNE d'une demande dirigée à l'encontre de la société PRODWARE pour obtenir le paiement de rappels de salaires, congés payés sur salaires et de diverses autres indemnités, la reconnaissance de la nullité du licenciement dont il avait fait l'objet subsidiairement son absence de cause réelle et sérieuse, le paiement de dommages et intérêts sur le fondement du préjudice moral consécutif au harcèlement moral dont il avait été victime, la remise de documents conformes à la décision à intervenir.

La société PRODWARE a conclu au débouté de Monsieur [D] [Z]. Subsidiairement, elle a appelé la société IBM en garantie sur le fondement du co-emploi.

La S.A.S. Compagnie IBM France a conclu à l'incompétence du conseil de prud'hommes pour statuer sur la demande dirigée par la société PRODWARE à son encontre et demandé le renvoi de l'affaire et des parties devant le tribunal de commerce de PARIS.

Par jugement du 03 février 2012, le conseil de prud'hommes a :

* mis la S.A.S. Compagnie IBM France hors de cause ;

* dit que le licenciement de Monsieur [D] [Z] était régulier et fondé sur une cause réelle et sérieuse ;

* débouté Monsieur [D] [Z] de l'ensemble de ses demandes ;

* condamné Monsieur [D] [Z] aux dépens de l'instance ainsi qu'au paiement d'un montant de 200 € à la société PRODWARE sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 27 février 2012, le conseil de Monsieur [D] [Z] a interjeté appel de l'ensemble des dispositions de ce jugement qui lui avait été notifié le 08 février 2012.

L'affaire a été radiée le 24 octobre 2013 puis réinscrite à la requête de l'appelant.

Par conclusions enregistrées au greffe le 29 octobre 2013, Monsieur [D] [Z] demande à la cour d'infirmer le jugement dans son intégralité et statuant à nouveau de :

* dire qu'en application des dispositions de l'article L 1224-2 du Code du travail la société PRODWARE est tenue à son égard des obligations de la société ANELIA ;

* de dire que Monsieur [D] [Z] a été victime de harcèlement moral et a subi des pertes de rémunération par la faute des sociétés ANELIA et PRODWARE entre octobre 2007 et mai 2009 ;

* de dire le licenciement de Monsieur [D] [Z] nul et dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

* de condamner en conséquence la société PRODWARE à lui payer les montants suivants :

- 29.535,40 € à titre de rappels de salaire avec intérêts au taux légal à compter du 23 octobre 2008, en application de l'article 1153 du Code civil ;

- 2.953,54 € à titre d'indemnité de congés payés sur rappel de salaires avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes de BAYONNE ;

- 13.526,57 € à titre de rappel d'indemnité conventionnelle de licenciement avec intérêts au taux légal à compter du 14 mai 2009 en application de l'article 1153-1 du Code civil ;

- 232.578 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 58.144,50 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral consécutif aux brimades et harcèlement moral dont il a été victime ;

* dire que le cas échéant les intérêts seront capitalisés annuellement à compter de la saisine du conseil de prud'hommes en application des dispositions de l'article 1154 du Code civil ;

* de condamner la société PRODWARE à délivrer à Monsieur [D] [Z] les bulletins de paie des mois d'octobre 2007 à mai 2009 ainsi qu'une attestation ASSEDIC conformément à la décision à intervenir ;

* de condamner la société PRODWARE à lui payer la somme de 8.000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile en sus des dépens.

Sur le licenciement

Monsieur [D] [Z] expose que son licenciement est tout d'abord 'nul' parce qu'il a été prononcé par la société PRODWARE qui n'était pas son employeur, et non par la société ANELIA qui n'a été dissoute que le 23 février 2009 (soit postérieurement à son licenciement).

Il fait ensuite valoir que lorsque la société PRODWARE a acheté les parts de la société ANELIA, seule la partie services (consulting E.R.P.) l'intéressait en sorte qu'elle a laissé 'dépérir' la partie ingénierie, ce qui s'est traduit par une réduction importante du personnel placé sous son contrôle direct, puis peu à peu par la réduction de ses attributions de cadre dirigeant. Monsieur [D] [Z] déclare n'avoir plus été consulté, ni même informé de la stratégie de l'entreprise, avoir été progressivement mis à l'écart, et privé de tout pouvoir de décision.

La société PRODWARE est restée sourde à ses demandes d'explications jusqu'au 28 avril 2008 date à laquelle elle lui a proposé de signer un avenant à son contrat de travail, lui laissant le choix entre deux postes sans rapport avec son niveau de responsabilité et de compétence au sein de la société ANELIA, qu'il était dès lors parfaitement fondé à refuser. En effet, et contrairement à l'opinion des premiers juges, les propositions de postes contestées entraînaient bien une modification de son contrat de travail (et non pas de ses conditions de travail) puisque la société PRODWARE s'est crue elle-même obligée de régulariser cette modification par avenant.

Il rappelle à ce stade qu'il occupait un poste de 'responsable de la production et de la qualité de toutes les prestations en tant que directeur technique et des solutions' et assumait en outre des fonctions de représentation de la direction alors que les propositions de la société PRODWARE correspondaient :

- la première (directeur des services du pôle expertise) à un poste placé sous l'autorité du Directeur des Solutions qu'il occupait jusque là ;

- la seconde à un emploi de commercial sans autonomie ni pouvoir de représentation.

Il déclare avoir vécu l'entretien préalable à son licenciement comme une nouvelle brimade, de même que la dispense de préavis qui lui a été imposée.

Pour Monsieur [D] [Z], ce licenciement était un licenciement économique déguisé. A 58 ans il n'était plus en mesure de retrouver un emploi équivalent en sorte qu'il a été ainsi injustement privé de la fin de sa carrière. Au regard de son ancienneté, des avantages perdus et de la mauvaise foi de la société PRODWARE il s'estime fondé à réclamer le versement d'une somme correspondant à vingt quatre mois de salaire en réparation du préjudice subi.

Sur le rappel de salaire

Monsieur [D] [Z] déclare avoir été privé de la partie variable de son salaire entre octobre 2007 et mai 2009 soit une somme due à ce titre de 29.535,40 € en sus des congés payés, calculés sur la base d'un salaire moyen mensuel de 9.690,75 € .

Sur le harcèlement moral

Monsieur [D] [Z] reproche au conseil de prud'hommes de ne pas avoir vérifié la réalité des brimades et de la mise à l'écart injustifiée dont il affirme avoir été victime et s'estime fondé à réclamer l'équivalent de six mois de salaire en réparation de cette exécution fautive du contrat du travail imputable à l'employeur.

**********

La société PRODWARE conclut à la confirmation du jugement au débouté de Monsieur [D] [Z] de l'ensemble de ses prétentions et demande que le montant du salaire moyen mensuel de Monsieur [D] [Z] soit fixé à 7.954 €.

Subsidiairement, elle demande que le jugement soit déclaré commun à la S.A.S. Compagnie IBM France et que cette dernière soit condamnée à la garantir de toute condamnation prononcée au profit de Monsieur [D] [Z].

Elle conclut enfin à la condamnation de l'appelant à titre principal et de la S.A.S. Compagnie IBM France aux dépens de l'instance et au paiement chacun d'une somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Sur la mise en cause de la S.A.S. Compagnie IBM France la société PRODWARE considère qu'elle est justifiée par la situation de co-emploi de cette société avec la société ANELIA et ce avant comme après le rachat des parts de cette dernière par la société PRODWARE. Elle soutient que l'implication de la S.A.S. Compagnie IBM France dans la gestion de l'emploi de Monsieur [D] [Z] ne peut être discutée puisque même après la cession des parts, la S.A.S. Compagnie IBM France a continué de se comporter comme l'employeur de Monsieur [D] [Z] en fixant ses objectifs, en restant informée de ses difficultés de reclassement, et même en pilotant son licenciement. D'ailleurs dans le litige commercial qui oppose la société PRODWARE à la S.A.S. Compagnie IBM France, le tribunal de commerce de PARIS a condamné cette dernière à payer 50 % du coût salarial de Monsieur [D] [Z] du 1er octobre 2007 jusqu'à la fin de son préavis et a débouté la société PRODWARE de ses demandes de prises en charge du coût du licenciement de Monsieur [D] [Z] et du coût de la gestion du litige l'opposant à ce dernier. Sur appel de la société PRODWARE cette procédure est actuellement en cours devant la cour d'appel de PARIS.

La société PRODWARE soutient que l'exception de litispendance invoquée par la S.A.S. Compagnie IBM France, doit être écartée car le fondement de la demande n'est pas le même devant les deux juridictions.

Au fond, elle fait valoir que même après la cession des parts, la S.A.S. Compagnie IBM France est restée impliquée dans la gestion du cas de Monsieur [D] [Z] comme elle s'y était d'ailleurs contractuellement engagée vis à vis de la société PRODWARE.

Sur la demande de Monsieur [D] [Z], la société PRODWARE rappelle tout d'abord que Monsieur [O] qui était à la fois directeur général de la société ANELIA et de la société PRODWARE avait qualité pour signer la lettre de licenciement de Monsieur [D] [Z] et ce d'autant plus qu'il est de jurisprudence constante que le directeur de la société mère est parfaitement habilité à signer la lettre de licenciement d'un salarié employé par sa filiale à 100 % dès lors que cette dernière a ratifié cette décision comme c'était le cas de la société ANELIA.

La société PRODWARE ajoute que le licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse. En effet, Monsieur [D] [Z] qui s'était toujours opposé à la reprise de la société ANELIA par la société PRODWARE, avait adopté une attitude négative et préjudiciable aux intérêts de la société. Elle expose qu'avant même la cession, l'appelant qui aspirait à des fonctions de directeur général ne se sentait pas suffisamment reconnu. Il s'est par la suite cantonné dans une attitude d'opposition systématique en dépit de tentatives de la société PRODWARE pour l'intégrer et le faire évoluer au sein du nouveau groupe. Cessant de remplir ses fonctions, ses objectifs n'ont plus été atteints.

C'est la raison pour laquelle une évolution de ses conditions de travail lui a été proposée à laquelle Monsieur [D] [Z] n'a pas même jugé utile de répondre avant plusieurs mois, alors même que les propositions faites n'entraînaient pas de modification de son niveau hiérarchique, de sa rémunération, ni de son niveau de responsabilité. La société PRODWARE ajoute que cette évolution était rendue nécessaire par la disparition programmée de la société ANELIA.

L'intimée explique que le recours à un avenant a paru opportun au regard de l'attitude contestatrice de Monsieur [D] [Z], même s'il ne s'agissait que d'une modification de ses conditions de travail relevant du seul pouvoir de direction de l'employeur.

Quant au motif économique allégué par l'appelant la société PRODWARE l'écarte en rappelant que seuls quelques postes administratifs ont été supprimés du fait de la cession.

Sur l'exécution fautive du contrat de travail, la société PRODWARE expose que la part variable du salaire de Monsieur [D] [Z] ne correspondait pas à un pourcentage fixe mais variait en fonction de la réalisation des objectifs fixés, Monsieur [D] [Z] ayant renoncé à s'impliquer dans le développement de la société, n'a plus atteint les objectifs fixés et n'a donc plus perçu de part variable, ce qu'il n'a pas discuté pendant plusieurs mois.

Quant au montant de l'indemnité conventionnelle de licenciement la société PRODWARE soutient qu'elle est fondée sur le salaire moyen mensuel des douze derniers mois conformément à ce que prévoit la Convention collective SYNTEC.

Pour le surplus, elle affirme que Monsieur [D] [Z] ne rapporte pas la moindre preuve d'acte de harcèlement moral à son égard.

**********

La S.A.S. Compagnie IBM France demande à la cour de se déclarer incompétente sur la demande subsidiaire de garantie de la société PRODWARE, au profit de la cour d'appel de PARIS, subsidiairement de constater la litispendance et de renvoyer la demande de garantie de la société PRODWARE envers la S.A.S. Compagnie IBM France devant la cour d'appel de PARIS. Elle affirme que la demande de la société PRODWARE n'entre pas dans les attributions de la chambre sociale de la cour d'appel de PAU en ce que le litige oppose deux sociétés commerciales liées par un contrat de cessions d'actions comportant une clause attributive de compétence au profit du tribunal de commerce de PARIS.

En tout état de cause, l'objet du litige étant strictement identique devant les deux juridictions il appartiendra à la cour d'appel de PAU de se dessaisir au profit de la cour d'appel de PARIS, le tribunal de commerce ayant été saisi en premier (tout au moins dans les rapports entre la S.A.S. Compagnie IBM France et la société PRODWARE).

Sur le fond, la S.A.S. Compagnie IBM France conclut à la confirmation du jugement du conseil de prud'hommes et au débouté de la société PRODWARE de l'ensemble des demandes dirigées à l'encontre de la S.A.S. Compagnie IBM France. Elle demande à son tour la condamnation de la société PRODWARE à lui verser une somme de 8.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

La S.A.S. Compagnie IBM France relève en premier lieu que la situation de co-emploi à la supposer établie ne permettrait pas à la société PRODWARE de s'exonérer de l'intégralité de ses obligations.

Elle soutient en droit que la société PRODWARE ne rapporte pas la preuve qui lui incombe d'une confusion d'intérêts d'activité et de direction se manifestant notamment par une immixtion dans la gestion économique et sociale de cette dernière qui est la condition posée par la Cour de cassation pour admettre le co-emploi, et ce d'autant moins que Monsieur [D] [Z] n'a jamais été son salarié mais celui de la société ANELIA qui bien que sa filiale n'en avait pas moins sa personnalité propre et une direction distincte. En tout état de cause, la S.A.S. Compagnie IBM France relève que le licenciement de Monsieur [D] [Z] est intervenu à une époque où la société ANELIA n'était plus la filiale de la S.A.S. Compagnie IBM France depuis des mois.

En effet, le 30 septembre 2007 la société PRODWARE a acquis 100 % des actions de la société ANELIA et le contrat conclu à cette occasion exclut expressément la garantie des 'éléments portés à la connaissance de l'acquéreur dans ce contrat' or le risque de litige social avec Monsieur [D] [Z] avait été évoqué dans la convention.

Elle expose enfin que Madame [K] avait été détachée au profit de la société ANELIA en sorte que la société PRODWARE ne peut se prévaloir du 'suivi' assuré par cette salariée non pour le compte de la S.A.S. Compagnie IBM France mais bien pour la société ANELIA.

Les parties ont été invitées à se prononcer avant l'audience sur la recevabilité de l'appel du jugement dirigé par la société PRODWARE à l'encontre de la S.A.S. Compagnie IBM France et ont été autorisées à déposer une note en cours de délibéré sur ce point.

MOTIFS

Sur la recevabilité de l'appel du jugement du conseil des prud'hommes de BAYONNE dans les rapports entre la société PRODWARE et la S.A.S. Compagnie IBM France.

Il importe préalablement de rappeler qu'en première instance Monsieur [D] [Z] a fait citer la seule société PRODWARE à comparaître devant le conseil des prud'hommes et a dirigé ses prétentions uniquement contre cette société.

En cours de procédure devant le conseil des prud'hommes, la société PRODWARE a fait intervenir la S.A.S. Compagnie IBM France aux fins d'opposabilité de la décision et d'appel en garantie en cas de condamnation. La S.A.S. Compagnie IBM France a conclu à l'incompétence de la juridiction saisie pour statuer et subsidiairement, a sollicité le renvoi du litige qui l'opposait à la société PRODWARE devant le tribunal de commerce de PARIS.

Par jugement du 03 février 2012, le conseil des prud'hommes a débouté Monsieur [D] [Z] de l'ensemble de ses prétentions et mis la S.A.S. Compagnie IBM France hors de cause.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 27 février 2012, le conseil de Monsieur [D] [Z] a fait appel de ce jugement.

Pour faire déclarer son appel 'incident' recevable la société PRODWARE fait valoir que Monsieur [D] [Z] a formé un appel général à l'encontre du jugement prud'homal à l'encontre des deux intimés. Elle se prévaut de l'effet dévolutif de l'appel, de l'indivisibilité du jugement, de l'oralité des débats devant la chambre sociale et du principe de l'unicité de l'instance, dont elle déduit que l'appel incident de l'un des intimés est recevable jusqu'à la clôture des débats.

La S.A.S. Compagnie IBM France demande à la cour de déclarer l'appel irrecevable en faisant valoir que la société PRODWARE n'a jamais formé de déclaration d'appel laquelle résulte nécessairement d'un écrit, que Monsieur [D] [Z] n'ayant jamais dirigé ses demandes contre la S.A.S. Compagnie IBM France celle-ci ne peut être considérée comme intimée et l'instance devant la cour d'appel de PAU ne lie que Monsieur [D] [Z] et la société PRODWARE. Elle ajoute que cette dernière ne peut se prévaloir des dispositions des articles 548, 550 et 552 du Code de procédure civile car l'appel dirigé par la société PRODWARE contre la S.A.S. Compagnie IBM France n'est pas un appel incident.

Il ressort des dispositions des articles 546 et 562 du Code de procédure civile d'une part que le droit d'appel appartient à toute personne qui y a intérêt d'autre part que l'appel ne défère à la cour que la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément ou implicitement et de ceux qui en dépendent.

Or, non seulement Monsieur [D] [Z] n'a aucun intérêt au litige qui oppose la société PRODWARE à la S.A.S. Compagnie IBM France mais il n'a même jamais pris position sur ce litige notamment sur la mise hors de cause de la S.A.S. Compagnie IBM France à l'égard de laquelle il n'avait formé ni demande ni appel en cause, ne serait ce qu'au fin d'irrecevabilité.

Par ailleurs, il n'y a pas d'indivisibilité entre les dispositions du jugement du conseil des prud'hommes de Bayonne statuant sur la mise hors de cause de la S.A.S. Compagnie IBM France et celles qui déboutent Monsieur [D] [Z] de ses demandes.

Il en découle que bien que non limité à certains chefs, l'appel formé par Monsieur [D] [Z] contre le jugement du conseil de prud'hommes de BAYONNE ne pouvait avoir pour objet que les dispositions le concernant, en demande ou en défense, ce qui n'était pas le cas de la mise hors de cause de la S.A.S. Compagnie IBM France.

L'oralité des débats ne déroge pas aux règles applicables en matière de délais pour faire appel, ni à la formalité de la déclaration d'appel. Or les premières écritures d'appel incident émanant de la société PRODWARE n'ont été déposées qu'en janvier 2016, soit très largement après expiration du délai d'appel. Quant à la règle de l'unicité de l'instance elle n'est pas applicable dans les rapports entre la société PRODWARE et la S.A.S. Compagnie IBM France qui ne sont pas liées par un contrat de travail, et la règle de la recevabilité des demandes nouvelles n'est pas davantage applicable puisque le conseil des prud'hommes a déjà statué de ce chef.

Il en découle que la contestation de la décision de mise hors de cause de la S.A.S. Compagnie IBM France par la société PRODWARE est tardive et dès lors irrecevable.

Il en va de même des exceptions et demandes présentées en appel par la S.A.S. Compagnie IBM France qui en tout état de cause acquiesce à l'irrecevabilité de l'appel dirigé à son encontre.

Sur l'application des dispositions de l'article L 1224-2 du Code du travail

Il n'est pas discuté par la société PRODWARE, qu'elle est tenue vis à vis de Monsieur [D] [Z] des obligations découlant du contrat de travail qui liait ce salarié à la SAS ANELIA à ce jour absorbée par la société PRODWARE.

Sur la demande de nullité du licenciement dirigée par Monsieur [D] [Z] à l'encontre de la société PRODWARE

Monsieur [D] [Z] fonde sa demande sur deux motifs :

* le licenciement n'aurait pas été prononcé par son employeur ;

* le licenciement est nul pour cause de harcèlement moral.

S'agissant tout d'abord de l'irrégularité du licenciement du 06 février 2009, pour défaut de qualité, Monsieur [D] [Z] affirme que le licenciement a été prononcé par Monsieur [M] [O] pris en sa qualité non pas de directeur général de la SAS ANELIA mais de directeur général de la société PRODWARE comme le prouvent les mentions imprimées du document sur lequel est rédigée la lettre de licenciement.

Cependant et comme le fait observer la société PRODWARE la détentrice de la totalité des parts du capital social d'une société (ce qui était le cas de la société PRODWARE vis à vis de la SAS ANELIA depuis 2007) est habilitée à prononcer le licenciement d'un salarié de cette filiale dont elle est censée avoir reçu mandat. Cette règle s'impose d'autant plus en l'espèce que Monsieur [M] [O] avait la double qualité de directeur général de la société PRODWARE et de la SAS ANELIA.

La demande de nullité n'est donc pas fondée de ce chef.

S'agissant du second moyen, le harcèlement moral est caractérisé par des agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits du salarié et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Il résulte des dispositions des L.1152-1, L.1152-2 et L.1154-1 du code du travail, d'une part que nul ne peut être licencié pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ; d'autre part qu'il incombe au salarié d'établir des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, la partie défenderesse ayant, au vu de ces éléments, à prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que cette décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement.

En l'occurrence, Monsieur [D] [Z] soutient qu'il a dans un premier temps progressivement été privé de la quasi-totalité de ses attributions, subissant une véritable 'mise au placard', il n'a plus été ni consulté ni informé de la stratégie de l'entreprise, puis s'est vu retirer une partie de sa rémunération (part variable) pour finalement se voir proposer une rétrogradation, le tout s'accompagnant de brimades.

La société PRODWARE conteste cette version des faits, affirme qu'elle a toujours adopté une attitude constructive vis à vis de ce cadre dont l'ambition était d'occuper le poste de directeur général de la SAS ANELIA. N'ayant pu réaliser ce projet il a aussitôt manifesté sa défiance vis à vis de la direction et un comportement négatif au sens de la société refusant les tâches qui lui étaient confiées, refusant de se rendre aux réunions d'information, au point d'en négliger l'exécution de ses fonctions, ce qui a automatiquement entraîné une baisse de la part variable de sa rémunération.

Monsieur [D] [Z] ne rapporte cependant la preuve ni des brimades dont il affirme avoir fait l'objet, ni de son exclusion des fonctions de direction et de consultation qui lui revenaient. Les quelques documents qu'il produit à ce propos attestent plutôt d'une bonne collaboration et surtout de la satisfaction de ses collaborateurs et de la reconnaissance du travail accompli. Monsieur [D] [Z] invoque un courriel dans lequel il lui est demandé - dans des formes télégraphiques - d'effectuer un inventaire, ce qu'il assimile à une brimade. Cependant, la réponse écrite qui lui a été donnée justifie parfaitement cette requête tant au regard du contexte 'de transition' dans lequel se situait l'entreprise que des attributions de Monsieur [D] [Z]. Quant à la forme pour être maladroite, elle n'est ni agressive ni dévalorisante et peut s'expliquer par des conditions de rédaction en urgence.

Quant à la discussion relative à des congés de fin d'année 2007 qui auraient, dans un premier temps été refusés au demandeur, la correspondance produite ne permet pas d'établir s'il a finalement obtenu ou non gain de cause. Surtout, l'incident n'apparaît pas lié à la personne de Monsieur [D] [Z] mais à l'inadéquation de 'pratiques' différentes au sein de la SAS ANELIA et de la société PRODWARE.

S'agissant enfin des propositions de postes qui lui ont été faites et que le demandeur a refusées, elles ne sauraient être assimilées à des faits laissant présumer un harcèlement moral dès lors qu'elles ont été formulées de façon correcte et respectueuse, qu'elles ne se sont pas accompagnées de pressions et qu'elles ne présentaient pas un caractère vexatoire.

Il en découle que les éléments produits et justifiés par Monsieur [D] [Z] ne permettent pas de présumer l'existence d'un harcèlement moral.

La demande n'est donc pas fondée et le jugement dont appel doit être confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur [D] [Z] de sa demande en nullité du licenciement et réparation du préjudice causé par le harcèlement moral allégué.

Sur le licenciement pour cause réelle et sérieuse de Monsieur [D] [Z]

Selon l'article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

L'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.

La lettre de licenciement, dont les motifs énoncés fixent les limites du litige, est articulée autour des griefs suivants :

'Par la présente nous avons le regret de vous notifier votre licenciement pour les raison suivantes :

* non respect de vos obligations contractuelles ;

Vous avez intégré la société le 1er mars 1986 et vous exerciez les fonctions de directeur technique.

En octobre 2007, nous nous sommes portés acquéreurs de la société ANELIA.

Lorsque nous sommes arrivés nous avons pris le soin non seulement d'expliquer largement notre projet mais aussi d'écouter l'ensemble des collaborateurs afin de connaître leur position.

A ce titre, vous avez exprimé votre défiance vis à vis de cette opération ; de votre volonté de continuer à exercer les mêmes fonctions de directeur technique avec le même périmètre d'attribution et d'autorité, qui selon vous correspondait à une fonction de directeur général adjoint.

Nous vous avons expliqué que l'équivalence de votre poste au sein d'une société de 60 personnes d'envergure régionale correspond au sein du groupe Prodware à un poste régional à responsabilité régionale voir national.

A partir de ce moment, vous avez manifesté votre hostilité à notre arrivée et n'avez pas voulu vous insérer dans le projet de développement que nous envisagions.

Malgré votre attitude, nous avons pris le soin d'organiser des réunions tant avec Monsieur [M] [O], directeur général qu'avec votre manager Monsieur [E] afin de trouver la meilleure solution pour vous insérer au mieux dans notre projet.

C'est dans ces conditions que par courrier en date du 28 avril 2008 après avoir pris le temps de vous écouter et réfléchir à la meilleure manière de bénéficier et d'utiliser votre expérience et votre connaissance des produits commercialisés par ANELIA (IBM parc Eseries er AS 400) nous avons pensé que votre profil pourrait parfaitement adhérer avec la politique commerciale de développement de ces produits que nous entendions continuer à mener.

Nous avons donc été amenés à vous proposer deux postes :

1. Responsable des services Pôle d'Expertise Ingenierie Applications Eseries France Sud ;

2. Directeur de Comptes Stratégiques et Nationaux.

Les missions de ces deux postes étaient parfaitement définies et vous permettaient d'avoir une parfaite visibilité sur votre avenir au sein de notre société, en vous positionnant à un niveau hiérarchique de même niveau.

Bien évidemment vos autres conditions de travail n'étaient pas modifiées.

En cela, nous vous avons expliqué qu'il n'y avait pas de modification de votre contrat de travail mais simple adaptation des conditions de travail que l'employeur est en droit de modifier.

Nous considérons avoir agi de parfaite bonne foi à votre égard et nos propositions de fonctions s'inscrivaient selon nous plus en adéquation avec vos attentes dans le groupe (responsabilité nationale et responsabilité technique à l'échelle du groupe).

Malgré toutes nos démarches et nos tentatives de discussions vous n'avez pas daigné répondre à notre proposition.

Vous n'avez pas souhaité collaborer de manière constructive et positive avec vos managers Mrs [I] [E] et [H] [F] leur répondant de manière laconique et sans apporter la réelle collaboration que l'on est en droit d'attendre d'un cadre de votre niveau.

Pour toutes ces raisons nous vous avons convoqué à un entretien préalable.

Au cours de l'entretien, vous êtes demeuré sur la même position considérant que nous n'avions jamais tenu compte de votre position et réitérant une nouvelle fois le caractère inacceptable de nos propositions qui selon vous ne correspondent à aucune fonction bien définie.

Ainsi, vous comprendrez qu'il nous est impossible de vous conserver au sein de notre effectif.

Nous sommes donc au regret de vous notifier par la présente votre licenciement pour non respect de vos obligations contractuelles.'

Il ressort de cette lettre que la SAS ANELIA reproche à Monsieur [D] [Z] un manque de collaboration caractérisé par son refus d'accepter la modification du poste qu'il occupait jusqu'au rachat des actions de la SAS ANELIA par la société PRODWARE, cette modification s'analysant selon la société PRODWARE en une simple évolution des conditions de travail et non une modification du contrat de travail de Monsieur [D] [Z].

Cette analyse a été reprise par les premiers juges qui ont considéré que les propositions faites par la direction maintenaient le niveau hiérarchique de Monsieur [D] [Z] en qualité de directeur de service ou de compte sur les postes d'envergure nationale 'gérant toujours une équipe de salariés' maintenaient les mêmes responsabilités que décrites dans le 'manager control book' au sein des pôles structurés par le groupe PRODWARE en introduisant simplement un échelon hiérarchique intermédiaire.

Pour vérifier si les postes proposés à Monsieur [D] [Z] correspondaient à des fonctions similaires à celles qu'il occupait, à un même niveau hiérarchique, de responsabilité et d'autonomie, il y a lieu de procéder à une comparaison entre ces postes.

Selon les bulletins de salaires du demandeur, celui-ci occupait au sein de la société ANELIA un poste de directeur technique niveau 3.3 coefficient 270. Selon la classification de la Convention collective nationale SYNTEC applicable :

'L'occupation de ce poste, qui entraîne de très larges initiatives et responsabilités et la nécessité d'une coordination entre plusieurs services, exige une grande valeur technique ou administrative'.

Il ressort en outre de l'organigramme de la SAS ANELIA que Monsieur [D] [Z] faisait partie du Comité de direction de la société en tant que directeur Technique et des Solutions et De représentant de la direction au sein du service Qualité. Si l'on reprend le descriptif de ces postes il apparaît que :

* le directeur technique et des solutions 'est responsable de la production et de la qualité de toutes les prestations dans le respect des objectifs de l'entreprise. Il est responsable des managers. Il est responsable pour son service de l'embauche et de la formation des ressources humaines.

* le représentant de la direction est responsable du système de gestion et de la qualité de l'entreprise. Il doit s'assurer que les processus nécessaires au système de gestion de la qualité sont établis, mis en oeuvre et tenus à jour. Il rend compte à la direction du fonctionnement du système de gestion de la qualité et de tout besoin d'amélioration. Il veille à ce que la sensibilisation aux exigences du client soit encouragé à tous les niveaux de l'entreprise. Il assure la liaison avec les clients, les fournisseurs et les parties externes à l'entreprise sur des sujets relatifs au système de gestion de la qualité. Il anime le comité Qualité Processus.'

Ces fonctions sont conformes au niveau de direction, de responsabilité et d'autonomie élevé visé à la Convention collective et s'accompagne en outre d'une fonction représentative essentielle. Il en découle que Monsieur [D] [Z] participait à la direction générale de l'entreprise, puisqu'il était placé sous l'autorité directe du comité de direction dont il faisait partie.

Le poste de responsable de services Pôle d'expertise Ingenierie Application Eseries France Sud tel que décrit dans la lettre du 28 avril 2008 adressée par Monsieur [O] à Monsieur [D] [Z] consistait à 'définir et mettre à disposition les offres ressources et moyens afin que les parcs clients confiés à Prodware soient exploités conformément aux objectifs de revenu et profitabilité' étant précisé que 'vous dépendrez hiérarchiquement de Monsieur [H] [F] directeur des services du Pôle d'Expertise ingénierie - Solution Application Propriétaires - Monsieur [H] [F] reporte à Monsieur [I] [E], du Directeur du Pôle Expertise concerné Monsieur [I] [E] reporte à la direction générale..'

Quant au poste de directeur de Comptes Stratégiques et Nationaux qui correspond aux fonctions d'anticipation et de suivi de ces comptes assorties d'une mission de conseil et consiste à définir et réaliser un budget de chiffre d'affaires et de marge sur ces clients, à développer et animer la relation avec ces comptes en les fidélisant. Le directeur de Comptes Stratégiques et Nationaux 'dépend hiérarchiquement de Monsieur [I] [J] directeur commercial des services auquel vous reporteriez directement. Monsieur [I] [J] reporte à la Direction générale.'

Force est de constater qu'outre la restriction des fonctions que comportaient l'une comme l'autre de ces propositions, le seul descriptif de l'échelle hiérarchique dans laquelle il se situe atteste d'une rétrogradation d'un voire de plusieurs échelons par rapport au poste occupé par Monsieur [D] [Z] au sein de la SAS ANELIA et bien évidemment la réduction de son niveau de responsabilité et d'autonomie.

La société PRODWARE ne peut dès lors sérieusement soutenir qu'il ne s'agissait que d'une modification des conditions de travail qu'elle était en droit d'imposer au salarié. L'avenant au contrat de travail qu'elle a demandé à Monsieur [D] [Z] de signer démontre d'ailleurs qu'elle était parfaitement consciente de l'étendue et de la portée des modifications qu'elle souhaitait faire accepter à ce salarié.

Or, toute modification contractuelle, y compris du contrat de travail qui ne déroge pas en cette matière à la règle commune, impose l'accord des parties et le seul refus, par le salarié, d'une modification de son contrat de travail ne constitue pas en soi une cause réelle et sérieuse de licenciement.

A cet égard, la société PRODWARE n'est pas fondée à reprocher au salarié de n'avoir pas répondu à sa demande de modification dès lors que :

* par courriel du 04 juillet 2008, Monsieur [D] [Z] avait informé Monsieur [M] [O] de ce qu'il 'n'acceptait pas votre proposition de poste subalterne' ;

* par lettres recommandées avec accusé de réception des 13 et 23 octobre 2008 adressées tant à la SAS ANELIA qu'à la société PRODWARE (antérieurement à l'entretien préalable) le conseil de Monsieur [D] [Z] leur avait notifié le rejet de ces propositions de postes et mis ces sociétés en demeure de rétablir le salarié dans ses droits.

Confronté au refus du salarié d'accepter la modification de son contrat de travail, l'employeur n'a pas d'autre choix que de le rétablir dans ses droits ou de le licencier en exposant dans la lettre de licenciement la ou les causes réelles et sérieuses de sa décision. La lettre de licenciement doit en effet indiquer les motifs de la rupture, elle ne doit pas se borner à invoquer la modification du contrat. Il appartient au juge de rechercher si le motif de la modification, qui doit être énoncé constitue une cause réelle et sérieuse. Il en résulte que la modification doit toujours être justifiée car le « licenciement à la suite du refus de la modification a pour cause le motif de cette modification ».

Or, en l'espèce force est de constater qu'hormis le refus reproché au salarié de la modification de son contrat de travail, faussement présentée comme une modification de ses conditions de travail, l'employeur ne fonde sa décision de licencier Monsieur [D] [Z] sur aucune autre cause :

* non seulement la société PRODWARE n'explique pas, dans la lettre de licenciement, en quoi son projet était incompatible avec le maintien du poste de Monsieur [D] [Z] mais elle conteste le motif économique de sa décision, tout en reconnaissant la 'disparition programmée de la société ANELIA' ;

* les nombreux griefs qu'elle développe dans ses écritures à l'encontre de Monsieur [D] [Z] : refus d'assister aux réunions ; critiques de 'toutes les décisions de la direction' y compris celles du directeur général ; plaintes de clients ; critiques de la direction générale ; non respect des processus objectifs non remplis ... ne sont pas évoqués dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige.

Il en découle que le licenciement de Monsieur [D] [Z] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Le jugement du conseil des prud'hommes doit dès lors être infirmé de ce chef.

En application des dispositions de l'article L1235-3 du Code du travail, Monsieur [D] [Z] est en droit d'obtenir le versement de dommages et intérêts dont le montant ne peut être inférieur à la somme des six derniers mois de salaire. Il importe en outre de tenir compte dans cette appréciation de la très grande ancienneté du salarié dans l'entreprise (23 ans), de son âge et des difficultés qui en découlent pour se réinsérer dans le marché de l'emploi. Sur la base de ces éléments d'appréciation, il est justifié d'allouer à Monsieur [D] [Z] une somme de 206.800 €.

Sur l'application des dispositions de l'article L1235-4 du Code du travail

La société PRODWARE sera également condamnée à rembourser aux organismes intéressés (Pôle Emploi) les indemnités de chômage versées à Monsieur [D] [Z] du jour de son licenciement au jour du jugement du conseil de prud'hommes, dans la limite de 6 mois d'indemnités, en application des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail.

Sur les demandes chiffrées de Monsieur [D] [Z]

Monsieur [D] [Z] affirme que sa rémunération comportait une part variable (20 % de son salaire) dont il a été privé du mois d'octobre 2007 au mois de mai 2009. Il réclame en conséquence le versement de cette partie du salaire outre les congés payés y afférents et la revalorisation de l'indemnité conventionnelle de licenciement calculée sur le montant de sa rémunération.

La société PRODWARE conclut au rejet de la demande pour plusieurs motifs :

* la partie variable n'était pas fixée à 20 % mais dépendait d'objectifs fixés par trimestre ou semestre ;

* si cette partie de la rémunération n'a pas été versée à Monsieur [D] [Z] c'est qu'il n'a pas atteint les objectifs fixés par manque d'implication ;

* le demandeur n'a pas une seule fois émis de protestation à l'annonce de ce qu'il ne percevrait pas de 'bonus' du fait de la non-réalisation des objectifs.

Selon le contrat de travail du 06 janvier 1986 de Monsieur [D] [Z], il était prévu que :

* ...à cette rémunération pourra être ajoutée chaque trimestre une prime de productivité :

* égale à 10 % de votre rémunération trimestrielle si le ratio ci-dessus est supérieur ou égal à 70 % ;

* égale à 25 % de votre rémunération trimestrielle si le ratio ci-dessus est supérieur à 75 %.

Cette prime de productivité pourra être revue à compter du 01.01.1987.'

Or, il ressort des pièces produites par la société PRODWARE et que Monsieur [D] [Z] :

* ne discute pas, les objectifs fixés pour l'année 2007 reconduits pour l'année 2008 (pièces n° 13, 15, 16 et 17 de la société PRODWARE ) ;

* ne soutient pas non plus que ces objectifs ont été atteints ;

* n'a pas discuté les relevés attestant qu'il n'avait pas atteint les objectifs ouvrant droit à une rémunération complémentaire lorsqu'ils lui ont été communiqués.

Il en découle qu'il ne peut prétendre au paiement de la partie variable de sa rémunération dès lors que les objectifs qui en conditionnaient l'attribution n'ont pas été atteints au cours de la période de référence. Par suite, il doit également être débouté de la demande de congés payés y afférents.

Sur l'indemnité conventionnelle de licenciement, il ressort tout d'abord des écritures et pièces produites que la société PRODWARE a reconnu avoir commis une erreur, au préjudice du salarié, dans le calcul de cette indemnité (61.921,91 €). Cette erreur a été rectifiée et la société PRODWARE a versé le complément dû (13.150,33 €) par lettre officielle du 06 avril 2011, ce dont il y a lieu de lui donner acte.

Pour le reste, la somme réclamée correspond à la part supplémentaire à laquelle le salarié aurait eu droit si le montant de la base de calcul de cette indemnité conventionnelle avait été revalorisé par intégration de la prime de productivité. La demande de paiement de la part variable du salaire ayant été rejetée, Monsieur [D] [Z] doit également être débouté de la demande relative à la revalorisation de l'indemnité contractuelle de licenciement.

Sur la remise de bulletins de salaires et d'une attestation PÔLE EMPLOI rectifiée

Cette demande est sans objet dès lors que Monsieur [D] [Z] est débouté de sa demande en paiement des salaires et congés payés afférents.

Sur la capitalisation des intérêts

La seule demande de Monsieur [D] [Z] à laquelle il a été fait droit est la demande de dommages et intérêts pour licenciement abusif. Or, conformément à l'article 1153-1 du code civil, les sommes allouées à titre indemnitaire portent intérêts à compter de la décision les prononçant. Il en découle que la capitalisation des intérêts telle qu'elle résulte de l'application des dispositions de l'article 1154 du Code civil ne peut avoir pour point de départ une date antérieure à celle de la décision.

Sur les dépens et l'application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile

Il appartient à la société PRODWARE qui succombe pour l'essentiel de supporter la charge des dépens de l'instance et de verser, à titre d'indemnité de procédure :

* à la S.A.S. Compagnie IBM France une somme de 1.000 € ;

* à Monsieur [D] [Z] une somme de 2.000 €.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement contradictoirement par arrêt mis à disposition au greffe et en dernier ressort :

DÉCLARE irrecevable l'appel formé par la société PRODWARE à l'encontre de la S.A.S. Compagnie IBM France ;

CONFIRME le jugement dont appel en ce qu'il a débouté Monsieur [D] [Z] de ses demandes de nullité de licenciement, d'indemnisation fondée sur le harcèlement moral, en paiement de rappels de salaire, congés payés y afférents, et remise de bulletins de salaires et attestation PÔLE EMPLOI rectifiés ;

L'INFIRME pour le surplus :

ET STATUANT À NOUVEAU :

DIT que le licenciement de Monsieur [D] [Z] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

DIT que la société PRODWARE, est tenue vis à vis de Monsieur [D] [Z] des obligations découlant du contrat de travail qui liait ce salarié à la SAS ANELIA ;

CONDAMNE la société PRODWARE à payer à Monsieur [D] [Z] une somme de 206.800 € (deux cents six mille huit cents euros) à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

CONDAMNE la société PRODWARE à rembourser aux organismes intéressés (pôle emploi) les indemnités de chômage versées à Monsieur [D] [Z] du jour de son licenciement au jour du jugement du conseil de prud'hommes, dans la limite de 6 mois d'indemnités, en application des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail,

DIT que conformément aux dispositions des articles L.1235-4 et R.1235-2 du Code du Travail, une copie du présent arrêt sera adressée par le greffe au Pôle Emploi du lieu où demeure le salarié,

DONNE ACTE à la société PRODWARE de ce qu'elle a payé, le 06 avril 2011, à Monsieur [D] [Z] une somme de 13.150,33 € (treize mille cent cinquante euros et trente trois centimes) à titre de complément d'indemnité conventionnelle de licenciement et DÉBOUTE Monsieur [D] [Z] pour le surplus de sa demande de ce chef ;

ORDONNE la capitalisation des intérêts de la somme allouée conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code civil, le point de départ du délai d'un an étant fixé au jour du prononcé de l'arrêt ;

CONDAMNE la société PRODWARE aux dépens de l'instance ;

LA CONDAMNE également à payer sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile une somme de 1.000 € (mille euros) à la S.A.S. Compagnie IBM France et une somme de 2.000 € (deux mille euros) à Monsieur [D] [Z].

Arrêt signé par Madame THEATE, Présidente, et par Madame HAUGUEL, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE,LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13/03896
Date de la décision : 24/03/2016

Références :

Cour d'appel de Pau 3S, arrêt n°13/03896 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-03-24;13.03896 ?
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