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03/03/2016 | FRANCE | N°14/01220

France | France, Cour d'appel de Pau, Chambre sociale, 03 mars 2016, 14/01220


SG/SB



Numéro 16/00916





COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale







ARRÊT DU 03/03/2016







Dossier : 14/01220





Nature affaire :



Demande d'indemnités ou de salaires









Affaire :



SAS ELF EXPLORATION PRODUCTION



C/



[I] [W] épouse [A]































RÉPUBLIQUE FRANÇAISE





AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R Ê T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 03 Mars 2016, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.









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APRES DÉBATS

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SG/SB

Numéro 16/00916

COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 03/03/2016

Dossier : 14/01220

Nature affaire :

Demande d'indemnités ou de salaires

Affaire :

SAS ELF EXPLORATION PRODUCTION

C/

[I] [W] épouse [A]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 03 Mars 2016, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 07 Janvier 2016, devant :

Monsieur GAUTHIER, magistrat chargé du rapport,

assisté de Madame HAUGUEL, greffière.

Monsieur GAUTHIER, en application des articles 786 et 910 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :

Madame THEATE, Présidente

Monsieur GAUTHIER, Conseiller

Madame COQUERELLE, Conseiller

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTE :

SAS ELF EXPLORATION PRODUCTION, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par la SCP PEROL RAYMOND KHANNA ET ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS

INTIMÉE :

Madame [I] [W] épouse [A]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Maître GARRETA, avocat au barreau de PAU

sur appel de la décision

en date du 04 MARS 2014

rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE PAU

RG numéro : 13/00156

LES FAITS, LA PROCÉDURE :

Madame [I] [W] épouse [A] a été employée en qualité d'agent de gestion, coefficient 403, par la société TOTAL, aux droits de laquelle vient la société Elf Exploration Production (la société), à la suite de la fusion absorption dans le cadre de laquelle l'employeur a établi le 23 décembre 1999 avec les organisations syndicales représentatives un « protocole d'accord sur l'aménagement des fins de carrière AFC 99 ».

Au début de l'année 2000 Mme [A] a demandé à bénéficier du dispositif de cessation anticipée d'activité et le 13 juin 2000 elle a signé un avenant à son contrat de travail pour un départ en dispense d'activité au 18 août 2001.

Son contrat de travail a pris fin le 31 mars 2009 et elle a perçu une indemnité de mise à la retraite d'un montant de 21.429,31 euros.

Le 18 avril 2013 elle a saisi le conseil de prud'hommes de Pau pour solliciter le solde de l'indemnité de mise à la retraite en application des dispositions du décret numéro 2008-715 du 18 juillet 2008 qui a modifié le calcul de l'indemnité légale de licenciement.

À défaut de conciliation le 14 mai 2013, l'affaire a été renvoyée devant le bureau de jugement.

Par jugement du 4 mars 2014, auquel il conviendra de se reporter pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, le conseil de prud'hommes de Pau (section industrie) a ainsi statué :

- Dit qu'il n'y a pas lieu à surseoir à statuer pour une bonne administration de la justice,

- juge recevables les demandes de Mme [A],

- condamne la société Elf exploration production à payer à Mme [A] la somme de 21.429,31 euros au titre du solde de l'indemnité de mise à la retraite,

- dit que cette somme portera intérêts au taux légal à compter de la notification du présent jugement,

- ordonne l'exécution provisoire de la présente décision au titre de l'article 515 du code de procédure civile,

- condamne la société Elf exploration production à payer à Mme [A] la somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens qui comprendront les frais éventuels d'exécution.

Par lettre recommandée avec avis de réception en date du 21 mars 2014 la société, représentée par son conseil, a interjeté appel du jugement.

DEMANDES ET MOYENS DES PARTIES :

La société, par conclusions écrites, déposées le 5 janvier 2016, reprises oralement à l'audience et auxquelles il convient de se référer, demande à la cour de :

Vu les articles 1134 du Code civil, L1121-1, L 1234-20 du code du travail et 377 378 du code de procédure civile,

vu les dispositions du protocole d'accord du 23 décembre 1999,

- dire que la société Elf exploration production est recevable et bien-fondée en son appel,

- dire que Mme [A] a signé son reçu pour solde de tout compte et ne l'a pas dénoncé dans le délai de 6 mois, en sorte que ses demandes sont aujourd'hui au regard de l'article L 1234-20 du code du travail, irrecevables,

- dire, en tout état de cause, que les demandes de Mme [A] sont mal fondées et les rejeter,

- dire que Mme [A] devra restituer la société Elf la somme de 21.429,73 euros qui lui a été réglée au mois d'avril 2014,

- débouter également Mme [A] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société soutient que les demandes sont irrecevables en application des dispositions de l'article L 1234-20 du code du travail, au motif que la salariée a retourné son reçu pour solde de tout compte le 11 mai 2009 avec la formule « reçu pour solde de tout compte », alors qu'à cette date les dispositions du décret du 18 juillet 2008 étaient connues, et n'a pas dénoncé ce reçu dans le délai de 6 mois, ne saisissant le conseil de prud'hommes que 4 ans plus tard, de sorte que le reçu pour solde de tout compte non dénoncé produit un effet libératoire.

La société considère qu'il ne peut lui être reproché, comme l'a fait le premier juge, de ne pas avoir indiqué sur le reçu pour solde de tout compte le délai de 6 mois pour le dénoncer alors que les dispositions de l'article L 1234-20 n'en font pas mention.

Elle fait valoir que :

- le reçu pour solde de tout compte précise que les différents éléments le constituant sont détaillés en annexe sur le duplicata du bulletin de paie ;

- le reçu a été établi en 2 exemplaires ;

- les modalités de calcul de l'IMR sont portées sur le bulletin de paie ;

- la salariée ne saurait prétendre ignorer la signification du sigle IMR qui figure à l'article 11 du protocole d'accord et en première page de l'avenant à son contrat de travail ;

- à la date de la signature du reçu le doublement de l'indemnité de mise à la retraite par l'effet de la loi du 25 juin 2008 et du décret du 18 juillet 2008 était connu au point que l'intimée se prévaut de lettres du 7 janvier 2009 faisant état de l'application des nouvelles dispositions légales et réglementaires ;

- en tout état de cause la société ne pouvait indiquer un autre montant que celui qui a été versé au terme du contrat de travail ;

La société considère qu'il existe une véritable question juridique à trancher qui soulève plusieurs difficultés, dont l'une est liée à l'imprévisibilité dans les contrats dans la mesure où lors de la signature du protocole AFC 99 le 23 décembre 1999 les parties, et notamment la société, ne pouvait prévoir que la législation concernant le calcul de l'indemnité légale de licenciement, comme de l'indemnité de mise à la retraite, allait changer 9 années plus tard ; l'autre posant la question de la sécurité juridique puisque cela revient à remettre en cause un dispositif contractuel qui forme un tout homogène et indivisible.

La société fait valoir, notamment, que le protocole d'accord signé entre la société et 4 organisations syndicales le 23 décembre 1999 était fondé sur la base du volontariat et impliquait que les bénéficiaires signent, après avoir pris connaissance de leurs droits, un avenant à leur contrat de travail ; le dispositif mis en place s'analyse comme un contrat à exécution successive et ne constitue pas une simple mise à la retraite mais un dispositif convenu à l'avance et accepté par le salarié dont l'équilibre ne peut se trouver modifié par un changement des dispositions légales et réglementaires.

La salariée a signé un avenant à son contrat de travail le 13 juin 2000 pour un départ en dispense d'activité fixée le 18 août 2001 ; cet avenant se réfère expressément au protocole d'accord ; il est très précisément stipulé que le terme du contrat prend la forme d'une mise à la retraite ; il s'agit donc bien d'une mise à la retraite acceptée par la salariée dès le 13 juin 2000 ; la salariée a souhaité bénéficier, dès son départ en dispense d'activité, de la quasi intégralité de l'indemnité de mise à la retraite (90 % du montant), sous forme d'un prêt, de sorte qu'elle était parfaitement informée de ses droits lorsqu'elle est partie en dispense d'activité, et cette indemnité a été prise en compte dans le bilan des revenus pendant sa dispense d'activité ; s'agissant d'un contrat à exécution successive, il était logique, pour apprécier les droits respectifs des parties, de tenir compte de la législation applicable au moment de la signature de l'avenant du contrat de travail ; le fait que la loi ait été modifiée - pour changer le mode de calcul de l'indemnité légale de licenciement et, partant, de l'indemnité de mise à la retraite - ne doit pas conduire à modifier l'économie du dispositif conçu par les partenaires sociaux.

Enfin, la société soutient que si certains salariés ont pu bénéficier, à tort, du nouveau calcul de l'indemnité de mise à la retraite, et ce par erreur, cela n'est pas créateur de droit pour la salariée.

La salariée, par conclusions écrites, déposées le 4 janvier 2016, reprises oralement à l'audience et auxquelles il convient de se référer, demande à la cour de :

- Rejeter la fin de non-recevoir tirée du reçu pour solde de tout compte,

- déclarer par voie de conséquence recevables ses demandes,

vu les articles L 1237-7 et R 1234-2 du code du travail (décret du 18 juillet 2008),

- confirmer le jugement dont appel, en ce qu'il a condamné la société Elf exploration production à lui payer la somme de 21.429,31 euros au titre du solde de l'indemnité de mise à la retraite avec intérêts au taux légal à compter de la présente demande,

- réformant sur ce point la décision rendue,

- dire que les intérêts échus par année entière porteront eux-mêmes intérêts,

- constater subsidiairement que la société Elf exploration production s'est rendue auteur, à son égard d'une véritable discrimination en raison de l'inégalité de traitement qui lui a été réservée à l'endroit du versement de l'indemnité de mise à la retraite,

- condamner la société au paiement de la somme de 21.429,31 euros en réparation du préjudice par elle subi de ce chef,

- condamner la société à lui payer une somme complémentaire de 3.500 euros au titre de l'article 700 du CPC, et aux dépens.

Sur la fin de non-recevoir, la salariée soutient que ses demandes sont recevables aux motifs que : le reçu pour solde de tout compte n'a d'effet libératoire que pour les seules sommes qui y sont mentionnées ; le reçu pour solde de tout compte fait référence à une somme globale d'un montant de 3.872,20 euros et renvoie aux éléments détaillés en annexe, c'est-à-dire un duplicata du bulletin de paie, cette somme étant supposée solder le paiement des salaires, des accessoires de salaire et toute indemnité quels qu'en soient la nature et le montant ; il n'est pas expressément indiqué que ce reçu a été fait en double exemplaire, alors qu'il s'agit d'une existence légale substantielle (article D1234-7 du code du travail) ; le bulletin de paie auquel il est fait référence ne précise pas la période à laquelle les sommes se rapportent alors même que sont opérées des compensations entre diverses sommes, y compris d'un remboursement d'un prêt totalement indépendant de l'indemnité de mise à la retraite litigieuse, de sorte qu'elle n'a pas pu apprécier précisément l'étendue de ses droits ; en toute hypothèse, les demandes qu'elle forme ne sont pas mentionnées dans le reçu du solde de tout compte et ne sont donc pas concernées par l'effet libératoire de celui-ci ; au moment de la signature du reçu elle n'était pas en mesure d'apprécier l'étendue de ses droits, n'ayant pu apprécier les conséquences des nouvelles dispositions réglementaires applicables ; cette incertitude résulte également du fait que certains salariés ont bénéficié spontanément des dispositions plus favorables de la loi.

Sur le fond, la salariée fait valoir que : l'indemnité de licenciement et l'indemnité de départ en retraite sont de nature juridique distincte ; le calcul de l'indemnité de retraite est opéré en fonction des textes légaux ou conventionnels applicables au moment du départ ; l'indemnité de mise à la retraite est une indemnité légale dont le montant doit être déterminé par référence à la loi applicable à la date de son exigibilité ; le montant de cette indemnité qui figure sur le bulletin de salaire du mois d'octobre 2009 est de la moitié du montant de l'indemnité à laquelle elle pouvait prétendre en raison de nouvelles dispositions réglementaires applicables depuis le 18 juillet 2008.

Sur la discrimination : la salariée soutient qu'en refusant d'appliquer les nouvelles dispositions à son égard, et ce de manière discrétionnaire, tandis que d'autres salariés placés dans une situation identique en ont bénéficié, l'employeur s'est rendu auteur d'une véritable discrimination résultant notamment de l'atteinte au principe d'égalité.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

L'appel, interjeté dans les formes et délais prescrits par la loi, sera déclaré recevable en la forme.

Sur la recevabilité des demandes :

Aux termes de l'article L1234-20 du code du travail (Modifié par la loi numéro 2008-596 du 25 juin 2008-article 4) :

Le solde de tout compte, établi par l'employeur et dont le salarié lui donne reçu, fait l'inventaire des sommes versées au salarié lors de la rupture du contrat de travail.

Le reçu pour solde de tout compte peut être dénoncé dans les six mois qui suivent sa signature, délai au-delà duquel il devient libératoire pour l'employeur pour les sommes qui y sont mentionnées.

L'article D1234-7 (créé par décret numéro 2008-244 du 7 mars 2008) du même code, dispose que le reçu pour solde de tout compte est établi en double exemplaire, que mention en est faite sur le reçu et que l'un des exemplaires est remis au salarié.

Il est bien question de sommes, et non pas de nature des sommes.

Ce qui signifie que passé le délai de 6 mois le salarié n'est plus recevable à contester les sommes mentionnées sur le reçu. Ainsi, par exemple, s'il est fait état d'une somme de 10.000 euros au titre de telle créance, le salarié n'est pas recevable, au-delà de ce délai de 6 mois, à prétendre qu'il a reçu, au titre de cette créance, non pas la somme de 10.000 euros, mais une somme, moindre, d'un autre montant.

Le reçu pour solde de tout compte se distingue, et doit se distinguer, d'un simple bulletin de paie, quand bien même il s'agirait du dernier bulletin de salaire reçu au moment du départ du salarié de l'entreprise, y compris si le bulletin de paie est signé par le salarié, de sorte que le renvoi par le reçu au bulletin de salaire annexé ne remplit pas les conditions qui lui sont fixées par la loi qui dispose que le reçu pour solde de tout compte doit faire l'inventaire des sommes versées. En effet, l'inventaire consiste à énumérer de manière précise et détaillée les sommes versées, et cet inventaire doit être consigné sur le reçu pour solde de tout compte lui-même, lequel est précisément constitué par cet inventaire.

La distinction entre le reçu pour solde de tout compte et le bulletin de salaire, ressort notamment du régime de la preuve applicable dans le cas de contestation de l'une ou de l'autre, et du délai de prescription applicable dans chaque cas, en ce que les sommes figurant sur le bulletin de salaire ne suffisent pas à établir leur versement effectif au salarié et, si ce dernier conteste avoir perçu les sommes qui figurent sur son bulletin de salaire, contestation possible dans le délai de prescription de 5 ans, il appartient à l'employeur de rapporter la preuve de ce paiement, en application des dispositions de l'alinéa 2 de l'article 1315 du Code civil.

Alors que, si une somme apparaît, par exemple au titre du salaire, comme ayant été versée au salarié et mentionnée dans l'inventaire qui figure sur le reçu pour solde de tout compte, alors, d'une part dans le cas d'une contestation dans le délai de 6 mois il appartient au salarié de prouver qu'il n'a pas perçu la dite somme, et d'autre part après l'expiration du délai de 6 mois, il ne sera plus recevable à contester la réalité de la perception de cette somme.

Le fait pour un salarié de prétendre qu'il n'a pas perçu le montant exact de la somme figurant sur le reçu pour solde de tout compte, à tel titre, ne s'identifie pas au fait pour le salarié de prétendre qu'il n'a pas perçu l'intégralité des sommes qui lui étaient dues à ce titre.

Ce qui signifie que sans contestation dans le délai de 6 mois, le salarié ne pourra pas prétendre n'avoir pas perçu telle somme figurant pour tel titre sur le reçu pour solde de tout compte, mais pourra prétendre qu'à ce titre l'intégralité des sommes qui lui étaient dues ne lui a pas été payée.

En l'espèce, le reçu pour solde de tout compte litigieux, établi au nom de la salariée et signé par celle-ci le 11 mai 2009, est ainsi rédigé :

« reconnais avoir reçu de la société Elf exploration production, mon ex employeur :

mon certificat de travail et pour solde de tout compte la somme de 3872,20 euros en paiement des salaires, des accessoires de salaire et de toute indemnité quels qu'en soient la nature et le montant qui m'étaient dus au titre de l'exécution et de la cessation de mon contrat de travail.

Ces différents éléments sont détaillés en annexe du présent reçu pour solde de tout compte sur le duplicata du bulletin de paie », mentions suivies de la date, de la mention manuscrite « reçu pour solde de tout compte », et de la signature de la salariée.

Au bas de ce document apparaît la mention de l'établissement de 2 exemplaires.

La société produit 3 duplicata de bulletins de salaire : le duplicata du salaire du mois de mars 2009, composé de 2 feuilles et le duplicata du mois d'avril 2009, composé d'une feuille, dont le montant net payé est celui qui figure sur le reçu pour solde de tout compte, soit 3872,20 euros.

Sur le duplicata du bulletin de salaire du mois d'avril 2009 apparaissent les rubriques suivantes :

IMR/dispense d'activité. (À payer : 21.429,31).

Prêt protocole AFC 99. (À déduire : 15.244,90).

Intérêts S/prêt prot. AFC 99. (À déduire : 2.312, 21).

Aucun de ces duplicata ne comporte une mention manuscrite apposée par la salariée de nature à justifier qu'elle aurait reçu, en même temps que le reçu pour solde de tout compte, ledit duplicata.

Il ressort de ces éléments que :

- le document « reçu pour solde de tout compte » ne comporte qu'une somme globale (3.872,20 euros) sans aucun inventaire détaillé des sommes payées ;

- le détail des sommes payées apparaît sur le bulletin de paie du mois d'avril 2009 sans qu'il soit établi qu'il s'agit du bulletin annexé au « reçu pour solde de tout compte ».

Il résulte de cela que :

- « le reçu pour solde de tout compte » n'a pas été établi conformément aux dispositions légales dans la mesure où il n'y figure qu'une somme globale sans aucun inventaire énumérant de façon précise et détaillée les sommes versées ;

- le fait d'annexer à ce reçu un bulletin de salaire, plus précisément un duplicata du bulletin de salaire, sur lequel figure la somme litigieuse versée n'est pas de nature à constituer « le reçu pour solde de tout compte » tel qu'il doit être établi conformément à la loi, et alors que, en outre, la partie de ce bulletin de salaire ne comporte pas la mention manuscrite apposée par la salariée et qui par conséquent et en tout état de cause ne saurait valoir ni reçu pour solde de tout compte, ni document valable comme complétant le reçu et susceptible de lui conférer effet libératoire ;

- la salariée ne conteste pas avoir perçu la somme qui figure et est rappelée sur son bulletin de salaire, mais conteste que la nature de sa créance a été intégralement remplie par le versement de cette somme, de sorte qu'elle est recevable à revendiquer la partie qu'elle prétend ne lui avoir pas été payée.

Par conséquent, il y a lieu de dire que le « reçu pour solde de tout compte » litigieux n'a pas d'effet libératoire à l'égard de la somme revendiquée par la salariée comme complément de son indemnité de mise à la retraite, de sorte que sa demande sera dite recevable.

Sur le fond :

Aux termes de l'article L1237-7 du code du travail, la mise à la retraite d'un salarié lui ouvre droit à une indemnité de mise à la retraite au moins égale à l'indemnité de licenciement prévue à l'article L. 1234-9.

L'article L1237-9 dispose que tout salarié quittant volontairement l'entreprise pour bénéficier d'une pension de vieillesse a droit à une indemnité de départ à la retraite.

Le taux de cette indemnité varie en fonction de l'ancienneté du salarié dans l'entreprise. Ses modalités de calcul sont fonction de la rémunération brute dont il bénéficiait antérieurement. Ce taux et ces modalités de calcul sont déterminés par voie réglementaire.

Ces modalités de calcul ont été fixées par les articles D.1237-1 et suivants du même code, issus du décret numéro 2008-244 du 7 mars 2008.

Il résulte de ces dispositions que le montant de l'indemnité de mise à la retraite due au salarié est déterminé par les dispositions en vigueur au jour de la rupture du contrat de travail résultant de la mise à la retraite, peu important que celle-ci ait été précédée d'un accord entre l'employeur et le salarié organisant la suspension du contrat de travail et ouvrant droit à des avantages particuliers.

En l'espèce, la salariée a fait valoir ses droits à la retraite le 31 mars 2009, de sorte que le montant de son indemnité de mise à la retraite était déterminé par les dispositions en vigueur à cette date, peu important que lesdites dispositions soient intervenues postérieurement à son adhésion au dispositif de cessation anticipée d'activité laquelle ne constituait pas la rupture de son contrat de travail dans la mesure où elle restait dans les effectifs de l'entreprise, ni ne constituait a fortiori une mise à la retraite.

Le jugement du conseil de prud'hommes sera donc confirmé en ce qu'il a fait droit aux demandes de Mme [A] sur le montant de l'indemnité de mise à la retraite de 21.429,31 euros.

Sur l'application de l'article 1154 du Code civil :

Les seules conditions apportées par l'article 1154 du Code civil pour que les intérêts échus des capitaux produisent des intérêts sont que la demande en ait été judiciairement formée et qu'il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière.

Mme [A] a régulièrement demandé la capitalisation des intérêts il y a lieu de dire celle-ci de droit et ainsi faire application des dispositions de l'article 1154 du Code civil.

Sur les articles 696 et 700 du code de procédure civile :

La société, partie perdante, sera condamnée aux entiers dépens et à payer à la salariée la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, par mise à disposition au greffe,

REÇOIT l'appel formé le 21 mars 2014 par la société Elf Exploration Production,

REJETTE le moyen de l'irrecevabilité des demandes tiré du « reçu pour solde de tout compte », soulevé par la société Elf Exploration Production,

DIT que le « reçu pour solde de tout compte » n'a pas été établi conformément à la loi et est privé d'effet libératoire pour la nature de la somme comprise,

DÉCLARE recevables les demandes de Mme [A],

CONFIRME le jugement du 4 mars 2014 du conseil de prud'hommes de Pau (section industrie) en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

DIT que les intérêts dus au moins pour une année entière produiront intérêts en application des dispositions de l'article 1154 du Code Civil,

CONDAMNE la société Elf Exploration Production à payer à Mme [A] la somme de 1.000 euros (mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société Elf Exploration Production aux entiers dépens.

Arrêt signé par Madame THEATE, Présidente, et par Madame HAUGUEL, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE,LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 14/01220
Date de la décision : 03/03/2016

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-03-03;14.01220 ?
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