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03/03/2016 | FRANCE | N°14/00472

France | France, Cour d'appel de Pau, Chambre sociale, 03 mars 2016, 14/00472


MC/CD



Numéro 16/00919





COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale







ARRÊT DU 03/03/2016









Dossier : 14/00472





Nature affaire :



Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution















Affaire :



SA TOTAL



C/



[I] [C],



COMITÉ CENTRAL D'ENTREPRISE - UES AMONT TOTAL -


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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R Ê T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 03 Mars 2016, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au...

MC/CD

Numéro 16/00919

COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 03/03/2016

Dossier : 14/00472

Nature affaire :

Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution

Affaire :

SA TOTAL

C/

[I] [C],

COMITÉ CENTRAL D'ENTREPRISE - UES AMONT TOTAL -

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 03 Mars 2016, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 06 Janvier 2016, devant :

Madame THEATE, Président

Madame COQUERELLE, Conseiller

Madame FILIATREAU, Vice-Président placé, délégué en qualité de Conseiller par ordonnance du 7 décembre 2015

assistées de Madame HAUGUEL, Greffière.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTE :

SA TOTAL

[Adresse 2]

La Défense 6

[Localité 3]

Représentée par Maître DANGUY de la SCP DUALE-LIGNEY-MADAR-DANGUY, avocat au barreau de PAU

INTIMÉS :

Mademoiselle [I] [C]

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentée par Maître DUBOURDIEU, avocat au barreau de PAU

COMITÉ CENTRAL D'ENTREPRISE - UES AMONT TOTAL -

[Adresse 2]

La Défense 6

[Localité 2]

Représenté par Maître KAROUBI, avocat au barreau de PAU

sur appel de la décision

en date du 27 JANVIER 2014

rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE PAU

RG numéro : F13/00162

FAITS ET PROCÉDURE

Mlle [I] [C] a travaillé sous différents contrats en qualité de gestionnaire des activités sociales et culturelles du Comité Central d'Entreprise UES AMONT TOTAL entre le 28 avril 2008 et le 23 décembre 2011. Elle a successivement exercé ses fonctions dans le cadre des contrats suivants :

- du 28 avril 2008 au 29 août 2008': mission d'intérim avec ADIA, entreprise utilisatrice TOTAL,

- du 22 septembre 2008 au 31 août 2011': contrat de professionnalisation avec TOTAL,

- du 1er au 16 septembre 2011': mission d'intérim avec ADIA, entreprise utilisatrice TOTAL,

- du 19 septembre au 2 décembre 2011 et du 5 au 23 décembre 2011': mission d'intérim avec ADIA, entreprise utilisatrice Comité Central d'Entreprise UES AMONT TOTAL.

La salariée a été remplacée à compter du mois de janvier 2012 par une salariée de la filiale TEPF du groupe TOTAL, et ce dans le cadre d'un reclassement en vue de la fermeture de cette filiale.

Par demande réceptionnée le 23 avril 2013, Mlle [I] [C] a saisi le conseil de prud'hommes de Pau aux fins de requalification des relations contractuelles en contrat à durée indéterminée. Elle sollicitait qu'il soit dit que la rupture du contrat de travail intervenue le 23 décembre 2011 doit s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et que la SA TOTAL et le CCE UES AMONT TOTAL soient solidairement condamnés au paiement des sommes suivantes :

9'589,30 euros au titre de l'indemnité de requalification,

3'196,46 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 319,65 euros au titre de l'indemnité de congés payés y afférente,

1'598,23 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés,

1'305,23 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

28'768 euros à titre de dommages et intérêts en raison du caractère abusif de la rupture du contrat de travail.

Le tout assorti des intérêts au taux légal à compter de la date de citation en justice pour les créances de nature salariale et à compter de la réception de la notification de la décision à intervenir pour les créances en dommages et intérêts.

Elle sollicitait, en outre, l'établissement et la remise de bulletins de salaire et de documents de fin de contrat rectifiés ainsi qu'une indemnité de 1'500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement contradictoire en date du 27 janvier 2014, auquel il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions initiales des parties et des moyens soulevés, le conseil de prud'hommes de Pau, section « activités diverses » a statué comme suit :

- dit qu'il n'y a pas lieu à condamnation « in solidum » et que TOTAL SA était le seul employeur de Mlle [C],

- dit que le CCE UES AMONT TOTAL est mis hors de cause,

- requalifie le contrat de travail à durée déterminée débuté le 28 avril 2008 en contrat à durée indéterminée,

- dit que la rupture en date du 23 décembre 2011 s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamne la SA TOTAL à verser à Mlle [C], dont la moyenne mensuelle de salaire était de 1'598,23 euros :

9'589 euros à titre d'indemnité de requalification,

3'196,46 euros à titre de préavis,

319,65 euros à titre de congés payés sur préavis,

1'305,23 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

9'589 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- ordonne la remise des documents sociaux rectifiés,

- déboute Mlle [C] de sa demande de congés payés,

- dit que les sommes allouées porteront intérêts au taux légal à compter de la citation en justice pour les créances de nature salariale et à compter de la réception de la notification du jugement pour les créances en dommages et intérêts,

- condamne la SA TOTAL à rembourser à Pôle Emploi les allocations chômage versées à Mlle [C] dans la limite d'un mois,

- déboute la SA TOTAL de sa demande reconventionnelle,

- condamne la SA TOTAL à payer à Mlle [C] la somme de 1'500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration au guichet unique de greffe du palais de justice de Pau le 5 février 2014, la SA TOTAL a interjeté appel à l'encontre de ce jugement qui lui a été notifié le 29 janvier 2014.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions enregistrées au greffe de la chambre sociale sous la date du 5 janvier 2016, reprises oralement à l'audience du 6 janvier 2016, la SA TOTAL conclut à l'infirmation du jugement déféré, au rejet de l'intégralité des prétentions de la partie adverse et à sa condamnation à lui verser une indemnité de 2'000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Elle considère qu'il n'y a pas lieu à requalification des contrats.

A l'appui de ses prétentions, la SA TOTAL fait valoir que les premiers juges ont fait une mauvaise interprétation des termes du protocole d'accord signé entre la direction de la société TOTAL et les organisations syndicales, protocole relatif au fonctionnement des CE et du CCE. Ce protocole s'inscrit dans le cadre de l'article L. 2135-7 du code du travail qui autorise la mise à disposition de salariés auprès d'organisations syndicales ou d'associations d'employeurs.

En l'occurrence, dans un souci d'égalité entre les salariés de l'entreprise et ceux du CCE, il a été convenu que les salariés permanents du CCE seraient des salariés détachés de l'entreprise et ce pour leur permettre d'avoir une évolution de carrière plus dynamique. Les salariés permanents du CCE sont donc des salariés de la société TOTAL détachés en contrat à durée indéterminée. Cette solution a été privilégiée à celle de l'embauche directe de son personnel par le CCE. Cependant, aux termes de l'article 7.2 du protocole, la société TOTAL prend en charge les moyens administratifs normaux, et c'est dans ce cadre qu'elle gère pour le compte du CCE les relations avec les entreprises de travail temporaire quand le besoin de remplacement se fait sentir. C'est la raison pour laquelle elle a eu recours à l'entreprise de travail temporaire ADIA lorsque le CCE lui a fait valoir qu'il devait faire face à un surcroît occasionnel d'activité au printemps et à l'été 2008.

La société TOTAL souligne que cette organisation n'a pas pour effet que le CCE, qui est doté de la personnalité juridique, ne puisse avoir recours directement à du personnel temporaire, notamment en cas de désaccord sur les besoins en personnel. Effectivement, il gère son patrimoine, a la liberté de recruter son personnel et peut agir en justice. Ainsi, le CCE a eu directement recours à l'entreprise de travail temporaire ADIA pour les contrats de mission de Madame [C] du 19 septembre au 2 décembre 2011 et pour le contrat du 5 décembre au 23 décembre 2011. Madame [C] n'a jamais fait partie du personnel permanent de la société TOTAL détaché auprès du CCE, elle n'a été embauchée par la société TOTAL que pour le contrat de professionnalisation signé le 12 septembre 2008, contrat à durée déterminée parfaitement régulier et conclu en application des dispositions de l'article L. 1242-5 du code de travail pour une période du 22 septembre 2008 au 21 septembre 2010, ce contrat s'étant effectivement exécuté au sein du CCE sous le tutorat de Madame [M] et ayant pour objectif de permettre à Mlle [C] de se qualifier et de rechercher in fine un emploi au sein d'une PME. Mlle [C] ayant échoué aux épreuves du BTS, un nouveau contrat de professionnalisation lui a été proposé, sur sa demande.

Ces contrats de professionnalisation ont été parfaitement réguliers et conformes aux dispositions légales.

La société TOTAL précise, que contrairement à ce que soutient Mlle [C], celle-ci n'a pas exercé le même emploi, sur le même poste de travail entre avril 2008 et décembre 2011. Effectivement, la première mission d'intérim de 5 mois était destinée à pallier un surcroît d'activité de CCE en 2008, d'avril à septembre, lié à la gestion des séjours jeunesse. En revanche, le contrat de professionnalisation accordé a été effectué sous l'égide d'un tuteur, Mlle [C] exerçant essentiellement une activité d'employée comptable.

En conséquence, selon la société TOTAL, la requalification des contrats revendiquée est impossible puisque les premiers contrats d'intérim souscrits l'ont été par elle mais en qualité de mandataire du CCE UES AMONT, les derniers contrats d'intérim ayant été directement souscrits par le CCE.

Par conclusions enregistrées au greffe de la chambre sociale sous la date du 4 janvier 2016, reprises oralement à l'audience, Mlle [I] [C] sollicite la confirmation du jugement déféré, la requalification de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée et la qualification de la rupture du contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse avec pour conséquence paiement des indemnités de rupture.

Sur appel incident, elle sollicite, en outre :

La condamnation de la société TOTAL au paiement d'une somme supplémentaire de 19'179 euros nets (12 mois) à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L. 1235-3 du code du travail.

La condamnation de la société TOTAL in solidum avec le CCE UES AMONT TOTAL.

La condamnation de la société TOTAL à lui payer une somme de 2'500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Mlle [C] expose qu'elle a travaillé en qualité de « gestionnaire d'activités sociales et culturelles » au sein de CCE UES AMONT TOTAL, sans interruption du 28 avril 2008 au 23 décembre 2011 sous couvert de statuts successifs différents': contrats de travail temporaire en intérim, contrat de professionnalisation puis à nouveau contrats de travail en intérim. Elle précise qu'elle avait déjà travaillé auparavant au sein de la société TOTAL (détachement CCE) sous couvert de contrats précaires et ce dans les années 2002, 2003, 2004 et 2007.

Elle fait valoir que dans le cadre de l'ensemble des contrats conclus depuis le 28 avril 2008 jusqu'au 23 décembre 2011, seuls contrats concernés par le litige, elle a toujours exercé le même emploi sur le même poste de sorte qu'elle est en droit d'estimer qu'elle occupait un emploi permanent et pérenne sur lequel elle a été remplacée à compter du mois de janvier 2012 dans le cadre d'un reclassement en vue de la fermeture d'une filiale.

Elle considère qu'il y a lieu à condamnation in solidum du CCE et de la société TOTAL, personnes morales juridiques, coauteurs de la situation illicite ayant porté préjudice à sa situation professionnelle et personnelle. Effectivement, la seule condition pour une telle condamnation réside dans le fait que le dommage doit être indivisément causé par une ou plusieurs fautes communes.

Sur la requalification, elle fait valoir qu'elle a travaillé en qualité de'« gestionnaire des activités sociales ou culturelles »' au sein du CCE UES AMONT TOTAL pendant 44 mois dont 8 mois sous couvert de contrats d'intérim, la période d'intérim n'ayant été interrompue que par une période de CDD de professionnalisation pendant 3 ans'; elle précise que ces contrats d'intérim portent tous la mention au titre du motif et de la justification du recours à l'intérim d'un «'accroissement temporaire d'activité'». Elle estime ainsi, qu'elle a bien occupé, à temps plein, pendant 4 ans un emploi permanent, durable et pérenne qui, en outre, a été pourvu dès son départ de l'entreprise en décembre 2011 par une salariée bénéficiant d'un contrat à durée indéterminée, et le fait que dans le cadre des deux derniers contrats d'intérim, ce soit le CCE qui soit l'entreprise utilisatrice, donc l'employeur, n'ait aucune incidence sur l'analyse de la situation, la requalification étant parfaitement justifiée.

Mlle [I] [C] indique qu'elle produit des attestations de salariés de CCE qui établissent le caractère normal et régulier de ses activités'; qu'en outre, le descriptif des tâches élaborées par le CCE à propos du poste occupé est identique en ce qui la concerne et en ce qui concerne la salariée qui l'a remplacée.

Elle considère, ainsi, qu'il y a eu une violation manifeste des dispositions légales d'ordre public qui limitent les cas de recours possibles au contrat de travail temporaire et au contrat à durée déterminée. Le motif porté sur les contrats, «'accroissement temporaire d'activité'» ne correspond pas à la réalité. Dès lors, il y a lieu de faire application des dispositions de l'article L. 1251-40 du code du travail avec les conséquences juridiques légales qui s'ensuivent.

Elle sollicite confirmation des montants alloués par le conseil de prud'hommes au titre de l'indemnité de requalification et des indemnités de rupture. Concernant sa demande de dommage et intérêts, elle estime que compte tenu du caractère brutal de la cessation de son contrat de travail alors qu'elle pouvait légitimement espérer une embauche à durée indéterminée, compte tenu de son ancienneté et de son implication très forte dans l'entreprise, l'indemnisation du préjudice doit intervenir au-delà des 6 mois de salaire alloués par le conseil de prud'hommes.

Par conclusions enregistrées au greffe de la chambre sociale sous la date du 5 janvier 2016, reprises oralement à l'audience du 6 janvier 2016, le CCE UES AMONT TOTAL conclut à la confirmation du jugement déféré en ce qui concerne sa mise hors de cause.

Subsidiairement, il sollicite que la partie adverse soit déboutée de ses demandes de requalification et d'indemnités au titre de la requalification et du licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Plus subsidiairement, il considère qu'il ne doit y avoir lieu à requalification qu'à compter du 19 septembre 2011 et non à compter du 28 avril 2008'; qu'en conséquence, il convient de fixer l'ancienneté de la salariée à son égard à 3 mois et 4 jours de sorte qu'il convient de limiter l'indemnité de requalification à un mois de salaire, l'indemnité compensatrice de préavis à la somme de 939,33 euros et l'indemnité sur le fondement de l'article L. 1235-5 du code du travail à une somme correspondant à un mois de salaire et de débouter la salariée de sa demande au titre de l'indemnité de licenciement.

Le CCE UES AMONT TOTAL sollicite, en outre, une indemnité de 1'500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le CCE UES AMONT TOTAL rappelle qu'il a employé Mlle [C] dans le cadre de deux missions intérim du 19 septembre 2011 au 2 décembre 2011 puis du 5 décembre 2011 au 23 décembre suivant sur un motif de l'accroissement temporaire d'activité et en qualité d'assistante de gestion.

Il fait valoir que Mlle [C] est défaillante quant à la charge de la preuve qui lui incombe quant à un manquement de sa part à ses obligations et quant à l'existence d'un concert frauduleux entre le CCE TOTAL et la société SA TOTAL. Effectivement, la salariée n'articule aucun moyen au soutien de son argumentation et l'existence des deux contrats d'intérim avec la société ADIA et l'exercice du tutorat des contrats de professionnalisation par une salariée de CCE, elle-même détachée par la société TOTAL ne suffit pas à établir l'existence d'une concertation frauduleuse alors que chacun des contrats comporte un motif répondant aux exigences de l'article L. 1251-5 du code du travail.

De même, la solidarité ne se présumant pas, Mlle [C] doit justifier des raisons pour lesquelles elle demande une condamnation in solidum': les deux entreprises ne sont pas soumises aux mêmes contraintes et en l'absence de collusion frauduleuse aucune condamnation in solidum ne peut intervenir.

Le CCE TOTAL précise que ses activités et celles de la société TOTAL sont entièrement distinctes et que leur indépendance juridique est incontestable. En tout état de cause, les demandes indemnitaires et en requalification de Mlle [C] ne peuvent s'apprécier qu'au regard de seuls contrats correspondant à la période durant laquelle il a été entreprise utilisatrice, les autres contrats ayant été conclus par la société TOTAL.

Concernant les deux seuls contrats d'intérim conclus pour le mois de décembre 2011, le CCE TOTAL considère que ces contrats, dont le motif est expressément visé, à savoir, l'accroissement temporaire de l'activité, sont parfaitement réguliers et répondent aux exigences posées par le code du travail. Concernant le délai de carence à respecter entre la signature de deux contrats successifs, il relève que le non-respect de ce délai n'est pas sanctionné par les dispositions de l'article L. 1251-40 du code de travail qui prévoit la requalification du contrat de travail temporaire en contrat de travail à durée indéterminée.

En outre, et avant de bénéficier de ces deux contrats en intérim, Mlle [C] a bénéficié de deux contrats de professionnalisation à durée déterminée conclus avec la société TOTAL dont la régularité n'est pas contestée.

A titre subsidiaire, si la requalification devait être retenue, le CCE TOTAL considère que, les premiers contrats d'intérim et les contrats de professionnalisation ayant été signés avec la société TOTAL, seuls les deux derniers contrats de mission doivent être pris en considération ce qui limite l'ancienneté de la salariée à 3 mois et 4 jours de sorte que les indemnités réclamées doivent être réduites en fonction de celle-ci.

La Cour se réfère expressément aux conclusions ci-dessus pour un plus ample exposé des moyens de fait et de droit développés par les parties.

MOTIVATION

L'appel, interjeté dans les formes et les délais prévus par la loi, est recevable en la forme.

Sur la demande de requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée :

L'article L. 1251-1 du code du travail énonce que « le recours au travail temporaire a pour objet la mise à disposition temporaire d'un salarié par une entreprise de travail temporaire au bénéfice d'un client utilisateur pour l'exécution d'une mission.

Chaque mission donne lieu à la conclusion':

1° d'un contrat de mise à disposition entre l'entreprise de travail temporaire et le client utilisateur dit « entreprise utilisatrice »

2° d'un contrat de travail dit « contrat de mission'» entre le salarié temporaire et son employeur, l'entreprise de travail temporaire'».

L'article L. 1251-5 du code du travail prévoit que « le contrat de mission, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice'».

L'article L. 1251-6 du même code précise que « sous réserve des dispositions de l'article L. 1251-7, il ne peut être fait appel à un salarié temporaire que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire dénommée « mission » et seulement dans les cas suivants':

1° remplacement d'un salarié,

2° accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise.

Enfin, l'article L. 1251-40 sanctionne le non-respect des dispositions des articles L. 1251-5 à L. 1251-7, L. 1251-10 à L. 1251-12 et L. 1251-30 et L. 1251-35 par la requalification du contrat en contrat à durée indéterminée prenant effet au premier jour de la mission irrégulière.

En l'espèce, il est constant que Mlle [C] a travaillé dans le cadre des contrats de travail suivants':

1° ) contrat de mission du 28 avril au 29 août 2008 en qualité de «'secrétaire agent administratif, coefficient 200'», l'entreprise utilisatrice étant la société TOTAL et le motif du recours au contrat d'intérim résidant dans un accroissement temporaire d'activité « lié à la gestion des séjours jeunesse été/secrétariat /caisse d'entraide, gestion des appels à cotisation'». Le salaire est fixé à 1'721,45 euros mensuels outre une prime de 13ème mois ;

2°) contrat de professionnalisation du 22 septembre 2008 au 21 septembre 2010 signé avec la société TOTAL. L'emploi est classifié « employée comptable 2ème échelon A, coefficient 170'», pour un salaire de 1'321,02 euros, la conclusion de ce contrat ayant pour objet l'acquisition de la qualification BTS AG PME ;

3°) contrat de professionnalisation du 22 septembre 2010 au 31 août 2011 signé avec la société TOTAL. L'emploi est classifié « employée comptable 2ème échelon A, coefficient 170 » pour un salaire de 1'357,88 euros, la conclusion de ce contrat ayant pour objet la préparation de la classification suivante : BTS assistante de gestion PME/PMI ;

4°) contrat de mission du 1er au 16 septembre 2011 en qualité de « assistante de gestion, coefficient 215'», l'entreprise utilisatrice étant la société TOTAL et le motif du recours au contrat d'intérim résidant dans un accroissement temporaire d'activité « lié à la rentrée scolaire et aux préparatifs des activités de fin d'année du CC ». Le salaire est fixé à 1'938,34 euros outre une prime de 13ème mois ;

5°) contrat de mission du 19 septembre au 2 décembre 2011 en qualité de «'assistante de gestion, coefficient 215'», l'entreprise utilisatrice étant la CCE UES AMONT TOTAL et le motif du recours au contrat d'intérim résidant dans un accroissement temporaire d'activité « dû à l'activité séjour colonies de vacances Toussaint ainsi que le bilan séjour été à terminer dans les délais'». Le salaire est fixé à 1'938,34 euros outre une prime de 13ème mois ;

6°) contrat de mission du 5 au 23 décembre 2011 en qualité de «'assistante de gestion, coefficient 215'», l'entreprise utilisatrice étant le CCE UES AMONT TOTAL et le motif du recours au contrat d'intérim résidant dans un accroissement temporaire d'activité «' dû à l'activité préparation de Noël à terminer dans les délais'». Le salaire est fixé à 1'938,34 euros, outre une prime de 13ème mois.

Il en résulte que Mlle [C] a signé 6 contrats de travail, dont la requalification en contrat de travail à durée indéterminée est réclamée, à savoir quatre contrats de mission avec la société d'intérim ADIA dont deux avec comme entreprise utilisatrice la société TOTAL, les deux autres avec comme entreprise utilisatrice le CCE UES AMONT TOTAL et deux contrats de professionnalisation signés avec la société TOTAL.

Mlle [I] [C] prétend qu'elle a travaillé sans interruption en qualité de gestionnaire des activités sociales et culturelles au sein du CCE UES AMONT TOTAL pendant 44 mois dont 8 mois sous couvert de contrats d'intérim, la période d'intérim ayant été interrompue par une période de contrat à durée déterminée de professionnalisation pendant trois ans à savoir du 22 septembre 2008 au 31 août 2011.

Il est acquis aux débats que pendant près de cinq mois, à savoir du 28 avril 2008 au 24 septembre 2008, Mlle [C] a bénéficié d'un premier contrat d'intérim conclu entre la société TOTAL et l'agence de travail temporaire ADIA pour une mise à disposition du CCE UES AMONT TOTAL, le motif en étant un accroissement temporaire d'activité lié à la gestion de « séjours jeunesse été », au secrétariat de la caisse d'entraide du CCE et à la gestion des appels à cotisations'; qu'elle a bénéficié d'un second contrat de même nature sous le même motif d'une durée de 15 jours, l'accroissement d'activité temporaire étant lié cette fois ci à la rentrée scolaire et aux préparatifs des activités de fin d'année du CCE.

S'agissant de l'accroissement temporaire d'activité, il appartient à l'employeur de prouver, à la fois, la réalité de cet accroissement mais, également, son caractère temporaire.

La régularité formelle des deux contrats de mission n'est pas contestée.

En l'espèce, les motifs invoqués par la société TOTAL, à savoir « la gestion des séjours été, le secrétariat de la caisse d'entraide du CCE' la rentrée scolaire et les préparatifs des activités de fin d'année du CCE » visent bien une augmentation inhabituelle de son activité et ne peuvent être considérés comme correspondant à l'activité normale et permanente de l'entreprise. Ces motifs correspondant bien aux critères légaux d'une augmentation, certes prévisible, mais inhabituelle et non durable d'activité sont de nature à justifier le recours à du personnel temporaire.

En outre, il convient de relever que les deux contrats litigieux ne se sont nullement succédé dans le temps puisqu'ils ont été entrecoupés de deux contrats de professionnalisation dont la régularité n'est pas contestée. Ces contrats de professionnalisation se sont déroulés sur une période de trois années, l'un de septembre 2008 à septembre 2010, le second de septembre 2010 au mois d'août 2011, le premier contrat ayant été renouvelé du fait de l'échec de Mlle [C] aux épreuves de BTS et conformément aux dispositions de l'article L. 6325-7 du code de travail par la société TOTAL. Il est incontestable que ces contrats avaient un objet totalement différent des missions confiées dans le cadre du travail temporaire.

Effectivement, en vertu des dispositions de l'article L. 6325-1 du code du travail, le contrat de professionnalisation a pour objet de permettre d'acquérir une des qualifications prévues à l'article L. 6314-1 du code du travail et de favoriser l'insertion ou la réinsertion professionnelle. Il associe des enseignements généraux professionnels et technologiques.

En l'espèce, et concernant Mlle [I] [C], ces deux contrats se sont déroulés d'une part, sous le tutorat de Madame [M], d'autre part, sous celui de Madame [W] et ils avaient pour objectif de préparer Mlle [I] [C] à la qualification BTS, assistante de gestion PME/PMI et de lui permettre de rechercher un emploi. Ainsi, Mlle [I] [C] n'était pas présente dans l'entreprise en qualité de salariée, elle était là pour apprendre.

Mlle [I] [C] entrait bien dans les critères définis aux articles L. 6325-1 et suivants du code du travail. Cette action de professionnalisation pouvait parfaitement se dérouler au sein du CCE UES AMONT TOTAL en vertu du protocole d'accord signé entre la direction de la société TOTAL et les organisations syndicales.

Il en résulte que, contrairement à ce que soutient, Mlle [C], celle-ci n'a pu exercer le même emploi sur le même poste de travail entre avril 2008 et août 2011.

Il convient de rappeler que par la suite, Mlle [I] [C] a été employée par le CCE TOTAL dans le cadre de deux contrats de mission d'intérim sur le motif de l'accroissement temporaire d'activité en qualité d'assistante de gestion, soit du 19 septembre au 2 décembre 2011 (deux mois et 13 jours) et du 5 au 23 décembre 2011 (18 jours).

Les deux contrats font référence expressément à un accroissement temporaire de l'activité'; le premier a trait à « l'activité séjour colonies de vacances Toussaint ainsi qu'au bilan séjour été », le second « à la préparation de Noël ».

Le motif du recours au contrat de mission temporaire est clairement et précisément explicité conformément aux dispositions légales. Comme déjà indiqué ci-dessus, un utilisateur ne peut faire appel à des salariés intérimaires que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire et seulement dans les cas énumérés limitativement par la loi. La Cour ne peut que constater que tel est bien le cas, en l'espèce.

Mlle [C] soutient, ce qui est établi, aussi bien par la production aux débats des différents contrats signés que par les attestations émanant de Messieurs [O] et [Y] qu'elle a toujours exercé ses fonctions au sein du CCE UES AMONT TOTAL. Ce point n'est d'ailleurs nullement contesté. Cependant, les témoins ne font nulle référence aux contrats de professionnalisation ni au fait que pour les premiers contrats l'entreprise utilisatrice était la société TOTAL, moyennant mise à disposition parfaitement régulière, et que pour les derniers contrats, l'entreprise utilisatrice était le CCE UES AMONT TOTAL, ce dernier étant doté de la personnalité juridique et pouvant avoir lui-même directement recours à du personnel temporaire, notamment en cas de désaccord sur les besoins en personnel.

Enfin, Mlle [I] [C] ne peut se prévaloir de l'embauche d'une salariée par contrat à durée indéterminée pour pourvoir son poste suite à son départ dans la mesure où il résulte de la réunion extraordinaire du 13 décembre 2011 du Comité Central d'Entreprise de l'UES AMONT TOTAL que l'embauche d'une salariée par contrat à durée indéterminée résulte du fait du remplacement de deux salariés du CCE à temps plein par deux salariés venant du TEPF à temps partiel et le CCE ayant besoin d'un effectif à temps plein. Il ne s'agissait donc pas de pourvoir au remplacement de Mlle [I] [C] même si cette dernière aurait pu, éventuellement, bénéficier de ce poste dans l'hypothèse d'un avis favorable du comité.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que Mlle [I] [C] n'a pas, pendant presque 4 années exercé un emploi permanent, durable et pérenne'; même si le CCE UES AMONT TOTAL a bénéficié de ses prestations à compter du 28 avril 2008, les contrats signés sont de nature différente ainsi que les employeurs ; de même, les missions sont clairement définies et chacune d'entre-elles correspond à un besoin spécifique du CCE UES AMONT. Le recours aux services de Mlle [I] [C] ne constituait ainsi pas un mode de fonctionnement quotidien mais correspondait bien à un accroissement d'activité tout à fait conjoncturel.

Concernant le délai de carence, il y a lieu de relever que la violation des dispositions de l'article L. 1251-36 du code du travail n'est pas sanctionnée par le législateur par la requalification du contrat en contrat à durée indéterminée.

Aucune connivence frauduleuse entre la société TOTAL et le CCE UES AMONT TOTAL n'est établie'; le seul fait que la société TOTAL ait mis Mlle [I] [C] à disposition du CCE UES AMONT TOTAL pour deux missions d'intérim et dans le cadre des contrats de professionnalisation et que ce dernier ait, par la suite, directement recouru à ses services, ceci en pleine légalité, est insuffisant pour considérer les employeurs comme de mauvaise foi.

Dès lors, le jugement déféré sera infirmé sauf en ce qu'il a déclaré hors de cause le CCE UES AMONT TOTAL et Mlle [I] [C] sera déboutée de l'intégralité de ses prétentions.

Succombant, elle sera condamnée aux entiers dépens et déboutée de ses prétentions au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Cependant, il apparaît équitable de laisser à la société TOTAL et au CCE UES AMONT TOTAL la charge de leurs frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant contradictoirement, en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,

Infirme le jugement du conseil de prud'hommes de Pau du 27 janvier 2014 sauf en ce qu'il a mis hors de cause le CCE UES AMONT TOTAL et dit qu'il n'y avait pas lieu à condamnation in solidum,

Pour le surplus,

Statuant à nouveau,

Dit n'y avoir lieu à requalification des contrats de travail,

Déboute Mlle [I] [C] de l'ensemble de ses prétentions y compris celle sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

La condamne aux entiers dépens,

Déboute la société TOTAL ainsi que le CCE UES AMONT TOTAL de leurs prétentions au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Madame THEATE, Présidente, et par Madame HAUGUEL, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE,LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 14/00472
Date de la décision : 03/03/2016

Références :

Cour d'appel de Pau 3S, arrêt n°14/00472 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-03-03;14.00472 ?
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