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03/03/2016 | FRANCE | N°13/03495

France | France, Cour d'appel de Pau, Chambre sociale, 03 mars 2016, 13/03495


MC/CD



Numéro 16/00921





COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale







ARRÊT DU 03/03/2016









Dossier : 13/03495





Nature affaire :



Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution















Affaire :



Association ADAPEI 65



C/



[J] [M]















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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R Ê T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 03 Mars 2016, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Cod...

MC/CD

Numéro 16/00921

COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 03/03/2016

Dossier : 13/03495

Nature affaire :

Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution

Affaire :

Association ADAPEI 65

C/

[J] [M]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 03 Mars 2016, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 04 Janvier 2016, devant :

Madame THEATE, Président

Monsieur GAUTHIER, Conseiller

Madame COQUERELLE, Conseiller

assistés de Madame HAUGUEL, Greffière.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTE :

Association ADAPEI 65

prise en la personne de son représentant légal en exercice et Président domicilié ès qualités audit siège

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Maître JOURDAN, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMÉE :

Madame [J] [M]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par la SCP CLAVERIE/BAGET, avocats au barreau de PAU

sur appel de la décision

en date du 16 SEPTEMBRE 2013

rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE TARBES

RG numéro : F 13/00065

FAITS ET PROCÉDURE

Madame [J] [M] a signé avec l'ADAPEI, le 11 avril 1997, un contrat à durée indéterminée aux termes duquel elle était engagée, à compter du 1er avril 1997 en qualité d'aide-soignante pour travailler à raison de 84 h 30 mensuelles au foyer '[Établissement 2] d'[Localité 1].

Par courrier en date du 16 février 2000, l'ADAPEI informe Madame [J] [M] que suite à son souhait, il lui est accordé une augmentation de son temps de travail dont la durée mensuelle est désormais fixée à 97 h 07 avec de plus une augmentation d'indice. Madame [J] [M] donne son accord pour cette modification du contrat de travail.

Madame [J] [M] signe avec l'ADAPEI plusieurs avenants : le 16 décembre 2010, son temps de travail est porté à 113 h 75 mensuelles à compter du 5 juillet 2010 avec nouvelle augmentation de son indice'; le 13 juillet 2011 son temps de travail est désormais à temps complet.

Par lettre remise en main propre datée du 16 mars 2012, Madame [J] [M] est convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement. Une mise à pied à titre conservatoire est notifiée à la salariée dans ce même courrier.

Par lettre recommandée en date du 4 avril 2012, l'ADAPEI notifie ses reproches à Madame [J] [M] et lui propose en alternative à une mesure de licenciement, un poste d'aide-soignante en internat de jour dans un autre établissement, proposition que la salariée va refuser par lettre recommandée en date du 20 avril 2012.

Madame [J] [M] est licenciée pour faute grave par lettre recommandée du 25 avril 2012.

Contestant son licenciement, elle a saisi le conseil de prud'hommes de Tarbes le 2 août 2012 aux fins d'obtenir condamnation de son employeur à lui payer les montants suivants :

3'604 euros au titre de l'indemnité de compensatrice de préavis,

à recalculer par l'employeur : congés payés,

3'899 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

75'000 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

3'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement contradictoire en date du 16 septembre 2013, auquel il convient de se reporter pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions initiales des parties ainsi que des moyens soulevés, le conseil de prud'hommes de Tarbes, section « activités diverses'» a dit que le licenciement de Madame [J] [M] était dépourvu de cause réelle et sérieuse et a condamné l'association ADAPEI à lui payer les sommes suivantes':

3'604 euros au titre de l'indemnité de compensatrice de préavis,

3'899 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

11 000 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par lettre recommandée adressée au greffe et portant la date d'expédition du 27 septembre 2013 et reçue le 30 septembre 2013, l'association ADAPEI 65 a interjeté appel à l'encontre de ce jugement qui lui a été notifié le 19 septembre 2013.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions enregistrées au greffe de la chambre sociale sous la date du 31 décembre 2015, reprises oralement à l'audience du 4 janvier 2016, l'Association Départementale des Amis et Parents d'Enfants Inadaptés des Hautes-Pyrénées conclut à l'infirmation du jugement déféré. Elle sollicite qu'il soit dit que le licenciement de Madame [M] pour faute grave est fondé, que cette dernière soit déboutée de l'intégralité de ses prétentions et condamnée à lui payer une indemnité de 1'500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

A l'appui de ses prétentions, elle expose qu'elle gère des établissements qui accueillent des enfants et des adultes handicapés dans le département.

Elle soutient que dans la nuit du 13 au 14 mars 2012, et alors qu'elle avait en charge d'assurer la surveillance de nuit des deux étages du bâtiment abritant des personnes lourdement handicapées, Madame [J] [M] était retrouvée profondément endormie sur un canapé à 3 h 15 par la directrice, Madame [E], en présence de Madame [O], chef de service et de Madame [Y], aide- soignante, qui assurait, cette nuit, la surveillance au rez-de-chaussée.

Selon l'employeur, la preuve de la matérialité des faits est rapportée par la fiche d'incident détaillée qui relate les faits ainsi que par les attestations qui sont produites aux débats. Or, la responsabilité de l'aide-soignante de nuit est d'assurer une veille, une surveillance permanente, même quand les résidents dorment, car certains peuvent avoir notamment des réactions disproportionnées à des angoisses nocturnes, voire se mettre à errer dans les couloirs, comportements qui appellent une réaction immédiate de la part de l'aide-soignante. La faute commise est grave et l'appréciation de sa gravité doit être mise en relation avec un autre incident survenu le 28 février 2012 au cours duquel une résidente s'est retrouvée enfermée de nuit dans son logement.

L'ADAPEI estime que la gravité des faits reprochés justifiait parfaitement la mise à pied conservatoire puis le licenciement pour faute grave, en l'absence d'accord de la salariée quant à une mutation sur un poste de jour et dans un autre établissement à titre de sanction.

Elle souligne que, s'agissant d'un licenciement pour faute grave, les dispositions de l'article 33 de la convention collective applicable exigeant l'existence de deux sanctions préalables à la mesure de licenciement n'est pas de nature à priver le licenciement prononcé d'efficacité. Enfin, le prétendu licenciement économique déguisé n'est aucunement étayé ni nullement démontré.

Par conclusions enregistrées au greffe de la chambre sociale sous la date du 4 décembre 2015, reprises oralement à l'audience du 4 janvier 2016, Madame [J] [M] conclut à la confirmation du jugement déféré en ce qui concerne les condamnations prononcées.

Elle sollicite, en outre :

49'000 euros complémentaire à titre d'indemnité en réparation du préjudice subi pour rupture du contrat de travail sans cause réelle et sérieuse,

15'000 euros en réparation du préjudice distinct subi du fait de la rupture brusque et vexatoire du contrat de travail,

180,20 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés,

1'802 euros au titre de la mise à pied conservatoire, soit un mois de salaire,

3'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle expose qu'elle a été employée par l'association ADAPEI des Hautes-Pyrénées en qualité d'aide-soignante pendant 15 ans dont 13 ans en service de nuit lorsque lui a été notifiée la décision de licenciement pour faute grave suite à son refus d'accepter une rétrogradation de poste. Deux fautes lui sont reprochées à savoir, l'endormissement sur son lieu de travail et l'enfermement d'une résidente.

Elle fait valoir que l'association ADAPEI s'appuie, pour la sanctionner, sur le règlement intérieur du 26 avril 2010. Or, d'une part, il n'est pas établi que ce règlement intérieur lui soit opposable et qu'il ait été porté à sa connaissance. En outre, il est en contradiction avec la convention collective nationale de travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées. Cette dernière, qui s'applique, prioritairement, prévoit, en cas de licenciement, sans faute grave, l'existence antérieure obligatoire de deux avertissements écrits.

Or, en l'espèce, ne s'agissant pas de faute grave, l'employeur ne pouvait s'affranchir de l'application de la convention collective, ce qu'il a pourtant fait et ce qui rend de facto le licenciement intervenu sans cause réelle et sérieuse.

Madame [J] [M] conteste la matérialité de la première faute qui lui est reprochée, à savoir l'endormissement sur son lieu de travail dans la nuit du 13 au 14 mars 2012. Elle reconnaît s'être allongée sur un fauteuil de repos mis à disposition des aides-soignantes de nuit. Elle conteste s'être endormie mais soutient que même si tel avait été le cas, il convient de relever qu'elle n'a jamais fait, auparavant, l'objet d'une sanction disciplinaire et que cet endormissement n'a eu aucune conséquence fâcheuse, ce qui aurait dû amener la direction à proportionner sa réponse. En tout état de cause, son endormissement attesté par le témoin, Madame [E], est sujet à caution, n'étant corroboré ni objectivement, ni expressément par les deux autres témoins sur place. En outre, son emploi du temps pour cette nuit démontre qu'elle ne pouvait être profondément endormie.

Enfin, le manquement par l'employeur à ses obligations enlève à la faute son caractère de gravité et rend le licenciement du salarié abusif. En l'espèce, l'ADAPEI n'aurait pas rempli son obligation de soumettre les salariés travailleurs de nuit à une visite médicale tous les 6 mois telle que prévue par le code du travail. Elle n'aurait pas non plus tenu des réunions trimestrielles voir semestrielles ayant pour objet les règles de sécurité dans l'établissement et les obligations des salariés envers les résidents.

Concernant l'enfermement d'une résidente, la salariée fait valoir qu'elle s'est trouvée confrontée à une situation qui justifiait l'enfermement très court d'une résidente dans son appartement car lors du réveil du voisin masculin de cette personne, son comportement lui faisait dire qu'il pouvait être à cet instant dangereux pour sa voisine. Cette situation a duré entre 20 et 30 minutes et ne saurait nullement être constitutif d'une faute grave ni même d'une simple cause réelle et sérieuse de licenciement.

En réalité, soutient Madame [J] [M], elle a été licenciée parce qu'elle n'acceptait pas la mutation proposée par son employeur, mutation qui visait à permettre de faire des économies sur les postes de surveillant de nuit.

Concernant son indemnisation, elle considère que, compte tenu de son préjudice, une indemnisation au-delà des 6 mois minimum est justifiée ; si elle ne devait pas retrouver un travail, elle perdrait jusqu'à 68 mois de rémunération jusqu'à sa retraite ; elle a dû renoncer à l'acquisition de son appartement qu'elle avait commencé à payer en location-vente depuis 2008'; son âge est un facteur négatif pour retrouver un CDI et la qualification de licenciement pour faute grave lui porte un préjudice important dans le cadre de ses recherches en vue d'un nouvel emploi.

La cour se réfère expressément aux conclusions ci-dessus visées pour un plus ample exposé des moyens de fait et de droit développés par les parties.

MOTIVATION

L'appel, interjeté dans les formes et les délais prévus par la loi, est recevable en la forme.

Sur le licenciement pour faute grave :

Aux termes de l'article L. 1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.

La faute grave dont la preuve appartient à l'employeur se définit comme un fait ou un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis.

Pour qualifier la faute grave, il incombe donc au juge de relever le ou les faits constituant pour le salarié licencié une violation des obligations découlant de son contrat de travail ou des relations de travail susceptible d'être retenue, puis d'apprécier si ledit fait était de nature à exiger le départ immédiat du salarié.

La lettre de licenciement sert de cadre strict au contrôle du juge.

En l'espèce, la lettre de licenciement du 25 avril 2012 est ainsi motivée :

« Madame,

Après avoir été contraints de prendre une mesure conservatoire de mise à pied qui s'imposait au vu de la gravité des faits reprochés, nous vous avons reçue lors d'un entretien préalable, le 26 mars dernier, au cours duquel nous vous avons exposé les raisons nous conduisant à envisager votre licenciement.

Les explications recueillies auprès de vous, au cours de cet entretien ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation de la gravité des faits rendant impossible votre maintien au poste d'aide-soignante de nuit au sein de notre association.

En effet, nous avons eu à déplorer de votre part des agissements très graves :

- dans la nuit du 13 au 14 mars 2012, vous avez été surprise profondément endormie sur votre lieu de travail ;

- le 28 février 2012, vous avez enfermé une résidente dans sa chambre, ce qui est absolument interdit dans le secteur médico-social.

L'association ne pouvait admettre de vous maintenir dans vos fonctions, de tels faits caractérisant une faute grave mettant en cause, notamment, la sécurité de nos résidents et la responsabilité de l'établissement.

Après examen et avec le souhait d'éviter d'en arriver à la sanction ultime qu'est le licenciement, nous vous proposions comme solution alternative une affectation à un poste d'aide-soignante de jour dans un autre établissement de l'association. Vous avez expressément refusé cette proposition, parfaitement consciente des conséquences en résultant.

Votre refus nous place donc dans la situation antérieure et nous contraint désormais à tirer toutes les conséquences des faits reprochés qui rendent votre maintien dans l'entreprise au poste d'aide-soignante de nuit impossible.

Nous vous signifions, en conséquence, votre licenciement pour faute grave, prenant effet dès la première présentation de cette lettre' ».

Sur le 1er grief :

Concernant ce premier grief, l'endormissement dans la nuit du 13 au 14 mars 2012 sur son lieu de travail, la salariée reconnaît s'être allongée sur un canapé situé au 2ème étage mais prétend qu'elle n'était pas profondément endormie mais simplement assoupie ;

Sa version est, cependant, contredite par les attestations produites aux débats par l'ADAPEI.

En effet, Madame [I] [E] atteste que « Le 14 mars 2012, à 3 heures, j'ai procédé à un contrôle sur le [Établissement 1] dont j'ai la direction. J'étais accompagnée de Mademoiselle [T] [O], chef de service logistique. A notre arrivée, nous nous dirigeons sur le groupe de l'Oule dont la porte est grande ouverte et la lumière du bureau des éducateurs allumée. Madame [L] [Y], aide-soignante de nuit nous accueille. Sur notre demande, nous effectuons une ronde sur son secteur ([Localité 3]). Rien à signaler. Nous nous rendons ensuite sur le secteur des étages ([Localité 2] et [Localité 4]) sous la surveillance de Madame [J] [M], aide-soignante de nuit. Je demande à Mademoiselle [Y] de nous accompagner sur le groupe Estaing. La porte du groupe est fermée à clefs, nous l'ouvrons, Madame [Y] allume la lumière du couloir, nous approchons du lieu « salon, salle à manger ». Tout est noir et silencieux. Nous arrivons devant le canapé du groupe où nous constatons Madame [M] couchée avec couette et oreiller et profondément endormie. Nous la sollicitons, pas de réponse. Je lui touche l'épaule pour la réveiller. Surprise, elle demande qui est là, je lui réponds « Madame [E] », alors Madame [M] se lève précipitamment dans une tenue décontractée. Nous lui demandons de procéder à la ronde sur son secteur. Madame [M] met quelques instants à retrouver ses esprits et nous accompagne ».

Cette attestation, relatant les faits de façon très précise et circonstanciée, est corroborée par celle établie par Madame [L] [Y] qui déclare que « Dans la nuit du 13 au 14 mars 2012, à 3 h 15 du matin, en ma présence, Madame [E], directrice et Mademoiselle [O], chef de service ont trouvé Madame [J] [M], aide-soignante de nuit, profondément endormie sur le canapé du 2ème étage (groupe Estaing) ».

Il est, ainsi, sans contestation sérieuse possible, démontré que Madame [J] [M] a effectivement, été surprise, endormie, sur son lieu de travail et qu'elle avait parfaitement organisé sa nuit en ayant fermé la porte de la pièce à clefs, éteint les lumières, confortablement installée dans un canapé, avec couette et oreiller.

Les faits reprochés sont ainsi établis et il n'est pas sérieusement contestable que la seule présence d'un fauteuil de repos dans la salle de pause du rez-de-chaussée et celle du canapé à l'étage ne saurait exonérer la salariée de la faute commise, celle-ci ayant été trouvée, non simplement, en phase de repos après avoir effectué sa ronde, ce qui serait effectivement compréhensible, mais profondément endormie dans un environnement crée et propice à l'endormissement.

L'emploi du temps de la salariée dans la nuit du 13 au 14 mars 2012, contrairement aux affirmations de cette dernière, ne permettent nullement de démontrer qu'elle ne pouvait être profondément endormie à l'heure indiquée.

De même, la prétendue non-observation par l'employeur de ses obligations en matière de législation sur le travail de nuit (visites médicales, réunions trimestrielles voire semestrielles) est sans répercussion sur les obligations de la salariée.

Or, la responsabilité de l'aide-soignante de nuit est d'assurer une veille, une surveillance permanente des résidents, particulièrement vulnérables compte tenu de leur handicap, et ce même lorsqu'ils sont endormis. Madame [J] [M] a recouru à une pratique contraire aux règles élémentaires de surveillance et a négligé son obligation, essentielle, compte tenu de sa qualification et de la spécificité de la mission de l'ADAPEI, de veiller de manière continue sur les résidents pendant la nuit.

Ces faits sont d'autant plus graves que la salariée avait déjà failli à sa mission quelques jours auparavant, en février 2012.

Sur le second grief :

Ce second grief concernant l'enfermement, au mois de février 2012, dans son appartement, d'une résidente n'est pas contesté par la salariée et ses explications, par ailleurs non vérifiables, ne peuvent justifier son comportement mettant en péril la continuité du service de surveillance des résidents. Ces faits, non sanctionnés lors de leur commission mais dont l'employeur reste en droit de se prévaloir, à l'aune des faits nouvellement commis au mois de mars suivant, viennent incontestablement aggraver ces derniers.

Il ressort de l'ensemble de ces éléments que Madame [J] [M] a manqué, par deux fois à ses obligations, en l'espace d'une quinzaine de jours seulement. Elle a adopté un comportement dangereux pour la santé des résidents susceptible, en outre, d'engager la responsabilité de l'établissement qui doit veiller au mieux à la santé physique et psychique de ses pensionnaires dont la vulnérabilité est incontestable.

Il en résulte que l'ADAPEI est fondée à se prévaloir des manquements de la salariée à ses obligations professionnelles d'une gravité telle que la rupture immédiate du contrat de travail devait intervenir. Effectivement, l'ancienneté de la salariée dans ses fonctions ne saurait être regardé comme absolutoire face à ses graves carences professionnelles mettant en jeu la sécurité des résidents.

Enfin, si aux termes des dispositions de l'article 33 de la convention collective applicable, il ne peut y avoir de mesure de licenciement à l'égard d'un salarié si ce dernier n'a pas fait l'objet précédemment d'au moins deux sanctions (observation, avertissement, mise à pied), l'application de ces dispositions est exclue dans l'hypothèse de la commission d'une faute grave.

En l'espèce, ces dispositions ne sont pas applicables et la régularité du licenciement intervenu ne souffre aucune contestation.

Par conséquent, le jugement déféré sera infirmé et Madame [J] [M] déboutée de l'intégralité de ses prétentions.

Madame [J] [M], qui succombe, sera condamnée aux entiers dépens. Il apparaît équitable d'allouer à l'ADAPEI une indemnité de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant contradictoirement, en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,

Infirme en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud'hommes de Tarbes du 16 septembre 2013,

Dit que le licenciement de Madame [J] [M] pour faute grave est fondé,

Déboute Madame [J] [M] de l'intégralité de ses prétentions y compris celle sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

La condamne aux entiers dépens ainsi qu'à payer à l'Association Départementale des Amis et Parents d'Enfants Inadaptés des Hautes-Pyrénées une indemnité de 1'000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Madame THEATE, Présidente, et par Madame HAUGUEL, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE,LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13/03495
Date de la décision : 03/03/2016

Références :

Cour d'appel de Pau 3S, arrêt n°13/03495 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-03-03;13.03495 ?
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