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03/12/2015 | FRANCE | N°15/00819

France | France, Cour d'appel de Pau, Chambre sociale, 03 décembre 2015, 15/00819


MC/SB



Numéro 15/04692





COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale







ARRÊT DU 03/12/2015









Dossier : 15/00819





Nature affaire :



Contredit













Affaire :



[KK] [NW]



C/



SARL AGENCE DES PARTICULIERS







































RÉP

UBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R Ê T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 03 Décembre 2015, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.







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APRES DÉBATS



à l'audience publi...

MC/SB

Numéro 15/04692

COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 03/12/2015

Dossier : 15/00819

Nature affaire :

Contredit

Affaire :

[KK] [NW]

C/

SARL AGENCE DES PARTICULIERS

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 03 Décembre 2015, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 05 Octobre 2015, devant :

Madame THEATE, Président

Monsieur GAUTHIER, Conseiller

Madame COQUERELLE, Conseiller

assistés de Madame DEBON, faisant fonction de Greffière.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

DEMANDERESSE:

Madame [KK] [NW]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Maître DELHAES, avocat au barreau de BAYONNE

DÉFENDERESSE :

SARL AGENCE DES PARTICULIERS

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Maître MILLE, avocat au barreau de BAYONNE

sur contredit de la décision

en date du 20 FEVRIER 2015

rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE BAYONNE

RG numéro : F 14/00138

FAITS ET PROCÉDURE

Madame [KK] [NW] a commencé à travailler pour le compte de la société'« Agence des Particuliers'» à partir du 6 mai 2013. Par la suite, elle a été embauchée par contrat à durée indéterminée signé le 7 juin 2013, avec effet au 15 juin suivant, en qualité de négociatrice en immobilier salariée. Enfin, un contrat d'agent commercial a été signé entre les deux parties le 16 août 2013.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 27 janvier 2014, la société «'Agence des Particuliers'» a mis unilatéralement fin à la relation de travail la liant à Madame [KK] [NW].

Cette dernière a, par requête en date du 14 avril 2014, saisi le conseil de Prud'hommes de BAYONNE aux fins d'obtenir paiement des montants suivants':

1.000 euros net à titre d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement

5.000 euros net à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive

1.600 euros net à titre d'indemnité de préavis

500 euros net à titre d'indemnité compensatrice de congés payés

20.000 euros au titre des commissions

2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Elle sollicitait, également, remise de documents (attestation Pôle Emploi, certificat de travail, bulletin de paie, certificat pour la Caisse de congés payés) sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par document.

Par un avis daté du 15 avril 2014, les parties au présent litige ont été convoquées devant le bureau de conciliation du conseil de Prud'hommes de BAYONNE le 6 juin 2014.

Aucune conciliation n'ayant pu intervenir à cette audience, le bureau de conciliation a renvoyé l'affaire devant le bureau de jugement du 12 décembre 2014.

Par jugement contradictoire en date du 20 février 2015, auquel il convient de se reporter pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions initiales des parties et des moyens soulevés, le conseil de Prud'hommes de BAYONNE, section «' encadrement'» a fait droit à l'exception d'incompétence matérielle soulevée par la société'« Agence des Particuliers'» et a décliné sa compétence au profit du Tribunal de Grande Instance de BAYONNE.

Par requête en date du 3 mars 2015 remise au greffe du conseil de prud'hommes de BAYONNE le 4 mars 2015, Madame [KK] [NW] a formé un contredit à l'encontre de ce jugement dans des conditions de forme et de délai non contestées.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions enregistrées au greffe de la chambre sociale sous la date du 11 mai 2015, et reprises oralement à l'audience du 5 octobre 2015, Madame [KK] [NW] conclut qu'il plaise à la Cour de':

Se déclarer compétente

en conséquence

Dire que la relation de travail entre Madame [NW] et l'Agence des Particuliers est régie par un contrat de travail

Dire que la rupture du contrat de travail s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse

Condamner l'Agence des Particuliers au paiement des sommes suivantes':

20.359,37 euros au titre des rappels de salaire relatifs aux commissions

1.600 euros au titre de l'indemnité de préavis, y rajoutant les congés payés y afférents

320 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement

9.600 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

Condamner sous astreinte de 300 euros par jour de retard, l'Agence des Particuliers au paiement des cotisations sociales afférentes à l'emploi de Madame [NW]

Condamner sous astreinte de 300 euros par jour de retard, l'Agence des Particuliers à remettre à Madame [NW] des documents sociaux et des bulletins de salaire conformes.

A l'appui de ses prétentions, Madame [KK] [NW] fait valoir que'la compétence du conseil de Prud'hommes sur le fondement de l'article L 1411-1 du code du travail ne fait aucun doute. Effectivement, le conseil de Prud'hommes possède une compétence d'attribution exclusive pour tout litige relatif à la conclusion, l'exécution ou la rupture du contrat de travail.

Or, en l'espèce, il existe bien un litige relatif à un contrat de travail, à savoir un contrat de travail à durée indéterminée de négociatrice en transaction immobilière signé par les deux parties le 7 juin 2013 et prévoyant son embauche à compter du 15 juin 2013, contrat parfaitement valable.

L'existence de ce contrat de travail signé suffit à elle seule à faire présumer l'existence d'une relation de travail et il appartient à la société «'Agence des Particuliers'» qui prétend que ce contrat est privé d'effet de rapporter la preuve de l'extinction de son obligation conformément aux dispositions de l'article 1315 du code civil.

Elle souligne que le lien de subordination indispensable à l'existence d'une relation de travail se caractérise par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

Ce lien de subordination est établi, en l'espèce, par le contrat de travail signé le 7 juin 2013. En outre, ses conditions de travail ne laissent aucun doute sur son intégration à un service organisé et sur l'identification d'un lien de subordination (échanges de mails avec les responsables de l'agence qui attestent de l'existence de directives concernant notamment les visites et les rendez -vous à assurer et de l'absence de toute initiative personnelle, obligation d'effectuer un compte rendu quotidien des visites, obligation d'utiliser des trames de courriers pré-remplis à envoyer aux notaires pour communiquer les offres d'achat ou d'utiliser des formules dans les courriers adressés aux clients.

Elle produit aux débats des attestations de clients qui corroborent la réalité de cette organisation du service.

Or, de telles contraintes ne sont pas compatibles avec un statut de travailleur indépendant et sont la démonstration de l'existence d'une relation de travail marquée par la subordination.

Elle considère enfin que la signature d'un contrat d'agent commercial ne peut s'opposer à la qualification de contrat de travail, ce d'autant plus que ce contrat d'agent commercial a été signé postérieurement au contrat de travail à durée indéterminée signé et non rompu.

D'ailleurs, le contrat d'agent commercial signé le 16 août 2013 et qui l'a soustraite à la protection du droit social lui a été imposé alors qu'elle se trouvait économiquement dépendante.

Sur la recevabilité des courriers électroniques, remise en cause par la partie adverse':

Elle fait valoir que ces courriers sont probants et méritent d'être pris en considération, l'identification des différents correspondants étant clairement établie et ne laissant aucun doute sur la réalité de ces échanges.

Sur le fond du litige':

La relation de travail a perduré officiellement du 15 juin 2013 jusqu'au 27 janvier 2014, date de la rupture du contrat de travail par la société'« Agence des Particuliers'». Cette rupture unilatérale, sans respect de la procédure et qui s'est affranchie des règles imposées par les dispositions des articles L 1231-1 et suivants du code du travail doit s'analyser en licenciement sans cause réelle et sérieuse avec toutes les conséquences de droit que cela comporte.

Elle doit bénéficier ainsi des différentes indemnités afférentes à la rupture du contrat de travail auxquelles se rajoute un rappel de salaires dus au titre des commissions de 25% prévues par l'article 4 du contrat de travail.

Par conclusions enregistrées au greffe de la chambre sociale sous la date du 15 juin 2015, reprises oralement à l'audience du 5 octobre 2015, la société « Agence des Particuliers »'conclut à la confirmation du jugement déféré et au renvoi de l'affaire devant la juridiction compétente.

Elle sollicite une indemnité de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Subsidiairement, si la Cour devait évoquer l'affaire, elle souhaite une réouverture des débats.

L'intimée expose qu'elle est une agence immobilière et que Madame [KK] [NW] s'est présentée à l'agence en Décembre 2012 à la recherche d'un logement'; que s'étant liée par une relation intime avec Monsieur [VZ], négociateur salarié de l'agence, elle a été présentée par ce dernier à Madame [IR] [PB], la gérante de l'agence dans la perspective d'une embauche en qualité de négociatrice en transactions immobilières'; que le 7 juin 2013, l'agence lui a proposé un contrat de travail à durée indéterminée que Madame [KK] [NW] a refusé préférant un contrat d'agent commercial avec des commissions plus importantes que celles prévues dans le contrat à durée indéterminée'; qu'un contrat d'agent commercial lui a donc été proposé le 18 août 2013, ce contrat étant signé immédiatement.

Elle précise que ce contrat est le seul qui a été signé et exécuté entre les parties, Madame [KK] [NW] ayant toujours exercé son activité de façon indépendante et ayant été rémunérée sur présentation de factures.

C'est, en outre, Madame [KK] [NW] qui a mis fin à ce contrat en présentant sa démission le 27 janvier 2014 et qui a, en réalité, développé une activité concurrente en détournant son fichier clients de l'agence, sous couvert d'un prête- nom.

Sur l'incompétence du conseil de Prud'hommes':

Elle fait valoir que du 16 août 2013 au 27 janvier 2014, les parties étaient incontestablement liées par un contrat d'agent commercial pour une activité de mandataire indépendant, Madame [KK] [NW] étant inscrite sur le registre spécial des agents commerciaux tenu par le greffier du Tribunal de Commerce de BAYONNE, ayant perçu des commissions sur présentation de factures, ayant démissionné de ses fonctions d'agent commercial, ayant obtenu les commissions des partenaires financiers réservées aux agents commerciaux et réclamant, en outre, des commissions calculées en fonction de son contrat d'agent commercial.

Elle conteste catégoriquement l'existence d'un contrat de travail du 7 mai au 16 août 2013 relevant que Madame [KK] [NW] n'avait absolument aucune compétence professionnelle dans l'immobilier, qu'elle entretenait une relation intime avec Monsieur [VZ], salarié de l'agence auprès duquel elle s'est formée à son domicile en développant une clientèle personnelle dans le domaine immobilier à compter du 7 mai 2013.

Elle reconnaît, certes, avoir proposé à Madame [NW] un contrat de travail à durée indéterminée à effet au 15 juin'2013 que cette dernière a, cependant, refusé pour des considérations financières continuant à exercer dans le cadre de son activité indépendante.'

Elle prétend que ce contrat daté du 7 juin 2013 n'a pas été signé par Madame [KK] [NW] à cette date mais uniquement après l'assignation en référé devant le Président du Tribunal de Commerce de BAYONNE le 27 mars 2014 pour faire valoir un statut de salarié'; ce contrat n'a jamais été exécuté et Madame [KK] [NW] n'a jamais réclamé ni salaire ni bulletin de salaire.

Sur les courriers électroniques':

Elle soutient que les courriers électroniques sur lesquels Madame [NW] se fonde sont des montages de messages adressés par Madame [PB] à Monsieur [VZ] sur son adresse mail professionnelle avant d'être transférés sur la boîte mail de Madame [NW] et considère, par conséquent, que ces courriers ne peuvent bénéficier de la présomption de fiabilité de l'article 1316-1 du code civil.

Ces mails constituent, en tout état de cause, la preuve d'une activité indépendante.

Enfin, les attestations de clients produites aux débats n'établissent nullement l'existence d'un lien de subordination.

La Cour se réfère expressément aux conclusions ci-dessus visées pour un plus ample exposé des moyens de fait et de droit développés par les parties.

MOTIVATION

L'appel, interjeté dans les formes et les délais prévus par la loi, est recevable en la forme.

Sur la compétence du conseil de prud'hommes

En vertu des dispositions de l'article L 1411-1 du code du travail, le conseil de Prud'hommes a une compétence d'attribution exclusive pour tout litige relatif à la conclusion, l'exécution ou la rupture d'un contrat de travail.

Le contrat de travail est la convention par laquelle une personne physique s'engage à mettre son activité à la disposition d'une autre personne, physique ou morale, sous la subordination de laquelle elle se place, moyennant une rémunération.

L'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu'elles ont données à leur convention, mais des conditions de fait, dans lesquelles est exercée l'activité du travailleur.

Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité de l'employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et d'en sanctionner l'inexécution.

Il ressort de cette définition que la relation salariale est caractérisée par la réunion de trois éléments :

une prestation personnelle de travail ;

une rémunération ;

un lien de subordination.

En application des dispositions de l'article 1315 du Code civil, il incombe, à celui qui invoque le bénéfice d'un contrat de travail dont l'existence est contestée, de rapporter la preuve de la réalité de la prestation personnelle de travail effectuée, de la rémunération convenue et payée en contrepartie de la prestation et de ce qu'il était placé sous un lien de subordination.

Par contre, en présence d'un contrat de travail écrit ou apparent, il appartient à celui qui conteste la qualité de salarié de rapporter la preuve du caractère fictif du contrat de travail en démontrant l'absence de lien de subordination.

En l'espèce, il est constant qu'un contrat de travail à durée indéterminée de négociatrice en transaction immobilière a été signé par les deux parties sous la date du 7 juin 2013 prévoyant l'embauche de Madame [KK] [NW] à compter du 15 juin 2013.

Il appartient à la société «' Agence des Particuliers'» qui soutient que ce contrat n'a reçu aucun commencement d'exécution, qu'il doit être considéré comme dépourvu de tout effet juridique et qu'il n'a été signé par Madame [KK] [NW] non pas le 7 juin 2013 comme elle le prétend, celle-ci ayant refusé la signature du contrat proposé, mais uniquement après la signification de l'assignation en référé devant le Président de Tribunal de Commerce de BAYONNE le 27 mars 2014 pour faire valoir utilement un statut de salarié, de rapporter la preuve de l'absence d'un lien de subordination.

Ce qui importe, en l'espèce, est de connaître la nature des relations professionnelles ayant régi les rapports entre Madame [KK] [NW] et la société « Agence des Particuliers » entre le 15 juin 2013 et le 16 août 2013 puisqu'il n'est contesté par aucune des parties qu'à cette date, un contrat d'agent commercial pour une activité de mandataire indépendant ait été signé entre les parties.

En l'espèce, l'employeur, sur lequel pèse la charge de la preuve de l'inexistence d'un contrat de travail se prévaut des éléments suivants':

Lors de son audition au commissariat de BAYONNE, le 17 mars 2014, Madame [KK] [NW] a clairement indiqué aux enquêteurs «' pour répondre à votre question, la dernière fois que j'ai mis les pieds à l'agence, c'était le 7 février 2014 où j'ai ramené les clés et le téléphone portable. Mais, en fait, je n'y allais physiquement que rarement puisque j'exerçais mon activité de chez moi. En fait, Madame [PB] ne voulait pas que j'exerce mon activité de l'agence, je devais donc exercer de chez moi et j'étais tributaire des mails et des appels téléphoniques qu'elle me transférait'».

Attestation de Madame [SN] [DT]': cette dernière déclare'que Madame [NW] a été présentée à l'agence par Monsieur [VZ] «' comme candidate à un poste pour la vente. Madame [NW] était inquiète sur le fait de pouvoir gagner de l'argent dans la vente sachant qu'elle était totalement novice dans le métier. Je sais qu'elle a voulu tester le métier en duo avec Monsieur [VZ]. J'ignorais totalement l'existence d'un CDI en juin 2013. Je peux attester que mes collègues et moi-même n'avons jamais vu Madame [NW] se comporter comme une salariée (elle n'avait pas d'horaires, aucune tâche de bureau et sa présence consistait en des passages rapides pour récupérer les prospects du cahier de messages ou regarder les offres logiciel et du site internet).»

Attestation de Monsieur [GK] [QG]'selon laquelle Madame [NW] « était indépendante de l'agence ADP 'elle n'a jamais participé à l'activité quotidienne de l'agence, ni à la location ni à la vente, elle passait simplement récupérer des mails ou des messages de clients potentiels ».

La société « Agence des Particuliers »' estime que ces différentes auditions et attestations établissent clairement l'absence de tout lien de subordination.

Elle estime que les mails dont se prévaut Madame [KK] [NW] ne sont pas probants; il s'agit, selon elle, de montage de messages adressés par Madame [PB], gérante, à Monsieur [VZ], négociateur salarié, que ce dernier a transféré sur la boîte mail de Madame [NW] en raison des liens affectifs qui les unissaient. En tout état de cause, ces mails constituent la preuve non d'une activité salariée mais bien d'une activité indépendante.

Enfin, elle fait valoir que les attestations de client produites aux débats par Madame [KK] [NW] n'établissent nullement l'existence d'un lien de subordination mais uniquement l'existence d'un client mécontent et la présence de Madame [NW] à l'agence à plusieurs reprises, ce qui est contredit par les salariés de l'agence.

Quant à l'agenda de Madame [NW], il traduit l'existence d'une activité indépendante dès le 6 mai 2013.

La société « Agence des Particuliers »' estime que ces éléments apportent la preuve que Madame [KK] [NW] disposait d'une clientèle propre, organisait son travail comme bon lui semblait. Elle n'était pas, en outre, astreinte à des comptes rendus d'activités comme les autres salariés.

Concernant le premier point, à savoir que Madame [KK] [NW] aurait signé le contrat de travail non pas à la date indiquée sur le contrat mais bien postérieurement pour les besoins de sa production devant les tribunaux, il convient de relever qu'il s'agit là de simples allégations non confortées par un quelconque début de preuve. Effectivement, et alors que dans cette hypothèse, Madame [KK] [NW] se serait rendue coupable de l'établissement d'un faux produit en justice, au détriment des intérêts de la société « Agence des Particuliers'» aucune plainte pénale n'a été déposée à son encontre ni aucune poursuite sollicitée.

De même, il n'est pas établi que les mails dont fait état Madame [KK] [NW] seraient des « montages ». Ces mails, contrairement à ce qu'affirme la société « Agence des Particuliers'» n'établissent pas, ni d'ailleurs davantage l'agenda de Madame [KK] [NW], l'absence de tout lien de subordination. Bien au contraire, il existe entre Madame [KK] [NW] et les responsables de la société «' Agence des Particuliers'» un échange de correspondances très suivi. Certains mails, et ceci pour les 3 périodes qui jalonnent l'existence de relations entre les parties, soit avant la signature du contrat de travail, pendant l'exécution du contrat de travail et après signature du contrat d'agent commercial, traduisent le fait que Madame [KK] [NW] travaillait bien sous l'autorité d'un employeur qui avait pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements.

En l'espèce':

Mails du 22 mai 2013 soit avant signature du contrat de travail':'« pensez à me faire compte rendu des visites avec noms et tel. et produits visités afin que nous fassions un point de relance chaque jour. Merci ». Puis «'entrez mandat de cet appartement, svp'».

Mails du 6 juin 2013 soit avant signature du contrat de travail'litigieux: « pensez à mettre tous le pedigree y compris date de mariage et numéro de tel ''»

Mail du 16 juillet 2013 soit après signature du contrat de travail'; «' absolument besoin de dates pour [AH] et [UU]; Avez-vous des nouvelles de soubelet ' Et «'rendez- vous Maître [MD]-[AH] fin de cette semaine ou début semaine prochaine'».

Mail du 24 juillet 2013': «' les mandats doivent se suivre dans le classeur y compris mandat de recherche'».

Mail du 30 juillet 2013: «' bonjour [KK], avez-vous rencontré Mr [UG] et Mme [JW] pour la signature de l'offre d'achat de la villa A1'».

Mail du 25 juillet 2013: «' concernant la ventilation du prix de la villa A1 il y a une différence, les prix clés en mains sont de 192'000 net vendeur (- 4500) honoraires adp 6500 euros. Nous ferons le point cet après- midi'».

Mail du 31 juillet 2013: «' faites pour le mieux mais m [QU] doit se débarrasser de toutes les maisons, il faut tout vendre avant la rentrée car les taux vont augmenter selon les indications sures et bien placées »

Mail du 31 juillet adressé par Madame [KK] [NW] à Madame [IR] [PB]':'« si vous êtes devant votre ordi j'ai Mme [JW] et son ami devant moi, le prix que vous leur avez donné est de 185'000 noté sur une carte de visite avec peinture et enduits faits par l'acquéreur et l'offre est de 187'500 avec peinture enduit carrelage et parquet par l'acquéreur. Lors là, il y a problème, ils ne signent pas ».

Mail du 21 août 2013 soit après signature du contrat d'agent commercial': «' on essaye de signer [AA] vendredi 10h, contrôlez que [AA] et [XS] seront dispos, svp'».

Mail du 3 septembre 2013:'» attention, dans les honoraires, chaque mois, nous détacherons 2'000 euros pour frais voiture ».

Mail du 9 septembre 2013 : «' demander à [ER] quand on reçoit cuisine pour pose avec [PP] pour signer acte le 16 ou 17 septembre ».

Autre Mail du 9 septembre 2013':'« dire à Maître [FF] que les propriétaires doivent être avertis à l'avance à cause de leur job et distance, habitent Portugal. Ce serait bien de signer le 18 septembre.»

Mail du 17 septembre 2013 :'« c'est une résidence'' de quelle année'' quel nom'' quel étage'' je pense prix maxi 320'000 euros »

Mail du 24 septembre 2013': «' besoin de votre contrat de travail et de copie recto verso carte identité pour remplir carte préfecture ''»

Mail du 14 octobre 2013': «vous appelez la propriétaire res venise pour entrer mandat 122'000 + 7'000 idéal car 20'000 euros de travaux et exposé au nord »'

Mail du 25 octobre 2013': «' je vous ai pris un rendez-vous pour entrer une maison triplex au 16 av de Brindos le 2 à 11h30 peut être que je pourrai venir'.dès que vous avez le mandat le 5 ou le 6 nov, je viens avec un gendarme «' picker'» qui souhaite anglet uniquement ».

Mail du 2 décembre 2013': «' avez-vous eu M [GY] pour les maisons de [QU]. quand signons- nous sous seing [CY] et acte [JW].''''».

Mail du 10 janvier 2014':'« pouvez-vous contacter Mme [ID] de ma part, elle a un T2 avec jardin et garage au boucau'''».

Mail du 13 janvier 2013': «'avez-vous pensé au rv pour signer [TB] [LP]'''».

Mail du 14 janvier 2013': «' contrôlez svp l'avenant avant d'envoyer et petit courrier à faire'».

Mail du 15 janvier 2013': «'il faudrait faire un tour à [ZL] chez [RI], mon petit doigt me dit qu'il a vendu à un de nos clients, peut-être juste une coïncidence, mais ''».

Il résulte clairement de l'ensemble de ces mails que Madame [KK] [NW] recevait ordres et directives, notamment de la part de Madame [IR] [PB], gérante de la société « Agence des Particuliers'» et ce y compris avant la signature du contrat de travail litigieux et après la signature du contrat d'agent commercial. Elle devait, également, rendre compte et n'organisait nullement son activité comme elle l'entendait.

Il ne peut être considéré qu'il y ait eu novation lors de la signature du second contrat, ce contrat d'agent commercial présentant un caractère purement fictif, les relations des parties s'étant poursuivies selon les mêmes modalités.

De même, le mail en date du 24 septembre 2013 constitue un aveu de la part de l'employeur quant à l'existence d'un contrat de travail.

Le fait que Madame [KK] [NW] ait été inscrite au registre spécial des agents commerciaux tenu par le greffier du tribunal de Commerce de Bayonne est sans emport sur le présent litige dans la mesure où se sont les conditions de fait dans lesquelles s'exerçait son activité qui doivent être prises en considération.

De même, il y a lieu de relever que les factures présentées par Madame [KK] [NW] aux fins de paiement de commissions et dont se prévaut l'employeur sont toutes postérieures à la signature du contrat d'agent commercial de sorte qu'elles sont insusceptibles de remettre en question l'existence et la réalité du contrat de travail signé antérieurement et qui n'a fait l'objet d'aucun mode de rupture légale.

Enfin, Madame [KK] [NW] ne conteste nullement le fait qu'elle travaillait essentiellement à partir de son domicile, ce qui correspondait au souhait de la gérante de la société «'Agence des Particuliers'». Cependant, le contrat de travail litigieux ne prévoyait aucune disposition quant au lieu de travail de la salariée et cette circonstance comme celle liée à l'absence de délivrance de bulletins de salaire ne sont pas de nature à faire échec à la qualification des relations en contrat de travail, puisqu'elles sont sans incidence sur l'existence d'un lien de subordination. D'ailleurs le témoin, Monsieur [GK] [QG] indique clairement qu'il ne connaissait pas le statut exact de Madame [KK] [NW].

Dès lors, il y a lieu de considérer que les parties étaient bien liées par un contrat de travail, l'employeur ne démontrant en rien l'absence de lien de subordination.

La rupture de ce contrat de travail doit, par conséquent, s'analyser en licenciement sans cause réelle et sérieuse ouvrant droit pour la salariée aux indemnités de rupture.

Il convient, par conséquent d'infirmer le jugement déféré et de dire que le conseil de Prud'hommes était bien compétent pour connaître du présent litige.

La Cour, décidant d'évoquer la présente procédure, les conditions en étant réunies, ordonne, pour le surplus, la réouverture des débats, renvoie l'affaire au 1er juin 2016 et invite la partie intimée à conclure sur le fond du dossier avant le 1er mars 2016.

Il y a lieu de réserver les dépens ainsi que tous chefs de demande y compris sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant contradictoirement, en dernier ressort et par mise à disposition au greffe

Infirme le jugement du conseil de Prud'hommes de BAYONNE du 20 février 2015 en ce qu'il s'est déclaré incompétent pour connaître du présent litige.

statuant à nouveau ;

Dit que la relation de travail entre Madame [KK] [NW] et la société «' Agence des Particuliers'» est régie par un contrat de travail ;

Dit que la rupture du contrat de travail s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Dit qu'il y a lieu de surseoir à statuer sur les demandes de Madame [KK] [NW] ;

Ordonne la réouverture des débats

Renvoie l'affaire à l'audience de la Chambre sociale du 1er juin 2016 à 14h10

Enjoint à la partie intimée de conclure sur le fond avant la date du 1er mars 2016

Réserve les dépens et tous chefs de demandes y compris sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Madame THEATE, Présidente, et par Madame HAUGUEL, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE,LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 15/00819
Date de la décision : 03/12/2015

Références :

Cour d'appel de Pau 3S, arrêt n°15/00819 : Réouverture des débats


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-12-03;15.00819 ?
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