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03/12/2015 | FRANCE | N°14/01579

France | France, Cour d'appel de Pau, Chambre sociale, 03 décembre 2015, 14/01579


DT/CD



Numéro 15/04686





COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale







ARRÊT DU 03/12/2015









Dossier : 14/01579





Nature affaire :



Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution















Affaire :



[X] [H]



C/



SA GASCOGNE


















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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R Ê T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 03 Décembre 2015, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de P...

DT/CD

Numéro 15/04686

COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 03/12/2015

Dossier : 14/01579

Nature affaire :

Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution

Affaire :

[X] [H]

C/

SA GASCOGNE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 03 Décembre 2015, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 05 Octobre 2015, devant :

Madame THEATE, Président

Monsieur GAUTHIER, Conseiller

Madame COQUERELLE, Conseiller

assistés de Madame DEBON, faisant fonction de Greffière.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANT :

Monsieur [X] [H]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Maître DUCASSE, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

SA GASCOGNE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Comparante en la personne de son Directeur des Ressources Humaines, assistée de Maître BIAIS de la SELARL BIAIS & Associés, avocat au barreau de BORDEAUX

sur appel de la décision

en date du 01 AVRIL 2014

rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE DAX

RG numéro : F 13/00161

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Le Groupe GASCOGNE est composé d'une société 'holding' la SA GASCOGNE et de filiales réparties dans quatre branches d'activité :

* une activité 'complexes' ;

* une activité 'bois' ;

* une activité 'papier'

* une activité 'sacs'.

Selon contrat à durée indéterminée du 1er octobre 2006, Monsieur [X] [H] a été embauché par la SA GASCOGNE en qualité de directeur général de l'activité 'complexes' moyennant une rémunération de 163.200 €/an et par décision du 6 octobre 2006, il a été nommé président de la SASU SOPAL (filiale de la SA GASCOGNE relevant de l'activité 'complexes' ultérieurement renommée GASCOGNE LAMINATES).

En 2010, un premier audit portant notamment sur le remboursement des frais professionnels a été confié par la SA GASCOGNE à Monsieur [E] qui a donné lieu en mars 2010 à un remboursement de Monsieur [X] [H] à hauteur de 1.312 €.

En décembre 2011, un nouvel audit est intervenu sur les frais de déplacement générant de nouvelles anomalies, sur lesquelles Monsieur [X] [H] a validé des dépenses personnelles le 16 mai 2012 qui on été partiellement remboursées.

Monsieur [X] [H] a été placé en arrêt maladie du 28 septembre 2011 au 7 novembre 2011, en mi-temps thérapeutique à compter du 8 novembre 2011 puis de nouveau en arrêt de travail à compter du 21 juin 2012.

Une première convocation à un entretien en vue d'une sanction disciplinaire a été adressée à Monsieur [X] [H] par la SA GASCOGNE, le 17 janvier 2012. Aucune sanction n'a été formalisée à la suite de l'entretien du 25 janvier.

A partir du 5 avril 2012, une correspondance s'est instaurée entre les parties à l'initiative de l'employeur quant au respect par Monsieur [X] [H] de son mi-temps thérapeutique et sur la justification de ses importantes notes de frais (5.051,68 € présentés comme injustifiés par l'employeur sur la période de 2009 au 24 avril 2012).

Le 25 avril 2012, l'employeur a adressé au salarié une lettre recommandée avec accusé de réception le mettant en demeure :

- de respecter scrupuleusement son mi-temps thérapeutique,

- de cesser son attitude inadmissible voire scandaleuse à l'égard de l'auditeur interne, Monsieur [P] [E],

- de justifier par retour de courrier du caractère professionnel des notes de frais injustifiées et non remboursées à hauteur de 5.051,68 € (années 2009, 2010, 2011) ainsi que des dépenses en janvier et mars 2012,

- de ne procéder à aucun paiement personnel avec les moyens de paiement de l'entreprise.

Par lettre en réponse du 14 mai 2012, le salarié conteste les griefs qui lui sont reprochés, rappelant la prise en charge par l'entreprise des frais de déplacement entre son domicile désormais fixé à Malaga et l'entreprise ainsi que ses déplacements professionnels en janvier et mars 2012.

Les réponses données par le salarié n'ayant pas été jugées satisfaisantes, Monsieur [X] [H] a été convoqué à un entretien fixé au 28 juin 2011, par lettre recommandée avec accusé de réception du 14 juin 2012 comportant une mise à pied conservatoire.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 3 juillet 2011 Monsieur [X] [H] a répondu aux griefs qui lui avaient été présentés par l'employeur.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 5 juillet 2012, Monsieur [X] [H] était licencié pour faute grave.

Le 31 août 2012, il a saisi le conseil de prud'hommes de Bayonne. Sur exception d'incompétence soulevée par la SA GASCOGNE, l'affaire était renvoyée par cette juridiction devant le conseil des prud'hommes de DAX.

Par jugement du 1er avril 2014, cette juridiction a débouté Monsieur [X] [H] de l'ensemble de ses demandes.

Le 18 avril 2014, Monsieur [X] [H] a interjeté appel au greffe de la cour d'appel de Pau, de cette décision qui lui avait été notifiée le 4 avril 2014.

Monsieur [X] [H] demande à la cour de :

* dire que le licenciement prononcé le 5 juillet 2012 par la SA GASCOGNE à son encontre ne repose ni sur une faute grave, ni sur une cause réelle et sérieuse ;

* prononcer la nullité de la mise à pied du 21 juin 2012 au 5 juillet 2012 ;

* condamner en conséquence la SA GASCOGNE à payer à Monsieur [X] [H] les sommes suivantes :

- 21.645 € à titre de solde sur salaire pour la période d'avril à juin 2012 ;

- 2.164,50 € pour les congés payés y afférents ;

- 20.000 € au titre de la partie variable du salaire ;

- 92.484 € d'indemnité de préavis ;

- 9.248 € d'indemnité de congés payés sur préavis ;

- 72.253 € d'indemnité de licenciement ;

- 700.000 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 4.919,32 € à titre de salaire pendant la période de mise à pied annulée ;

- 491,93 € d'indemnité de congés payés sur ce salaire ;

- 5.000 € d'indemnité de procédure.

Sur la faute grave qui lui a été imputée Monsieur [X] [H] fait valoir que la SA GASCOGNE ne pouvait retenir des faits de 2009 à 2011 qui étaient doublement 'prescrits' (articles L. 1332-2 et L. 1332-4 du code du travail), les notes de frais litigieuses ayant toutes été validées par le PDG alors en fonction et donc portées à la connaissance de l'employeur aux dates auxquelles elles ont été établies et n'ayant donné lieu à aucune sanction.

Sur les faits antérieurs à 2012, Monsieur [X] [H] invoque une pratique commune aux cadres dirigeants de l'entreprise dont la plupart n'étaient pas domiciliés à [Localité 2] et qui obtenaient la prise en charge par l'entreprise, de leurs frais de déplacement depuis leur domicile jusqu'au lieu de travail, soit par le remboursement des frais engagés, soit par la mise à disposition d'un véhicule de fonction. L'appelant affirme que cette pratique est attestée par l'assistante affectée par la SA GASCOGNE. C'est ainsi, selon Monsieur [X] [H], qu'il avait toujours été admis que :

* les déplacements professionnels (visites de clients, des fournisseurs...) soient pris en charge aussi bien depuis le siège de la société que du domicile (plus proche de l'aéroport [Localité 3]) ;

* des frais de représentation même onéreux mais destinés à faciliter les relations avec les dirigeants des entreprises partenaires soient également supportés par la SA GASCOGNE (golf, frais de restaurant, hôtel...).

L'ensemble de ces frais faisait l'objet d'un contrôle interne systématique par un contrôleur de la société GASCOGNE LAMINATES, et par la SA GASCOGNE. S'agissant des cadres, toutes les notes de frais étaient en dernier lieu visées par le PDG de la SA GASCOGNE, celles qui étaient rejetées étant remboursées par celui qui les avait engagés.

Conformes à la pratique validée au sein de l'entreprise, les frais de déplacement des années 2009 à 2011 inclus, ne peuvent dès lors présenter un caractère 'fautif', ni constituer un caractère aggravant par rapport à ceux de 2012.

Sur les frais postérieurs à 2012, et notamment les frais de déplacement à partir de Malaga, Monsieur [X] [H] soutient qu'ils ne peuvent lui être reprochés dans la mesure où ils ne coûtaient pas plus chers à l'entreprise que ceux engagés depuis son domicile en France ([Localité 4]) et qu'ils étaient motivés par des raisons familiales.

Quant aux déplacements effectués pendant son arrêt de travail, Monsieur [X] [H] les explique par le fait qu'il avait partiellement maintenu son activité professionnelle pendant cette période dans l'intérêt de l'entreprise et en raison des pressions qu'il subissait, ce que la SA GASCOGNE ne peut ignorer, qu'il en va de même de la location d'un véhicule en Espagne du 23 au 24 avril 2012 qui s'insère dans une semaine d'intense activité internationale.

Monsieur [X] [H] relève enfin, que les frais litigieux n'ont suscité aucune observation du contrôleur fiscal qui a pourtant redressé les comptes de la SA GASCOGNE de plusieurs centaines de milliers d'euros.

Les autres griefs - écartés par le conseil de prud'hommes - ne seraient pas plus pertinents selon Monsieur [X] [H]. Ainsi :

* des relations avec le fournisseur de papier blanc ARALAR qui ne concurrençait en rien l'activité 'papier' du groupe GASCOGNE qui ne produisait que du papier écru ce que ne pouvait pas ignorer la SA GASCOGNE ;

* des tentatives d'intimidation (non circonstanciées) sur le contrôleur dépêché par la SA GASCOGNE, qu'il conteste, qui a librement eu accès à toutes les informations et auquel il affirme avoir prêté son concours.

Outre les indemnités conventionnelles réclamées sur le fondement du contrat de travail et de la convention collective applicable, Monsieur [X] [H] justifie le montant réclamé au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse par le caractère injurieux de la lettre de licenciement, les charges de famille qui lui incombent, l'impossibilité de retrouver un emploi équivalent avant la date à laquelle il pourra faire valoir ses droits à la retraite (3,5 ans).

La SA GASCOGNE conclut à la confirmation du jugement du conseil de prud'hommes du 1er avril 2014 et au débouté de Monsieur [X] [H] de l'ensemble de ses prétentions. Elle demande la condamnation de ce dernier au paiement d'un montant de 10.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et de 10.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La SA GASCOGNE rappelle tout d'abord les motifs retenus dans la lettre de licenciement de Monsieur [X] [H] :

* le refus opposé par Monsieur [X] [H], à la demande de son employeur, de justifier que ses notes de frais, et des personnes l'accompagnant, avaient un caractère professionnel ;

* les tentatives d'intimidation, de dénigrement et de pression exercées par Monsieur [X] [H] sur la personne chargée de la vérification des notes de frais (Monsieur [P] [E]) caractérisée par la menace de saisir son avocat, des accusations injustifiées de discrimination ;

* l'utilisation de la carte de la société pour payer des dépenses privées (déplacements effectués pendant la période d'arrêt de travail, séjours privés à l'hôtel, frais de parking à Bilbao), les 5.051 € ne constituant que le solde d'une somme bien plus importante dont une partie avait déjà été remboursée par Monsieur [X] [H] (9.053 € + 2.664,30 €) ;

* la pratique régulière 'd'avances' (dépenses privées réglées avec la carte professionnelle puis ultérieurement remboursées à la société) étant également stigmatisée ;

* l'installation de Monsieur [X] [H] à Malaga (Espagne) depuis plusieurs mois à l'insu de l'employeur ;

* des invitations de clients pendant le temps des congés payés ou même d'un fournisseur ;

* la location d'un véhicule en Espagne à une date à laquelle Monsieur [X] [H] était censé être à son bureau à [Localité 2].

L'ensemble de ces faits était décrit comme 'extrêmement grave' par l'employeur qui reprochait en outre, à Monsieur [X] [H], d'avoir délibérément enfreint ses obligations contractuelles, en sorte que le licenciement était prononcé pour faute grave privatif de toute indemnité, de préavis et de rémunération de la période de mise à pied conservatoire.

La SA GASCOGNE écarte l'attestation de Mme [L], assistante de direction de Monsieur [X] [H], soumise au pouvoir hiérarchique de ce dernier, qui ne faisait qu'exécuter ses ordres et que l'appelant a largement gratifiée. Elle conteste l'allégation relative à 'l'usage' en cours dans l'entreprise dont Monsieur [X] [H] ne rapporte pas la preuve, souligne la persistance dans ces comportements fautifs en dépit d'un premier avertissement donné en mars 2010 puis, en janvier 2012, même si aucune sanction ne lui a été infligée en raison de la confiance qui lui était accordée. La SA GASCOGNE soutient que la prescription ne lui est pas opposable pour ce motif (absence de sanction), qu'au regard de la régularité apparente des notes présentées, le visa apposé par le PDG n'a pas de valeur exonératoire, que l'ampleur des agissements de Monsieur [X] [H] ne lui a été révélée que tardivement au travers de l'audit qu'elle a diligenté et qu'en tout état de cause, les faits non prescrits attestent de la persistance de Monsieur [X] [H] dans des comportements fautifs.

Compte tenu des remboursements souvent tardifs effectués par Monsieur [X] [H], qui démontrent qu'en tout état de cause, les sommes correspondantes n'auraient pas dû être prises en charge par l'entreprise, une somme de 4.488,10 € reste encore due par ce dernier, ce qui suffit à caractériser le dommage financier. Pour la SA GASCOGNE ces dépenses, le plus souvent engagées pendant les congés de l'intéressé ou lors de week-ends non travaillés ne peuvent être que de nature personnelle (pratique du golf notamment).

La SA GASCOGNE fait enfin valoir que Monsieur [X] [H] ne l'a jamais informée de sa domiciliation à Malaga puisque pour l'entreprise, seule l'adresse d'[Localité 4] où son courrier continuait d'être acheminé, apparaissait. Dès lors comme pour l'ensemble des cadres de l'entreprise, seuls les frais de trajet domicile fiscal/entreprise étaient pris en charge.

La SA GASCOGNE relève enfin que Monsieur [X] [H] a continué de présenter des notes de frais de déplacements injustifiés, engagés après sa mise à pied.

Elle en déduit que le licenciement pour faute grave prononcé à l'encontre de l'intéressé est nécessairement justifié par des agissements fautifs et réitérés imputables à Monsieur [X] [H].

Sur les demandes financières, la SA GASCOGNE expose que Monsieur [X] [H] ne peut prétendre au versement d'un 'bonus' pour l'exercice 2011 en raison de ses résultats, que le règlement tardif des salaires dus d'avril à juin 2012 (à ce jour régularisé) provient de ce que pendant les six premiers mois il avait indûment perçu les indemnités journalières versées par la SA GASCOGNE et celles versées par la CPAM ; le rejet des autres demandes étant justifié par la confirmation du licenciement pour faute grave.

La SA GASCOGNE fonde enfin sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour procédure abusive sur la spoliation et la tromperie dont elle affirme avoir été victime de la part de Monsieur [X] [H].

MOTIFS

1) Sur le licenciement :

En l'espèce, la lettre de licenciement pour faute grave du 5 juillet 2012, qui fixe les limites du litige, liste les griefs suivants :

* tentative d'intimidation de l'auditeur interne, Monsieur [P] [E], menant un audit comptable et financier depuis janvier 2012 au sein du groupe, mépris de son travail et refus de justifier du caractère professionnel des notes de frais et des personnes l'accompagnant ;

* utilisation à des fins personnelles de la carte société, dépenses identifiées au cours de différents audits sur les années 2009, 2010 et 2011 qui n'ont été que partiellement et tardivement remboursées, d'autres dépenses restant non remboursées et non justifiées malgré la mise en demeure du 25 avril (dépenses de billets d'avion et locations pour un montant de 3.334,99 € entre janvier et juin 2012 et pour un montant de 4.761,18 € pour la période antérieure), soit un total de 8.096,07 €, certains déplacements étant effectués en arrêt maladie ;

* dépassement des seuils imposés par la Direction lors des déplacements professionnels ;

* six séjours au Pian Médoc (25 janvier 2010, 3-4 juin, 9 novembre, 30 décembre 2010) sans précisions et pour lesquels il est reconnu un séjour privé (30 avril 2011) et un autre avec l'épouse (17 avril 2009) mais pour lesquels aucun remboursement n'est intervenu malgré l'engagement pris devant l'auditeur ;

* remboursements de frais de parking à Bilbao lors de séjours à Malaga (pendant les congés du 22 décembre 2008 au 2 janvier 2009, les congés du 4 janvier 2010 au 8 janvier 2010 et les congés du 23 mars 2009 au 27 mars 2009) ;

* invitations de clients le week-end ou lors de congés payés (24 octobre 2009) - invitation d'un fournisseur dont le dirigeant est un de ses amis (octobre 2009, juin 2010, octobre 2010, décembre 2010, février 2011) ;

* location d'un véhicule Hertz les 23 et 24 avril 2012 alors que le salarié était censé être au bureau à [Localité 2] les 23 et 24 avril ;

* persistance d'utilisation de la carte bancaire de l'entreprise à des fins purement personnelles alors que le salarié est en arrêt maladie.

L'employeur conclut la lettre de licenciement : « Nous estimons que ces faits sont extrêmement graves dans la mesure où, en qualité de cadre dirigeant, vous êtes censé donner l'exemple à l'ensemble des collaborateurs en ne confondant pas votre portefeuille personnel avec le portefeuille de l'entreprise. La société n'a pas à assumer vos dépenses personnelles. Nous vous rappelons que la charte éthique communiquée à l'ensemble des collaborateurs et au marché prône l'intégrité.

L'ensemble de ces faits sont extrêmement graves en termes d'image et pour le cas où un contrôle URSSAF venait à être opéré, vous faites courir à l'entreprise un fort risque de redressement.

Vous avez agi comme bon vous semblez et ce de façon intentionnelle.

En cela, vous contrevenez délibérément à vos obligations contractuelles.

Ce manquement délibéré à vos obligations contractuelles constitue un comportement fautif qui sera sanctionné par un licenciement pour faute grave privatif de toute indemnité et préavis.».

La faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis. Il appartient à l'employeur d'apporter la preuve de cette faute.

En 2010, à la suite d'un premier audit confié par la SA GASCOGNE à Monsieur [E], il a été constaté le paiement par Monsieur [X] [H] de dépenses personnelles avec la carte bancaire de la société ce qui a donné lieu à une demande de remboursement par l'employeur (locations Hertz en décembre, mars 2008 et mars 2009) à hauteur de 1.312 €, effectué le 16 mars 2010 par le salarié.

En décembre 2011, un nouvel audit sur les frais de déplacement est intervenu, générant de nouvelles anomalies dont le détail a été transmis à l'employeur le 20 janvier 2012 qui ont donné lieu à vérifications jusqu'en mai 2012 (échanges de courriers électroniques entre l'auditeur, l'entreprise et Monsieur [X] [H]).

Une première convocation en vue d'une sanction disciplinaire a été adressée à ce salarié le 17 janvier 2012, qui à la suite de l'entretien du 25 janvier, a validé certaines dépenses personnelles le 16 mai 2012, lesquelles n'ont cependant été que partiellement remboursées.

Le 25 avril 2012, l'employeur a adressé au salarié une lettre recommandée avec accusé de réception le mettant en demeure entre autres de justifier par retour de courrier du caractère professionnel des notes de frais injustifiées et non remboursées à hauteur de 5.051,68 € (année 2009, 2010, 2011) ainsi que des dépenses de janvier et mars 2012.

Monsieur [X] [H] soutient que les faits pour les années de 2008 à 2011 sont prescrits.

Aux termes de l'article L. 1332-4 du code du travail aucun fait fautif ne peut, à lui seul, donner lieu à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, cependant la réitération de faits postérieurs commis ou la persistance du comportement fautif dans le délai de la prescription permet à l'employeur de se prévaloir de faits antérieurs similaires, étant précisé que le point de départ de la prescription se situe à la date de présentation de la lettre recommandée de convocation à l'entretien préalable.

Cependant, si lors de l'engagement de la procédure de licenciement le 14 juin 2012, l'employeur avait une connaissance des dépenses injustifiées engagées par Monsieur [X] [H] à titre personnel sur les comptes de la société durant les années 2009, 2010 et 2011, puisque l'auditeur a clôturé ses investigations fin décembre 2011, il s'avère que les investigations se poursuivaient jusqu'en mai 2012, date à laquelle l'appelant a validé certaines dépenses (courriels mai 2012).

De plus, l'employeur pouvait reprocher au salarié, dans le cadre de cette procédure, comme repris dans la lettre de licenciement, les frais personnels que le salarié avait persisté à engager avec la carte bancaire de l'entreprise après cette date, durant ses congés ou ses arrêts maladie de juin 2012, ainsi que sa persistance à ne pas rembourser les dépenses engagées en 2009, 2010 et 2011 malgré son engagement.

Il résulte en effet de l'examen des relevés de la carte affaire au nom du salarié ainsi que des factures adressées à la société GASCOGNE LAMINATES pour le compte de Monsieur [X] [H], pour la période de janvier à juin 2012, les dépenses suivantes non justifiées par des motifs professionnels :

- Lors de congés payés sur la période du 14 au 23 mars :

un vol Paris Malaga (où réside Monsieur [X] [H] ) : 407,77 € le 14 mars 2012 : qui pourrait cependant consister en un retour de réunion tenue la veille à Paris ;

un séjour le 14 mars 2012 à l'hôtel [Établissement 1] pour un montant de 216,48 € qui peut cependant être justifié par sa présence à une réunion en ces lieux le 13 mars ;

un vol Malaga Bilbao le 18 mars 2012 : 196,84 € ;

un vol Malaga Bilbao le dimanche 25 mars 2012 : 68 € ;

- Lors d'absences sur le planning de l'entreprise :

un vol Budapest/ Bruxelles/Malaga le 15 juin 2012 : 422,77 € ;

deux vols Malaga/ Genève le 18 juin 2012 : 386,48 € ;

- Lors d'un arrêt de travail total (période du 21 juin au 29 juillet 2012) et mise à pied depuis le 15 juin 2012 :

un vol Malaga Bilbao le 27 juin 2012 : 431,98 € ;

un vol Bordeaux Paris le 22 juin 2012 : 457,72 € ;

- Alors que Monsieur [H] est censé être à Paris le 6 juin, à Genève le 7 et à Londres le 8 juin 2012 :

une facture pour un séjour à l'hôtel [Établissement 1] à [Adresse 3] du 6 au 8 juin 2012 pour un montant total de 806 € ;

- Alors que le salarié est censé être au bureau à [Localité 2] les lundi 23 et mardi 24 avril 2012 :

une facture de location Hertz à Bilbao : 144,65 € alors que le voyage à Malmö était programmé le 19 avril avec un retour de Francfort le 20 avril 2012, dates non concordantes avec l'explication de Monsieur [X] [H] sur un retour de Malmö ;

- les 25 et 26 janvier 2012, alors que le planning de Monsieur [X] [H] n'est pas renseigné pour ces dates : des achats de vols Bilbao-Malaga pour un montant de 267 €, les explications confuses du salarié qui d'une part, invoquait un rendez-vous professionnel, puis la convocation à l'entretien du 25 janvier ne permettant pas d'imputer ces dépenses à l'entreprise ;

Soit un total de dépenses personnelles de 2.914,44 € (non compris cependant les frais d'avion des 25 et 26 janvier, le vol du 14 mars et la nuit d'hôtel du 14 mars), non contestées par Monsieur [X] [H], ni dans sa lettre du 3 juillet (par ailleurs datée d'[Localité 4] et non de Malaga où il déclare résider pour justifier ses billets d'avion), ni dans ses écritures.

La réitération par le salarié de l'utilisation abusive de la carte bancaire de l'entreprise pour payer des dépenses personnelles entre mars et juin 2012 alors que :

- dès l'année 2010, il avait été sommé de rembourser des dépenses personnelles et qu'il avait donc une parfaite connaissance de l'irrégularité de son comportement ;

- en janvier 2012, il avait été convoqué à un entretien préalable en vue d'une sanction pour ce motif et s'était engagé lors de l'entretien à rembourser ses dépenses personnelles ;

- en avril 2012, il recevait une lettre de mise en demeure de justifier du caractère professionnel des frais engagés avec la carte entreprise ainsi que des dépenses intervenues entre janvier et mars, lui rappelant l'interdiction de paiement de frais personnels avec la carte entreprise ;

constitue à lui seul une violation des obligations résultant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rendait impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis. De plus, l'absence de régularisation des dépenses personnelles est également constituée, le salarié n'ayant en juin 2012 remboursé qu'une partie de ses dépenses, se servant des fonds de l'entreprise comme trésorerie personnelle.

L'attestation de Madame [L] ne permet pas d'exonérer Monsieur [X] [H]. En effet, si ce témoin semble considérer que les avances de trésorerie dont bénéficiait l'appelant (en 2009, 2010 et 2011) pour ses dépenses personnelles (locations de voiture, billets d'avion, réservations d'hôtels) était une pratique courante, elle déclare cependant, qu'un point était fait une ou deux fois par an sur les remboursements dus par le salarié, démontrant que ces dépenses n'étaient que des avances rapidement remboursables. Or, il résulte des pièces produites que dans l'hypothèse même où ces états semestriels ou annuels auraient été faits, ils n'avaient pas été suivis d'effets par Monsieur [X] [H] qui, en 2012, n'avait toujours pas remboursé des dépenses personnelles de 2009, 2010, 2011 (nuitées d'hôtel, repas, etc), soit un restant dû de 5.051€, selon l'audit et sur lequel l'appelant ne fait aucune observation.

Le jugement du conseil de prud'hommes doit en conséquence être confirmé en ce qu'il a jugé le licenciement de Monsieur [X] [H] fondé sur une faute grave et l'a débouté de l'ensemble de ses demandes relatives à la rupture du contrat de travail ainsi qu'au paiement de la période de mise à pied conservatoire.

Sur la demande en paiement des arriérés de salaires :

Monsieur [X] [H] sollicite le paiement du complément de son salaire pour les mois d'avril, mai et juin 2012 alors qu'il était en mi-temps thérapeutique, soit la somme de 21.645 € bruts (14.430 € / 2 x 3).

L'employeur a cependant adressé à Monsieur [H], le 11 décembre 2012, la somme de 15.724,27 €, décompte des prestations telles que reçues de l'organisme MERCER pour la période de mi-temps thérapeutique du 1er avril au 14 juin 2012, en sorte que Monsieur [X] [H] sera débouté et le jugement confirmé de ce chef.

Sur la demande en paiement d'un bonus :

Monsieur [X] [H] demande le paiement de la somme de 20.000 € bruts représentant le bonus de l'année 2011.

Le contrat de travail prévoit qu'à la rémunération brute s'ajoutera un bonus pouvant atteindre six mois pour des résultats exceptionnels dont les critères seront définis chaque année. Or, l'employeur produit la liste des objectifs qui étaient à réaliser par le salarié sur l'année 2011 et qui n'ont pas été atteints par Monsieur [H] qui ne conteste ni les objectifs fixés, ni l'absence de réussite. Il en découle que sa demande n'est pas fondée et que le jugement qui l'a débouté de ce chef de demande doit être confirmé.

Sur la demande de dommages et intérêts de la SA GASCOGNE :

Le droit d'agir en justice ne dégénère en abus que s'il procède d'une légèreté blâmable qui n'est pas démontrée en l'espèce. Il y a donc lieu de débouter la SA GASCOGNE de sa demande.

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile :

Il appartient à Monsieur [X] [H] qui succombe de supporter la charge des dépens et de verser à la SA GASCOGNE une indemnité de procédure de 2.000 €.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, par arrêt mis à disposition au greffe et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de [Localité 2] en date du 1er avril 2014 en toutes ses dispositions,

DÉBOUTE Monsieur [X] [H] de toutes autres demandes,

DÉBOUTE la SA GASCOGNE de son appel incident,

CONDAMNE Monsieur [X] [H] à payer à la SA GASCOGNE la somme de 2.000 € (deux mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel,

CONDAMNE Monsieur [X] [H] aux entiers dépens.

Arrêt signé par Madame THEATE, Présidente, et par Madame HAUGUEL, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE,LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 14/01579
Date de la décision : 03/12/2015

Références :

Cour d'appel de Pau 3S, arrêt n°14/01579 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-12-03;14.01579 ?
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