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13/11/2015 | FRANCE | N°14/00416

France | France, Cour d'appel de Pau, 1ère chambre, 13 novembre 2015, 14/00416


PC/AM



Numéro 15/4327





COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre







ARRET DU 13/11/2015







Dossier : 14/00416





Nature affaire :



Demande en nullité d'un contrat ou des clauses relatives à un autre contrat















Affaire :



[S] [U]

[L] [H]



C/



SYNDICAT LOCAL DES MONITEURS DE L'ECOLE DU SKI FRANCAIS DE [Localité 3]









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Grosse délivrée le :



à :





















RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R E T



prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 13 novembre 2015, les parties en ayant été préalablement avisées dans les co...

PC/AM

Numéro 15/4327

COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre

ARRET DU 13/11/2015

Dossier : 14/00416

Nature affaire :

Demande en nullité d'un contrat ou des clauses relatives à un autre contrat

Affaire :

[S] [U]

[L] [H]

C/

SYNDICAT LOCAL DES MONITEURS DE L'ECOLE DU SKI FRANCAIS DE [Localité 3]

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R E T

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 13 novembre 2015, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 16 juin 2015, devant :

Madame PONS, Président

Monsieur CASTAGNE, Conseiller, magistrat chargé du rapport conformément à l'article 785 du code de procédure civile

Madame NICOLAS, Conseiller

assistés de Madame VICENTE, Greffier, présente à l'appel des causes.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTS :

Monsieur [S] [U]

né le [Date naissance 1] 1949 à [Localité 1]

de nationalité française

[Adresse 4]

[Adresse 2]

Monsieur [L] [H]

né le [Date naissance 2] 1949 à [Localité 2] (Maroc)

de nationalité française

[Adresse 5]

[Adresse 1]

représentés par la SELARL LEXAVOUE, avocats au barreau de PAU

assistés de Maître Marc BACLET, avocat au barreau de BEAUVAIS

INTIME :

SYNDICAT LOCAL DES MONITEURS DE L'ECOLE DU SKI FRANCAIS DE [Localité 3]

[Adresse 6]

[Adresse 3]

pris en la personne de son président domicilié en cette qualité audit siège

représenté par la SCP LAPIQUE - CHAMAYOU, avocats au barreau de TARBES

assisté de Maître Eric HIRSOUX, avocat au barreau de PARIS

sur appel de la décision

en date du 26 DECEMBRE 2013

rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE TARBES

MM. [S] [U] et [L] [H], sont des moniteurs de ski, travailleurs indépendants, exerçant à [Localité 3] et adhérents du syndicat local des moniteurs de l'Ecole du Ski Français de [Localité 3].

Estimant que l'article 3 de la convention entre les moniteurs de l'ESF de [Localité 3] fixant, en son article 3, une limite d'âge (61 ans) à l'exercice de la profession en qualité de moniteur permanent et/ou saisonnier constituait une discrimination illicite fondée sur l'âge, ils ont (avec deux autres moniteurs dont l'un est décédé en cours de première instance et l'autre s'est désisté de ses demandes) fait assigner le syndicat local des moniteurs de l'ESF de [Localité 3] pour voir ordonner le retrait de ces dispositions de la convention et obtenir indemnisation de leur préjudice moral et financier.

Par jugement du 26 décembre 2013, le tribunal de grande instance de Tarbes a déclaré leurs demandes irrecevables à l'encontre du syndicat local des moniteurs de l'ESF de [Localité 3] et les a condamnés aux dépens, en relevant en substance :

- que les dispositions contestées de la convention ne figurent pas dans les statuts du syndicat local qui n'en est pas signataire, et qui n'a aucun pouvoir de direction sur l'ESF, qui constitue une entité distincte de lui, nonobstant leurs liens,

- que seuls les moniteurs ayant adhéré à la convention pourraient, si les dispositions litigieuses étaient considérées comme discriminatoires, effectuer leur retrait de la convention.

MM. [U] et [H] ont interjeté appel de cette décision selon déclaration transmise au greffe de la Cour le 30 janvier 2014.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du magistrat de la mise en état en date du 5 mai 2015.

Dans leurs dernières conclusions déposées le 23 avril 2015, MM. [U] et [H] demandent à la Cour, réformant le jugement entrepris :

- de dire que les dispositions de l'article 3 de la convention entre les moniteurs ESF membres actifs du syndicat local de [Localité 3] constituent une discrimination illicite fondée sur l'âge,

- de dire qu'elles doivent être retirées de cette convention et que les moniteurs ne peuvent changer de statut ni perdre un quelconque droit en raison de leur âge,

- de condamner le syndicat local des moniteurs de l'ESF de [Localité 3] à payer, d'une part, à M. [U] la somme de 1 € en réparation de son préjudice moral et celle de 24 009,41 € en réparation de son préjudice matériel et, d'autre part, à M. [H] la somme de 1 € en réparation de son préjudice moral et celle de 16 705,05 € en réparation de son préjudice matériel,

- de débouter le syndicat local de l'ESF de [Localité 3] de ses demandes reconventionnelles,

- de condamner le syndicat local de l'ESF de [Localité 3] à leur payer la somme de 4 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens, avec bénéfice de distraction au profit de la SELARL Lexavoué Pau-Toulouse.

Exposant s'être vus retirer par le syndicat local des moniteurs de l'école du ski français leur statut de moniteur permanent sur le fondement de l'article 3 d'un document intitulé 'convention entre les moniteurs de l'ESF de [Localité 3]' instituant une limite d'âge fixée à 61 ans, ils soutiennent en substance :

- que leur action contre le syndicat local est recevable dès lors :

$gt; que l'ESF et le syndicat local sont une seule et même entité puisque l'adhésion à l'ESF implique automatiquement pour chaque moniteur l'adhésion au syndicat local et au syndicat national, le directeur de l'école de ski locale étant également président du syndicat local, l'ESF n'étant pas un groupement de fait mis en place par les moniteurs pour procéder à la distribution des cours mais la simple 'enseigne' du syndicat local,

$gt; que la convention litigieuse est un document interne au syndicat local qui n'a jamais été signé par les moniteurs inscrits à l'ESF et qui constitue une convention-type rédigée par le syndicat national des moniteurs de ski et imposée par les syndicats locaux aux moniteurs,

$gt; qu'en toute hypothèse, dans la mesure où le syndicat local applique la disposition litigieuse, ils sont recevables, quel que soit l'auteur de cette disposition, à voir interdire au syndicat local de l'appliquer,

- que si la directive européenne 2000/78 du 27 novembre 2000 prévoit en son article 6 une possibilité de discrimination en faveur des jeunes actifs, elle ne dispose pas qu'elle doive nuire aux travailleurs âgés et en toute hypothèse elle précise que seuls les Etats membres peuvent prévoir des différences de traitement fondées sur l'âge en sorte qu'un dispositif conventionnel mis en place par un syndicat, sans contrôle de l'Etat, ne peut être validé,

- que la disposition litigieuse est contraire à la loi 2008-496 du 27 mai 2008 en ce que le dispositif mis en place ne garantit pas une meilleure entrée dans la vie active aux jeunes moniteurs (aucune mesure n'étant prévue en ce sens), la perte d'activité imposée aux plus de 61 ans profite à tous les autres et non pas spécialement aux plus jeunes, alors que rien ne justifie que l'effort d'intégration ne soit pas équitablement réparti sur l'ensemble de la profession et qu'il pèse exclusivement sur les plus âgés, par l'effet d'un dispositif coercitif imposé à des moniteurs qui n'ont pas nécessairement assuré leur accès à une pension de retraite décente,

- qu'ils sollicitent réparation du préjudice financier résultant de la réduction injustifiée de leur activité, par comparaison avec l'activité déployée lors de leurs dernières saisons en qualité de moniteurs permanents.

Dans ses dernières conclusions déposées le 5 mai 2015, le syndicat local des moniteurs de l'Ecole du ski français de [Localité 3] demande à la Cour :

- à titre principal, de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a déclaré irrecevable comme mal dirigée l'action de MM. [U] et [H],

- subsidiairement, de débouter MM. [U] et [H] de leurs demandes,

- très subsidiairement, de limiter l'indemnisation au seul préjudice financier résultant directement et exclusivement de la disposition litigieuse et, s'agissant de travailleurs indépendants, calculé sur la seule perte de revenus imputable auxdites dispositions,

- de laisser les dépens à la charge de MM. [U] et [H].

Il expose pour l'essentiel :

- qu'il ne peut se voir ordonner de procéder au retrait d'une disposition présentée comme discriminatoire qui ne figure pas dans ses statuts, mais dans une 'convention entre les membres de l'Ecole de Ski Français de [Localité 3]' dont il n'est ni signataire ni chargé de la mise en oeuvre,

- qu'il ne peut être considéré que le syndicat local des moniteurs de l'ESF et l'ESF elle-même constituent un seule et même entité au regard de l'objet de leurs missions respectives, le syndicat ayant pour vocation la défense des intérêts matériels et moraux de ses adhérents, l'ESF ayant pour vocation d'organiser, entre moniteurs, les conditions d'exercice de leur activité, en ce compris la répartition des cours collectifs, par le biais d'une convention élaborée par les moniteurs, votée par eux en assemblée générale et à laquelle chaque moniteur renouvelle son adhésion au début de chaque saison,

- que l'ESF locale est un simple groupement de fait dénué de la personnalité juridique, s'étant doté d'une organisation et d'un règlement propres à partir d'un texte voté par ses membres (la convention litigieuse),

- que la circonstance que cette convention s'inspire d'un modèle proposé par le syndicat national des moniteurs de ski français est sans incidence, sauf à considérer que celui-ci eût dû être appelé en la cause, étant considéré qu'à la différence du pacte inter-générationnel adopté en 2012 et imposé par le syndicat national, les assemblées générales de chaque ESF locale avaient toute latitude pour adapter le modèle en fonction de leurs spécificités de fonctionnement et de leurs besoins propres, notamment pour la répartition des cours collectifs,

- subsidiairement, que la convention litigieuse qui limite à 61 ans l'exercice des fonctions de moniteur permanent et de moniteur saisonnier ne contient aucune discrimination en fonction de l'âge et qu'elle est régulière au regard des dispositions de la loi du 27 mai 2008 ayant transposé en droit interne la directive européenne 2000/78/CE et prévoyant des exceptions à la prohibition de toute discrimination fondée sur l'âge lorsqu'elles répondent à une exigence professionnelle essentielle et déterminante, pour autant que l'objectif soit légitime et l'exigence proportionnée,

- qu'à cet égard, sont versés aux débats des éléments justifiant que les dispositions conventionnelles dénoncées par les appelants ont permis tant l'intégration de jeunes moniteurs au sein de l'ESF locale que le changement de statut (de saisonnier à permanent) de plusieurs autres,

- que les bases de calcul proposées par les appelants pour l'évaluation de leur préjudice financier ne peuvent être retenues car prenant notamment en compte des exercices pendant lesquels ils ont effectué un temps de travail exceptionnel et que, s'agissant de travailleurs indépendants, le préjudice indemnisable doit être évalué en termes de perte de bénéfices et non sur la base d'un taux horaire brut.

MOTIFS

La convention litigieuse, en sa version applicable aux exercices 2010-2011 et 2011-2012 (édition mise à jour au 11 décembre 2010) pour lesquels indemnisation est sollicitée, est ainsi rédigée :

1 - L'Ecole du Ski Français :

L'Ecole du Ski Français est un regroupement de moniteurs, travailleurs indépendants ou salariés des collectivités, adhérant au Syndicat National des Moniteurs de Ski Français.

L'Ecole du Ski Français n'a pas de personnalité juridique.

Elle n'est qu'un label et la désignation courante de l'ensemble des moniteurs, travailleurs indépendants, adhérant au SNMSF et acceptant librement de respecter cette convention avec pour but une meilleure organisation des prestations qu'ils proposent au public.

L'assemblée générale comprend tous les moniteurs de l'ESF en possession de la carte syndicale annuelle.

2 - Le Directeur :

Les moniteurs sont représentés auprès du SNMSF par le directeur qui a la charge du bon fonctionnement de l'ESF. Les moniteurs lui délèguent tous les pouvoirs nécessaires auprès des tiers.

Le directeur s'engage ... à faire respecter la convention, à représenter l'ESF dans la station, à ne pas signer de contrats en contradiction avec la position syndicale, à assurer la promotion de l'ESF.

Le Directeur est aussi Président du Syndicat Local.

3 - Les moniteurs :

Les moniteurs permanents :

A la disposition de l'ESF pendant toute la saison.

Pour espérer être admis moniteur permanent, il faut avoir moins de 61 ans....

Les moniteurs saisonniers :

A la disposition de l'ESF en renfort pendant toute la saison.

Pour être admis, il faut ... avoir moins de 61 ans.

Les moniteurs occasionnels :

A la disposition de l'ESF pendant les périodes définies entre les parties.

Ils seront positionnés sur le planning après les permanents et par ordre d'ancienneté.

Cotisation au syndicat local :

Chaque moniteur versera une cotisation au syndicat local sur les honoraires qu'il aura perçus.

4 - Règles déontologiques :

Le moniteur est personnellement responsable de ses actes et, d'une manière générale, l'ignorance délibérée ou involontaire des dispositions de la charte ou de la convention constitue une faute,

- en cas de flagrant délit, le directeur peut prononcer une suspension d'activité immédiate dans l'attente d'une décision du comité de direction,

- le moniteur concerné par une éventuelle sanction d'exclusion devra être convoqué devant le comité de direction, par lettre recommandée avec accusé de réception, afin de pouvoir présenter ses observations...

- fautes graves : convocation devant le comité directeur, dans ce cas la sanction pouvant être la mise à pied.

5 - Règlement financier :

Le directeur est constitué mandataire unique pour encaisser les recettes provenant des produits d'enseignement et pour assurer pour le compte des moniteurs la facturation des cours.

Le directeur organise le règlement des honoraires des moniteurs et le versement des cotisations au syndicat local.

L'Ecole fonctionne avec quatre comptes bancaires :

$gt; compte général de l'ESF de [Localité 3], compte-plateforme destiné à recevoir l'ensemble des produits d'exploitation puis de les ventiler aux comptes bénéficiaires, alimenté par le compte du syndicat local pour assurer la compensation des frais financiers,

$gt; compte ESF [Localité 3] : reprenant en recettes les ventes de prestations d'enseignement et en dépenses les honoraires réglés aux moniteurs et les cotisations réglées au syndicat local pour le fonctionnement

$gt; compte syndicat local des moniteurs de l'ESF [Localité 3] : prenant en compte le fonctionnement du syndicat local et enregistrant les opérations liées à la vie syndicale,

$gt; compte caisse de secours de l'ESF [Localité 3].

Par ailleurs, les statuts du syndicat local des moniteurs de l'école du ski français de [Localité 3], datés du 25 avril 1998, sont ainsi rédigés :

Article 3 : le syndicat local a pour objet :

- de regrouper sur le plan local les moniteurs de ski, adhérant au SNMSF, de la station [Localité 3],

- de resserrer les liens de confraternité qui doivent exister entre les membres d'une même profession,

- d'assurer sur le plan local l'étude et la défense des intérêts professionnels de ses membres et d'agir en justice pour le compte de ceux-ci,...,

- d'acheter pour mettre à disposition de ses membres les biens collectifs nécessaires à l'exercice de leur profession,

- de s'entremettre gratuitement pour le placement des services de chacun de ses membres, ces services devront concourir directement et exclusivement à la réalisation d'actes d'enseignement effectués par ses membres,

- d'acquérir, prendre bail, louer tous immeubles bâtis ou non, utiles au fonctionnement du syndicat local,

- d'organiser, financer ou participer à toutes manifestations sportives, artistiques ou autres destinées à encourager le développement du ski.

Article 5 :

Le syndicat local s'interdit d'exercer collectivement la profession dans l'intérêt de ses membres et de faire des actions commerciales,

Article 8 : critères d'adhésion et de renouvellement :

Il faut jouir de ses droits civiques et : soit être moniteur de ski détenteur d'un diplôme d'Etat ... soit être stagiaire...

Tous les membres doivent effectuer par écrit une demande annuelle pour adhérer au syndicat local et au SNMSF.

Article 9 : Les Membres :

Sont considérés comme membres actifs : les membres A (moniteurs permanents), les membres B (moniteurs occasionnels), les membres C (stagiaires), les membres D (retraités).

Conditions à remplir :

- être en règle avec les dispositions légales des éducateurs sportifs et des travailleurs indépendants,

- être titulaire de la carte syndicale de l'année demandée par le président du syndicat local auprès du SNMSF,

- respecter les statuts du SNMSF et les décisions prises par celui-ci, les statuts du syndicat local, la charte ESF, la convention entre les moniteurs, les règles déontologiques de la profession.

Sont considérés comme membres honoraires les membres appartenant au syndicat national et au syndicat local mais n'exerçant plus d'activité professionnelle dans le cadre de l'ESF. Ils doivent respecter les statuts du SNMSF, les statuts du syndicat local, les règles déontologiques de la profession.

Article 12 :

Le syndicat local est administré par un comité de direction composé :

- de membres élus (président élu pour 4 ans, membres élus pour 3 ans par l'assemblée générale),

- de membres de droit...

Article 20 : fonctions du comité :

Le comité de direction définit l'organisation générale du syndicat local et assiste le président dans la mise en oeuvre des décisions prises par l'assemblée générale...

Article 29 :

Le président s'engage ... à faire respecter la convention et autres textes réglementaires...

Article 43 (litiges, arbitrages, exclusions) :

Tout membre qui se rendrait coupable de voies de fait ou d'injures envers un autre membre ou, par ses agissements, son manque d'honorabilité, porterait atteinte matériellement ou moralement au syndicat local et/ou au SNMSF, devra répondre à la convocation écrite du comité de direction.

Il en serait de même pour tout membre qui refuserait de se conformer aux statuts du syndicat local et/ou à la convention entre les moniteurs et/ou à la charte.

Après examen des faits, le comité de direction pourra valablement statuer et infliger une sanction au membre concerné.

Article 45 : sanctions :

Les sanctions disciplinaires sont l'avertissement, le blâme, la sanction pécuniaire, la suspension temporaire et l'exclusion définitive.

L'exclusion définitive d'un membre ne pourra être prononcée que par l'Assemblée générale sur proposition du comité de direction.'

Par ailleurs, sont versés aux débats des appels de cotisation syndicale émis par le directeur de l'ESF de [Localité 3] ainsi rédigés :

Pour me permettre de présenter au SNMSF ta demande annuelle de carte syndicale mais aussi pour m'assurer des effectifs de notre syndicat local, je te demande de bien vouloir m'adresser un chèque de ..., montant de ta cotisation.

Cette démarche implique de ta part :

l'acceptation et le respect :

- des statuts du SNMSF,

- des statuts de notre syndicat local,

- de la charte ESF,

- de la convention entre les moniteurs de l'ESF.

Ton chèque à l'ordre du syndicat local doit me parvenir avant le ... Passé cette date, je considère que tu ne souhaites plus adhérer à notre structure.

Il résulte de la combinaison de ces documents que si le syndicat local, ès qualités, n'est ni auteur ni signataire de la convention entre les moniteurs locaux ESF, il en est, aux termes mêmes de ses statuts, institué gardien du respect par ses propres membres (étant observé que l'acceptation de la convention est une condition de l'adhésion au syndicat local) et investi d'un pouvoir disciplinaire pour sanctionner d'éventuelles violations de celle-ci de leur part, à la différence du fonctionnement décrit dans l'attestation du directeur de l'ESF des Karellis (pièce n° 18 produit par l'intimé), indiquant que le pouvoir disciplinaire est exercé au sein même de l'ESF et non par le syndicat local.

La circonstance que le syndicat local n'exerce aucune activité commerciale et ne s'immisce pas dans la répartition des cours de ski entre les moniteurs est sans incidence dès lors que les dispositions litigieuses, fixant une limite d'âge pour l'accès au statut de moniteur permanent ou occasionnel, présentent un caractère statutaire et général et que le syndicat local est statutairement investi d'un pouvoir disciplinaire pour assurer le respect de la convention, sans distinction de son contenu.

Il en résulte que si le syndicat local ne peut être condamné à faire procéder (de manière purement symbolique, puisque la convention n'est désormais plus applicable en sa version objet du présent litige, suite notamment à l'adoption du pacte inter-générationnel) au retrait des dispositions litigieuses de la convention, sa responsabilité contractuelle peut cependant être recherchée, à l'égard de ses adhérents, en ce qu'il leur aurait imposé l'application de dispositions qui s'avéreraient discriminatoires.

Il convient dès lors, réformant le jugement entrepris, de déclarer l'action de MM. [U] et [H] recevable, en ce qu'elle tend à la condamnation du syndicat local au paiement de dommages-intérêts et, faisant application des dispositions de l'article 568 du code de procédure civile, de statuer sur le fond du litige non jugé par la décision déférée.

Il y a lieu ici de rappeler :

- qu'aux termes de l'article 1 de la loi 2008-496 du 27 mai 2008 :

$gt; constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race, sa religion, ses convictions, son âge, son handicap, son orientation sexuelle ou son sexe, une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne l'aura été dans une situation comparable,

$gt; que constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence mais susceptible d'entraîner, pour l'un des motifs précités, un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d'autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés,

- que l'article 2-2° de cette loi dispose :

$gt; que toute discrimination directe ou indirecte, fondée sur l'appartenance ou la non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race, la religion, les convictions, l'âge, le handicap, l'orientation sexuelle ou son sexe est interdite en matière d'affiliation et d'engagement dans une organisation syndicale ou professionnelle, y compris d'avantages procurés par elle, d'accès à l'emploi, d'emploi, de formation professionnelle et de travail, y compris de travail indépendant ou non salarié, ainsi que des conditions de travail et de promotion professionnelle

$gt; que ce principe ne fait pas obstacle aux différences de traitement fondées sur les motifs précités lorsqu'elles répondent à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et pour autant que l'objectif visé soit légitime et l'exigence proportionnée,

- que l'article 4 dispose que toute personne qui s'estime victime d'une discrimination directe ou indirecte présente devant la juridiction compétente les faits qui permettent d'en présumer l'existence et qu'au vu de ces éléments, il appartient à la partie défenderesse de prouver que la mesure en cause est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

En l'espèce, l'article 3 de la convention litigieuse a pour objet et pour effet d'écarter du tour de rôle, pendant des périodes déterminées, les moniteurs âgés de plus de 61 ans, 'déclassés' en simples 'moniteurs occasionnels', ce qui constitue une restriction dans l'exercice de leur profession et dans l'accès à la clientèle normalement mise à leur disposition par l'ESF.

Le fait que les moniteurs ont la possibilité d'exploiter une clientèle personnelle lors des périodes d'inactivité imposée au sein de l'ESF est indifférent puisque s'agissant des cours dispensés sous le label ESF, la discrimination résulte du fait que les moniteurs de plus de 61 ans, en raison de leur âge, se voient refuser l'accès à la possibilité de travailler avec la clientèle correspondante, alors que d'autres personnes dans une situation comparable, mais d'un âge différent (les moniteurs de moins de 61 ans) y ont accès normalement,.

Le fait que les appelants, en adhérant au syndicat, ont accepté la convention est sans incidence dès lors qu'aux termes de l'article 3 alinéa 2 de la loi du 27 mai 2008, aucune décision défavorable à une personne ne peut être fondée sur sa soumission ou son refus de se soumettre à une discrimination prohibée.

Il appartient donc au syndicat local d'établir que la différence de traitement opérée en fonction de l'âge des moniteurs pour l'accès aux cours collectifs dispensés sous le label ESF est justifiée par un motif légitime et proportionné.

Or, outre le fait que la convention ne précise nullement l'objectif recherché par cette limitation de l'activité d'enseignement imposée aux moniteurs de plus de 61 ans par l'effet de leur reclassement en 'moniteurs occasionnels', aucun élément objectivement vérifiable n'établit qu'elle avait pour objectif et a eu pour effet, pour la période considérée, en sus des effets mécaniques du renouvellement 'naturel' des générations faisant valoir leurs droits à retraite, de permettre l'embauche de jeunes moniteurs, en sorte que le temps de travail dégagé par l'exclusion des moniteurs de plus de 61 ans du statut de moniteur permanent ou occasionnel leur aurait bénéficié effectivement.

La seule attestation du directeur de l'ESF de [Localité 3] (par ailleurs, président du syndicat local), pièce n° 30 produite par l'intimé, datée du 24 avril 2015, au demeurant erronée en ce qu'elle indique que les moniteurs de 61 ans sont passés du statut de moniteur permanent à celui de moniteur occasionnel, alors que la convention litigieuse fixe une seule et même limite d'âge pour ces deux catégories, non étayée par d'autres éléments, est insuffisante à établir cette preuve.

Il en résulte qu'en faisant assurer le respect de dispositions d'une convention emportant une discrimination injustifiée à l'égard des moniteurs âgés de plus de 61 ans, le syndicat local des moniteurs de l'ESF de Sain-Lary-Soulan a commis une faute de nature à engager sa responsabilité contractuelle à l'égard des moniteurs victimes de ladite discrimination qui sont recevables et fondés à obtenir réparation des préjudices en résultant.

Le préjudice financier résultant de la réduction illégitime de l'activité d'enseignement des appelants sera fixé, compte tenu des arguments développés par les parties :

- en termes de bénéfice net et non de revenus bruts, étant cependant observé que le tableau synoptique de charges d'exploitation produit par le syndicat (pièce n° 32) concerne l'ensemble des activités libérales et intègre des charges (salariales, locatives et autres) que les moniteurs de ski, travailleurs indépendants et individuels, ne supportent à l'évidence pas, en sorte que seules doivent être prises en comptes les charges fiscales et sociales personnelles évaluées à 20 %, soit sur la base d'un taux horaire de 65,51 €, une perte nette de 52,41 €/heure,

- par référence à l'activité déployée avant la réduction du temps de travail, pour des saisons normales, non marquées par un enneigement (ou un manque d'enneigement) exceptionnel, comme le fut, en termes de duré e et importance d'enneigement, la saison 2008-2009, soit pour M. [U], une moyenne annuelle de 570 heures et une perte de 302 heures sur les deux saisons litigieuses,

- que la circonstance que M. [U] prenait des congés pendant la période hivernale est sans incidence dès lors qu'il sollicite indemnisation par rapport au temps d'enseignement effectivement dispensé,

- s'agissant de M. [H], que l'indemnisation par lui sollicitée à concurrence de 255 heures correspond à la perte de temps de travail sur deux saisons et non sur un seul exercice comme le soutient le syndicat.

Au regard de ces éléments et sur la base d'un taux horaire non contesté de 65,51 €, il sera alloué :

- à M. [U] la somme de (52,41 € x 302 h) 15 827,82 €,

- à M. [H] la somme de (52,41 € x 255 h) 13 364,55 €.

L'existence d'un préjudice moral résultant de l'application d'une disposition discriminatoire ne peut être contestée et ce préjudice sera réparé par l'octroi d'une indemnité de 1 € à chacun des appelants.

L'équité commande d'allouer à MM. [U] et [H], en application de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 1 500 € chacun au titre des frais irrépétibles par eux exposés tant en première instance qu'en cause d'appel.

Le syndicat local des moniteurs de l'ESF de [Localité 3] sera condamné aux entiers dépens d'appel et de première instance.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Après en avoir délibéré, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

Vu le jugement du tribunal de grande instance de Tarbes en date du 26 décembre 2013,

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré irrecevables, en ce qu'elles sont dirigées contre le syndicat local des moniteurs de l'ESF de [Localité 3], les demandes de MM. [U] et [H] tendant à voir ordonner le retrait des dispositions de la convention entre les moniteurs de l'ESF0 de [Localité 3] fixant à 61 ans la limite d'âge pour l'exercice des fonctions de moniteur permanent et saisonnier,

Réformant la décision entreprise pour le surplus :

Déclare recevables les demandes indemnitaires formées par MM. [U] et [H] contre le syndicat local des moniteurs de l'ESF de [Localité 3],

Faisant application de l'article 568 du code de procédure civile,

Condamne le syndicat local des moniteurs de l'ESF de [Localité 3] à payer, en réparation du préjudice résultant de l'application des dispositions discriminatoires de l'article 3 de la convention entre les moniteurs de l'ESF :

- à M. [U] la somme de 1 € (un euro) en réparation de son préjudice moral et celle de 15 827,82 € (quinze mille huit cent vingt sept euros et quatre vingt deux centimes) en réparation de son préjudice financier,

- à M. [H] la somme de 1 € (un euro) en réparation de son préjudice moral et celle de 13 364,55 € (treize mille trois cent soixante quatre euros et cinquante cinq centimes) en réparation de son préjudice financier,

Condamne le syndicat local des moniteurs de l'ESF de [Localité 3] à payer à MM. [U] et [H], la somme de 1 500 € (mille cinq cents euros) chacun au titre des frais irrépétibles par eux exposés tant en première instance qu'en cause d'appel,

Condamne le syndicat local des moniteurs de l'ESF de [Localité 3] aux entiers dépens d'appel et de première instance, avec bénéfice de distraction au profit de la SELARL Lexavoué Pau-Toulouse.

Le présent arrêt a été signé par Mme Pons, Président, et par Mme Vicente, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER,LE PRESIDENT,

Sandra VICENTE Françoise PONS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 14/00416
Date de la décision : 13/11/2015

Références :

Cour d'appel de Pau 01, arrêt n°14/00416 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-11-13;14.00416 ?
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