La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/07/2015 | FRANCE | N°13/01936

France | France, Cour d'appel de Pau, Chambre sociale, 16 juillet 2015, 13/01936


MC/CD



Numéro 15/02872





COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale







ARRÊT DU 16/07/2015









Dossier : 13/01936





Nature affaire :



Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail pour motif économique















Affaire :



[C] [F]



C/



[D] [K]
























<

br>













RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R Ê T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 16 Juillet 2015, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.







...

MC/CD

Numéro 15/02872

COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 16/07/2015

Dossier : 13/01936

Nature affaire :

Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail pour motif économique

Affaire :

[C] [F]

C/

[D] [K]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 16 Juillet 2015, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 27 Mai 2015, devant :

Monsieur CHELLE, Président

Madame PAGE, Conseiller

Madame COQUERELLE, Conseiller

assistés de Madame HAUGUEL, Greffière.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANT :

Monsieur [C] [F]

[Adresse 1]

[Adresse 3]

Représenté par Maître GARRETA, avocat au barreau de PAU

INTIMÉ :

Maître [K]

ès qualités de liquidateur amiable de la SEM COMPAGNIE THERMALE DE DAX

[Adresse 2]

[Adresse 4]

Représenté par Maître DUBERNET DE BOSCQ, avocat au barreau de BAYONNE

sur appel de la décision

en date du 24 AVRIL 2013

rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE DAX

RG numéro : F 11/00060

FAITS ET PROCÉDURE

M. [C] [F] a été engagé par Thermale de France, filiale du groupe Accor, le 30 mars 2001, en qualité de sous-directeur de l'hôtel Splendid, catégorie cadre, niveau 5, échelon 1, en contrat à durée indéterminée, à compter du 5 avril 2001.

Le 1er mai 2005, M. [F] occupe les fonctions de directeur de l'Hôtel [Établissement 2].

Le 1er juillet 2007, il exerce les fonctions de directeur de l'Hôtel du [Établissement 3].

Le 1er mars 2010, il assure, également, les fonctions de directeur de la Résidence [Établissement 1].

Compte tenu de ses fonctions, il est membre du comité de direction. Auparavant, il était maître d'hôtel à partir du 14 juillet 1994, recruté par le groupe Accor, puis responsable de restauration à partir de 1997 jusqu'en 2001.

Le 1er janvier 2010, la compagnie Thermale de Dax reprend l'exploitation directe des fonds qu'elle avait donnés en gérance au groupe Accor. L'ensemble des contrats de travail a été repris par la compagnie Thermale de Dax conformément aux dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail.

La convention collective nationale applicable est celle des hôtels, cafés et restaurants et la compagnie Thermale de Dax emploie habituellement plus de 50 salariés.

Par lettre datée du 17 novembre 2010, M. [F] est convoqué à un entretien préalable fixé au 30 novembre 2010. Le 21 décembre 2010, il est licencié pour raisons économiques.

Le 21 mars 2011, il saisit le conseil de prud'hommes de Dax, section « encadrement » pour contester son licenciement, obtenir la requalification de ce dernier en licenciement sans cause réelle et sérieuse et obtenir des dommages et intérêts.

Par jugement contradictoire en date du 24 avril 2013, auquel il convient de se reporter pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions initiales des parties et des moyens soulevés, le conseil de prud'hommes de Dax a confirmé le licenciement pour motifs économiques de M. [F] et a débouté ce dernier de l'intégralité de ses prétentions.

Par déclaration au guichet unique de greffe du Palais de Justice de Pau en date du 21 mai 2013, M. [F] a interjeté appel à l'encontre de ce jugement.

Par conclusions enregistrées au greffe de la chambre sociale sous la date du 21 mai 2015, et reprises oralement à l'audience du 27 mai 2015, M. [F] conclut à l'infirmation du jugement déféré. Il sollicite qu'il plaise à la cour de :

- retenir les 6 motifs soutenus afin que soit constaté le défaut de motif réel et sérieux du licenciement,

- valider la demande de dommages et intérêt à hauteur de 104'280 euros,

- condamner la compagnie Thermale de Dax à verser à M. [F] la somme de 10'000 euros au titre du manquement à l'obligation de réembauchage,

- lui allouer également une indemnité de 4'000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

A l'appui de ses prétentions, M. [F] expose et fait valoir que :

Il est en droit de contester la mesure de licenciement prise à son encontre pour les motifs suivants :

- défaut de respect de la procédure': la décision de licenciement a été prise avant le début de la procédure. Il a été informé de son futur licenciement par un tract du syndicat CFDT et Mme [Z], directrice d'exploitation, lui a confirmé, lors d'une rencontre qui s'est tenue le 3 novembre 2010, la suppression de son poste. Or, à cette date, le comité d'entreprise n'avait pas été consulté et les critères de l'ordre des licenciements n'avaient pas été négociés et fixés ;

- défaut de réponse sur les critères de l'ordre des licenciements ; le courrier de réponse est un courrier type adressé à chacun des salariés concernés qui ne fait que reprendre les critères légaux sans transmettre les éléments qui le concernent expressément et qui lui auraient permis de vérifier l'application de ces critères par rapport aux autres salariés de sa catégorie professionnelle ;

- défaut de respect des critères de l'ordre des licenciements ;

- défaut de proposition de reclassement du fait de l'identité des propositions faites à tous les salariés inclus dans le licenciement collectif. En outre, la société Thermale de Dax a embauché dans le mois même du déclenchement de la procédure de licenciement, M. [X], en qualité de maître d'hôtel et quatre mois auparavant, M. [P] en qualité de responsable de la restauration ;

- défaut de respect de la priorité de réembauchage ; la compagnie Thermale de Dax a embauché des collaborateurs dans à peu près tous les domaines y compris par contrat à durée indéterminée sans lui proposer ces postes ;

- défaut de communication des motifs du licenciement avant son acceptation de la convention de reclassement personnalisé ; or, il a accepté de signer cette convention le jour même de l'entretien préalable le 30 novembre 2010 alors que les motifs du licenciement ne lui ont été communiqués que postérieurement, soit le 1er décembre 2010.

Par conclusions enregistrées au greffe de la chambre sociale sous la date du 22 mai 2015, et reprises oralement à l'audience du 27 mai 2015, Maître [D] [K], ès qualités de liquidateur amiable de la SEM compagnie Thermale de Dax, conclut qu'il plaise à la cour de confirmer intégralement le jugement déféré et de condamner la partie adverse à lui payer une indemnité de 4'000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il fait valoir que :

- en juin 2011, la compagnie Thermale de Dax a sollicité, compte tenu des difficultés financières rencontrées, l'ouverture d'une procédure de sauvegarde de justice,

6 procédures de licenciement concernant 6 membres du comité de direction ont été mises en 'uvre ;

- le comité d'entreprise a été régulièrement consulté lors de la réunion en date du 12 novembre 2010 ;

- la compagnie Thermale de Dax a cessé toute activité depuis le mois de juillet 2013, les derniers salariés ayant quitté l'entreprise dans le cadre d'un plan de l'emploi qui n'a fait l'objet d'aucune contestation de leur part ;

- le licenciement de M. [F] est parfaitement justifié et régulier ; le tract rédigé par le syndicat CFDT n'engage que ce dernier et son contenu ne peut permettre à M. [F] de soutenir que son licenciement était décidé avant qu'il ne lui ait été notifié ;

- la compagnie Thermale de Dax a parfaitement satisfait à son obligation de reclassement ;

- le salarié a bien été destinataire d'une offre personnalisée et individualisée de reclassement par courrier en date du 30 novembre 2010 et l'employeur peut, parfaitement, proposer un même poste à plusieurs salariés ;

- le poste proposé à M. [F] était le seul poste disponible et compatible avec ses qualifications professionnelles au sein des quatre établissements pour la période s'étendant de l'envoi de la convocation à l'entretien préalable et la date de notification du licenciement soit entre le 17 novembre et le 10 décembre 2010 ;

- en outre, M. [F] a bénéficié d'un accompagnement au retour à l'emploi personnalisé intégralement financé par la société à hauteur de 4 400 euros, ce qui lui a, d'ailleurs, permis de retrouver un emploi très rapidement ;

- elle a bien communiqué à M. [F] lors de l'entretien préalable les motifs du licenciement envisagé ; elle a énoncé le motif économique du projet de licenciement dans un document écrit et adressé au plus tard au moment où elle a eu connaissance de l'acceptation de M. [F] d'adhérer au dispositif de la convention de reclassement personnalisé, soit le 1er décembre 2010 ;

- elle a parfaitement satisfait à ses obligations en matière d'ordre des licenciements ; elle a, ainsi, transmis, dans les délais légaux, l'ensemble des critères retenus, aucun critère particulier n'ayant prévalu, les critères utilisés ayant, en outre, été régulièrement évoqués et débattus en réunion du comité d'entreprise ;

- en tout état de cause, le défaut de réponse de l'employeur sur les critères de l'ordre de licenciement ne permet pas au salarié de bénéficier de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- en l'espèce, les critères d'ordre des licenciements ont été respectés au sein de la catégorie professionnelle des directeurs d'établissements ; les critères n'avaient pas à être appréciés en comparaison avec M. [P], chef de cuisine, dans la mesure où ce salarié et M. [F] ne faisaient pas partie de la même catégorie professionnelle et n'exerçaient pas des fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune ;

- en tout état de cause, le non-respect des règles relatives à l'ordre des licenciements n'emporte pas les conséquences d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse mais constitue une simple irrégularité pouvant être réparée moyennant le paiement de dommages et intérêts au regard du préjudice subi par le salarié'; or, M. [F] ne justifie pas du préjudice qu'il prétend avoir subi ;

- en outre, cette indemnisation n'est pas cumulable avec celle allouée, le cas échéant, pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- elle a respecté la priorité de réembauchage ; elle a proposé à M. [F], par courrier en date du 14 avril 2011, un poste d'assistant maître d'hôtel à temps complet moyennant un salaire de 1'900 euros bruts, à pourvoir à compter du 2 mai 2011'; c'était le seul poste disponible pouvant être proposé compte tenu de ses qualifications professionnelles à M. [F] et ce dernier n'a pas donné suite ;

- le non-respect de cette obligation n'est pas assimilable à un licenciement sans cause réelle et sérieuse mais donne simplement lieu à paiement de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi ;

- or, M. [F], qui a retrouvé immédiatement un nouvel emploi, ne justifie d'aucun préjudice.

La cour se réfère expressément aux conclusions ci-dessus visées pour un plus ample exposé des moyens de fait et de droit développés par les parties.

MOTIVATION

L'appel, interjeté dans les formes et les délais prévus par la loi, est recevable, en la forme.

1) Sur le défaut de respect de la procédure :

M. [F] soutient que la décision de le licencier était arrêtée avant le début de la procédure et prétend en rapporter la preuve par les pièces 4, 5 et 6 produites aux débats.

La pièce n° 4 est la photocopie d'un tract du syndicat CFDT qui porte en titre « compte rendu du conseil d'administration du 26 octobre 2010'» et qui mentionne « Des décisions ont été délibérées et adoptées par celui-ci. A ce jour, à la suite de la situation déficitaire de 2.8 M d'euros à ce jour de la C.T.D et malgré les projets de relance de la Direction, des économies générées sur les moyens humains seront effectuées par le licenciement de 5 ou 6 cadres, 53 départs estimés volontaires non remplacés, redéfinition du contrat de travail des kinés et 1/2 mois de travail sur les saisonniers, tout cela pour une économie de 650'000 euros ».

Aucune mention de ce tract ne vise expressément le nom de M. [F] ou à défaut sa fonction qui permettrait de l'identifier. Il n'est pas davantage fait mention du licenciement de l'ensemble des cadres qui impliquerait, par définition, le licenciement de M. [F], puisqu'il est fait état de 5 ou 6 cadres.

La pièce n° 5 est la copie du courrier du 4 novembre 2010 que M. [F] a adressé à Mme [H] [Z] ainsi rédigé':

« Madame la Directrice,

Je donne suite à notre entretien du mercredi 3 novembre 2010 à 15 h 00. Lors de cet entretien, vous m'avez annoncé la suppression de mon poste dans le cadre du projet de restructuration défini et adopté lors du conseil d'administration du mardi 26 octobre 2010 dont la presse, la radio et la télévision se sont fait l'écho et faisant état de 5 à 6 licenciements pour raisons économiques parmi l'encadrement de l'entreprise.

Vous m'avez indiqué que vous recherchiez des propositions de reclassement sans que cette voie ne soit encore bien précise dans votre esprit.

Le tract syndical diffusé le mercredi 27 octobre 2010 fait état de 53 départs en sus des 5 ou 6 postes de cadres supprimés. Aussi, si un plan social (PSE) devait être mis en 'uvre postérieurement aux licenciements de 5 ou 6 cadres dont je fais parti, licenciements qui semblent imminents, je vous remercie de bien vouloir noter que je demande à bénéficier de cet éventuel PSE.

Je ne voudrai pas être moins bien traité que les autres salariés de l'entreprise.

Je vous prie d'agréer, Madame la directrice, l'expression de mes salutations distinguées'».

Il s'agit, en l'espèce, d'un courrier émanant de M. [F] qui affirme que la directrice de l'entreprise lui a annoncé, lors d'un entretien qui s'est tenu le 3 novembre 2010, la suppression de son poste de travail. Cependant, le contenu de ce courrier est une allégation du salarié qui n'est pas de nature à rapporter la preuve de la réalité de son contenu, ni par conséquent, de ce que la directrice lui aurait effectivement annoncé son licenciement.

La pièce n° 6 est la copie du courrier de réponse de Mme [Z]. M. [F] prétend que dans sa réponse, Mme [Z] ne conteste pas la teneur de l'entretien du 3 novembre 2010 et qu'elle cherche seulement à en diminuer la portée.

Le courrier du 23 novembre 2010 adressé à M. [F] par Mme [Z] est ainsi rédigé :

« Je fais suite à votre courrier daté du 4 novembre 2010, reçu le 8 novembre dernier, dont la teneur n'a pas manqué de retenir toute mon attention.

Afin de répondre à vos interrogations, je vous précise que l'entretien du 3 novembre dernier avait pour but de vous informer, compte tenu du statut de cadre et des fonctions managériales que vous occupez au sein de l'entreprise, du projet de suppression de six postes nécessité par les graves difficultés financières dans lesquelles nous nous trouvons et que vous n'êtes pas sans ignorer.

A cette occasion, je vous ai indiqué que l'entreprise envisageait de mettre en 'uvre des mesures de reclassement tant en interne que sur le plan externe, permettant à tout salarié dont le poste de travail serait supprimé de retrouver rapidement un emploi.

Cela étant, contrairement au tract syndical qui a été récemment diffusé, il n'est nullement question de procéder, à court ou moyen terme, au licenciement de 53 salariés dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi.

Enfin, nous avons pris bonne note de votre demande de prise en charge de la formation dispensée par l'ISMQ...

Demeurant à votre disposition pour toute demande de renseignements complémentaires qui vous seraient utiles' ».

Ce courrier ne comporte aucune mention susceptible de constituer la reconnaissance de l'information donnée à M. [F] de la suppression de son poste de travail lors de l'entretien du 3 novembre 2010 et n'est donc pas de nature à constituer la preuve de ce que la décision de son licenciement a été prise avant l'engagement de la procédure.

M. [F] ne produit aucun élément de nature à rapporter cette preuve, de sorte que ce moyen sera rejeté.

2) Sur le défaut de réponse sur les critères de l'ordre des licenciements :

Il résulte des dispositions des articles L. 1233-17 et R. 1233-1 du code du travail, que lorsque le licenciement est prononcé pour un motif économique l'employeur est tenu, à la demande écrite du salarié qui doit être adressée ou remise en main propre, avant l'expiration d'un délai de 10 jours à compter de la date à laquelle il quitte effectivement son emploi, de lui indiquer par écrit les critères retenus en application de l'article L. 1233-5 dans les 10 jours suivant la présentation de la lettre du salarié.

En l'espèce, il est constant que, par courrier en date du 22 décembre 2010, M. [F] a demandé à être destinataire de la liste de ces critères. L'employeur a répondu par courrier du 23 décembre 2010, soit dans les 10 jours à compter de la demande, dans les termes suivants... « nous vous indiquons que, conformément aux dispositions en vigueur, lorsqu'un choix a été nécessaire au sein d'une catégorie professionnelle, il a été tenu compte de l'ensemble des critères légaux : les charges de famille, l'ancienneté de service dans l'entreprise, la situation des salariés qui présentent des caractéristiques sociales rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile et les qualités professionnelles.

Bien évidemment, les critères n'ont pas eu matière à s'appliquer lorsqu'une catégorie professionnelle a été entièrement touchée par la suppression de l'ensemble des emplois qui la constitue ».

M. [F] fait valoir que cette réponse équivaut à une absence de réponse dans la mesure où, aucun barème, aucune grille d'évaluation des critères n'ont été communiqués ; qu'il s'agit d'un courrier de réponse type adressé à chaque salarié licencié qui fait une demande de communication des critères de l'ordre des licenciements.

Cependant, les textes légaux ne font aucune obligation à l'employeur de communiquer une quelconque grille d'évaluation des critères au salarié. Leur absence ne peut donc s'analyser en une absence de réponse.

Il y a lieu, par conséquent, de constater que l'employeur a parfaitement respecté les dispositions légales en transmettant dans les délais légaux l'ensemble des critères retenus, aucun critère particulier n'ayant prévalu.

M. [F] sera débouté de ses prétentions, par ailleurs non chiffrées, de ce chef.

3) Sur le défaut de respect du critère de l'ordre des licenciements :

Il résulte des dispositions de l'article L. 1233-5 du code du travail que lorsque l'employeur procède à un licenciement collectif pour motif économique et en l'absence de convention ou d'accord collectif de travail applicable, il définit les critères retenus pour fixer l'ordre des licenciements, après consultation du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel.

Les critères retenus pour fixer l'ordre des licenciements s'apprécient par catégorie professionnelle pour l'ensemble des salariés qui exercent dans l'entreprise des fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune, sans que l'application de ces critères puisse être limitée aux seuls salariés de l'établissement concerné par les suppressions d'emplois, quand bien même une telle limitation serait prévue par un accord d'établissement approuvé par le comité d'établissement.

La compagnie Thermale de Dax a prétendu qu'il n'y avait pas lieu à définir et appliquer des critères d'ordre des licenciements dans la mesure où une catégorie professionnelle avait été entièrement touchée par la suppression de l'ensemble des emplois qui la constituait, selon le courrier du 23 décembre 2010 de la directrice au salarié.

Dans ses conclusions écrites, l'employeur soutient que M. [F] ne peut pas se comparer à M. [S] [P] ou aux autres directeurs d'établissements dont, notamment, Mme [Y].

Mais il convient de distinguer le poste de la catégorie professionnelle.

Lors de la réunion extraordinaire du comité d'entreprise, convoqué par courrier du 5 novembre 2010 pour le 12 novembre suivant, l'employeur a présenté la situation économique de l'entreprise et les conséquences générales pour l'emploi et a informé et consulté le comité d'entreprise sur le projet de licenciement collectif pour raison économique. Il a été ainsi indiqué que la catégorie professionnelle concernée par le projet de licenciement est « la catégorie cadre ».

Selon la liste des cadres au 31 octobre 2010 produite par M. [F], et non contestée par la partie adverse, la compagnie Thermale de Dax comprenait, à cette date, 15 cadres dans l'entreprise.

Ainsi qu'il a été dit précédemment, six cadres de l'entreprise ont été licenciés pour motif économique et l'employeur n'a établi aucun ordre des licenciements au motif que toute la catégorie professionnelle était concernée.

Il ressort du contrat de travail de M. [F] ainsi que de ses bulletins de salaire qu'il était classé cadre, niveau 5, échelon 1, classement non contesté.

Or, il n'est pas contesté que M. [P], a été recruté postérieurement à M. [F] en qualité de cadre autonome, niveau 5, échelon 1 c'est-à-dire dans la même catégorie professionnelle.

De même, Mme [Y] exerçait les fonctions de « directeur de complexe ». Elle avait, également, le statut cadre, même niveau, même échelon.

Ainsi, ces deux salariés avaient le même niveau et le même échelon que M. [F], exerçaient des fonctions de même nature, sans qu'il soit nécessaire que les fonctions soient identiques, et appartenaient à la même catégorie cadre qui constituait une catégorie professionnelle, sans qu'il y ait lieu de distinguer les fonctions exercées par chaque salarié appartenant à cette même catégorie, de sorte que la totalité des salariés appartenant à la même catégorie professionnelle n'était pas concernée par le projet de licenciement pour lequel devait donc être établi un ordre de licenciement, ce que n'a pas fait l'employeur qui a ainsi manqué à son obligation.

Cependant, il convient de rappeler que le non-respect des règles relatives à l'ordre des licenciements n'emporte pas les conséquences d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse mais constitue une simple irrégularité pouvant être réparée moyennant le paiement de dommages et intérêts au regard du préjudice subi par le salarié.

Or, M. [F] n'a formalisé aucune demande de ce chef.

4) Sur l'obligation de reclassement :

Il résulte des dispositions de l'article L. 1233-4 du code du travail, que le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et caractérisés par une recherche sérieuse, loyale et effective, et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe dont les activités, l'organisation ou le lieu de travail permettent la permutation de tout ou partie du personnel.

Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent. A défaut, et sous réserve de l'accord express du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure.

Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises.

Il résulte de ce texte que l'obligation de reclassement qui pèse sur l'employeur est une obligation de moyen renforcée qui lui impose de rapporter la preuve qu'il a mis en 'uvre toutes les mesures nécessaires pour assurer le reclassement des salariés dont le licenciement est envisagé.

En l'espèce, l'employeur prétend avoir satisfait à son obligation de reclassement dans la mesure où il pouvait faire la proposition du même poste de reclassement à l'ensemble des six salariés concernés par la mesure de licenciement, cette proposition constituant une offre personnalisée et individualisée.

La proposition de reclassement litigieuse, faite aux six salariés dont le licenciement était envisagé, par courrier du 30 novembre 2010 est ainsi rédigée :

« Nous faisons suite à notre entretien au cours duquel nous avons évoqué le projet de licenciement économique qui malheureusement vous concerne.

Dans ce cadre, comme nous vous l'avons précisé, tous nos efforts portent sur la recherche de reclassement vous concernant que nous avons initiée.

A ce jour, nous vous précisons que seul un emploi à temps plein de serveur, moyennant une rémunération égale au SMIC en vigueur serait disponible.

Bien que nous sachions que ce poste de travail ne réponde pas à votre profil professionnel, il s'agit, malheureusement là de la seule proposition que nous puissions vous formuler.

Nous poursuivons, néanmoins, notre recherche.

Nous restons à votre disposition pour tous renseignements complémentaires qui vous seraient utiles ».

M. [F] invoque le non-respect de son obligation de reclassement par la compagnie Thermale de Dax du fait du recrutement de M. [X] en qualité de maître d'hôtel dans le mois même du déclenchement de la procédure de licenciement et du fait de l'embauche, 4 mois auparavant de M. [P] en qualité de responsable de la restauration, poste qu'il avait, également, tenu dans le cadre de sa carrière chez Accor.

Les possibilités de reclassement s'apprécient à la date où les licenciements sont envisagés.

La compagnie Thermale de Dax verse aux débats l'extrait du registre d'entrées et de sorties du personnel pour l'ensemble des salariés des 4 établissements pour les mois de novembre et décembre 2010 et considère que cette pièce établit qu'aucun emploi n'était disponible entre le 17 novembre et le 10 décembre 2010, compatible avec les qualifications professionnelles de M. [F], les recrutements effectués sur cette période concernant des postes de masseurs kinésithérapeutes et d'aides-soignants.

L'employeur fait valoir que M. [F] ne saurait se prévaloir de l'embauche de M. [P], 4 voire 5 mois antérieurement à son licenciement ce dernier étant venu remplacer M. [V] [N], qui avait démissionné de son poste de responsable de la restauration.

Or, il résulte de la déclaration mensuelle obligatoire des mouvements de main-d''uvre que M. [V] [N] est sorti des effectifs de l'entreprise à la date du 3 décembre 2010 seulement, soit durant la période pendant laquelle l'employeur était tenu à son obligation de reclassement. Or, il est constant que le poste de responsable de restauration laissé libre à la date du 3 décembre 2010 par M. [N] n'a pas été proposé à M. [F], licencié en date du 10 décembre suivant.

Il en résulte que l'employeur a manqué à son obligation de reclassement privant ainsi le licenciement de cause réelle et sérieuse.

Compte tenu de l'ancienneté du salarié au moment de son licenciement (16 ans), de son âge (41 ans) du montant de son salaire mensuel moyen calculé sur les douze derniers mois (4 279 euros), il convient de fixer à la somme de 92 000 euros le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

5) Sur le défaut de respect de la priorité de réembauchage :

Il résulte des dispositions de l'article L. 1233-45 du code du travail que le salarié licencié pour motif économique bénéficie d'une priorité de réembauchage durant un délai de un an à compter de la date de la rupture de son contrat de travail, s'il en fait la demande au cours de ce même délai, de sorte que l'employeur est tenu d'informer le salarié de tout emploi devenu disponible et compatible avec sa qualification.

Il appartient donc à l'employeur d'apporter la preuve qu'il a satisfait à son obligation en établissant soit qu'il a proposé les postes disponibles, soit en justifiant de l'absence de postes disponibles.

En l'espèce, M. [F] a demandé à bénéficier de la priorité de réembauchage par courrier recommandé avec avis de réception en date du 22 décembre 2010.

Une seule proposition lui a été faite dans ce cadre, par courrier en date du 14 avril 2011, pour un poste d'assistant maître d'hôtel à temps complet, moyennant un salaire mensuel de 1'900 euros bruts, à pourvoir à compter du 2 mai 2011, que le salarié a refusé.

L'employeur prétend qu'il s'agissait du seul poste disponible.

Il convient de constater que la période de priorité de réembauchage courait jusqu'en décembre 2011. L'employeur produit des extraits de son registre du personnel pour les mois de novembre et décembre 2010. Ces extraits ne couvrent pas la période concernée par l'obligation de priorité de réembauchage.

Le salarié, de son côté, produit aux débats une copie du registre d'entrées et de sorties du personnel. Cependant, cette pièce ne fait état que des entrées dans l'entreprise avant la date du 31 mars 2011.

Il en résulte que l'employeur ne justifie pas de l'absence de postes disponibles, notamment entre les mois de mars et de décembre 2011.

Par conséquent, il y a lieu de dire que l'employeur ne justifie pas de son respect de la priorité de réembauchage et que cette violation doit être réparée par l'octroi au salarié d'une indemnité qui ne peut être inférieure à 2 mois de salaire, qui se cumule avec l'indemnité pour absence de cause réelle et sérieuse.

Maître [D] [K], ès qualités de liquidateur amiable de la SEM compagnie Thermale de Dax sera condamnée à payer à M. [F] la somme de 10'000 euros à titre d'indemnité pour violation de la priorité de réembauchage.

6) Sur le défaut de communication des motifs de licenciement :

Lorsque la rupture du contrat de travail résulte de l'acceptation par le salarié d'une convention de reclassement personnalisé (CRP), l'employeur doit en énoncer le motif économique, soit dans le document écrit d'information sur la convention de reclassement personnalisé remis obligatoirement au salarié concerné par le projet de licenciement, soit dans la lettre qu'il est tenu d'adresser au salarié lorsque le délai de réponse expire après le délai d'envoi de la lettre de licenciement imposé par les articles L. 1233-15 et L. 1233-39 du code du travail, soit lorsqu'il ne lui est pas possible d'envoyer cette lettre avant l'acceptation par le salarié de la proposition de convention, dans tout autre document écrit remis ou adressé à celui-ci au plus tard au moment de son acceptation.

Il résulte des dispositions de l'article L. 1233-65 du code du travail, dans sa version applicable au cas d'espèce, que dans les entreprises non soumises à l'obligation de proposer le congé de reclassement prévu à l'article L. 1233-71, l'employeur propose à chaque salarié dont il envisage de prononcer le licenciement pour motif économique une convention de reclassement personnalisé.

Cette proposition doit être faite au moment de l'entretien préalable ou, à défaut, à l'issue de la dernière réunion des représentants élus du personnel et s'effectue par la remise contre récépissé d'un document sur le contenu de la CRP, mentionnant la date de sa remise et le délai imparti au salarié pour l'accepter.

En l'espèce, l'entretien préalable a eu lieu le 30 novembre 2010. M. [F] a accepté la CRP ce même jour, soit le 30 novembre 2010 mais il prétend n'avoir pas été informé par écrit des motifs du licenciement, ce que conteste son employeur qui prétend que le jour de l'entretien préalable, il a refusé les documents qui lui étaient présentés sur les motifs du licenciement envisagé.

L'acceptation de la CRP a été adressée par le salarié par lettre recommandée avec avis de réception en date du 30 novembre 2010.

L'employeur démontre que le 1er décembre 2010, soit le lendemain du jour de l'entretien préalable, mais, également, le jour de la réception de l'acceptation par le salarié de la CRP, il a adressé par lettre recommandée avec avis de réception à M. [F] un courrier mentionnant qu'il lui faisait parvenir les courriers relatifs au reclassement et aux motifs du licenciement envisagé, par voie postale, compte tenu de son refus opposé au cours de l'entretien du 30 novembre de les accepter en main propre, courrier accompagné d'une lettre faisant état des motifs économiques invoqués pour justifier le licenciement.

Par conséquent, il y a lieu de dire que l'employeur a satisfait à son obligation de notification par écrit au salarié, au plus tard au moment de l'acceptation de la CRP, du motif économique du licenciement envisagé, de telle sorte que M. [F] sera débouté de ce chef de prétentions.

Maître [D] [K], ès qualités de liquidateur amiable de la SEM compagnie Thermale de Dax, qui succombe partiellement dans ses prétentions, sera condamnée aux entiers dépens. Il n'apparaît pas inéquitable de lui laisser la charge de ses frais irrépétibles.

Il serait inéquitable de laisser à M. [F] la charge de ses frais irrépétibles ; il convient de lui allouer une indemnité de 1'500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant contradictoirement, en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Dax du 24 avril 2013 en ce qu'il a débouté M. [F] de ses demandes relatives au défaut de respect de la procédure, au défaut de réponse sur les critères de l'ordre des licenciements, au défaut de communication des motifs du licenciement avant l'acceptation de la CRP,

Infirme le jugement pour le surplus et statuant à nouveau,

Dit que l'employeur a manqué à son obligation de reclassement, à son obligation d'établissement des critères d'ordre des licenciements et à son obligation de priorité de réembauchage,

Condamne Maître [D] [K], ès qualités de liquidateur amiable de la SEM compagnie Thermale de Dax à payer à M. [F] les sommes de :

* 92'000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 10'000 euros au titre de l'indemnité pour violation de la priorité de réembauchage,

* 1'500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute M. [F] de ses prétentions supplémentaires,

Déboute Maître [D] [K], ès qualités de liquidateur amiable de la SEM compagnie Thermale de Dax de ses prétentions au titre de l'article 700 du code de procédure civile et le condamne aux entiers dépens.

Arrêt signé par Monsieur CHELLE, Président, et par Madame HAUGUEL, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE,LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13/01936
Date de la décision : 16/07/2015

Références :

Cour d'appel de Pau 3S, arrêt n°13/01936 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-07-16;13.01936 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award