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16/07/2015 | FRANCE | N°13/00822

France | France, Cour d'appel de Pau, Chambre sociale, 16 juillet 2015, 13/00822


MC/SB



Numéro 15/02871





COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale







ARRÊT DU 16/07/2015







Dossier : 13/00822





Nature affaire :



Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution









Affaire :



[Y] [S]



C/



SCEA DITTMEYER AGRICOLA























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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R Ê T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 16 Juillet 2015, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédu...

MC/SB

Numéro 15/02871

COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 16/07/2015

Dossier : 13/00822

Nature affaire :

Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution

Affaire :

[Y] [S]

C/

SCEA DITTMEYER AGRICOLA

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 16 Juillet 2015, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 28 Mai 2015, devant :

Madame COQUERELLE, magistrat chargé du rapport,

assistée de Madame DEBON, faisant fonction de greffière.

Madame [V], en application des articles 786 et 910 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :

Monsieur CHELLE, Président

Madame PAGE, Conseiller

Madame COQUERELLE, Conseiller

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTE :

Madame [Y] [S]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Maître LECOCQ PELTIER loco Maître BISIAU, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

SCEA DITTMEYER AGRICOLA

[Adresse 2]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représenté par Maître O'KELLY loco Maître RIMBERT, avocat au barreau de BORDEAUX

sur appel de la décision

en date du 29 JANVIER 2013

rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONT DE MARSAN

RG numéro : F11/00201

FAITS ET PROCÉDURE

Mme [S] a été embauchée par la SCEA DITTMEYER AGRICOLA à compter de juin 1994 par des contrats saisonniers pour occuper le poste d'ouvrière. A compter de février 2007, elle a occupé les fonctions d'employée de bureau et à compter du 1er octobre 2007, elle a été embauchée, par contrat à durée indéterminée, au poste de «' comptable et responsable du personnel'»' coefficient 420 de la convention collective nationale des exploitations agricoles du département des Landes.

Par un avenant en date du 23 octobre 2008, sa rémunération est passée à 2.403,96 euros à compter du 1er octobre 2008 et elle a bénéficié d'une indemnité forfaitaire pour ses frais de déplacement.

A compter du 20 août 2010, elle a été en arrêt de travail.

Le 23 septembre 2010, elle a été convoquée à un entretien préalable pour une rupture conventionnelle, entretien qui devait se tenir le 4 octobre suivant et que Mme [S] a refusé.

Elle était, dès lors, convoquée à un entretien préalable à licenciement le 13 octobre 2010.

Les services de la MSA ont reconnu comme accident du travail l'arrêt maladie de Mme [S] à compter du 20 août 2010, le 10 décembre 2010, elle a été reconnue travailleur handicapé et le 18 juillet 2011, lors d'une visite médicale par les services de la MSA, elle a été déclarée inapte pour «' danger immédiat'».

Elle a été convoquée à un entretien préalable à un licenciement pour le 1er août 2011 et a été licenciée par courrier en date du 3 août 2011 pour inaptitude médicalement constatée.

Mme [S] a saisi le conseil de Prud'hommes de [Localité 4] de [Localité 3] le 23 août 2011 aux fins de requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée à compter du 1er juin 1994 et de condamnation de son l'employeur à lui payer divers montants au titre des indemnités de rupture et des dommages et intérêts.

Par jugement contradictoire en date du 29 janvier 2013, auquel il convient de se reporter pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions initiales des parties et des moyens soulevés, le conseil de Prud'hommes de [Localité 4] de [Localité 3], section «'agriculture'» a condamné la SCEA DITTMEYER à payer à Mme [S] la somme de 2.403 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure de licenciement irrégulière et a débouté Mme [S] de l'intégralité de ses autres demandes

Par lettre recommandée adressée au greffe et portant la date d'expédition du 22 février 2013 et reçue le 25 février 2013, Mme [S] a interjeté appel contre le jugement qui lui a été notifié le 6 février 2013.

Par conclusions enregistrées au greffe sous la date du 28 mai 2015, et reprises oralement à l'audience du 28 mai 2015, elle sollicite qu'il plaise à la Cour'de':

infirmer le jugement rendu par le conseil de Prud'hommes de [Localité 4] de [Localité 3] le 29 janvier 2013

statuant à nouveau

dire et juger qu'à compter du 1er juin 1994, Mme [S] était engagée en contrat à durée indéterminée

condamner la SCEA DITTMEYER AGRICOLA à lui payer les sommes de':

3.380,97 euros à titre d'indemnité de requalification sur le fondement de l'article L 1245-2 du code du travail

21.034,27 euros au titre du solde de l'indemnité de licenciement

sur le licenciement

dire et juger que Mme [S] a fait l'objet d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse

Condamner la SCEA DITTMEYER AGRICOLA à lui payer la somme de 100.000 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

à titre subsidiare

Surseoir à statuer sur la question du licenciement dans l'attente de la décision du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale sur la faute inexcusable de l'employeur

en tout état de cause

condamner la SCEA DITTMEYER à payer à Mme [S] une indemnité de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

Dire que les condamnations porteront intérêts à compter de la saisine du conseil de Prud'hommes

Débouter la SCEA DITTMEYER de ses prétentions

A l'appui de ses prétentions, Mme [S] expose et fait valoir que':

Elle a été régulièrement employée à compter de juin 1994 et pendant plus de 12 années pour occuper le poste d'ouvrière puis d'employée de bureau.

Les contrats s'enchaînèrent sans pratiquement aucune interruption.

La requalification de l'entière relation de travail en contrat à durée indéterminée se justifie par le fait que pour certaines périodes, il n'existe pas de contrat écrit.

L'employeur est défaillant quant à la charge de la preuve qui lui incombe, à savoir le motif justifiant le recours à un contrat à durée déterminée et plus spécifiquement à des contrats saisonniers qui supposent des activités se répétant chaque année à date à peu près fixe.

En l'espèce, les périodes d'emploi varient chaque année, voire couvrent parfois la totalité de l'année comme en 2002 (janvier à novembre).

Le recours aux contrats saisonniers pendant 13 années, souvent pendant plusieurs mois consécutifs et en dehors de toute saisonnalité démontre un abus manifeste de l'usage au CDD.

Aucune prescription d'une partie de la demande ne peut être invoquée.

Il n'est pas exigé que la relation de travail ait été continue pour que la requalification soit acquise.

Le licenciement est sans cause réelle et sérieuse car la procédure a été menée par une personne extérieure à l'entreprise, à savoir le cabinet d'expertise comptable et non par la SCEA DITTMEYER AGRICOLA'; or, l'employeur a seul qualité pour licencier un salarié.

L'inaptitude de Mme [S] trouve sa source dans le comportement de son employeur'; elle a été déclarée inapte suite à l'agression dont elle a été victime de la part de son employeur au mois d'août 2010.

Il appartient à l'employeur dont la salariée, victime d'un accident du travail, invoque une inobservation des règles de prévention et de sécurité, de démontrer que la survenance de cet accident est étrangère à tout manquement à son obligation de sécurité.'

L'employeur a méconnu son obligation de reclassement'; effectivement, l'inaptitude à tout emploi dans l'entreprise ne signifie nullement inaptitude au travail.

En outre, l'employeur n'a jamais justifié de la consultation des délégués du personnel.

Née en 1954, elle reste, à ce jour, demandeur d'emploi suite à la consolidation de son état de santé au 31 janvier 2013'; elle a, ainsi, subi un préjudice important du fait de son licenciement.

A défaut de considérer le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse pour un des motifs invoqués, il convient de surseoir à statuer sur la question du licenciement dans l'attente de la décision du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale sur la faute inexcusable de l'employeur.

Par conclusions enregistrées au greffe de la chambre sociale sous la date du 21 mai 2015, et reprise oralement à l'audience du 28 mai 2015, la société DITTMEYER AGRICOLA conclut qu'il plaise à la Cour de':

In limine litis': se déclarer incompétente au profit du TASS de Mont de Marsan sur la demande de dommages et intérêts pour non préservation de la santé

Sur les autres chefs de demandes

Confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a condamné la société DITTMEYER AGRICOLA au paiement de la somme de 2.403 euros pour non- respect de la procédure de licenciement

Infirmer le jugement sur ce point

Débouter Mme [S] de l'intégralité de ses demandes

La condamner à verser à la société DITTMEYER AGROCOLA la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La condamner aux entiers dépens

La société DITTMEYER AGRICOLA fait valoir que':

Dès lors qu'il y a un accident du travail, la responsabilité de l'employeur ne peut être recherchée que dans le cadre de la seule législation professionnelle, qui prévaut alors'; dès lors, seul le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale est compétent à l'exclusion du conseil de Prud'hommes.

La Cour doit, par conséquent, se déclarer incompétente pour statuer sur la demande de dommages et intérêts de Mme [S] pour non préservation de la santé et de la sécurité.

Elle est une exploitation agricole qui produit exclusivement des myrtilles et elle a plusieurs types de travaux cycliques et saisonniers tels que la saison des semis, la saison de la récolte-cueillette et la saison des travaux de terrain.

Son activité était donc saisonnière puisque liée au rythme des saisons et à la culture de la myrtille.

Mme [S] a été affectée sur les différentes activités agricoles en sa qualité d'ouvrier agricole polyvalente'; les tâches confiées correspondaient parfaitement à l'activité saisonnière de l'entreprise et le fait qu'il y ait eu plusieurs contrats saisonniers est tout à fait logique précisément compte tenu de la saisonnalité de l'activité.

Mme [S] n'était pas à disposition constante de l'entreprise mais travaillait, également, durant les périodes intercalaires pour le compte d'autres employeurs.

Mme [S] ne peut sérieusement soutenir qu'elle aurait travaillé de manière continue depuis 1994 et qu'elle aurait donc 17 années d'ancienneté lors de son licenciement alors que certaines années, elle n'a travaillé que quelques semaines'; ainsi, sur la période du 1er juin 1994 au 31 décembre 2006 (soit sur 12 ans et demi), elle n'a travaillé que 44 mois soit seulement 3,63 ans.

Ainsi, même à supposer une requalification des contrats saisonniers en contrat à durée indéterminée, Mme [S] ne peut revendiquer une somme supérieure à 1.145 euros à titre de reliquat d'indemnité de licenciement.

La Cour n'est pas compétente pour statuer sur la demande de dommages et intérêts pour non préservation de la santé et de la sécurité'; subsidiairement, elle ne pourra que constater que Mme [S] ne rapporte nullement la preuve de la violation par l'employeur de ses obligations en la matière.

Au moment du licenciement, aucun poste vacant susceptible d'être proposé à la salariée n'était disponible.

La lettre de licenciement signée «' pour ordre'» au nom du DRH est valable dès lors que la procédure a été menée à son terme, peu important que l'identité de la personne signataire ne soit pas connue.

La Cour se réfère expressément aux conclusions ci-dessus visées pour un plus ample exposé des moyens de fait et de droit soulevés par les parties.

MOTIVATION

L'appel interjeté dans les formes et délais prévus par la loi est recevable en la forme.

Sur la demande de requalification de la relation de travail

Selon l'article L.1242-1 du code du travail, un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise.

L'article L.1242-2 du même code dispose que, sous réserve des contrats spéciaux prévus à l'article L.1242-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire et seulement dans les cinq cas qu'il énumère, parmi lesquels figurent le remplacement d'un salarié (1°), l'accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise (2°) et les emplois saisonniers ou pour lesquels, dans certains secteurs d'activité définis par décret ou par convention ou accord collectif étendu, il est d'usage de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois (3°).

Aux termes de l'article L.1242-12 du code du travail, le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif, et notamment les mentions énumérées par ce texte ; à défaut, il est réputé être conclu pour une durée indéterminée.

En vertu de l'article L.1242-13 du code du travail, ce contrat est remis au salarié au plus tard dans les deux jours ouvrables suivant l'embauche.

Selon l'article L.1245-1 du code du travail, est réputé à durée indéterminée tout contrat conclu en méconnaissance des dispositions des articles L.1242-1 à L.1242-4, L.1242-6 à L.1242-8, L.1242-12 alinéa 1, L.1243-11 alinéa 1, L.1243-13, L.1244-3 et L.1244-4 du même code.

Le contrat de travail à durée déterminée ne peut comporter qu'un seul motif.

Le motif du recours à un contrat de travail à durée déterminée s'apprécie au jour de sa conclusion.

Les effets de la requalification, lorsqu'elle est prononcée, remontent à la date du premier contrat à durée déterminée irrégulier.

En l'espèce, la société DITTMEYER AGRICOLA ne conteste pas le fait que la relation de travail entre les parties ait débuté le 1er juin 1994 et qu'elle s'est poursuivie, sous la forme de contrats à durée déterminée saisonniers jusqu'au 1er octobre 2007, date de la signature du premier contrat à durée indéterminée au poste de «' comptable et responsable du personnel'» coefficient 420 de la convention collective nationale des exploitations agricoles du département des Landes. Cette situation est, en outre, attestée par les bulletins de salaire produits aux débats par la salariée.

La lecture des pièces produites par les parties permet de mettre en évidence, sans qu'aucune contestation ne soit expressément soulevée, que le premier contrat écrit date du 15 décembre 1997.

Au regard des règles ci-dessus énoncées, il s'avère, ainsi, que, dès l'origine, la relation de travail liant les parties est affectée d'irrégularités puisque le premier contrat du 1er juin 1994 n'a fait l'objet d'un écrit.

Par conséquent, la requalification des contrats à durée déterminée saisonniers en contrat à durée indéterminée s'impose. Le jugement déféré sera infirmé de ce chef.

Sur les conséquences de la requalification

Sur l'indemnité de requalification':

Aux termes des dispositions de l'article L 1245-2 du code du travail, lorsqu'il est fait droit à la demande du salarié, il lui est accordé, à la charge de l'employeur, une indemnité qui ne peut être inférieure à un mois de salaire.

En l'espèce, Mme [S] revendique une somme de 3'380,97 euros se fondant sur le salaire moyen des douze derniers mois travaillés précédent son arrêt de travail (septembre 2009 ' août 2010).

Ce montant, pris en compte par la société DITTMEYER AGRICOLA dans le cadre du calcul de l'indemnité de licenciement, n'est pas sérieusement contesté.

Il sera, par conséquent, fait droit à la demande de Mme [S] de ce chef.

Sur l'indemnité de licenciement':

Aux termes de l'article L 1234-9 du code du travail, le salarié titulaire d'un contrat à durée indéterminée, licencié alors qu'il compte une année d'ancienneté ininterrompue au service du même employeur a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement calculée en fonction de la rémunération brute dont le salarié bénéficiait avant la rupture du contrat de travail.

En application de l'article L 1234-11 du code du travail, les circonstances entraînant la suspension du contrat de travail, en vertu, soit de dispositions légales, soit d'une convention ou d'un accord collectif de travail, soit de stipulations conventionnelles, soit d'usages ne rompent pas l'ancienneté du salarié appréciée pour la détermination du droit à l'indemnité de licenciement'; toutefois, la période de suspension n'entre pas en compte pour la détermination de la durée d'ancienneté exigée pour bénéficier de ces dispositions.

L'indemnité légale est de 1/5 de mois par année d'ancienneté. Elle est majorée pour les salariés dont l'ancienneté est supérieure à 10 ans'; elle est alors égale à 1/5 de mois par année d'ancienneté auquel il faut ajouter 2/15 de mois par année d'ancienneté au-delà de 10 ans.

En outre, au regard des dispositions de l'article L1226-14 du code du travail, le doublement de l'indemnité a lieu en matière d'accident du travail et de maladie professionnelle.

En l'espèce, l'ancienneté de Mme [S] doit être appréciée au 1er juin 1994, soit une ancienneté de 17,3 années.

L'indemnité de licenciement se calcule comme suit':

2X (1/5 X 17,3 X 3'380,97) = 23.396,31 euros

2X (2/15 X 7,3 X 3'380,97) = 6.581,62 euros

Dont à déduire, la somme déjà versée à hauteur de 8.943,66 euros, soit un solde en faveur de la salariée de 21.034,27 euros.

Il convient, par conséquent, de faire droit à la demande de Mme [S] de ce chef. Le jugement déféré sera infirmé de ce chef.

Sur la demande de dommages et intérêts pour non préservation de la santé et de la sécurité du salarié

Mme [S] indique renoncer à ce chef de demande.

Il n'y a pas lieu, par conséquent, de statuer sur ce point.

Sur les demandes afférentes au licenciement

Mme [S] soutient que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse pour plusieurs raisons':

La procédure de licenciement a été menée par une personne extérieure à l'entreprise, à savoir le Cabinet d'expertise comptable de la société DITTMEYER AGRICOLA.

L'employeur n'a pas respecté son obligation de reclassement.

Son inaptitude trouve sa source dans le comportement de son employeur.

Sur l'absence de qualité du signataire de la lettre de licenciement':

Mme [S] fait valoir que la procédure de licenciement a été menée par une personne extérieure à l'entreprise, à savoir le cabinet comptable et non par la société DITTMEYER AGRICOLA'; que l'employeur et lui seul a qualité pour licencier un salarié'; que s'il peut donner pouvoir à une personne appartenant à son entreprise pour diligenter une procédure en ses lieu et place, il ne peut, en revanche, d'aucune façon donner mandat à une personne extérieure à l'entreprise';

Il est constant que c'est M. [O], expert-comptable de la société DITTMEYER AGRICOLA, qui a signé la lettre de convocation à l'entretien préalable, a mené l'entretien préalable de la salariée et a signé la lettre de licenciement, tous ces documents étant signés «' pour ordre'» par ce dernier, sous le nom de M. DITTMEYER [M] ou [H] [C], gérants.

L'employeur justifie d'un mandat donné le 20 juillet 2011 à M. [J] [O], expert-comptable, par M. [C] [H], gérant de la société DITTMEYER AGRICOLA, « pour le'représenter dans toutes les démarches de licenciement à l'égard de Mme [Y] [S], pour le compte de la SCEA DITTMEYER AGRICOLA'».

Si la finalité même de l'entretien préalable et les règles relatives à la notification du licenciement interdisent à l'employeur de donner mandat à une personne étrangère à l'entreprise pour procéder à l'entretien et notifier le licenciement, les documents comportant la mention «' po'» (pour ordre) ont la valeur de documents rédigés par la personne ayant le pouvoir de signature. Ainsi, la lettre de licenciement signée'« pour ordre'» au nom du gérant, est valable, quand bien même l'identité de la personne signataire ne serait pas connue, dès lors que la procédure de licenciement a été menée à son terme, le mandat de signer la lettre de licenciement ayant été ratifié. En l'absence de désapprobation du mandant (personne ayant la signature en temps normal) à l'égard des actes effectués par celui qui s'est comporté comme le titulaire d'un mandat apparent (le signataire), la lettre de licenciement est valable.

Il en résulte que la procédure de licenciement diligentée à l'encontre de Mme [S] est parfaitement régulière et ses prétentions à voir déclarer le licenciement sans cause réelle et sérieuse de ce chef seront rejetées.

Le jugement déféré sera, par conséquent, infirmé en ce qu'il a condamné l'employeur à verser à Mme [S] une somme de 2'403 euros pour procédure irrégulière.

Sur l'obligation de reclassement':

En application des dispositions de l'article L 1226-10 du code du travail, lorsqu'à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le salarié est déclaré par le médecin du travail, inapte à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur est tenu, compte tenu des conclusions écrites du médecin du travail et des indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise, et après avis des délégués du personnel, de chercher à reclasser le salarié sur un autre emploi approprié à ses capacités et aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en 'uvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail'.

La recherche des possibilités doit s'apprécier à l'intérieur du groupe auquel appartient l'employeur concerné, parmi les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation lui permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel.

Le licenciement ne peut être prononcé que si l'employeur justifie, dans ces conditions, soit de l'impossibilité où il se trouve de proposer un emploi, soit du refus par la salariée de l'emploi proposé lorsqu'aucune autre proposition de reclassement n'est possible.

L'employeur doit mettre en 'uvre de manière sérieuse, effective et loyale l'obligation de reclassement'; il a, à cet égard, une obligation de moyen renforcé.

En l'espèce, Mme [S] a été embauchée en qualité de comptable et responsable du personnel'; lors de l'unique visite de reprise du 18 juillet 2011, elle a fait l'objet d'une fiche d'aptitude ainsi rédigée par le médecin du travail à la MSA « inapte à son poste de travail et à tout poste dans l'entreprise. Le maintien du salarié dans l'entreprise entraîne un danger immédiat pour sa santé ou sa sécurité'».

Malgré cet avis, l'employeur n'est pas dispensé de rechercher une possibilité de reclassement au sein de l'entreprise, le cas échéant, au sein du groupe auquel il appartient et au besoin par la mise en 'uvre de mesures telles que mutations, transformations de poste ou aménagement du temps de travail.

En outre, l'employeur est tenu de solliciter l'avis des délégués du personnel, et ce même en présence d'une impossibilité de reclassement.

En l'espèce, il n'est pas soutenu par l'employeur qu'il aurait accompli cette formalité pourtant substantielle. Cependant, la sanction de l'inobservation de cette formalité ne réside nullement, comme le soutient la salariée, dans l'absence de cause réelle et sérieuse de licenciement mais uniquement dans l'octroi d'une indemnité sur la base de l'article L 1226-15 du code du travail, laquelle n'est pas sollicitée.

Pour le surplus, l'employeur fait valoir que la société ne disposait d'aucun poste vacant, compatible avec l'état de santé de Mme [S], susceptible de lui être proposé. Est produit aux débats le registre d'entrées et de sorties du personnel pour la période du 1er août au 31 octobre 2011. Il en résulte clairement qu'aucune embauche n'a eu lieu sur cette période en contrat à durée indéterminée, seuls trois postes administratifs permanents à durée indéterminée existant dans l'entreprise, donc un effectif permanent particulièrement réduit, la société DITTMEYER AGRICOLA embauchant essentiellement des ouvriers saisonniers.

Par ailleurs, il n'est pas établi ni même simplement soutenu que la société DITTMEYER AGRICOLA ferait partie d'un groupe rendant possible la permutabilité du personnel entre les entreprises du groupe, en raison de leur activité, de leur organisation ou de leur lieu d'exploitation.

Il est, ainsi, clairement établi que l'employeur ne pouvait reclasser la salariée, celle-ci étant, en outre, déclarée inapte à tout poste dans l'entreprise.

Il convient, par conséquent, de considérer que l'obligation de reclassement a été sérieusement étudiée, au regard, notamment, de la taille réduite de l'entreprise et de l'état de santé de Mme [S].

Mme [S] sera, dès lors, déboutée de ses prétentions de ce chef et le jugement déféré, confirmé.

Sur l'origine de l'inaptitude de Mme [S]':

Mme [S] fait valoir qu'elle a été déclarée inapte suite, notamment, à l'agression qu'elle a subie de la part de son employeur au mois d'août 2010.

Cependant, cette agression n'est nullement établie. Effectivement, toute l'argumentation de Mme [S] repose sur un mail que lui a adressé M. DITTMEYER [M] sous la date du 19 août 2010, ce mail étant rédigé comme suit «' ce pas mon compte, ce le compte de la DITTMEYER AGRICOLA SCEA et je suis pas content que vous faites votre salaire la bas totalement selon votre goût sans communication ni avec [C] ni avec moi. Ce vraiment scandaleux'».

Il résulte des écritures des parties, qui s'accordent sur ce point, que ce mail fait suite au fait que Mme [S] aurait pris l'initiative de se faire rémunérer ses heures supplémentaires, sans l'accord de sa hiérarchie, opérant elle-même, comme sa qualité de comptable le lui permettait, un virement sur son propre compte bancaire.

Or, ce mail adressé par l'employeur, s'il traduit, incontestablement son mécontentement, ne laisse apparaître aucune menace, aucune agressivité à l'encontre de la salariée. Celui-ci ne fait que rappeler à la salariée son pouvoir de direction.

L'employeur ne peut, donc, être considéré comme ayant commis une faute à l'égard de la salariée, faute à l'origine de son inaptitude et ce d'autant plus, que le Docteur [G] [L], psychiatre, indique, le 20 mars 2011, après consultation, que Mme [S] bénéficiait d'un suivi psychiatrique depuis 5 ans motivé par des difficultés psychiques en lien avec la maladie de son mari.

Ainsi, le comportement de l'employeur ne peut être considéré comme étant, et ce de façon exclusive, à l'origine de la dégradation de l'état de santé et de l'inaptitude à son poste de travail de la salariée.

Mme [S] sera déboutée de ses prétentions de ce chef.

Il y a lieu, par conséquent, de considérer que le licenciement de Mme [S] repose sur une cause réelle et sérieuse de licenciement et le jugement déféré sera confirmé sur ce point';

La société DITTMEYER AGRICOLA sera condamnée aux entiers dépens. Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à chacune des parties la charge de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant contradictoirement, en dernier ressort et par mise à disposition

Confirme le jugement rendu par le conseil de Prud'hommes de [Localité 4] de [Localité 3] en ce qu'il a dit que le licenciement de Mme [S] reposait sur une cause réelle et sérieuse de licenciement.

L'infirme pour le surplus et statuant à nouveau.

Requalifie, à compter du 1er juin 1994, le contrat de travail de Mme [S] en contrat à durée indéterminée.

Condamne la société DITTMEYER AGRICOLA à payer à Mme [S] la somme de 3.380,97 euros à titre d'indemnité de requalification sur le fondement de l'article L 1245-2 du code du travail.

Condamne la société DITTMEYER AGRICOLA à payer à Mme [S] la somme de 21.034,27 euros à titre de solde de l'indemnité de licenciement.

Déboute Mme [S] du surplus de ses prétentions y compris celles sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Déboute la société DITTMEYER AGRICOLA de ses prétentions au titre de l'article 700 du code de procédure civile et la condamne aux entiers dépens.

Arrêt signé par Monsieur CHELLE, Président, et par Madame HAUGUEL, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE,LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13/00822
Date de la décision : 16/07/2015

Références :

Cour d'appel de Pau 3S, arrêt n°13/00822 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-07-16;13.00822 ?
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