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04/06/2015 | FRANCE | N°13/00341

France | France, Cour d'appel de Pau, Chambre sociale, 04 juin 2015, 13/00341


MC/SB



Numéro 15/02283





COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale







ARRÊT DU 04/06/2015







Dossier : 13/00341





Nature affaire :



Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution









Affaire :



SNC LIDL



C/



[O] [Y]



























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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R Ê T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 04 Juin 2015, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.







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MC/SB

Numéro 15/02283

COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 04/06/2015

Dossier : 13/00341

Nature affaire :

Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution

Affaire :

SNC LIDL

C/

[O] [Y]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 04 Juin 2015, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 16 Avril 2015, devant :

Madame COQUERELLE, magistrat chargé du rapport,

assistée de Madame HAUGUEL, greffière.

Madame [J], en application des articles 786 et 910 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :

Monsieur CHELLE, Président

Madame PAGE, Conseiller

Madame COQUERELLE, Conseiller

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTE :

Société LIDL, prise en la personne de son représentant légal domicilié en sa qualité audit siège

Direction régionale [Localité 3]

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentée par la SELARL ORACLE AVOCATS, avocats au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

Madame [O] [Y]

[Adresse 2]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Monsieur [T], délégué syndical muni d'un pouvoir

sur appel de la décision

en date du 13 DÉCEMBRE 2012

rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE DAX

RG numéro : F 11/182

FAITS ET PROCÉDURE

La société LIDL a embauché Mme [Y] le 17 septembre 2001, en contrat à durée indéterminée, en qualité de caissière employée libre-service à temps partiel, 108,35 heures par mois soit 25 heures par semaine.

Elle était employée au magasin de [Localité 5], avait un salaire moyen de 1.'350 euros et dépendait de la convention collective nationale de commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire.

Un premier avenant du 1er avril 2002 puis un second du 30 mai 2008 modifiaient son temps de travail qui était porté d'abord à 112,68 heures puis à 121,35 heures par mois.

Mme [Y] était placée en arrêts maladie successifs suite à une maladie professionnelle. Le 10 janvier 2011, à l'issue d'une visite de pré reprise, elle était déclarée inapte à son poste mais apte à occuper un poste qui n'exige pas de manutention répétée de charges. Le 15 février 2011, une seconde visite médicale confirmait son inaptitude.

Le 19 mai 2011, elle était licenciée pour inaptitude physique, aucune possibilité de reclassement n'ayant été trouvée.

Par requête réceptionnée le 28 juillet 2011, Mme [Y] a saisi le conseil de Prud'hommes de Dax, section «commerce», aux fins de contestation de son licenciement. Elle sollicitait des dommages et intérêts pour licenciement abusif, des dommages et intérêts sur le fondement de l'article L 52-5 du code du travail ainsi que des dommages et intérêts pour discrimination relative au temps de pause.

Par jugement contradictoire en date du 13 décembre 2012, auquel il convient de se reporter pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions initiales des parties et des moyens soulevés, le conseil de Prud'hommes de Dax a statué comme suit':

Rejette la demande de Mme [Y] relative à l'article L 52-35 du code du travail

Dit que le licenciement de Mme [Y] est motivé par une cause réelle et sérieuse

Condamne la société Lidl à payer à Mme [Y] les sommes de 2.376,26 euros bruts au titre des rappels de salaire, de 237,62 euros au titre des congés payés y afférents ainsi qu'une indemnité de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Déboute les parties de leurs prétentions supplémentaires

Par lettre recommandée adressée au greffe et portant la date d'expédition du 24 janvier 2013 reçue le 25 janvier 2013, la société Lidl a interjeté appel à l'encontre de ce jugement qui lui a été notifié le 24 décembre 2012.

Par conclusions enregistrées au greffe de la chambre sociale sous la date du 3 avril 2015, reprises oralement à l'audience du 16 avril 2015, la société Lidl conclut à l'infirmation partielle du jugement déféré en ce qu'il a fait droit aux demandes formulées par Mme [Y] au titre des temps de pause. Elle sollicite qu'il soit dit que l'article L 3121-33 du code du travail n'est pas applicable et que les prétentions de Mme [Y] soient rejetées en ce qui concerne ses demandes sur le fondement de l'article 5213-5 du code du travail, au titre du DIF et au titre de la remise tardive de l'attestation pôle emploi.

Elle conclut de façon générale au rejet des prétentions de la partie adverse et à sa condamnation à lui payer une indemnité de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

A l'appui de ses prétentions, la société Lidl expose que':

- Elle est une société de maxi discount dont le fonctionnement et l'organisation sont très différents de ceux existant dans un hyper ou super marché traditionnel

- Ainsi, le poste de caissière ou de chef caissière exclusivement assis et dénué de toute manutention n'existe pas, le personnel étant polyvalent et cette polyvalence comprenant à tous les niveaux hiérarchiques des taches de manutention. Ainsi, les caissières effectuent toutes de la mise en rayon

- Un aménagement de poste en magasin consistant en la suppression des tâches de manutention est impossible et les restrictions médicales concernant la salariée étaient donc particulièrement contraignantes

- Mme [Y] ne pouvait occuper aucun poste en magasin ni en entrepôt

- Seul un poste purement administratif pouvait être proposé à Mme [Y]

- Elle a engagé des recherches de reclassement au sein de l'ensemble des directions régionales en France de même qu'au siège de l'entreprise située à [Localité 6]

- elle a reçu 7 types de postes de reclassement différents

- elle a consulté les délégués du personnel sur les propositions reçues avant de les proposer à la salariée

- Les postes de reclassement ont été proposés à Mme [Y] par courrier en date du 31 mars 2011, celle-ci ne s'étant pas présentée à l'entretien qui lui était proposé le 30 mars 2011

- Elle indiquait bien à la salariée qu'elle était disposée à lui faire suivre une formation si nécessaire

- Mme [Y] a refusé tous les postes proposés par courrier en date du 14 avril 2011et n'a jamais formulé de demande de formation

- Elle ne fait pas partie d'un groupe et son périmètre géographique concernant son obligation de reclassement était limité au territoire national.

- Mme [Y] n'a pas émis la moindre réclamation au titre du temps de pause pendant les relations contractuelles et elle ne rapporte pas la preuve du bien fondé de ses prétentions.

- La régularité des accords d'entreprise relatifs à la réduction du temps du travail et règlementant les temps de pause est incontestable'; ces accords qui font la loi entre les parties ont été régulièrement conclus avec les organisations syndicales représentatives du personnel, n'ont pas été frappés d'opposition et ont été déposés auprès de l'administration'; en outre, toute action en contestation de la régularité de ces accords relèverait de la compétence du Tribunal de Grande Instance

- Ces accords d'entreprise ne sont pas moins favorables aux salariés que les dispositions légales et jurisprudentielles.

- il n'y a pas au sein des magasins six heures de travail ininterrompu qui ne soient pas nécessairement interrompues par une pause de telle sorte que les dispositions de l'article L 3121-33 du code du travail ne sont pas applicables.

- Mme [Y] fait une lecture partiale et erronée des textes applicables'; elle formule une demande non étayée sur la base de chiffrages erronés'; elle omet de déduire ses jours d'absence au titre des trois années pour lesquelles elle sollicite un rappel de salaire au titre des pauses non prises'; or, elle a été absente durant 477 jours au total'; elle ne déduit pas non plus de ses calculs les pauses conventionnelles dont elle a effectivement bénéficié , les périodes de congés payés et les jours fériés pour lesquels elle ne peut revendiquer paiement de temps de pause en l'absence de tout travail effectif

- En tout état de cause, elle ne rapporte pas la preuve de l'absence de bénéfice de ces temps de pause et ne verse aux débats aucune pièce de nature à étayer valablement sa demande

- Mme [Y] ne remplit pas les conditions pour bénéficier des dispositions de l'article L 5213-5 du code du travail, elle n'a jamais informé la société de son statut de travailleur handicapé et elle ne justifie d'aucun avis médical préconisant une obligation d'assurer son ré-entraînement au travail et/ou une rééducation professionnelle.

- Mme [Y] ne justifie pas avoir demandé auprès de la société des formations dans le cadre du DIF et elle a conservé la possibilité de transférer son crédit d'heures sur son compte personnel de formation'; elle a eu la possibilité d'utiliser pendant deux ans les droits acquis au titre du DIF au sein de la société

- La remise des documents de fin de contrat dans un délai de 7 jours après licenciement ne peut être considérée comme abusive et la salariée ne justifie d'aucun préjudice

Par conclusions enregistrées au greffe de la chambre sociale sous la date du 25 mars 2015, et reprises oralement à l'audience du 16 avril 2015, Mme [Y] conclut à la réformation du jugement entrepris en ce qui concerne les quantas pour les temps de pause (5.000 euros), et en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (32.000 euros), pour non-respect de la procédure attachée aux travailleurs handicapés (7.000 euros), pour non information sur le DIF (1.500 euros), pour remise tardive des documents de fins de contrat (1.500 euros).

Elle sollicite la confirmation du jugement pour le surplus ainsi qu'une indemnité de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que':

- Lorsque le licenciement pour inaptitude du salarié est intervenu alors que la consultation des délégués du personnel est irrégulière, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse (les délégués du personnel ont été informés et non consultés, l'employeur n'a pas porté à la connaissance des délégués du personnel les informations nécessaires au reclassement du salarié inapte, il a recueilli leur avis dans le cadre de la réunion mensuelle)

- La société Lidl n'a pas proposé tous les postes disponibles puisque sur la période d'inaptitude, elle diffuse des appels à candidature pour des postes

- Elle ne dispose d'aucune qualification'; certains postes proposés l'intéressaient  ; elle a demandé à disposer de son droit au DIF, sans réponse

- Les postes proposés ne sont pas adaptés à ses compétences et la société Lidl n'a proposé aucune remise à niveau pour pouvoir accéder aux postes proposés

- La société Lidl comprend 13 filiales, elle fait partie d'un groupe européen et aucune recherche n'a été faite à ces niveaux

- Elle ne justifie d'aucune recherche personnalisée et loyale des possibilités de reclassement et aucune proposition n'a été faite à l'étranger'; elle s'est contentée d'envoyer des fax similaires aux différentes directions régionales sans indications relatives au salarié (âge, ancienneté, formation, compétence ')

- Elle est reconnue comme travailleur handicapé'depuis le 1er avril 2010 mais la société Lidl n'a rien mis en place pour réadapter le poste malgré les recommandations de la CDAPH

- La société Lidl ne respecte ni le code du travail ni la convention collective applicable concernant les temps de pause

- Elle ne peut produire aucun planning ni contrôle temps du fait que ceux-ci sont en possession de l'employeur mais il incombe à ce dernier de rapporter la preuve sur les temps de pause

- Le manque de repos engendre des taux d'inaptitude hors du commun, des arrêts de travail courants et la dégradation de la santé des salariés

- Concernant le DIF, aucune information ne figure dans la lettre de licenciement

- Les documents liés à la rupture du contrat de travail ne lui ont été remis que 7 jours après son licenciement.

La Cour se réfère expressément aux conclusions ci-dessus visées pour un plus ample exposé des moyens de fait et de droit développés par les parties.

MOTIVATION

L'appel, interjeté dans les formes et délais prévus par la loi, est recevable en la forme.

Sur le licenciement

Sur la consultation des délégués du personnel

Mme [Y] fait valoir que lorsque le licenciement pour inaptitude du salarié intervient alors que la consultation des délégués du personnel est irrégulière, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.

Elle soutient que la société Lidl a informé, et non consulté, les délégués du personnel pendant la réunion mensuelle prévue aux dispositions de l'article L 2315-8 du code du travail alors qu'elle ne pouvait le faire dans le cadre de cette réunion. En outre, l'employeur doit fournir aux délégués du personnel toutes les informations nécessaires au reclassement du salarié inapte ainsi que les conclusions du médecin du travail, pour leur permettre de donner un avis en connaissance de cause.

Si le procès-verbal de réunion des délégués du personnel du 25 mars 2011 mentionne une « information »' des délégués du personnel relative au cas de Mme [Y] indiquant les motifs de l'avis médical d'inaptitude et la recherche de reclassement sur des postes administratifs auprès des directions régionales, il a été précisé que les délégués n'apportaient pas de commentaires sur la procédure de sorte qu'il est établi malgré l'emploi impropre du mot «' informe'» qu'ils ont été consultés. Aucune disposition légale n'empêche, par ailleurs, cette consultation dans le cadre de la réunion mensuelle des délégués du personnel. Ainsi, aucun manquement de l'employeur à son obligation de consulter les délégués du personnel ne saurait lui être reproché.

Mme [Y] sera, par conséquent, déboutée de ses prétentions de ce chef.

Sur l'obligation de reclassement

En application des dispositions de l'article L1226-10 du code du travail, lorsqu'à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le salarié est déclaré par le médecin du travail, inapte à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur est tenu, compte tenu des conclusions écrites du médecin du travail et des indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise, et après avis des délégués du personnel, de chercher à reclasser le salarié sur un autre emploi approprié à ses capacités et aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en 'uvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail.

La recherche des possibilités doit s'apprécier à l'intérieur du groupe auquel appartient l'employeur concerné, parmi les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation lui permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel.

Le licenciement ne peut être prononcé que si l'employeur justifie, dans ces conditions, soit de l'impossibilité où il se trouve de proposer un emploi, soit du refus par la salariée de l'emploi proposé lorsqu'aucune autre proposition de reclassement n'est possible.

L'employeur doit mettre en 'uvre de manière sérieuse, effective et loyale l'obligation de reclassement'; il a, à cet égard, une obligation de moyen renforcé.

En l'espèce, Mme [Y] a été embauchée en qualité de caissière-employée Libre- Service à temps partiel'; lors de la seconde visite de reprise du 15 février 2011, elle a fait l'objet d'une déclaration d'inaptitude à son poste de travail mais a été déclarée apte à tous postes ne nécessitant aucune manutention répétée de charges.

Il est établi que dès le 21 février 2011, la société Lidl a interrogé l'ensemble des directions régionales ainsi que le siège social afin de leur demander si un poste susceptible de répondre aux critères du médecin du travail était disponible. Les recherches ont été orientées sur des postes de type administratif. La recherche effectuée par la société Lidl est précise et personnalisée'; elle énonce clairement les conclusions du médecin du travail concernant la nature de l'inaptitude de Mme [Y] et fait état de la date d'entrée de la salariée au sein de la société et des différents postes qu'elle y a occupés. Peu importe la critique faite par Mme [Y] de l'envoi par télécopie similaire de la demande de reclassement, puisque la société a obtenu des réponses positives lui permettant d'offrir des postes. Effectivement, les réponses du siège social et des différentes directions régionales ont permis de lister sept postes susceptibles de convenir à Mme [Y], certains emplois nécessitant une formation préalable que la société Lidl était disposée à supporter financièrement.

Par courrier en date du 22 février 2011, la société Lidl convoquait Mme [Y] à un entretien prévu le 30 mars 2011 pour faire le point sur les possibilités de reclassement la concernant. Mme [Y] ne s'est pas présentée à cet entretien.

Le 31 mars 2011, la société Lidl écrivait à Mme [Y] pour lui proposer la liste des postes de type administratif, disponibles, compatibles avec son état de santé. La société Lidl précisait dans son courrier qu'une formation était envisagée en fonction des postes afin que Mme [Y] acquière les compétences nécessaires. Effectivement ce courrier indiquait « en fonction de votre réponse, nous pourrons évaluer vos compétences par rapport à celles requises pour occuper le poste qui vous intéresse et estimer si une formation sera suffisante pour l'occuper'».

Mme [Y] répondait le 14 avril 2011, indiquant que certains postes l'intéressaient mais qu'elle ne pouvait y répondre favorablement étant donné sa situation familiale et l'éloignement géographique des postes proposés par rapport à son domicile.

Mme [Y] fait valoir qu'il était possible pour son employeur de la reclasser au sein du magasin moyennant une éventuelle transformation de poste'; que l'employeur n'a pas étendu ses recherches au sein du groupe pour lui proposer, notamment, un poste à l'étranger.

L'employeur conteste la possibilité de reclassement de la salariée sur un poste de caissière où elle serait exclusivement assise au motif qu'a été mis en place dans l'entreprise le principe de la polyvalence des personnels amenant ceux-ci, tant le chef de magasin que les chefs caissières et les caissières employées libre-service, à effectuer des tâches de port de charges et de magasinage incompatible avec l'exigence d'une situation dépourvue de toute manutention prescrite par le médecin du travail.

Il soutient qu'il ne fait pas partie d'un groupe et que son périmètre de reclassement est limité au territoire national.

S'agissant du groupe, la société Lidl conteste faire partie d'un groupe au motif qu'elle ne détient aucune filiale en France ou à l'étranger, qu'il ne s'agit pas d'une entreprise dominante contrôlant d'autres entreprises et qu'elle n'est pas détenue par une société dominante.

Mais il convient de rappeler que la notion de groupe au regard de l'obligation de reclassement est autonome par rapport à celle du droit commercial et ne suppose que la permutabilité du personnel entre les entreprises du groupe, en raison de leur activité, de leur organisation ou de leur lieu d'exploitation.

Or, la salariée produit plusieurs pièces relatives à l'existence d'un groupe auquel la société Lidl France appartient.

Ainsi, sa pièce n°10D est un extrait de 'tandem expertise'- Lidl France': diagnostic du 28 février 2009 et prévisionnel 2009/2010" qui indique notamment': «' le groupe Schwarz Unternehmens Treuhand KG ' qui comprend Lidl, Kaufland& Handshof ' est devenu au fil du temps une figure incontournable de la grande distribution mondiale. Implanté dans 24 pays, il se positionne à la cinquième place du classement des «' champions de la grande distribution 2010'» avec un chiffre d'affaires de 79,9 milliards de dollars en 2008. Le groupe poursuit ainsi son ascension dans le peloton de tête du classement (10ième puis 7ième place en 2006 et 2007). Malgré une conjoncture économique difficile, le groupe allemand a affiché une croissance à deux chiffres en 2008 (15,2%). Le groupe, et à travers lui Lidl, confirme ainsi son rang de leader mondial du hard discount, devant notamment ALDI, le pionnier du modèle ».

Ou encore sa pièce N°10B, qui est un extrait de 'l'information et consultation du comité d'entreprise sur le projet de licenciement collectif pour motif économique et de plan de sauvegarde de l'emploi (CE du 03/06)' dans lequel il est possible de relever, à plusieurs reprises, des mentions explicites quant à l'existence de sociétés Lidl à l'étranger. Ainsi, notamment, page 23, « Lidl SNC a ainsi interrogé l'ensemble de ses directions régionales ainsi que les sociétés de l'enseigne Lidl à l'étranger sur les postes disponibles au sein de leurs établissements'», page 37, «'en cas de reclassement à l'étranger, le contrat de travail avec Lidl SNC sera rompu d'un commun accord au terme de la période de détachement prévu aux 3.2.1 ci-dessous; un nouveau contrat de travail soumis au droit local sera conclu avec la société d'accueil. Celle-ci reprenant l'ancienneté acquise par le salarié, aucune indemnité de rupture de quelque nature que ce soit ne sera due ''», page 38, « au-delà des mesures mentionnées à l'article 3.2.2 ci-dessus, la société mettra le salarié reclassé à l'étranger au sein d'une société de l'enseigne Lidl en relation avec une ou des agences immobilières locales''»

Il est, donc, expressément mentionné l'existence de sociétés Lidl à l'étranger au sein desquelles le reclassement de salariées de Lidl France était possible, établissant ainsi la permutation de personnel entre ces sociétés.

La réalité de cette permutation de personnel entre ces sociétés du groupe est d'ailleurs établie par l'annexe 10C de la salariée, par une note interne du service direction du 16 décembre 2011, adressée à l'ensemble du personnel intitulée ' nouvelles fonctions'' signée de P. [E] qui indique':'« à compter du 1er mai 2012, après plus de 20 années passées à la direction de Lidl France, j'occuperai de nouvelles fonctions auprès de la SUT (Schwarz Unternehmenstreuhand) ». La SUT est l'organe système de pilotage du groupe (Lidl, Kaufland) dont la siège est à [Localité 4] (Allemagne).

Or, la société Lidl ne produit aucun élément de nature à démontrer qu'elle a étendu sa recherche de reclassement aux sociétés du groupe situées à l'étranger avec lesquelles les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation permettaient d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel, peu important que la salariée ait refusé les propositions de reclassement qui lui étaient faites au motif de leur situation géographique, l'employeur ne pouvant s'exonérer de son obligation au motif qu'il présupposerait un éventuel refus de la salariée.

Par conséquent, il convient de constater que la société Lidl ne démontre pas avoir mis en 'uvre tous les moyens utiles à la recherche d'un reclassement loyal et effectif de la salariée, et notamment, ne démontre pas qu'elle a étendu sa recherche de reclassement aux sociétés du groupe situées à l'étranger.

Elle ne démontre donc pas qu'elle était dans l'impossibilité de reclasser Mme [Y] et qu'elle était contrainte de procéder à son licenciement.

Ainsi, le licenciement de Mme [Y] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Le jugement du conseil de Prud'hommes sera donc infirmé en ce qu'il a dit que le licenciement de Mme [Y] était fondé sur une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Mme [Y] sollicite une somme de 32.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Elle ne produit, cependant, aucun élément, de nature à justifier l'octroi de cette somme.

Son préjudice sera réparé par l'allocation d'un montant de 18.000 euros.

Sur le temps de pause

L'article L 3121-33 du code du travail dispose que dès que le temps de travail quotidien atteint six heures, le salarié bénéficie d'un temps de pause d'une durée minimale de 20 minutes. Des dispositions conventionnelles plus favorables peuvent fixer un temps de pause supérieur.

Ce texte constitue la transcription en droit interne de la directive européenne 93/104 du 23 novembre 1993 relative à l'aménagement du temps du travail à laquelle s'est substituée sur ce point la directive 2003/88 du 4 novembre 2003 laquelle dans son article 4 fait obligation aux Etats membres d'adopter les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie, au cas où le temps de travail journalier est supérieur à six heures d'un temps de pause dont les modalités, et notamment la durée et les conditions d'octroi, sont fixées par des conventions collectives ou accord conclus entre partenaires sociaux ou à défaut par la législation nationale.

S'agissant de la mise en 'uvre de la règlementation européenne en matière de seuils et plafonds en matière de temps de pause poursuivant une finalité protectrice destinée à assurer à tout salarié la protection de sa sécurité et de sa santé au travail et renvoyant à l'obligation de sécurité de résultat de l'employeur, il appartient à ce dernier de justifier avoir satisfait à son obligation. Le manquement de l'employeur à cette obligation donne lieu à des dommages et intérêts et les sommes accordées alors ne présentent aucun caractère salarial.

Le paiement d'une pause n'est pas assimilable à la prise effective de la pause.

L'article 5-4 de la convention collective du commerce de gros et de détail à prédominance alimentaire définit le temps de pause, par un temps de repos payé ou non, compris dans le temps de présence journalier dans l'entreprise pendant lequel l'exécution du travail est suspendue.

En l'espèce, s'il existe un accord d'entreprise octroyant à chaque salarié une pause de 7 minutes par chaque demi-journée de travail, il n'en demeure pas moins que l'employeur ne produit aucun élément factuel de contrôle horaire permettant de déterminer que Mme [Y] prenait effectivement une pause avant le seuil légal de déclenchement du droit à pause légal de 6 heures de travail, alors même qu'il ressort d'une note interne à la société Lidl du 28 juin 2010, que de nouvelles règles d'organisation du travail en magasin étaient instaurées et qu'à compter des plannings de septembre 2010, les chefs caissières et les caissières employées libre-service ne feraient plus de journées continues de 6 heures ou plus et qu'il fallait les planifier au maximum à 5,75 heures en continu par demi-journée, induisant nécessairement qu'au moins jusqu'à cette date, Mme [Y] pouvait être amenée à faire des journées de 6 heures au moins, en sorte que ne justifiant aucunement de la prise effective d'une pause de 7 minutes avant le déclenchement du seuil prévu à l'article L 3121-33 du code du travail, l'employeur ne peut prétendre que les seuils prévus par les dispositions de l'article L 3121-33 du code du travail n'étaient pas atteints et que ces dispositions ne lui sont pas applicables.

A défaut pour la société Lidl de justifier qu'elle a satisfait à son obligation résultant des dispositions de l'article L 3121-33 du code du travail, la demande en dommages et intérêts de Mme [Y] ne pourra que prospérer.

La convention collective nationale prévoit, en son article 5-4, que tout travail consécutif de quatre heures doit être coupé par une pause prise avant la réalisation de la 5ème heure, cette pause payée étant attribuée à raison de 5% du temps de travail effectif. Ainsi, le temps de pause doit être pris à hauteur de 5% du temps de travail, ce qui représente trois minutes de pause par heure travaillée. Il est, également, prévu que les salariés à temps partiel bénéficient des droits et avantages accordés aux salariés à temps complet.

Les accords des 6 mars 1997, 18 mars 1998 et 3 août 1999 prévoient que les salariés de la société Lidl se voient accorder une pause de 7 minutes interrompant toute demi-journée de travail inférieure ou égale à six heures et une nouvelle pause payée de 7 minutes pour toute demi-journée d'une durée supérieure à six heures de travail.

La salariée revendique, à juste titre, l'application des dispositions de la convention collective, dès lors que celles-ci lui sont plus favorables que celles des accords collectifs dès lors que le temps de travail journalier continu est de plus de deux heures.

Elle explique, sans être sérieusement démentie n'avoir pu avoir communication de ses plannings de travail'; qu'il était habituel que les pauses ne soient pas prises et qu'ainsi, elle travaillait sur la base d'un horaire contractuel de 121heures 35 minutes à raison de 7 demi-journées en effectuant en moyenne 3 fois par semaine plus de six heures.

Or, l'application de l'accord d'entreprise a généré pour Mme [Y] un déficit de temps de pause constitutif d'un préjudice résultant du manque à gagner.

Effectivement, l'employeur, qui prétend que toutes les pauses ont toujours été régulièrement prises et payées, se contente de critiquer le fait que Mme [Y] verse aux débats des plannings d'autres magasins alors que les horaires appliqués sont différents d'un magasin à un autre et que les plannings ne sont que des documents prévisionnels.

Cependant, la société Lidl, en possession des plannings de Mme [Y] se garde bien de produire ceux-ci ou d'autres documents permettant de démontrer que Mme [Y] a réellement pris ses pauses à l'intérieur de son amplitude de travail ou que son amplitude de travail n'a jamais atteint plus de six heures consécutives, alors qu'il convient de rappeler que la charge de la preuve lui incombe.

De même, la déduction des jours d'absence de la salariée, des jours fériés, des minutes de pause effectivement prises ne s'impose pas dans la mesure où s'agissant de l'indemnisation d'un préjudice, le conseil de Prud'hommes ne pouvait pas allouer une somme en paiement des temps de pause et congés payés.

Le manquement de l'employeur aux règles sur la prise du temps de pause confinant à son obligation de sécurité de résultat au long de la carrière de Mme [Y], a nécessairement causé à la salariée un préjudice qui sera entièrement réparé par l'allocation d'une somme de 2.500 euros.

Sur la protection du salarié handicapé

L'article L 5213-5 du code du travail dispose que tout établissement ou groupe d'établissements appartenant à une même activité professionnelle de plus de 5000 salariés assure, après avis médical, le ré-entraînement au travail et la rééducation professionnelle de ses salariés malades ou blessés.

Mme [Y] a été reconnue travailleur handicapée par courrier en date du 5 juillet 2010, ceci pour la période du 1er avril 2010 au 31 mars 2015.

L'obligation de ré-entraînement ne concerne que les salariés blessés ou malades reconnus comme travailleurs handicapés. Mme [Y] qui a été reconnue travailleur handicapée depuis le 1er avril 2010, soit pendant le temps de l'exécution de son contrat de travail.

Cependant, elle n'établit pas qu'elle avait porté à la connaissance de son employeur son statut de travailleur handicapé et de ce fait, elle ne peut pas bénéficier de ces dispositions.

Elle sera, par conséquent, déboutée de ses prétentions de ce chef.

Sur le DIF

Mme [Y] sollicite la somme de 1.500 euros à titre de dommages et intérêts pour non-information sur le droit au DIF (droit individuel à la formation).

Il résulte des dispositions des articles L 6323-17 et L 6323-19 du code du travail que l'employeur doit, dans la lettre de licenciement sauf faute lourde, informer le salarié de la possibilité qu'il a de demander jusqu'à l'expiration du préavis, que celui-ci soit ou non exécuté, ou pendant une période égale à celle du préavis qui aurait été applicable, à bénéficier d'une action de bilan de compétences, de validation des acquis de l'expérience ou de formation.

Le défaut par l'employeur du respect de cette obligation cause nécessairement un préjudice au salarié.

En l'espèce, il convient de constater que la lettre de licenciement du 31 mars 2011 ne comporte aucune mention relative au droit individuel à la formation et à la possibilité pour la salariée de bénéficier d'une action de bilan de compétences, de validation des acquis de l'expérience ou de formation de sorte que ce manquement cause nécessairement à la salariée un préjudice qui sera réparé par l'octroi d'une somme de 1.000 euros.

Sur la remise des documents sociaux

Mme [Y] sollicite paiement par la société Lidl d'une somme de 1.500 euros pour remise tardive des documents de fin de contrat, précisant que si son licenciement remonte au 19 mai 2011, l'attestation Pôle Emploi conforme ne lui a été remise que le 26 mai 2011, soit 7 jours plus tard.

Aux termes des dispositions de l'article R 1234-9 du code du travail, l'employeur doit, effectivement, délivrer au salarié, au moment de la rupture du contrat de travail, les attestations et justifications qui lui permettent d'exercer ses droits aux prestations chômage, notamment.

Du fait de la remise tardive de l'attestation pôle emploi, Mme [Y] a nécessairement subi un préjudice qui sera réparé par l'octroi d'une somme de 500 euros.

La société Lidl, qui succombe grandement dans ses prétentions, sera condamnée aux entiers dépens. Il n'apparaît pas inéquitable de lui laisser la charge de ses frais irrépétibles.

Par contre, il serait inéquitable de laisser à Mme [Y] la charge de ses frais irrépétibles'; il convient de lui allouer une indemnité de 1.200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant contradictoirement, en dernier ressort et par mise à disposition au greffe

Infirme le jugement du conseil de Prud'homme de Dax dans son intégralité.

statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit que le licenciement de Mme [Y] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Condamne la société Lidl à payer à Mme [Y] une somme de 18.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Condamne la société Lidl à payer à Mme [Y] les sommes suivantes':

2.500 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect des temps de pause

1.000 euros à titre de dommages et intérêts pour non information sur le droit au DIF

500 euros à titre de dommages et intérêts pour remise tardive des documents sociaux

1.200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Déboute Mme [Y] du surplus de ses prétentions.

Déboute la société Lidl de ses prétentions au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La condamne aux entiers dépens.

Arrêt signé par Monsieur CHELLE, Président, et par Madame HAUGUEL, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE,LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13/00341
Date de la décision : 04/06/2015

Références :

Cour d'appel de Pau 3S, arrêt n°13/00341 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-06-04;13.00341 ?
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