SG/CD
Numéro 15/0040
COUR D'APPEL DE PAU
Chambre sociale
ARRÊT DU 08/01/2015
Dossier : 12/03885
Nature affaire :
Demande d'annulation d'une sanction disciplinaire frappant un salarié protégé
Affaire :
SA AUTOROUTES DU SUD DE LA FRANCE
C/
[L] [X]
L'Union Syndicat CGT ASF BIARRITZ
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 08 Janvier 2015, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 05 Novembre 2014, devant :
Monsieur GAUTHIER, magistrat chargé du rapport,
assisté de Madame HAUGUEL, Greffière.
Madame PAGE, en application des articles 786 et 910 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries, en présence de Monsieur GAUTHIER et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame PAGE, Conseiller faisant fonction de Présidente
Monsieur GAUTHIER, Conseiller
Madame COQUERELLE, Conseiller
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTE :
SA AUTOROUTES DU SUD DE LA FRANCE
représentée par Monsieur [R] [J], responsable des relations sociales ayant reçu pouvoir de Monsieur [G] PAU, Directeur Régional d'Exploitation
Direction Régionale d'Exploitation Sud Atlantique Pyrénées 2
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Maître ANQUEZ, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉS :
Monsieur [L] [X]
[Adresse 4]
[Localité 1]
Représenté par Madame Nathalie ARRIBEHAUTE, déléguée syndicale, munie d'un pouvoir régulier
L'Union des Syndicats CGT ASF BIARRITZ
[Adresse 1]
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Monsieur [U] [O], déléguée syndicale, muni d'un pouvoir régulier
sur appel de la décision
en date du 30 OCTOBRE 2012
rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE BAYONNE
RG numéro : F 11/00381
LES FAITS, LA PROCÉDURE :
Monsieur [L] [X] a été engagé à compter du 1er avril 1981 en qualité d'agent électronicien.
Un véhicule de service est mis à sa disposition dans le cadre de son activité professionnelle.
Depuis 1997, Monsieur [L] [X] exerce diverses fonctions de représentation du personnel et depuis 2007, il est délégué syndical central du syndicat CGT ASF.
Il a été convoqué par courrier du 6 avril 2011 à un entretien préalable fixé au 19 avril et le 9 mai 2011 devant le conseil de discipline.
Le 18 mai 2011, une sanction disciplinaire lui a été notifiée, consistant en une mise en disponibilité sans appointements pour une période de huit jours francs aux motifs que : le 16 février 2011, le véhicule de service qui lui est affecté au titre de ses fonctions a été contrôlé en excès de vitesse, alors que soit qu'il était en ARTT ou qu'il était en délégation, l'utilisation du véhicule de service était interdite.
Par requête en date du 5 août 2011, Monsieur [L] [X] a saisi le conseil de prud'hommes de Bayonne pour, au terme de ses dernières demandes de première instance : que soit dite nulle la sanction disciplinaire entreprise, prise en violation des articles L. 1132-1, L. 2141-5 et L. 2141-7 du code du travail, et réprimée aux articles L. 1132-4 et L. 2141-8 du même code relatifs à la discrimination syndicale, dont les dispositions sont d'ordre public ; que la SA ASF soit condamnée au versement de : 532,47 € au titre de rappel de salaire sur la période courant du 23 au 28 mai inclus et 1 € de dommages-intérêts en application de l'article L. 2141-8 du code du travail ; que soit ordonnée la publication de la décision à intervenir aux frais de l'ASF dans la revue d'entreprise « H 24 », éditée dans les caractères courants de la revue ; que soit ordonnée l'exécution provisoire de l'ensemble du jugement et que ASF soit condamnée à payer la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le syndicat CGT ASF est intervenu volontairement à l'instance.
À défaut de conciliation le 6 septembre 2011, l'affaire a été renvoyée devant le bureau de jugement.
Par jugement du 30 octobre 2012, auquel il conviendra de se reporter pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, le conseil de prud'hommes de Bayonne (section commerce) a :
- dit que la sanction de 8 jours de mise à pied ferme est nulle,
- condamné la SA ASF à payer les sommes suivantes :
à Monsieur [L] [X] :
* 532,47 € bruts au titre du rappel de salaire,
* 1 € (un euro) au titre de dommages-intérêts en application de l'article L. 2141-8 du code du travail relatif à la discrimination syndicale,
* 800 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
au syndicat CGT ASF Biarritz :
* 1.000 € à titre de dommages-intérêts en application de l'article L. 2141-8 du code du travail relatif à la discrimination syndicale,
* 800 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la SA ASF à remettre à Monsieur [L] [X] les bulletins de salaire des mois de mai et juin 2011 rectifiés et comportant le rappel de salaire,
- rappelé que l'exécution provisoire est de droit en ce qui concerne le rappel de salaire et les bulletins de paie des mois de mai et juin 2011,
- dit que la moyenne des trois derniers mois est de 4.308,08 €,
- ordonné l'exécution provisoire pour le surplus de la présente décision,
- ordonné la publication de la présente décision aux frais de la société ASF dans la revue d'entreprise dans les caractères courants de la revue et à une édition la plus proche possible du prononcé de la présente décision,
- dit que la présente décision emporte intérêt légal à compter du 16 juin 2011 en ce qui concerne le rappel de salaire et à compter de ce jour en ce qui concerne les autres sommes,
- condamné la société ASF aux entiers dépens ainsi qu'aux frais d'huissier en cas d'exécution forcée la présente décision.
Par lettre recommandée avec avis de réception en date du 16 novembre 2012 la SA ASF, représentée par son conseil, a interjeté appel du jugement.
La contribution pour l'aide juridique prévue par l'article 1635 bis Q du code général des impôts a été régulièrement acquittée par timbre fiscal de 35 €.
DEMANDES ET MOYENS DES PARTIES :
La SA ASF, par conclusions écrites, déposées le 17 juillet 2014, reprises oralement à l'audience et auxquelles il convient de se référer, demande à la cour de :
Vu les articles L. 1331-1, L. 1332-2 et L. 1333-1 du code du travail,
- infirmer la décision rendue par le conseil de prud'hommes de Bayonne le 30 octobre 2012,
- constater le caractère régulier en la forme, licite et proportionné de la sanction disciplinaire notifiée le 18 mai 2011 à Monsieur [L] [X],
- débouter Monsieur [L] [X] et l'union des syndicats CGT ASF de l'ensemble de leurs demandes,
- statuer ce que de droit sur les dépens.
La SA ASF fait valoir que :
- sur la régularité de la procédure : aucune des parties ne conteste la stricte observation par la société ASF des procédures légales et conventionnelles ;
- sur la licéité de la sanction : la mise en disponibilité sans appointements pour une période de huit jours francs notifiée le 18 mai 2011 repose sur l'utilisation d'un véhicule de service en contravention avec les règles de la société sans que le salarié puisse bénéficier d'un avantage particulier individuel ou d'une tolérance prétendue ;
- la convention d'entreprise numéro 63 prévoit que : hormis les éventuels véhicules de fonction, ou véhicules de service à usage personnel, pour l'usage desquels une contribution financière est demandée à l'utilisateur, aucun véhicule ASF ne doit être utilisé pour les déplacements hors convocation employeur ;
- l'officialisation de l'utilisation des véhicules de service pour les missions des délégués syndicaux, d'une part, dans le cadre des heures de délégation et d'autre part, pour les trajets vers le conseil de prud'hommes a constitué une revendication mais pas un avantage contractuellement acquis ;
- aucune tolérance sur le sujet de l'utilisation d'un véhicule de service ne peut être démontrée ;
- il est matériellement impossible que la société ait pu établir des corrélations prétendues entre les pleins d'essence et les heures de délégation ;
- la société conteste la discrimination syndicale invoquée et considère que la preuve des éléments objectifs étrangers à toute discrimination justifiant la sanction est apportée par les développements relatifs à la licéité et à la proportionnalité de la sanction prononcée.
Monsieur [L] [X], par conclusions écrites, déposées le 10 septembre 2014, reprises oralement à l'audience et auxquelles il convient de se référer, demande à la cour de :
Vu les articles L. 1132-1, L. 1132-4, L. 1134-1, L. 1331-1, L. 1332-2, L. 1332-4, L. 1333-1, L. 2143-17, L. 2141-5, L. 2141-7, L. 2141-8, L. 2254-1, R. 1412-1 et R. 1451-14 du code du travail,
- confirmer le jugement entrepris,
- dire nulle la sanction disciplinaire entreprise, prise en violation des articles L. 1132-1, L. 2141-5 et L. 2141-7 du code du travail, et réprimée aux articles L. 1132-4 et L. 2141-8 du même code relatifs à la discrimination syndicale, dont les dispositions sont d'ordre public,
- condamner ASF à payer la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner ASF aux entiers frais et dépens, y compris ceux éventuellement nécessaires à l'exécution de la présente décision.
Monsieur [L] [X] soutient que la sanction prononcée est injustifiée au motif que l'utilisation de son véhicule de service pendant ses heures de délégation ne constitue pas un fait fautif.
Il fait valoir que :
- le 16 février il était en délégation en sa qualité de délégué syndical central et participait à l'assemblée générale du syndicat CGT ASF Agen réunie à [Localité 4] ;
- son contrat de travail prévoit une utilisation du véhicule dans le cadre de ses fonctions au sein de la société SA ; la représentation syndicale, constituant un temps de travail effectif, participe aux fonctions du salarié au sein de l'entreprise ; les clauses plus favorables de son contrat de travail, par rapport aux dispositions conventionnelles moins favorables, continuent de recevoir application ;
- cette sanction est illégitime dès lors que la direction de la société était informée de cette situation et qu'elle ne l'a jamais sanctionné pendant 13 ans.
Il soutient que la sanction disciplinaire est fondée sur une discrimination à caractère syndical ; il fait valoir qu'il a été convoqué pour avoir utilisé son véhicule de service en RTT et qu'il a été finalement sanctionné pour l'avoir utilisé en délégation syndicale, ce qui démontre qu'il a été sanctionné hors de tout élément objectif.
L'union des syndicats CGT ASF, par conclusions écrites, déposées le 9 septembre 2014, reprises oralement à l'audience et auxquelles il convient de se référer, demande à la cour de :
Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- dire nulle la sanction disciplinaire entreprise, prise en violation des articles L. 1132-1, L. 2141-5 et L. 2141-7 du code du travail, et réprimée aux articles L. 1132-4 et L. 2141-8 du même code relatifs à la discrimination syndicale, dont les dispositions sont d'ordre public,
- condamner ASF à payer la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner ASF aux entiers frais dépens, y compris ceux éventuellement nécessaires à l'exécution de la présente décision.
Le syndicat CGT soutient que la sanction disciplinaire infligée au délégué central syndical, au vu de l'inconsistance des moyens soutenus, s'analyse comme un moyen de pression à l'encontre de l'organisation syndicale CGT ASF ; l'objectif était de sanctionner, et non de résoudre un éventuel comportement fautif ; il s'agit d'un détournement du pouvoir disciplinaire de l'employeur constitutif d'une discrimination au sens article L. 1132-1 et L. 2141-5 du code du travail.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
L'appel, interjeté dans les formes et délais prescrits par la loi, sera déclaré recevable en la forme.
Concernant la sanction disciplinaire :
Le juge prud'homal tient de l'article L. 1333-1 du code du travail le pouvoir d'apprécier et d'annuler une sanction disciplinaire, autre qu'un licenciement, lorsqu'elle est irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.
La notification de la sanction disciplinaire est ainsi libellée dans la lettre du 18 mai 2011 :
« le 16 février 2011, le véhicule de service qui vous est affecté au titre de vos fonctions TMO a été contrôlé en excès de vitesse.
Sur cette journée du 16 février, vous avez pointé être en ARTT.
Lors de votre entretien préalable, vous avez affirmé que vous étiez en fait en heures de délégation.
Dans l'un et l'autre cas, la règle reste la même : vous ne pouviez utiliser le véhicule de service qui vous est affecté.
Lors du conseil de discipline, vous avez prétendu que vous en aviez le droit, malgré les rappels à la règle dont vous avez régulièrement fait l'objet.
Dès lors que vous avez pris de nous confirmer avoir sciemment contrevenu à une règle impérative, nous n'avons pu modifier notre appréciation quant à votre comportement fautif.
Nous avons donc décidé de prononcer à votre encontre une mise en disponibilité sans appointements pour une période de 8 jours francs.
Cette sanction prendra effet à compter du premier lundi suivant la réception des présentes, lesquelles seront versées votre dossier ».
La SA ASF fait valoir que :
Il ressort de la feuille de pointage du 14 février au 20 février 2011 que le salarié a pointé être ce jour-là en ARTT.
Lors de la désignation de Monsieur [L] [X] en qualité de délégué syndical central de l'union syndicale CGT ASF à compter du 1er décembre 2007, elle lui a adressé une lettre recommandée avec avis de réception du 27 novembre 2007 pour lui « confirmer certaines modalités d'exercice » de ses fonctions dans le cadre de ce mandat et telles que résultant des dispositions de la convention numéro 63, ainsi que des usages au sein d'ASF.
Ce courrier comporte notamment un paragraphe intitulé « déplacements pour réunions sur convocation employeur » qui mentionne : « Outre les moyens de transport en commun, ASF privilégie l'utilisation de véhicules fournis par l'entreprise et le regroupement entre représentants. En tout état de cause, il est recommandé de privilégier le moyen de transport le mieux adapté à la circonstance. Je vous rappelle qu'aucun véhicule ASF ne doit être utilisé pour les déplacements hors convocation de l'employeur. A fortiori, un usage personnel dudit véhicule est formellement interdit. Une méconnaissance de cette règle pourrait engendrer des conséquences extrêmement dommageables, en cas d'accident notamment, puisque l'assurance n'assumerait aucune prise en charge des dégâts tant matériels qu'humains. Votre responsabilité pourrait en outre être engagée sur le plan pénal. C'est la raison pour laquelle je vous demande de respecter cette règle.
Je vous informe qu'à compter du 1er janvier 2008 et comme pour l'ensemble des délégués syndicaux centraux, la direction des ressources humaines opérera le suivi de vos frais de déplacements, jusqu'alors pris en charge par le service ressources humaines de [Localité 3] ».
Par lettre recommandée avec avis de réception du 19 février 2009, l'employeur a rappelé à Monsieur [L] [X] que lors de sa prise de fonction il lui avait été clairement indiqué par courrier du 27 novembre 2007 qu'aucun véhicule ASF ne devait être utilisé pour les déplacements hors convocation de l'employeur, alors que « dernièrement, à l'occasion de la convocation du vendredi 11 septembre 2009 à 9 heures devant le tribunal d'instance de Biarritz, l'affaire avec à laquelle était appelée, à sa requête, la CGT, il est apparu que vous vous êtes rendu à l'audience fixée par la justice avec un véhicule de service ASF. Le fait que vous ayez contrevenu à cette règle impérative m'impose de vous rappeler à nouveau les conséquences que peut entraîner sa méconnaissance ».
L'employeur a adressé ce courrier en copie aux différents inspecteurs du travail des transports territorialement concernés.
L'alinéa 2 de l'article 1 « forfait des délégués syndicaux et des représentants du personnel », du titre VIII de la convention d'entreprise numéro 63 relative au droit syndical et aux institutions représentatives du personnel du 19 novembre 2004, stipule :
« hormis les éventuels véhicules de fonction, ou véhicules de service à usage personnel, pour l'usage desquels une contribution financière est demandée à l'utilisateur, aucun véhicule ASF ne doit être utilisé pour les déplacements hors convocation employeur ».
L'article 4 du chapitre II du règlement intérieur de la société, du 24 janvier 2003, interdit, notamment, « d'utiliser à des fins privées et sans autorisation, tous biens appartenant à la société et notamment les véhicules ».
Enfin, la SA ASF fait valoir qu'en contrepartie de l'interdiction d'usage d'un véhicule de service hors convocation employeur, les délégués syndicaux bénéficiant d'éventuels véhicules de fonction ou de véhicules de service à usage personnel pour l'usage desquels une contribution financière est demandée à l'utilisateur peuvent utiliser leur véhicule y compris pour des déplacements hors convocation employeur et perçoivent de la société des forfaits indexés sur la valeur du point, en application de l'article 1 du titre VIII de la convention d'entreprise numéro 63.
De même, en application de l'article 2 du même titre, de la même convention, les organisations syndicales reçoivent de la société un forfait annuel au titre des frais de déplacements hors convocation employeur pour l'ensemble de ses délégués syndicaux.
Quant à Monsieur [L] [X], il fait valoir que :
L'ARTT constitue une période d'inactivité qui interdit l'utilisation du véhicule de service car s'opérant à des fins personnelles, en revanche la délégation constitue une période d'activité au sens de l'article L. 2143-17 du code du travail, de sorte que l'utilisation du véhicule de service effectué dans ce cadre se fait à des fins professionnelles.
Le 16 février 2011, bien que son pointage prévisionnel le prévoyait en ARTT, il était en délégation en qualité de délégué syndical central et participait à l'assemblée générale du syndicat CGT ASF Agen réunie à [Localité 4], délégation établie par l'employeur comme en atteste son pointage définitif (pièce numéro 12).
L'avenant à son contrat de travail du 15 mai 1981, prévoit que ses fonctions au sein de la société le conduisent à utiliser un véhicule de service. Il en déduit que par « fonctions » il faut entendre tant ses fonctions dans le cadre de son activité de technicien de maintenance opérationnelle que ses fonctions de représentation syndicale qui, attachée au contrat de travail, constitue un temps de travail effectif.
Il considère que les clauses plus favorables de son contrat de travail doivent l'emporter sur les dispositions plus restrictives de la convention d'entreprise numéro 63, et ajoute que le règlement intérieur sanctionne uniquement une utilisation du véhicule à des fins privées.
Il soutient que l'allocation d'un forfait au titre des frais de déplacement ne constitue pas une alternative à l'utilisation d'un véhicule de la société pour les déplacements en délégation puisque les délégués syndicaux dotés d'un véhicule dans le cadre de leurs fonctions conservent le bénéfice de cet usage lors des déplacements en délégation, tout en pouvant prétendre au forfait.
Il soutient également que l'employeur était informé qu'il utilisait le véhicule de service pendant les heures de délégation, que pendant 13 ans ce comportement n'a jamais été sanctionné, alors que, par exemple, depuis 2008, il a effectué 37 pleins de gasoil du véhicule pendant ses heures de délégation sur les différents lieux de travail ASF sur lesquels la société disposait d'un contrôle et d'une traçabilité des opérations, l'employeur qui a toléré cette pratique ne peut la sanctionner.
Enfin, il ajoute que lors de l'entrée en vigueur de la nouvelle convention d'entreprise sur l'exercice du droit syndical prévoyant la mise à disposition d'un véhicule ASF au bénéfice des délégués syndicaux centraux, il a refusé la mise à disposition d'un véhicule à usage personnel et a demandé à conserver le bénéfice de son véhicule de service dans les mêmes conditions qu'auparavant, ce qui lui a été accordé par la directrice des ressources humaines par courrier du 6 juillet 2011, preuve que l'employeur connaissait les conditions dans lesquelles il utilisait le véhicule.
Il résulte de ces éléments que le fait pour l'avenant du 15 mai 1981 au contrat de travail de Monsieur [L] [X] de stipuler que ses fonctions au sein de la société le conduisent à utiliser un véhicule de service et que par dérogation expresse à l'interdiction rigoureuse de l'utilisation de ce véhicule à des fins personnelles il est autorisé à utiliser ce véhicule de service pour effectuer ses trajets domicile-lieu de travail et retour, ne constitue pas pour autant l'autorisation d'utiliser ce véhicule dans le cadre de ses fonctions de représentant du personnel d'une part, car à la date de cet avenant il n'était pas encore investi de fonctions de représentation du personnel, qui n'ont débuté qu'en 1997, et d'autre part, car si l'exercice de fonctions de représentant du personnel est lié à l'existence d'un contrat de travail, en revanche les fonctions du salarié au sein de l'entreprise, en sa qualité de salarié, sont de nature différente des fonctions qu'il est amené à exercer en sa qualité de représentant du personnel, quand bien même certaines dispositions applicables aux salariés le sont également aux représentants du personnel.
Dès lors, cet avenant ne peut être considéré comme comprenant des dispositions plus favorables, et dont le salarié pourrait se prévaloir, que celles résultant de la convention d'entreprise numéro 63 relative au droit syndical qui prévoit expressément en son article 1, alinéa 2, « forfait des délégués syndicaux et des représentants du personnel », du titre VIII que « hormis les éventuels véhicules de fonction, ou véhicules de service à usage personnel, pour l'usage desquels une contribution financière est demandée à l'utilisateur, aucun véhicule ASF ne doit être utilisé pour les déplacements hors convocation employeur ».
En revanche, plusieurs pièces produites aux débats établissent que l'employeur avait connaissance de la pratique de Monsieur [L] [X] consistant à utiliser le véhicule de la société pour l'exercice de ses activités de représentation du personnel hors convocation employeur.
Ainsi :
Dans un courrier du 6 novembre 1998 adressé à Monsieur [Z] [D], directeur régional DRE de Biarritz, Monsieur [L] [X] écrit que le 3 novembre 1998, lors d'une réunion entre le directeur régional, M. [K], [V] [A] et lui-même, ils ont demandé « d'officialiser l'utilisation des véhicules de service pour les missions des délégués syndicaux, d'une part, dans le cadre des heures de délégation et d'autre part, pour les trajets vers le conseil de prud'hommes ».
La SA ASF fait valoir que les pièces produites par Monsieur [L] [X] traduisent une revendication certes durable mais jamais accueillie.
Cependant, il convient de constater que dans ce courrier il ne s'agit pas précisément de l'expression d'une simple revendication consistant à voir établi un avantage ou un droit nouveau, et donc de créer une situation de droit permettant une situation de fait jusqu'alors inexistante, mais d'une demande d'officialisation, qui suppose par conséquent, une situation de fait préexistante pour laquelle on demande la reconnaissance pour en faire une situation de droit.
Dans un courrier du 29 juillet 1999 Monsieur [Z] [D], directeur régional DRE de Biarritz, écrit à Monsieur [L] [X] : « vos fonctions au sein de la société vous conduisent à utiliser un véhicule de service. Je vous rappelle que l'utilisation de ce véhicule est exclusivement et strictement réservée à des fins professionnelles, notamment : pour les trajets domicile/travail/domicile ; pendant les périodes d'astreinte. Toute autre utilisation est considérée comme fautive, conformément à l'article 4 du règlement intérieur et que vous exposez à des sanctions ('.) ».
Une lettre de rappel n'a de sens que si elle intervient après le constat d'une situation qui contrevient aux règles qui apparaissent nécessaires à rappeler. Ce courrier doit donc s'interpréter comme la connaissance par l'employeur de l'utilisation par le salarié du véhicule de la société dans des conditions contraires à celles fixées par le règlement intérieur, alors qu'il n'est pas allégué, ni a fortiori démontré, que la connaissance de cette pratique aurait donné lieu à des sanctions.
Cette pratique a encore été rappelée dans un courrier du 30 juillet 1999 de Monsieur [L] [X] à Monsieur [Z] [D], directeur régional DRE de Biarritz, dans lequel il écrit notamment : « le revirement de votre décision quant à l'utilisation du véhicule de service dans le cadre de mes fonctions de délégué syndical CGT ne me semble compréhensible que par le fait de l'intervention auprès de vous du syndicat CFDT pour obtenir les mêmes moyens (') ».
Monsieur [Z] [D] a répondu par courrier du 2 août 1999 qui établit qu'il a bien reçu ce courrier, alors que sa réponse ne comporte aucune mention permettant de considérer qu'il y aurait une incompréhension quant à l'utilisation du véhicule de service par le salarié dans le cadre de ses fonctions de représentation du personnel.
Monsieur [L] [X] a également tenu informée Madame [I] [N], directrice des ressources humaines, de cette pratique, puisque dans un courrier qu'il lui a adressé le 19 février 2009 concernant leurs « échanges sur les augmentations salariales 2009 et sur la dotation d'un véhicule pour les délégués syndicaux centraux », il écrit notamment, dans la partie de son courrier consacrée à « la mise à disposition d'un véhicule aux DSC » et s'agissant des demandes de remboursement de frais kilométriques : « permettez-moi de répondre à votre place : c'est non car j'utilise justement un véhicule de service pour tous les déplacements dans le cadre de mes fonctions de délégué syndical CGT », puis, plus loin : « en outre, pour ce qui me concerne, je ne vous ai jamais fait de frais kilométriques puisque j'utilise, depuis des années dans le cadre de mes fonctions de délégué syndical CGT, le véhicule de service qui m'est octroyé dans le cadre de mes fonctions d'électronicien au service TS de Biarritz ».
De même encore, Madame [I] [N], directrice des ressources humaines, écrit le 19 février 2009 à Monsieur [L] [X] en sa qualité de délégué syndical central, lui rappelant, en préambule, le courrier du 27 novembre 2007 sur l'interdiction d'utiliser des véhicules ASF pour les déplacements hors convocation de l'employeur, les poursuivant : « dernièrement, à l'occasion de la convocation du vendredi 11 septembre 2009 à 9 heures devant le tribunal d'instance de Biarritz, à laquelle était appelée, à sa requête, la CGT, il est apparu que vous êtes rendu à l'audience fixée par la justice avec un véhicule de service ASF. Le fait que vous ayez contrevenu à cette règle impérative m'impose de vous rappeler à nouveau les conséquences que peut entraîner sa méconnaissance ».
L'employeur avait donc connaissance de cette pratique et le fait de rappeler les conséquences encourues par la contravention à la règle ne constitue pas une sanction.
Par conséquent, il y a lieu de constater que l'employeur avait, depuis plusieurs années, connaissance des conditions de l'utilisation par Monsieur [L] [X] du véhicule de la société pour l'exercice de ses fonctions de représentation syndicale, hors convocation employeur, et dire que la tolérance pendant plusieurs années de cette utilisation prive l'employeur de la possibilité d'user de son pouvoir disciplinaire pour sanctionner le comportement qu'il a toléré.
Mais, le fait pour l'employeur de vouloir user de son pouvoir disciplinaire, même tardivement, n'est pas pour autant de nature à caractériser un fait de discrimination syndicale, et alors que Monsieur [L] [X] ne produit aucun élément de nature à laisser supposer l'existence d'une discrimination, et qu'en tout état de cause l'employeur démontre que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, de sorte qu'il sera débouté de sa demande à ce titre, ainsi que le syndicat CGT ASF de Biarritz.
Le jugement du conseil de prud'hommes sera donc confirmé en ce qu'il a annulé la sanction de mise à pied et condamné la SA ASF à payer à Monsieur [L] [X] la somme de 532,47 € bruts au titre du rappel de salaire, mais sera infirmé en ce qu'il l'a condamnée à un euro de dommages-intérêts au profit du salarié et 1.000 € à titre de dommages-intérêts au syndicat CGT ASF de Biarritz au titre de l'article L. 2141-8 du code du travail relatif à la discrimination syndicale.
Sur les articles 696 et 700 du code de procédure civile :
La SA ASF, partie perdante, sera condamnée aux entiers dépens et à payer à Monsieur [L] [X] la somme de 800 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Aucun élément ne commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit du Syndicat CGT ASF.
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
REÇOIT l'appel formé le 16 novembre 2012 par la SA ASF à l'encontre du jugement rendu le 30 octobre 2012 par le conseil de prud'hommes de Bayonne (section commerce),
CONFIRME ledit jugement en toutes ses dispositions, excepté en ce qu'il a condamné la SA ASF à payer à Monsieur [L] [X] la somme de un euro et au syndicat CGT ASF de Biarritz la somme de 1.000 € à titre de dommages-intérêts en application de l'article L. 2141-8 du code du travail relatif à la discrimination syndicale,
STATUANT à nouveau, et y ajoutant,
DÉBOUTE Monsieur [L] [X] et le syndicat CGT ASF de Biarritz de leurs demandes au titre de la discrimination syndicale,
CONDAMNE la SA ASF à payer à Monsieur [L] [X] la somme de 800 € (huit cents euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la SA ASF aux entiers dépens.
Arrêt signé par Madame PAGE, Conseiller faisant fonction de Présidente, et par Madame HAUGUEL, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE,LA PRÉSIDENTE,