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18/12/2014 | FRANCE | N°13/01842

France | France, Cour d'appel de Pau, 1ère chambre, 18 décembre 2014, 13/01842


JM/FP



Numéro 14/4557





COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre







ARRET DU 18/12/2014







Dossier : 13/01842





Nature affaire :



Demande en remboursement de cotisations















Affaire :



SARL BOULANGERIE PATISSERIE LARRIEU, SARL BOULANGERIE PATISSERIE BLANCHARD, SARL BOULANGERIE PATISSERIE GRACIET



C/



GIE AG2R PREVOYANCE










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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R E T



prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 18 Décembre 2014, les parties en ayant été préalablement avisées dans les...

JM/FP

Numéro 14/4557

COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre

ARRET DU 18/12/2014

Dossier : 13/01842

Nature affaire :

Demande en remboursement de cotisations

Affaire :

SARL BOULANGERIE PATISSERIE LARRIEU, SARL BOULANGERIE PATISSERIE BLANCHARD, SARL BOULANGERIE PATISSERIE GRACIET

C/

GIE AG2R PREVOYANCE

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R E T

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 18 Décembre 2014, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 09 Septembre 2014, devant :

Madame PONS, Président, magistrat chargé du rapport conformément à l'article 785 du code de procédure civile

Monsieur CASTAGNE, Conseiller

Madame NICOLAS, Conseiller

assistés de Sandra VICENTE, Greffier, présente à l'appel des causes.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTES :

SARL BOULANGERIE PATISSERIE LARRIEU

Le Bourg

[Localité 3]

SARL BOULANGERIE PATISSERIE BLANCHARD

[Adresse 2]

[Localité 2]

SARL BOULANGERIE PATISSERIE GRACIET

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentées par Maître Marie Elisabeth DUCRUC NIOX de la SELARL DUCRUC NIOX, avocat au barreau de PAU

Assistées par Maître Frédéric UROZ de la SELARL UROZ PRALIAUD ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON

INTIMEE :

GIE AG2R PREVOYANCE AG2R PREVOYANCE est une Institution de prévoyance régie par le Code de la Sécurité sociale, elle élit domicile en son centre de gestion administrative de [Localité 5] sis à [Adresse 3]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Maître Marine CHABOT de la SELAS JACQUES BARTHELEMY ET ASSOCIES, avocat au barreau de PAU

sur appel de la décision

en date du 10 AVRIL 2013

rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE DAX

Les professions de la boulangerie et boulangerie pâtisserie sont régies par la convention

collective nationale étendue des entreprises artisanales de la boulangerie et boulangerie

pâtisserie du 19 mars 1976.

Le 24 avril 2006 a été signé un avenant n° 83 à cette convention collective, mettant en place un régime de remboursement complémentaire obligatoire des frais de santé. Conformément aux dispositions de son article 16, cet avenant est entré en vigueur le 1er janvier 2007.

Le 16 octobre 2006, cet avenant a fait l'objet d'un arrêté d'extension par le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. Il est par conséquent applicable à toute la branche de la boulangerie pâtisserie sur l'ensemble du territoire national et ce à compter du 1er janvier 2007.

En application de l'article 13 de cet avenant et de l'article L. 912-1 du code de la sécurité sociale, AG2R Prévoyance, institution de prévoyance régie par le code de la sécurité sociale, se voit chargée de la gestion exclusive du régime de remboursement complémentaire de frais de soins de santé pour les salariés de la boulangerie pâtisserie (clause de désignation), les modalités d'organisation de la mutualisation du régime étant réexaminées par la commission nationale paritaire de branche dans un délai de cinq ans à compter de la date d'effet de l'avenant.

En application de l'article 14 de cet avenant l'ensemble des professionnels de la boulangerie et de la boulangerie pâtisserie implantés sur le territoire national ont l'obligation de procéder à l'affiliation de tout son personnel auprès de l'organisme AG2R et ce, à compter du 1er janvier 2007, y compris pour les entreprises ayant un contrat de complémentaire santé auprès d'un autre organisme assureur avec des garanties identiques ou supérieures à celles définies par l'avenant (clause de migration).

Par arrêt rendu par la 1ère Chambre le 3 mars 2011 (affaire C 437/09, AG2R c. Beaudout, 3 mars 2011), la CJUE, saisie d'un renvoi préjudiciel, a dit pour droit que :

1) L'article 101 TFUE lu en combinaison avec l'article 4, paragraphe 3, TUE doit être interprété en ce sens qu'il ne s'oppose pas à la décision des pouvoirs publics de rendre obligatoire, à la demande des organisations représentatives des employeurs et des salariés d'un secteur d'activité déterminé, un accord issu de négociations collectives qui prévoit l'affiliation obligatoire à un régime de remboursement complémentaire de frais de soins de santé pour l'ensemble des entreprises du secteur concerné, sans possibilité de dispense.

2) Pour autant que l'activité consistant dans la gestion d'un régime de remboursement complémentaire de frais de soins de santé tel que celui en cause au principal doit être qualifiée d'économique, ce qu'il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier, les articles 102 TFUE et 106 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu'ils ne s'opposent pas, dans des circonstances telles que celles de l'affaire au principal, à ce que les pouvoirs publics investissent un organisme de prévoyance du droit exclusif de gérer ce régime, sans aucune possibilité pour les entreprises du secteur d'activité concerné d'être dispensées de s'affilier audit régime.

En exécution des dispositions de l'avenant, l'organisme AG2R, par actes d'huissier de justice en date du 3 et 7 février 2012, a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Dax, la SARL Boulangerie Pâtisserie Graciet (RG N°12/00363), la S.A.R.L. Boulangerie Pâtisserie Larrieu (RG N°12/00367) et la S.A.R.L. Boulangerie Blanchard (RG N°12/00364) qui refusaient d'adhérer à ce système, en vue d'obtenir leur affiliation au régime de complémentaire santé ainsi que le rappel des cotisations relatives audit régime depuis le 1er janvier 2007.

Par trois jugements du 10 avril 2013, le tribunal a :

- dit que l'adhésion de chacune de ces trois sociétés au régime 'remboursement complémentaire des frais de soins de santé' géré par l'institution AG2R Prévoyance est obligatoire,

- dit en conséquence que chacune d'elles devra régulariser son adhésion auprès de cette institution en retournant leur adhésion dûment complétée et signer l'état nominatif du personnel ainsi que les bulletins individuels d'affiliation de tous les salariés sous astreinte de 50 € par jour de retard passé le délai d'un mois à compter de la signification du jugement,

- dit que chacune d'elles sera tenue de payer à AG2R dans les quinze jours de la réception de l'appel des cotisations, les cotisations de l'ensemble de ses salariés prévues à l'avenant n°83 du 24 avril 2006 et dues à compter du 1er janvier2007,

- condamné chacune de ces sociétés à payer à AG2R la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- débouté ces sociétés de l'ensemble de leurs demandes.

Par déclarations reçues au greffe par voie électronique le 7 mai 2013 ces trois sociétés ont relevé appel de ces décisions (RG N°13/1842, RG N°1844 et RG N°1843)

Les trois affaires ont été jointes.

Dans leurs dernières écritures remises et déposées le 27 juin 2014, chacune de ces sociétés demande à la Cour principalement :

- de réformer le jugement de première instance en toutes ses dispositions,

- de rejeter les demandes en paiement des cotisations et de rappel de cotisations,

- de rejeter la demande d'astreinte,

- à tout le moins, de déclarer irrecevables les demandes de l'organisme AG2R pour les motifs de prescription et d'absence de base légale,

Subsidiairement, elle demande à la cour d'ordonner un nouveau renvoi préjudiciel à la CJUE concernant la validité de la clause de désignation en posant la question suivante : « l'absence d'ouverture à concurrence dans le choix de l'organisme gestionnaire du régime en cause dans le cadre du monopole conféré est il conforme au droit communautaire ' ' et de surseoir à statuer dans l'attente de l'arrêt de la CJUE.

Elle sollicite également la condamnation d'AG2R à lui payer la somme de 6 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient tout d'abord, sur le plan du droit interne, l'illégalité et la non-conformité à la Constitution de la clause de migration et de la clause de désignation visées dans l'avenant en cause en s'appuyant sur la décision du Conseil constitutionnel DC n°2013-672 du 13 juin 2013, et sollicite l'application de la jurisprudence civile interne consacrant un principe de liberté d'adhésion aux entreprises entrant dans le champ d'application de la convention collective en cause.

Elle estime qu'au regard de cette décision, l'article L. 912 -1 du code de la sécurité sociale n'avait pas vocation à s'appliquer et à emporter migration dès lors qu'en 2007 le niveau de garantie offert par AG2R était inférieur à celui souscrit auprès des autres organismes.

En second lieu, sur le plan du droit communautaire et ensuite de l'arrêt de la CJUE du 3 mars 2011, elle fait valoir que les dispositions de l'avenant n° 83 à la convention collective des entreprises artisanales de boulangerie et boulangerie pâtisserie sont soumises au traité de fonctionnement sur l'Union européenne et que la clause de désignation contenue dans cet avenant est contraire aux dispositions du traité et notamment aux articles 9 TFUE, 102 et 106 combinés en ce qu'aucune ouverture à concurrence n'a été faite dans le choix de l'organisme gestionnaire du régime en cause.

Elle estime que l'organisme AG2R a été choisi sans possibilité offerte à d'autres organismes de se positionner sur le marché et ce malgré l'arrêt Beaudout et qu'il y a violation de l'obligation de transparence imposée par le droit de l'Union européenne.

Le choix de l'organisme AG2R est illégal au regard du traité et ce dernier exploite abusivement sa position dominante sur le marché national des frais de santé des salariés de la boulangerie pâtisserie.

Elle prétend encore que le contrôle de l'Etat dans la gestion du régime en cause est inexistant alors même qu'une contestation est élevée depuis plusieurs années à l'égard d'AG2R.

Dans ses dernières écritures remises et déposées le 26 juin 2014, AG2R Prévoyance, demande à la Cour :

- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a ordonné à ces sociétés de régulariser leur adhésion,

- de les condamner à régulariser leur adhésion dans un délai de 15 jours à compter de la réception de l'appel des cotisations de l'ensemble de ses salariés depuis le 1er septembre 2007 sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter de la décision à intervenir,

- de leur ordonner, sous astreinte de 500 € par jour de retard, de régulariser leur adhésion en retournant dûment complété et signé l'état nominatif de leur personnel ainsi que les bulletins individuels d'affiliation de tous les salariés accompagnés de tous les justificatifs permettant d'enregistrer les affiliations;

- de les condamner à lui payer dans un délai de quinze jours à compter de la réception de l'appel de cotisations, les cotisations de l'ensemble de leurs salariés prévues aux avenants 83 et 100 et dues depuis le 1er janvier 2007,

- subsidiairement, de condamner chacune au paiement d'une provision de 7 200 € à valoir sur le montant total des cotisations

- de condamner chacune au paiement d'une somme de 2 000 € à titre d'indemnité pour résistance abusive, outre celle de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient qu'au regard de la loi du 31 décembre 1989 (loi Evin) et de l'article 10 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 relative à la libre concurrence qui exclut du champ des dispositions de ses articles 8 et 9 (relatifs à l'introduction de monopoles et de positions dominantes) les domaines pour lesquels un texte spécifique (ici celui de l'article L. 911-1 du code de la sécurité sociale) en dispose autrement, la clause par laquelle les signataires de la convention collective nationale des entreprises artisanales de la boulangerie rendent obligatoire l'adhésion à AG2R Prévoyance pour la gestion du risque « santé » est parfaitement licite au regard du droit interne.

L'accord répond parfaitement aux exigences légales en poursuivant un objectif de solidarité en ce que :

- sont conventionnellement fixés, non seulement la nature et le niveau des garanties, mais aussi le montant de la cotisation ce qui permet d'écarter des surprises pour les entreprises ayant un risque aggravé,

- une quote-part de cotisations est mise à la charge du salarié. Une participation financière de chaque assuré contribue à la concrétisation d'un objectif de solidarité, contrairement à ce qui se passe lorsque la convention collective se contente de fixer la nature et le niveau des garanties qui ne concrétisent alors qu'un système de rémunérations différées,

- la rétroactivité du bénéfice des garanties est prévue lorsque le salarié dépasse l'ancienneté minimale requise conventionnellement pour être participant au régime,

- la garantie est maintenue pendant un certain délai au-delà de la rupture du contrat de travail.

Par ailleurs, l'accord désigne AG2R Prévoyance comme organisme de gestion mais avec possibilité de réexaminer les modalités d'organisation de la mutualisation du régime dans un délai de cinq ans.

Elle estime que la décision de la CJUE du 3 mars 2011 rendue spécialement à propos de l'avenant n° 83, donne une réponse qui s'impose obligatoirement non seulement à la juridiction qui l'a posée, mais aussi à toutes les juridictions saisies du même problème d'interprétation des textes et par conséquent à toutes les juridictions saisies des demandes d'AG2R Prévoyance puisque l'objet du litige et les moyens principaux sont identiques.

L'arrêt de la Cour de justice a pour conséquence qu'il n'y a pas de la part d'AG2R d'abus de position dominante à exiger l'affiliation et l'adhésion de toutes les entreprises du secteur qui avaient déjà souscrit un contrat de complémentaire santé avant l'entrée en vigueur de l'avenant.

Elle se fonde également sur des arrêts de la Cour de cassation et notamment un arrêt du 5 décembre 2012 qui, d'après elle, a estimé que l'obligation d'adhésion à l'organisme désigné par avenant pour gérer le régime complémentaire de remboursement de soins revêt un caractère d'ordre public, ne comportant aucune dispense et exclut l'application du principe de faveur.

Elle estime que les dispositions de l'alinéa 2 de l'article L. 912-1 n'imposent pas aux entreprises ayant déjà souscrit un contrat d'assurance, de changer d'opérateur : si elles doivent impérativement adhérer au nouveau dispositif aux fins de garantir la poursuite de l'objectif de solidarité, il ne leur est pas interdit de conserver, auprès de leur ancien assureur, un contrat visant à compléter le régime conventionnel principal décidé par les partenaires sociaux.

Dès lors, le fait que la clause n° 14 a prévu l'adhésion obligatoire du boulanger en dépit de l'existence d'un contrat couvrant des risques plus importants ou prévoyant des garanties supérieures est tout à fait licite et ne constitue en rien une atteinte à la liberté contractuelle.

S'agissant de la décision du Conseil constitutionnel du 13 juin 2013, sur l'inconstitutionnalité de l'article L.912-1 du code de la sécurité sociale, elle soutient que sa portée est limitée aux seuls contrats qui pourraient être signés à compter de sa publication, le terme contrat devant incontestablement s'entendre de l'accord collectif qui seul donne naissance au régime de remboursement de frais de soins de santé.

Compte tenu de cette situation et dans la mesure où la convention collective en cause est à durée indéterminée, les clauses de désignation et de migration prévues pour les boulangers, boulangers-pâtissiers, restent en vigueur jusqu'à ce que ladite convention collective soit dénoncée par les partenaires sociaux.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 30 juin 2014.

SUR CE :

Les frais de soins de santé liés à une maladie ou à un accident exposés par les salariés sont en partie remboursés par le régime de base de la sécurité sociale. La partie des frais qui reste à la charge de l'assuré social peut faire l'objet d'un remboursement partiel dans le cadre d'une assurance complémentaire de santé.

Ainsi, l'affiliation des salariés d'un secteur d'activité donné à une telle couverture complémentaire peut être prévue par un accord ou une convention collective conclu par les représentants des employeurs et des salariés, conformément à l'article L. 911-1 du code de la sécurité sociale qui dispose que :

« À moins qu'elles ne soient instituées par des dispositions législatives ou réglementaires, les garanties collectives dont bénéficient les salariés, anciens salariés et ayants droit en complément de celles qui résultent de l'organisation de la sécurité sociale sont déterminées soit par voie de conventions ou d'accords collectifs, soit à la suite de la ratification à la majorité des intéressés d'un projet d'accord proposé par le chef d'entreprise, soit par une décision unilatérale du chef d'entreprise constatée dans un écrit remis par celui-ci à chaque intéressé ».

En l'espèce, l'avenant n° 83 à la convention collective nationale étendue des entreprises artisanales de la boulangerie et boulangerie-pâtisserie qui organise le régime d'assurance complémentaire des frais de soins de santé de ce secteur d'activité est bien un accord qui a été négocié en exécution de cet article.

Par ailleurs, l'article L. 912-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au cas de l'espèce, organise le dispositif d'affiliation obligatoire à un régime de remboursement complémentaire de soins de santé.

Cet article dispose :

« Lorsque les accords professionnels ou interprofessionnels mentionnés à l'article L. 911-1 prévoient une mutualisation des risques dont ils organisent la couverture auprès d'un ou plusieurs organismes mentionnés à l'article 1er de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989 renforçant les garanties offertes aux personnes assurées contre certains risques ou d'une

ou plusieurs institutions mentionnées à l'article L. 370-1 du code des assurances, auxquels adhèrent alors obligatoirement les entreprises relevant du champ d'application de ces accords, ceux-ci comportent une clause fixant dans quelles conditions et selon quelle périodicité les modalités d'organisation de la mutualisation des risques peuvent être réexaminées.

La périodicité du réexamen ne peut excéder cinq ans.

Lorsque les accords mentionnés ci-dessus s'appliquent à une entreprise qui, antérieurement à leur date d'effet, a adhéré ou souscrit un contrat auprès d'un organisme différent de celui prévu par les accords pour garantir les mêmes risques à un niveau équivalent, les dispositions du second alinéa de l'article L. 132-23 du code du travail sont applicables. »

Dans sa décision n° 2013-672 DC du13 juin 2013, concernant la loi relative à sécurisation de l'emploi, le Conseil constitutionnel déclare contraire à la constitution, dans sa rédaction issue de cette loi, l'article L. 912-1 du code de la sécurité sociale sur le fondement duquel les accords professionnels peuvent désigner l'organisme chargé de la gestion du régime complémentaire et désormais, les clauses de désignation et de migration contenues dans des conventions ou des accords collectifs sont illégales au regard du droit interne.

Néanmoins, le Conseil constitutionnel précise que cette déclaration d'inconstitutionnalité ne prend effet qu'à compter de sa décision et n'est toutefois pas applicable aux contrats pris sur ce fondement en cours lors de cette publication, et liant les entreprises à celles qui sont régies par le code des assurances, aux institutions relevant du titre III du code de la sécurité sociale et aux mutuelles relevant du code de la mutualité.

Dès lors, au regard du droit interne, la désignation d'AG2R, antérieure au 16 juin 2013, date de publication de la décision du Conseil constitutionnel, et la clause de migration contenue dans l'avenant n° 83 signé le 24 avril 2006, demeurent valables.

Dans son arrêt préjudiciel du 3 mars 2011, arrêt Beaudout, qui s'impose obligatoirement non seulement à la juridiction qui a posé la question préjudicielle, mais aussi à toutes les juridictions saisies du même problème d'interprétation des textes et par conséquent à toutes les juridictions saisies des demandes d'AG2R dont l'objet et les moyens principaux sont identiques, ce qui est le cas en l'espèce, la CJUE estime tout d'abord que le droit des ententes (art. 101 TFUE, lu en combinaison avec art. 4, § 3 TFUE,) ne s'oppose pas à la décision des pouvoirs publics de rendre obligatoire, à la demande des organisations représentatives des employeurs et des salariés d'un secteur d'activité déterminé, un accord issu de négociations collectives qui prévoit l'affiliation obligatoire à un régime de remboursement complémentaire de frais de soins de santé pour l'ensemble des entreprises du secteur concerné, sans possibilité de dispense et ce en raison de la nature (négociation collective) et de l'objet de cet accord (amélioration des conditions de travail des salariés), (point 28 à 36).

S'agissant de l'abus de position dominante, les parties ne disconviennent pas qu'AG2R est titulaire de droits exclusifs (droit exclusif de percevoir et de gérer les cotisations versées par les employeurs et les salariés du secteur).

Par ailleurs, il se déduit de la l'arrêt Beaudout, que le régime de remboursement complémentaire de frais de soins de santé géré par AG2R se caractérise « par un degré élevé de solidarité » et qu'AG2R détient un monopole légal sur une partie substantielle du marché commun de sorte qu'elle occupe une position dominante au sens de l'artcle 102 du TFUE.

La Cour estime (point 81) que pour autant que l'activité consistant dans la gestion d'un régime de remboursement complémentaire de frais de soins de santé tel que celui en cause au principal doit être qualifiée d'économique, ce qu'il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier, les articles 102 TFUE et 106 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu'ils ne s'opposent pas, dans des circonstances telles que celles de l'affaire au principal, à ce que les pouvoirs publics investissent un organisme de prévoyance du droit exclusif de gérer ce régime, sans aucune possibilité pour les entreprises du secteur d'activité concerné d'être dispensées de s'affilier audit régime.

Certes, les stipulations des articles 102 et 106 du TFUE n'imposent pas de modalités particulières d'attribution de droits exclusifs et notamment une procédure de mise en concurrence avec d'autres organismes susceptibles d'offrir les mêmes garanties.

Néanmoins, la CJUE relève que les dispositions de l'article L. 911-1 du code de la sécurité sociale prévoit que les garanties collectives complémentaires dont bénéficient les salariés peuvent être instaurés de différentes manières, la voie de la convention collective étant un choix des partenaires sociaux mais que cette disposition permet également l'organisation d'une telle couverture à l'échelle de l'entreprise et non de tout un secteur professionnel et que celles de l'article 1er de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989 modifiée permettent de confier ce régime de prévoyance non seulement à des institutions de prévoyances et de mutualisation, mais également à des entreprises d'assurance (points 59 à 61).

Elle en déduit qu'il n'y a d'obligation légale ni dans le chef des partenaires sociaux de désigner AG2R pour assurer la gestion d'un régime de remboursement complémentaire de frais de soins de santé tel que celui prévu à l'avenant n° 83 ni dans le chef d'AG2R de prendre effectivement en charge la gestion d'un tel régime (point 62) et que dès lors se pose la question, d'une part, des circonstances dans lesquelles AG2R a été désignée par l'avenant n° 83 et, d'autre part, de la marge de négociation dont cet organisme a pu disposer quant aux modalités de son engagement, et de la répercussion de ces éléments sur le mode de fonctionnement du régime concerné dans son ensemble (point 64).

Elle estime (point 65), qu'en effet, en fonction de ces circonstances et de cette marge de négociation, qu'il appartient à la juridiction de renvoi, d'examiner, il pourrait être conclu qu'AG2R, bien que n'ayant pas de but lucratif et agissant sur le fondement du principe de solidarité, est une entreprise exerçant une activité économique qui a été choisie par les partenaires sociaux, sur la base de considérations financières et économiques, parmi d'autres entreprises avec lesquelles elle est en concurrence sur le marché des services de prévoyance qu'elle propose.

Hormis le fait qu'AG2R ait été désignée par les partenaires sociaux signataires de l'avenant n° 83, il n'est produit devant la Cour aucune pièce permettant de déterminer quels ont été les critères qui ont pu guider ces partenaires dans le choix de cet organisme et notamment les éléments économiques, la marge de négociation dont a pu disposer AG2R, les risques qu'elles pouvaient encourir si elle était mise en concurrence avec d'autres institutions de prévoyance, mutuelles et entreprises d'assurance et ce alors que l'article 911-1 du code de la sécurité sociale prévoit la possibilité de confier la gestion d'un régime complémentaire des soins de santé à des institutions de prévoyances et de mutualisation, mais également à des entreprises d'assurance.

Dès lors, la seule allégation d'AG2R qu'en l'absence de désignation exclusive et d'obligation d'affiliation à son profit des entreprises sans possibilité de dispense, il serait fait échec à l'accomplissement de la mission particulière d'intérêt général qui lui est impartie, n'est pas de nature à permettre à la cour de vérifier que les critères posés par la CJUE pour échapper à toute concurrence sont remplies en l'espèce.

En l'absence d'éléments permettant à la cour de vérifier le respect du droit communautaire au regard des critères relatifs au jeu de libre concurrence, AG2R n'est donc pas fondée à demander l'adhésion forcée des appelantes ni leur condamnation au paiement d'arriérés de cotisations. Dès lors le jugement déféré sera infirmé dans toutes ses dispositions et AG2R déboutée de l'ensemble de ses demandes.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Infirme les jugements du tribunal d'instance de Dax en date des 10 avril 2013 rendus dans les instances opposant le GIE AG2R Prévoyance à la SARL Boulangerie Pâtisserie Graciet (RG N°12/00363), à la S.A.R.L. Boulangerie Patisserie Larrieu (RG N°12/00367) et à la S.A.R.L. Boulangerie Blanchard (RG N°12/00364) ,

Statuant à nouveau,

Déboute le GIE AG2R Prévoyance de toutes ses demandes,

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne l'institution AG2R Prévoyance à payer à la SARL Boulangerie Pâtisserie Graciet, la SARL Boulangerie Pâtisserie Larrieu et la SARL Boulangerie Blanchard la somme de 1 500 € (mille cinq cents euros) à chacune, rejette la demande du GIE AG2R Prévoyance,

Condamne le GIE AG2R Prévoyance aux dépens,

Autorise la SELARL Ducruc-Niox-Tarquem-Adoue, qui en a fait la demande à recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu provision.

Le présent arrêt a été signé par Mme Pons, Président, et par Mme Vicente, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER,LE PRESIDENT,

Sandra VICENTEFrançoise PONS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 13/01842
Date de la décision : 18/12/2014

Références :

Cour d'appel de Pau 01, arrêt n°13/01842 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-12-18;13.01842 ?
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