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16/12/2014 | FRANCE | N°13/02885

France | France, Cour d'appel de Pau, 1ère chambre, 16 décembre 2014, 13/02885


JN/AM



Numéro 14/4465





COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre







ARRET DU 16/12/2014







Dossier : 13/02885





Nature affaire :



Demande en réparation des dommages causés par l'activité médicale ou para-médicale













Affaire :



[B] [S]

CENTRE DE RADIOLOGIE

LA MEDICALE DE FRANCE



C/



[V] [R]

MUTUELLE OCIANE

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALAD

IE

















Grosse délivrée le :



à :



















RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R E T



prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 16 décembre 2014, les parties en ayant été préala...

JN/AM

Numéro 14/4465

COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre

ARRET DU 16/12/2014

Dossier : 13/02885

Nature affaire :

Demande en réparation des dommages causés par l'activité médicale ou para-médicale

Affaire :

[B] [S]

CENTRE DE RADIOLOGIE

LA MEDICALE DE FRANCE

C/

[V] [R]

MUTUELLE OCIANE

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R E T

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 16 décembre 2014, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 28 octobre 2014, devant :

Madame PONS, Président

Monsieur CASTAGNE, Conseiller

Madame NICOLAS, Conseiller, magistrat chargé du rapport conformément à l'article 785 du code de procédure civile

assistés de Madame VICENTE, Greffier, présente à l'appel des causes.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTS :

Monsieur [B] [S]

[Adresse 6]

64140 BILLERE

CENTRE DE RADIOLOGIE

[Adresse 6]

64140 BILLERE

LA MEDICALE DE FRANCE

[Adresse 2]

[Localité 4]

prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualités audit siège

représentés par Maître Arnaud DOMERCQ, avocat au barreau de PAU

assistés de Maître Pierre-Marie PIGEANNE loco la SELARL LAPALUS-DIGNAC, avocats au barreau de BORDEAUX

INTIMES :

Monsieur [V] [R]

né le [Date naissance 1] 1963 à [Localité 6] (Portugal)

de nationalité française

[Adresse 4]

[Localité 3]

représenté et assisté de Maître Virginie LAMBERT, avocat au barreau de PAU

MUTUELLE OCIANE

[Adresse 5]

[Localité 1]

prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualités audit siège

assignée

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE

[Adresse 3]

[Localité 2]

assignée mais ayant fait parvenir un courrier

sur appel de la décision

en date du 05 JUIN 2013

rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PAU

FAITS - PROCÉDURE

Le 23 février 2007, M. [R] [V], né le [Date naissance 1] 1963, a fait l'objet d'une arthrographie de l'épaule droite, pratiquée par le docteur [B] [S], radiologue, exerçant à titre libéral au centre de radiologie situé à [Adresse 6].

Cet acte comportait une injection d'un produit de contraste.

Dans les jours suivants, il a ressenti une gêne douloureuse dans l'épaule et le bras, dont l'aggravation a nécessité son hospitalisation en urgence le 12 mars 2013.

La ponction articulaire réalisée sous anesthésie générale le 13 mars 2007, permettait l'évacuation d'un liquide purulent et l'identification d'un germe, Neisseria sp.

Le diagnostic d'arthrite septique, a nécessité un traitement par antibiothérapie, avec récidive du syndrome inflammatoire, et nouvelle antibiothérapie jusqu'au mois d'avril 2007.

Le 5 novembre 2007, le médecin du travail l'a déclaré inapte à la reprise de son ancien poste de travail de conducteur de machines en imprimerie, ce qui a conduit à son licenciement, faute de possibilité de reclassement à un poste adapté dans l'entreprise.

Le 20 février 2008, M. [R] a saisi la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux de la région Aquitaine (CRCI), laquelle a ordonné une expertise médicale, confiée aux docteurs [U], médecin spécialisé en maladies infectieuses et [Q], chirurgien orthopédiste, dont le rapport a été déposé le 5 juin 2008.

Le 7 septembre 2008, cette commission a retenu que « l'on se trouvait en présence d'une infection nosocomiale », mais constatant que le taux du déficit fonctionnel permanent était inférieur à 25 %, elle a émis l'avis que l'assureur du centre de radiologie fasse une offre d'indemnisation.

Toutes les parties admettent sans contestation que le dommage présenté par M. [R], est la conséquence exclusive de l'infection nosocomiale contractée lors de la réalisation de l'arthrographie du 23 février 2007.

Par actes d'huissier des 6 et 7 octobre 2011, M. [R] a saisi le tribunal de grande instance de Pau d'une action en responsabilité, formée contre le centre de radiologie et le médecin radiologue, et en indemnisation intégrale de son préjudice, formée contre eux, mais également contre leur assureur commun : la société Médicale de France.

Par actes des 2 mars 2012 et 27 avril 2012, il a appelé en cause la CPAM du Béarn et de la Soule et la mutuelle Ociane, lesquelles n'ont pas constitué avocat.

Par jugement du 5 juin 2013, le tribunal de grande instance de Pau a :

- déclaré le jugement opposable à la caisse primaire d'assurance maladie de Pau Pyrénées,

- déclaré le docteur [B] [S] responsable du préjudice subi par M. [R], consécutivement à l'infection nosocomiale contractée par lui à l'occasion de l'arthrographie du 23 février 2007,

- sauf à déduire les provisions déjà versées à l'intéressé, condamné solidairement le docteur [B] [S] et la Médicale de France à payer à M. [R] la somme de 140 258,29 € au titre du préjudice subi consécutivement à l'infection nosocomiale contractée par lui à l'occasion de l'arthrographie du 23 février 2007,

- ordonné le prononcé de l'exécution provisoire à hauteur de la somme de 93 500 €,

- condamné solidairement le docteur [B] [S] et la Médicale de France à payer à M. [R] la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les dépens.

Le tribunal, même s'il ne l'a pas précisé dans son dispositif, a notamment retenu que les dispositions de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique ne s'appliquaient pas au Centre de Radiologie constitué sous la forme d'une société civile de moyens, au vu d'une décision de la Cour de cassation de la première chambre civile rendue en 2012, et a retenu la responsabilité du docteur [S], sur le fondement de ce même article de loi, au motif que ce dernier « ne faisait pas la démonstration d'une cause étrangère ».

Le médecin, le centre de radiologie, et la société Médicale de France, par déclaration reçue au greffe de la Cour par voie électronique le 29 juillet 2013, ont relevé appel de cette décision.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 1er octobre 2014.

LES PRÉTENTIONS

Selon leurs dernières conclusions du 4 février 2014, le docteur [S], le Centre de Radiologie de [Localité 5], et leur assureur commun la société Médicale de France, sollicitent :

- la confirmation du jugement, en ce qu'il a mis hors de cause le centre de radiologie constitué sous forme d'une société civile de moyens,

- sa réformation en ce qu'il a retenu la responsabilité du médecin en l'absence de toute faute prouvée à son encontre.

A titre subsidiaire, pour le cas où la responsabilité du médecin serait retenue, ils concluent à ce que l'indemnisation du préjudice soit limitée aux sommes qu'ils proposent et au rejet de toutes demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Ces sommes sont les suivantes :

- frais divers : réservés,

- pertes de gains professionnels actuels : rejet,

- pertes de gains professionnels futurs : 20 979,91 €,

- déficit fonctionnel temporaire total : 3 000 €,

- déficit fonctionnel temporaire partiel : 1 200 €,

- souffrances endurées : 3 700 €,

- déficit fonctionnel permanent : 25 000 €,

- préjudice d'agrément : rejet.

Par ses dernières conclusions du 20 décembre 2013, M. [R] forme appel incident et sollicite, au visa du rapport d'expertise et des articles L. 1111-2 et L. 1142-1 du code de la santé publique :

A titre principal : à la réformation du jugement en ce qu'il n'a pas retenu la responsabilité du centre de radiologie, et à la condamnation solidaire du docteur [S], du centre de radiologie, et de la Médicale de France, à lui payer en réparation de son préjudice, les sommes suivantes :

- frais divers : 2 877,93 €,

- pertes de gains professionnels actuels : 1 187 €,

- pertes de gains professionnels futurs : 172 085,23 €, ou subsidiairement 243 834 €,

- déficit fonctionnel temporaire total : 5 000 €,

- déficit fonctionnel temporaire partiel : 1 200 €,

- souffrances endurées : 5 000 €,

- déficit fonctionnel permanent : 27 000 €,

- préjudice d'agrément : 2 000 €,

- article 700 du code de procédure civile : 2 000 €.

Il sollicite en outre la condamnation du docteur [S] à lui payer 3 000 € en réparation du préjudice subi du fait d'un défaut d'information.

A titre subsidiaire, il sollicite condamnation du médecin et de la Médicale de France à lui payer les mêmes sommes, en ce compris les dommages-intérêts de 3 000 € en réparation du préjudice subi du fait du défaut d'information.

A titre infiniment subsidiaire, il sollicite la confirmation en toutes ses dispositions de la décision dont appel, et la condamnation du médecin et de la Médicale de France solidairement à lui verser 2 000 € au titre des frais irrépétibles.

Au soutien de ses prétentions, il fait valoir :

- contre le centre de radiologie : que ce dernier a d'abord reconnu sa responsabilité, et a d'ailleurs indemnisé la CPAM, et ne peut revenir sur cet aveu ou au moins cette reconnaissance de responsabilité ; que les dispositions de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique s'appliquent bien au Centre de Radiologie, fût-il constitué sous forme d'une SCM, et que la jurisprudence invoquée, appliquée à tort par le premier juge, n'est pas transposable au cas d'espèce,

- contre le médecin, il conclut que sa faute se déduit de la survenance de l'infection, qu'il n'est pas besoin d'une faute prouvée, puisqu'il s'agit d'une faute manifeste, constituée par un retard de diagnostic et de traitement de l'infection ayant fait perdre au patient 100 % de chances de minimiser les séquelles de l'arthrite septique.

La CPAM Pau-Pyrénées et la mutuelle Ociane, auxquelles la déclaration d'appel a été signifiée à personne, les 30 septembre et 1er octobre 2013, n'ont pas constitué avocat et ne font valoir aucune observation.

La présente décision sera réputée contradictoire, en application des dispositions de l'article 474 du code de procédure civile.

Sur quoi la cour

Il résulte des dispositions de l'article L. 1142-1 alinéa 1, du code de la santé publique, selon lesquelles :

« I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute.

Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère. ».

En vertu de ce texte, premier alinéa, pour que la responsabilité du médecin soit engagée, il est nécessaire de démontrer sa faute, et le lien de causalité directe entre cette faute et le préjudice dont il est demandé réparation.

En revanche, selon l'alinéa 2 de ce même article, l'établissement dans lequel les soins en relation avec l'infection nosocomiale ont été effectués, doit réparation des conséquences dommageables de cette infection, sauf s'il rapporte la preuve d'une cause étrangère.

Sur la responsabilité du centre de radiologie :

Il est admis par toutes les parties, au vu du rapport d'expertise médicale ordonnée par la CRCI, que les préjudices dont M. [R] sollicite réparation, résultent d'une infection nosocomiale contractée à l'occasion des soins du 23 février 2007 (arthrographie).

Pour prétendre être exonéré de cette responsabilité, le Centre de Radiologie fait valoir qu'il fonctionne sous la forme d'une société civile de moyens, et qu'à ce titre, il ne peut être considéré comme un « établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins», au sens de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique.

Cette SCM rappelle en effet qu'elle n'a pas pour objet l'exercice de la profession médicale, et n'est donc pas soumise aux règles professionnelles, et en particulier à la procédure d'accréditation.

Elle rappelle enfin qu'elle n'est pas au service d'un établissement de santé dans le cadre d'un accord contractuel.

C'est au vu de ces éléments, qu'elle se prévaut d'un arrêt de la Cour de cassation du 12 juillet 2012 (pourvoi 11 17 072), qui a retenu qu'une clinique radiologique, société civile de moyens, qui avait pour seul objet de faciliter l'exercice de sa profession par chacun de ses membres, ne constituait pas l'une des structures auxquelles s'appliquent, en vertu de l'article L. 1142-1 alinéa 2 du code de la santé publique, et à défaut de démonstration de la cause étrangère, une responsabilité de plein droit en matière d'infections nosocomiales.

En l'espèce, la SCM cabinet de radiologie de [Localité 5], intitulée dans ses statuts :

« cabinet radiologique Henri IV - Adoue », produit ses nouveaux statuts adoptés par assemblée générale extraordinaire du 3 avril 1997, selon lesquels (article 4 : objet social), elle a pour but exclusif de faciliter l'exercice de la profession de ses membres par la mise en commun de tous les moyens matériels nécessaires, sans pouvoir assumer elle-même aucune des missions des Docteur en médecine.

Il n'empêche que son objet social prévoit de louer, acquérir, vendre, gérer les locaux, les installations, le matériel et généralement tous biens mobiliers nécessaires à l'exercice de la profession médicale pour les mettre à la disposition de ses membres.

Il prévoit également qu'elle engage le personnel nécessaire à l'exercice de la profession.

Il ressort de l'ensemble de ces éléments, que c'est bien dans ses locaux, à l'aide de son matériel, avec l'assistance de son personnel, que l'acte de diagnostic ou de soins à l'origine de l'infection nosocomiale a été réalisé par le docteur [S].

En ce sens, elle doit être considérée comme un « établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins», au sens de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique.

Il convient en effet de noter que l'article L. 1142-1 ne vise pas les « établissements de santé », tels qu'ils sont définis aux articles L. 6111-1 du code de la santé publique, lesquels assurent, dans les conditions prévues par ce même code, le diagnostic, la surveillance et le traitement des malades, des blessés et des femmes enceintes.

Elle étend la responsabilité de plein droit en matière d'infections nosocomiales, à des établissements, services ou organismes dont elle ne donne aucune définition, qui, faute de référence expresse de la loi, ne sont pas nécessairement des établissements de santé au sens de la loi, mais au sein desquels, pour autant, sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins.

Tel est bien le cas d'un cabinet de radiologie, et donc le cas d'espèce du « cabinet radiologique Henri IV - Adoue ».

Il y sera ajouté que :

- une telle structure, aux locaux, matériel et personnel mis en commun pour permettre la pratique de l'activité médicale par différents médecins, du fait de cette mise en commun, ne peut se comparer à un cabinet médical où exercerait à titre libéral un seul médecin, et ne peut donc se voir appliquer la règle applicable au médecin, à savoir que la responsabilité en matière d'infections nosocomiales, supposerait la démonstration de la faute,

- il serait en outre contraire à l'esprit de la loi, et à l'égalité des patients devant la loi, qu'un centre de radiologie, organisé sous forme d'une société civile professionnelle, tombe sous le coup de la responsabilité légale posée par l'article L. 1142-1 du code de la

santé publique, et ne puisse s'exonérer de sa responsabilité de plein droit en matière d'infections nosocomiales, que par la démonstration d'une cause étrangère, alors qu'un centre de radiologie, organisé sous forme d'une société civile de moyens, par la seule volonté de ses membres, n'y serait pas soumis, sauf démonstration de sa faute.

Il en résulte que le centre de radiologie en cause, répond à la définition de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, nonobstant sa forme de société civile de moyens.

L'acte médical de diagnostic, réalisé au centre de radiologie de [Localité 5], est, fait constant, la cause exclusive de l'infection nosocomiale contractée par M. [R].

Le centre de radiologie de [Localité 5], est soumis à la responsabilité prévue par l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, en matière d'infections nosocomiales, dès lors qu'il ne rapporte pas la preuve d'une cause étrangère.

Sa responsabilité est engagée.

La compagnie d'assurances supportera également condamnation à réparer le préjudice subi, in solidum avec son assuré.

Le premier juge sera infirmé.

Sur la responsabilité du médecin

Ainsi qu'il l'a été dit, au visa des dispositions de l'article L. 1142 -1 alinéa 1 du code de la santé publique, pour que la responsabilité du médecin soit retenue, il appartient à M. [R] de faire la démonstration de la faute du médecin, en lien avec l'infection contractée, et contrairement à ce que soutient M. [R], cette démonstration de la faute ne se déduit pas de la survenance de l'infection nosocomiale.

Le rapport d'expertise des docteurs [U] et [Q], qui ne fait l'objet d'aucune contestation, n'a pas permis de caractériser la faute du médecin en lien avec la survenance de l'infection nosocomiale.

Certes, les médecins experts relèvent que le docteur [S] était absent lors de l'expertise, et qu'aucun document ne leur a été fourni par le centre de radiologie, pour leur permettre d'apprécier le respect des précautions en matière d'hygiène et de lutte contre les infections nosocomiales, de même que le respect des normes sur les moyens en personnel et matériel.

Pour autant, aucune demande n'a été faite pour se voir communiquer ces éléments, et M. [R] échoue à faire la démonstration de la faute du médecin en lien avec la survenance de l'infection.

M. [R] invoque également un retard de diagnostic, pour l'imputer au docteur [S], et soutenir par sa seule affirmation que cette faute serait en lien avec une perte de chance de 100 % de minimiser les séquelles de l'arthrite septique.

À cet égard, il sera rappelé que l'expertise retient que :

- une arthrite septique aiguë impose un traitement urgent seul susceptible de minimiser les séquelles,

- le patient est retourné au centre de radiologie le 29 février 2007, c'est-à-dire 6 jours après l'acte médical litigieux, pour se plaindre de douleurs,

- le docteur [S] était absent, et un autre médecin du centre a assuré le suivi, sans poser le diagnostic d'arthrite septique, parlant « d'algodystrophie »,

- le médecin traitant de M. [R], consulté dès le 2 mars, et à trois reprises, n'évoquera pas le diagnostic d'arthrite septique, et adressera l'intéressé le 12 mars à l'hôpital,

- le tableau clinique d'arthrite septique s'est complété en quelques jours, conduisant à l'hospitalisation en urgence le 12 mars, date à laquelle a été porté le diagnostic d'arthrite septique, avec mise en place du traitement,

- il existe un retard au diagnostic de plusieurs jours.

Ces éléments ne permettent d'établir ni que le retard de diagnostic soit fautif (aucun élément n'indique à quel moment le tableau clinique était suffisant pour permettre de poser le diagnostic d'arthrite septique avant le 12 mars 2007), ni qu'il soit imputable au docteur [S], ni enfin qu'il soit en lien avec une perte de chance de ne subir qu'un préjudice minoré.

En conséquence, le moyen tiré du défaut de retard de diagnostic, est inopérant.

En l'absence de démonstration de la faute du docteur [S], en lien avec le préjudice dont il est demandé réparation, la responsabilité du médecin ne peut pas être engagée.

Le premier juge sera infirmé.

Sur la réparation :

Il ressort des éléments du dossier que :

- M. [R], né le [Date naissance 1] 1963, était, au 23 février 2007, marié, en charge de quatre enfants mineurs âgés de 6 mois à 11 ans, et exerçait le métier de conducteur de machines en imprimerie, en qualité de salarié,

- la ponction dont il a été l'objet le 23 février 2007, lors de la pratique de l'arthrographie par le docteur [S], radiologue, est à l'origine de l'infection nosocomiale qu'il a contractée, et qui a entraîné une arthrite septique, ayant nécessité une hospitalisation en urgence, un traitement antibiotique, une nouvelle réhospitalisation en raison d'une récidive du syndrome inflammatoire apparu à l'arrêt d'administration d'un des antibiotiques, et la mise en place d'une nouvelle antibiothérapie jusqu'à la fin avril 2007.

Le préjudice corporel subi par M. [R], en relation directe avec l'infection nosocomiale a été fixé ainsi qu'il suit par l'expertise :

- gêne temporaire totale en raison de l'importance du syndrome douloureux : du 23 février au 12 juillet 2007 (4 mois et 19 jours),

- gêne temporaire partielle (50 %) : du 13 juillet au 5 novembre 2007 (3 mois et 24 jours),

- nécessité d'une aide humaine pendant cette période du 23 février au 5 novembre 2007, soit trois mois hors période d'hospitalisation, assurée par son épouse,

- date de consolidation : 5 novembre 2007,

- déficit fonctionnel permanent : 20 % (séquelles liées à l'atteinte de l'épaule droite chez un droitier, entraînant des douleurs et un manque de force, avec atteinte de la mobilité active, petite amyotrophie, et altération très modérée des surfaces articulaires),

- souffrances endurées : 3,5 /7 (notamment en raison de l'importance de la rééducation particulièrement douloureuse et longue),

- préjudice esthétique : néant,

- préjudice d'agrément : les experts ont noté les déclarations de M. [R], selon lesquels il avait des difficultés à pratiquer la pétanque, s'agissant d'un loisir antérieur, une impossibilité de pratiquer le tennis, et une appréhension lors de la pratique du vélo,

- préjudice sexuel : néant.

Par ailleurs, l'expertise a retenu que les séquelles présentées (atteinte articulaire par le processus de destruction septique, raideur douloureuse en résultant), retentissaient directement sur l'activité professionnelle antérieurement exercée. C'est au vu de ces éléments, que la CRCI a été d'avis de retenir un retentissement direct sur l'activité professionnelle antérieurement exercée, ici en l'indemnisation au titre de l'incidence professionnelle.

Au vu des conclusions de l'expertise judiciaire, et au vu des observations des parties, il convient de fixer les postes de réparation ainsi qu'il va être dit.

PRÉJUDICES PATRIMONIAUX

PRÉJUDICES PATRIMONIAUX TEMPORAIRES

Dépenses de santé actuelles :

La caisse primaire d'assurance maladie Pau-Pyrénées a été indemnisée dans un cadre amiable, par la société Médicale de France, en avril 2010, de sa créance définitive (56 280,40 €), majorée de l'indemnité forfaitaire.

M. [R] ne forme aucune demande à ce titre.

Pertes de gains professionnels actuels :

Il s'agit d'indemniser la victime du coût économique du dommage.

M. [R] reconnaît que les organismes sociaux ont permis le maintien d'un revenu égal à son salaire.

Il réclame indemnisation de la perte du bénéfice de tickets restaurant (437 €), et la perte des primes de fin d'année, de 250 € annuels, pour les exercices 2007 à 2009 (250 € x 3 = 750 €).

Le ticket de restaurant, est destiné à compenser les frais de restauration exposés sur le lieu de travail lorsqu'il n'y a pas de lieu de restauration à la disposition du salarié.

Pendant son arrêt travail, M. [R] n'a pas exposé de tels frais, si bien que il ne subit pas de perte à ce titre.

Le premier juge sera infirmé.

Les demandes formées au titre de pertes de « gains professionnels actuels », s'agissant des primes de fin d'année réclamée pour les exercices 2007 à 2009, dont les échéances sont postérieures à la date de consolidation, ont été mal qualifiées, puisqu'en effet, il s'agit de perte de « gains professionnels futurs ».

Cette demande sera donc examinée au paragraphe « pertes de gains professionnels futurs ».

Frais divers :

L'expertise médicale du 5 juin 2008 prévoyait la nécessité de poursuivre après consolidation, des soins médicaux (rééducation et antalgiques), afin d'éviter une aggravation et permettre une amélioration de l'état séquellaire, frais devant être occasionnels, limités dans le temps et sur une période de quelques mois.

M. [R] justifie qu'au titre de sa rééducation, il a effectué du 22 août 2007, au 20 juillet 2009, 161 séances de rééducation (déduction faite des séances comptabilisées 2 fois).

Il n'est pas contesté que son domicile ([Adresse 4]), se situait à 15 km du cabinet de son kinésithérapeute ([Adresse 1]), soit 30 km aller-retour.

Au vu du certificat d'immatriculation de son véhicule, d'une puissance de 6 chevaux, son calcul au titre des frais kilométriques, doit être admis à concurrence de la somme de 2 709,63 €, selon le calcul suivant :

161 x 30 kilomètres x 0,561 €.

Le premier juge sera confirmé dans le principe, et partiellement infirmé quant à la somme retenue.

PRÉJUDICES PATRIMONIAUX PERMANENTS

Pertes de gains professionnels futurs :

Par la production de son bulletin de paye du mois de novembre 2006, M. [R] justifie qu'il percevait une prime de fin d'année d'un montant de 250 €, dont il est constant qu'il ne l'a pas perçue pour les exercices 2007 à 2009.

Cette demande, formée au titre des « pertes de gains professionnels actuels », se rapporte non pas à des pertes de revenus jusqu'à la date de consolidation, qui constituent le poste de pertes de revenus actuels, mais à des pertes de revenus postérieurs à la date de consolidation, survenue le 5 novembre 2007, et constituant donc des pertes de gains professionnels futurs.

Sous cette réserve, M. [R] justifie qu'il a perdu à ce titre la somme de 750 €.

Ses demandes à ce titre doivent être admises, et sous la réserve de la qualification de ce poste de préjudice, le premier juge sera confirmé.

M. [R] sollicite en outre indemnisation pour la perte de son emploi, rappelant que du fait des séquelles, il a été reconnu médicalement inapte à la reprise de son ancien poste de travail, et a été licencié, son employeur ayant été dans l'impossibilité de le reclasser à un poste adapté.

C'est ainsi qu'il sollicite la capitalisation de son revenu annuel antérieur, jusqu'à l'âge de 65 ans, au principal par l'application d'un coefficient de 13,237, et à titre subsidiaire, de façon viagère, par l'application d'un coefficient de 18,756.

Il rappelle que 6 ans après l'infection, et 3 ans après son licenciement, il n'a toujours pas trouvé d'emploi malgré ses efforts, et ses douleurs persistent.

Son contrat de travail est en date du 14 décembre 2005, et sa situation professionnelle antérieure reste une inconnue.

Son licenciement est en date du 26 octobre 2010.

Les éléments qu'il produit ne permettent pas de connaître le montant des sommes qu'il a perçues de Pôle Emploi, de la date de son licenciement au jour du présent jugement, à l'exception des périodes 1er février au 31 mars 2011 (1 728,70 € au total pour les 2 mois), et à compter du 9 juin 2012, au titre de l'allocation de solidarité spécifique (6,28 € par jour pour une durée de 6 mois pouvant être renouvelée une fois).

Il ressort de ces éléments, qu'au mois de juin 2012, alors qu'il était admis à l'allocation de solidarité spécifique, il n'avait toujours pas retrouvé d'emploi, alors que la structure Cap Emploi, atteste qu'elle l'a accompagné dans différentes actions de recherche d'emploi lesquelles, au 12 avril 2012, étaient toujours infructueuses.

Enfin, il est vrai que l'expertise médicale n'exclut pas qu'il puisse exercer une autre activité professionnelle adaptée à son état de santé.

Par ailleurs, M. [R] justifie de son salaire, pour l'année 2009, à concurrence de la somme de 13 522 € qu'il a déclarée aux services fiscaux au titre de l'impôt sur les revenus, si bien que la rémunération annuelle de 13 000,32 € (arrondie à 13 000 €), qu'il invoque au soutien de ses demandes, peut être retenue.

Enfin, en l'absence de justificatifs de perte de salaire du jour de la consolidation au jour de la présente décision, les parties s'accordent pour calculer ce poste de préjudice, par capitalisation à compter de l'âge de 47 ans, M. [R] demandant une capitalisation pour le tout jusqu'à l'âge de 65 ans, alors que les appelants estiment que cette capitalisation doit cesser à l'âge de 62 ans (mais appliquent à leur calcul le coefficient de capitalisation pour les personnes de sexe féminin), et ne doit être retenu que dans une proportion de 15 %, qui représente le préjudice effectivement subi, s'agissant d'une perte de chance de conserver ses rémunérations.

Dès lors que M. [R] n'est pas inapte à tout exercice professionnel, son préjudice au titre des pertes de gains professionnels futurs, est constitué par la perte de chance de retrouver un emploi lui procurant un salaire équivalent à son précédent salaire, et ce jusqu'à l'âge de 65 ans.

Au vu de son âge, de ses différentes tentatives jusque-là infructueuses, de retrouver un emploi, du caractère manuel de son précédent emploi, cette perte de chance peut être évaluée à 50 % ainsi que l'a fait le premier juge.

Ainsi, par application de la méthode de calcul qui fait l'accord des parties, la perte de gains professionnels futurs, s'évalue à la somme de 95 771 €, obtenue selon le calcul suivant :

(revenu annuel x coefficient de capitalisation) x 50 %,

Soit : (13 000 € x 14,734) x 50 %.

Le premier juge n'est que très partiellement infirmé dans son calcul ayant abouti à une indemnisation de 95 773,36 €.

PRÉJUDICES EXTRAPATRIMONIAUX

PRÉJUDICES EXTRAPATRIMONIAUX TEMPORAIRES

Déficits fonctionnels temporaires :

L'expertise chiffre à 4 mois et 19 jours le déficit fonctionnel temporaire total, et à 3 mois et 24 jours le déficit fonctionnel temporaire partiel de 50 %.

Sur la base d'une indemnisation mensuelle de 690 € pour une incapacité temporaire totale, ou de 23 € par jour, c'est la somme de 4 565,50 € qui revient à M. [R], selon le calcul suivant (1) + (2) :

(690 € x 4) + (23 € x 24) (1)

[(690 € x 3) + (23 € x 19) ] x 50 % (2) fonctionnel temporaire total, n'est pas en lien avec les complications, mais en lien avec l'intervention, si bien que la demande d'indemnisation à ce titre n'est pas fondée et sera rejetée.

Le premier juge sera très partiellement infirmé (en ce qu'il a fixé ce préjudice à la somme totale de 4 420 €).

Souffrances endurées :

Compte tenu des évaluations effectuées par l'expertise, de 3,5/7, il sera alloué à M. [R], la somme de 5 000 €, conformément à sa demande, et à l'appréciation du premier juge, confirmé.

PRÉJUDICES EXTRAPATRIMONIAUX PERMANENTS

Préjudice fonctionnel permanent (20 %) :

Compte tenu des séquelles retenues par l'expertise, et de l'âge de M. [R], né le [Date naissance 1] 1963, au jour de la consolidation du 5 novembre 2007 (44 ans), ce poste de préjudice sera indemnisé par la somme de 27 000 € qu'il réclame.

Préjudice d'agrément :

M. [R] ne justifie d'aucune activité spécifique sportive ou de loisirs antérieure à son atteinte corporelle, et ne peut en conséquence prétendre à aucune indemnisation au titre d'un préjudice d'agrément qu'il ne démontre pas.

Le premier juge sera infirmé.

En résumé et au total, il convient d'allouer à M. [R], la somme de 135 796,13 €, selon le détail suivant :

- pertes de gains professionnels actuels :

- tickets restaurant : rejet,

- primes de fin d'année : examinées au poste pertes de gains professionnels futurs,

- frais divers : 2 709,63 €,

- pertes de gains professionnels futurs :

- primes de fin d'année : 750 €,

- pertes de revenus futurs : 95 771 €,

- déficits fonctionnels temporaires total et partiel : 4 565,50 €,

- souffrances endurées : 5 000 €,

- déficit fonctionnel permanent : 27 000 €,

- préjudice d'agrément : rejet.

Ceux qui succombent supportent les dépens.

Sur le défaut d'information :

M. [R] reproche au médecin, un « défaut manifeste d'information sur le risque infectieux (article L. 1111-2 du code de la santé publique) ».

Selon ce texte de loi, toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles, et sur les conséquences prévisibles en cas de refus.

Or, selon l'expertise médicale réalisée, c'est de façon exceptionnelle, que la réalisation d'un arthroscanner est susceptible de se compliquer d'arthrite septique.

En conséquence, s'agissant d'un risque exceptionnel, et non d'un risque fréquent ou grave normalement prévisible, le praticien n'avait pas l'obligation d'en informer le patient.

Le premier juge sera infirmé.

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort,

Infirme le jugement du tribunal de grande instance de Pau en date du 5 juin 2013, sauf au titre de la condamnation de l'article 700 du code de procédure civile.

Statuant à nouveau,

Prononce la mise hors de cause du docteur [B] [S].

Déboute M. [R] des demandes formées à l'encontre du docteur [S].

Déclare le Centre de Radiologie de [Localité 5], responsable du préjudice subi par M. [R], consécutivement à l'infection nosocomiale qu'il a contractée le 27 février 2007, à l'occasion d'une arthrographie.

Condamne in solidum le Centre de Radiologie de [Localité 5], et son assureur la société Médicale de France, à payer à M. [R] les sommes suivantes :

- 135 796,13 € (cent trente cinq mille sept cent quatre vingt seize euros et treize centimes), en réparation des complications liées à l'infection nosocomiale apparue dans les suites de l'acte de diagnostic du 23 février 2007 l'intervention du 4 novembre 2005, sauf à déduire les provisions déjà versées.

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne in solidum le centre de radiologie de [Localité 5], et son assureur la société Médicale de France, à payer à M. [R] la somme de 2 000 € (deux mille euros), et rejette le surplus des demandes à ce titre.

Condamne in solidum le centre de radiologie de [Localité 5], et son assureur la société Médicale de France aux dépens.

Autorise les avocats de la cause qui en ont fait la demande à recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu provision.

Le présent arrêt a été signé par Mme Pons, Président, et par Mme Vicente, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

Sandra VICENTE Françoise PONS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 13/02885
Date de la décision : 16/12/2014

Références :

Cour d'appel de Pau 01, arrêt n°13/02885 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-12-16;13.02885 ?
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