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16/12/2014 | FRANCE | N°13/02852

France | France, Cour d'appel de Pau, 1ère chambre, 16 décembre 2014, 13/02852


JN/AM



Numéro 14/4469





COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre







ARRET DU 16/12/2014







Dossier : 13/02852





Nature affaire :



Demande relative à une servitude de jours et vues sur le fonds voisin















Affaire :



[S] [M] [Y] [P] épouse [M]



C/



[Z] [R]

[J] [D] [N]





















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Grosse délivrée le :



à :





















RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R E T



prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 16 décembre 2014, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'ar...

JN/AM

Numéro 14/4469

COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre

ARRET DU 16/12/2014

Dossier : 13/02852

Nature affaire :

Demande relative à une servitude de jours et vues sur le fonds voisin

Affaire :

[S] [M] [Y] [P] épouse [M]

C/

[Z] [R]

[J] [D] [N]

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R E T

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 16 décembre 2014, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 28 octobre 2014, devant :

Madame PONS, Président

Monsieur CASTAGNE, Conseiller

Madame NICOLAS, Conseiller, magistrat chargé du rapport conformément à l'article 785 du code de procédure civile

assistés de Madame MIQUEU, adjoint administratif faisant fonction de greffier, présente à l'appel des causes.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTS :

Monsieur [S] [M]

né le [Date naissance 3] 1955 à [Localité 1] (64)

de nationalité française

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Madame [Y] [P] épouse [M]

née le [Date naissance 1] 1961 à [Localité 2] (64)

de nationalité française

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentés et assistés de Maître Myriam UNAL, avocat au barreau de BAYONNE

INTIMES :

Monsieur [Z] [R]

[Adresse 1]

[Localité 1]

Intervenant volontaire :

Mademoiselle [J] [D] [N]

née le [Date naissance 2] 1971 à [Localité 4]

de nationalité française

[Adresse 1]

[Localité 1]

représentés et assistés de la SCP ETCHEVERRY & DELPECH, avocats au barreau de BAYONNE

sur appel de la décision

en date du 24 JUIN 2013

rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BAYONNE

FAITS - PROCEDURE

M. [M] et son épouse [Y] née [P], sont propriétaires d'un immeuble situé à [Localité 1] (64).

Courant 2005, les consorts [R] ont acquis une propriété voisine, et mitoyenne de celle des époux [M].

Ils y ont fait réaliser d'importants travaux.

Leurs voisins, les époux [M], leur ont à ce titre reproché divers manquements.

Aucun accord n'est intervenu.

Par acte d'huissier du 16 novembre 2010, les époux [M] ont assigné M. [R] [Z], devant le tribunal de grande instance de Bayonne, pour solliciter sa condamnation à démolir un balcon, et à effectuer différents travaux de remise en l'état antérieur, ainsi qu'à leur payer 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [R] [Z] a formé des demandes reconventionnelles.

Par jugement du 24 juin 2013, le tribunal de grande instance de Bayonne a :

- débouté les époux [M],

- rejeté les demandes reconventionnelles présentées par M. [R] [Z],

- dit n'y avoir lieu d'appliquer l'article 700 du code de procédure civile,

- partagé les dépens par moitié entre les parties.

Par déclaration reçue au greffe de la Cour par voie électronique le 25 juillet 2013, M. et Mme [M] ont relevé appel de cette décision.

Mme [N] est intervenue volontairement à la procédure, exposant qu'elle est, de même que M. [R] [Z], copropriétaire de la propriété litigieuse.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 1er octobre 2014.

LES PRETENTIONS

Selon leurs dernières conclusions du 14 février 2014, les époux [M] sollicitent l'infirmation totale du jugement frappé d'appel et la condamnation solidaire de M. [R] et Mme [N], sous astreinte de 500 € par jour de retard, à effectuer ou faire effectuer les travaux nécessaires pour remettre les lieux en leur état initial, et en conséquence, mettre fin aux troubles subis et notamment celui résultant de la création d'une vue droite illégale.

Au principal, ils fondent leur action sur les dispositions des articles 678 et suivants du code civil et à titre subsidiaire, sur celles de l'article 1382 du code civil, invoquant le trouble anormal de voisinage.

C'est ainsi qu'ils font valoir que le balcon et la baie qui ont été créés par leurs voisins, violent les dispositions d'urbanisme applicables à la zone considérée, la deuxième autorisation administrative délivrée à ce titre étant illégale, ces ouvrages n'étant ni conformes aux autorisations, ni conformes aux prescriptions de l'architecte des Bâtiments de France, créant en outre de façon illégale une vue sur leur fonds.

À titre subsidiaire, ils estiment que la création du balcon et de la baie vitrée leur cause un trouble anormal de voisinage.

En tout état de cause, ils sollicitent le rejet des demandes adverses, la condamnation solidaire de M. [R] et de Mme [N], à leur payer 5 000 € de dommages-intérêts en réparation de leur attitude fautive constitutive d'une faute civile délictuelle, ainsi que la somme de 3 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et la condamnation des même aux entiers dépens.

Par leurs dernières conclusions du 9 avril 2014, M. [R] et Mme [N] demandent à la Cour de :

- déclarer recevable et bien fondée l'intervention volontaire de Mme [N],

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. et Mme [M] de leurs demandes,

- sur leur appel incident, condamner Mme [M] née [P], dans un délai de trois mois à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, sous peine d'astreinte de 80 € par jour de retard, à :

- remettre son garage en conformité avec l'arrêté du maire de la commune du 14 janvier 2008,

- remettre en état la façade arrière de la villa, face au garage, par la suppression des parements de pierre,

- et condamner in solidum les époux [M] à leur payer 6 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à supporter les entiers dépens.

SUR QUOI LA COUR

Sur l'intervention volontaire de Mme [N]

Il n'est pas contesté (bien que la pièce n° 10 destinée à cette démonstration, ne soit produite que s'agissant de sa page n° 1, et donc de façon très incomplète), que Mme [N] est copropriétaire de l'immeuble à usage d'habitation situé sur la commune d'[Localité 1] (Pyrénées-Atlantiques), [Adresse 1], connue sous le nom de [Localité 3], dans laquelle sont intervenus les travaux dont la suppression est sollicitée.

Son intervention volontaire sera déclarée recevable, en application des articles 325 et suivants du code civil.

Sur la demande de suppression de la baie vitrée et du balcon

La demande est fondée au principal sur les articles 678 et suivants du code civil.

L'article 678 prévoit une distance minimale de 1,90 m entre les deux fonds pour l'établissement de vues droites et l'article 679 une distance de 0,60 m pour les vues obliques.

L'article 680 précise que dans l'hypothèse où il existe un balcon ou une saillie assimilable, la distance se compte alors depuis leur ligne extérieure jusqu'à la ligne de séparation des deux propriétés.

Il sera rappelé que les vues sont des ouvertures ordinaires qui peuvent s'ouvrir, laisser passer l'air et permettre d'apercevoir le fonds voisin.

Les vues sont droites, si leur axe fictivement prolongé aboutit au fonds voisin et si elles permettent de facilement regarder chez ce dernier, alors qu'elles sont obliques, si elles ne permettent de voir chez le voisin qu'en se penchant ou en regardant de côté.

Il résulte des pièces produites, et notamment de la description de la déclaration de travaux déposée par M. [R] le 2 novembre 2005, auprès de la commune d'[Localité 1], et complétée le 15 novembre 2005, sous la référence DT6403505Z6029, que contrairement à ce que soutiennent les appelants, la façade arrière (ouest), du bâtiment propriété des intimés, où se situent la baie vitrée et le balcon litigieux, comportait dès avant les travaux, une ouverture.

Ainsi, une vue n'a pas été créée.

En revanche, ces mêmes documents établissent que cette ouverture de petites dimensions, a fait l'objet d'un agrandissement très conséquent (3 m x 1,92 m), avec construction d'un balcon.

Les plans produits ne sont pas cotés, mais par comparaison des documents produits à la même échelle, il est permis de retenir que la superficie de l'ouverture préexistante, a, du fait des travaux réalisés, été multipliée en longueur, par un coefficient de l'ordre de 6, et en hauteur, par un coefficient de l'ordre de 2,5.

Ainsi, il est incontestable que la servitude de vue supportée par le fonds des époux [M], a été très largement aggravée par rapport à l'état antérieur, par des travaux réalisés sur la propriété de M. [R] et Mme [N].

De même, le balcon qui a été construit, permet, dans son axe perpendiculaire à la baie vitrée, c'est-à-dire sur toute sa longueur, une vue oblique sur le fonds contigu voisin, propriété des époux [M], et dans son axe parallèle à la fenêtre, c'est-à-dire sur sa largeur, une vue droite sur ce même fonds, que les auteurs des travaux ont eux-mêmes masquée partiellement par la pose d'un panneau de bois à cette extrémité du balcon (la hauteur de ce panneau, selon les documents produits, variant de 1,60 m à 1,80 m).

Or, il résulte du constat d'huissier du 5 mars 2012, établi par Me [W], à la demande de M. [R] lui-même, que l'extrémité du balcon permettant une vue droite sur le fonds voisin, est située à une distance de 60 cm de la limite séparative des propriétés (alors que la loi impose une distance minimum de 1,90 m), de même que les constatations établies par M. et Mme [E], expert diligenté par la compagnie d'assurances des époux [M], établissent que l'extrémité du balcon permettant une vue oblique sur le fonds voisin, se trouve à une distance de 35 cm de la limite séparative (alors que la loi impose une distance minimum de 60 cm).

Ainsi, il est établi que le balcon ne respecte pas les dispositions légales imposées par les articles 678 et suivants du code civil, et qu'en outre, la servitude de vue qui préexistait aux travaux litigieux, a subi une très large aggravation par rapport à l'état antérieur, par la création d'une baie vitrée de grande dimension, augmentant très largement le champ visuel, et permettant une vue plongeante sur le fonds contigu voisin, s'agissant au cas particulier d'un espace privé (cour et jardin) partiellement dédié aux activités de détente et de loisirs (avec cuisine d'été, terrasse couverte'), étant précisé qu'aucune voie publique ne vient exclure l'application des dispositions relatives aux servitudes de vue.

En conséquence, c'est à bon droit qu'à titre de sanction, les époux [M] sollicitent la condamnation des intimés à démolir le balcon et procéder aux travaux de remise en l'état antérieur.

Eu égard à l'opposition des intimés de se conformer aux demandes amiables à ce titre, ayant généré le présent contentieux, le prononcé d'une astreinte provisoire est justifié et sera ordonné, ainsi qu'il sera dit au dispositif.

Le premier juge sera infirmé.

Sur la demande de la remise en état du garage en conformité avec un arrêté municipal

M. [R] et Mme [N] soutiennent que le garage bâti par Mme [M], n'est conforme ni au permis de construire du 14 janvier 2008, ni au règlement du plan local d'urbanisme.

Au titre des non-conformités au permis de construire, ils lui reprochent d'avoir été édifié sur la propriété de Mme [M], et non en limite de propriété, et de ne pas comporter un chêneau encaissé comme prévu au permis de construire.

Ces non-conformités sont réelles, résultent des photographies produites, ainsi que l'a d'ailleurs reconnu M. [M] lors d'un procès-verbal d'audition à la gendarmerie d'[Localité 5], le 29 novembre 2010.

Cette action s'analyse en une action délictuelle de droit commun, soumise à la prescription de cinq ans de l'article 2224 du code civil, laquelle suppose, pour qu'il y soit fait droit, que celui qui la forme subisse un préjudice.

Dans le cas présent, les époux [M], ne démontrent pas, contrairement à ce qu'ils soutiennent, que cette action serait prescrite.

En effet, dans son procès-verbal d'audition, M. [M] a indiqué avoir obtenu un permis modificatif le 14 janvier 2008, et les époux [M] ne démontrent pas que les demandes des intimés à ce titre, ne seraient pas intervenues dans le délai de prescription.

En revanche, M. [R] et Mme [N] n'expliquent ni ne démontrent en quoi ces irrégularités leur causeraient préjudice, étant en outre précisé que les eaux pluviales issues de la toiture des garages se déversent sur le fonds des époux [M].

Il en résulte que les demandes ne sont pas fondées et doivent être rejetées.

Le premier juge sera confirmé.

Sur la demande de remise en état de la façade arrière de la villa de Mme [M]

Le grief consiste à reprocher à Madame [M] d'avoir recouvert la façade arrière de sa villa, de parement de pierres, sans obtention préalable d'un permis de construire.

Les développements précédents s'appliquent également à ce grief, si bien que les demandes ne sont pas fondées et doivent être rejetées.

Le premier juge sera confirmé.

Sur les demandes de dommages-intérêts

La résistance de M. [R] et Mme [N] à démolir des travaux effectués sur autorisations administratives, est insuffisante à caractériser leur faute.

La demande de dommages-intérêts à ce titre sera rejetée, conformément à l'analyse du premier juge.

Ceux qui succombent supportent les dépens.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré, statuant, publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Déclare recevable l'intervention volontaire de Mme [N].

Infirme le jugement du tribunal de grande instance de Bayonne en date du 24 juin 2013.

Statuant à nouveau,

Condamne M. [R] et Mme [N] à procéder ou faire procéder, dans un délai de six mois à compter de la signification de la présente décision, aux travaux de démolition du balcon édifié sur la façade ouest (arrière) de leur propriété située à [Localité 1], [Adresse 1], de même qu'à procéder ou faire procéder à la suppression de la baie vitrée posée sur cette façade, afin de ramener l'ouverture ainsi créée, aux dimensions de l'ouverture préexistant à la pose de la baie vitrée.

Assortit cette condamnation d'une astreinte provisoire de 50 € (cinquante euros) par jour de retard.

Déboute les époux [M] de leurs demandes de dommages-intérêts.

Déboute M. [R] et Mme [N] de leurs demandes de travaux de remise en conformité sous astreinte.

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. [R] et Mme [N] à payer aux époux [M] la somme de 3 000 € (trois mille euros), et rejette le surplus des demandes à ce titre.

Condamne M. [R] et Mme [N] aux dépens.

Autorise les avocats de la cause qui en ont fait la demande à recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu provision.

Le présent arrêt a été signé par Mme Pons, Président, et par Mme Vicente, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

Sandra VICENTE Françoise PONS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 13/02852
Date de la décision : 16/12/2014

Références :

Cour d'appel de Pau 01, arrêt n°13/02852 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-12-16;13.02852 ?
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