CP/CD
Numéro 14/04004
COUR D'APPEL DE PAU
Chambre sociale
ARRÊT DU 20/11/2014
Dossier : 12/03361
Nature affaire :
Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution
Affaire :
[P] [Q]
C/
SARL IMPRIMERIE ARTISANALE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 20 Novembre 2014, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 22 Septembre 2014, devant :
Madame PAGE, magistrat chargé du rapport,
assistée de Madame HAUGUEL, Greffière.
Monsieur CHELLE, en application des articles 786 et 910 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries, en présence de Madame PAGE et en a rendu compte à la Cour composée de :
Monsieur CHELLE, Président
Madame PAGE, Conseiller
Monsieur GAUTHIER, Conseiller
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANT :
Monsieur [P] [Q]
[Adresse 2]
[Localité 2]
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2012/006096 du 13/01/2013 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PAU)
Représenté par Maître VOIRIN-HAVEZ, avocat au barreau de BAYONNE
INTIMÉE :
SARL IMPRIMERIE ARTISANALE
[Adresse 1]
[Localité 1]
Représentée par Maître DUBERNET DE BOSCQ, avocat au barreau de BAYONNE
sur appel de la décision
en date du 10 SEPTEMBRE 2012
rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE BAYONNE
RG numéro : F 11/00422
FAITS ET PROCÉDURE
Monsieur [P] [Q] a été embauché par la SARL IMPRIMERIE ARTISANALE le 1er mai 1991 en qualité de conducteur offset niveau IV suivant contrat à durée indéterminée régi par la convention collective des imprimeries de labeur et des industries graphiques.
Monsieur [P] [Q] a été victime d'un accident du travail le 15 septembre 2009, il a été en arrêt de travail jusqu'au 27 septembre 2009 ;
La Caisse Primaire d'Assurance Maladie considérera Monsieur [P] [Q] guéri à la date du 27 septembre 2009 au visa de l'article R. 433-17 du code de la sécurité sociale.
Monsieur [P] [Q] a repris le travail le 28 septembre 2009 puis de nouveau en arrêt de travail à compter du lundi 5 octobre, victime d'une rechute de son accident reconnue par la Caisse par lettre du 23 décembre 2009 (rechute du 17 novembre 2009) sans qu'aucune visite de reprise ne soit organisée entre-temps.
Les 1er février et 16 février 2010, à la suite des deux visites médicales de reprise, Monsieur [P] [Q] est déclaré inapte au poste de conducteur offset, apte à un poste sans manutentions.
Par lettre recommandée du 12 mars 2010, l'employeur lui demande de reprendre son poste de travail aménagé pour éviter les manutentions, à compter du lundi 15 mars.
Dans le cadre d'une visite occasionnelle, il est déclaré, le 15 mars 2010, apte au poste avec l'aménagement proposé : c'est-à-dire sans manutentions, ni position prolongée en flexion antérieure du tronc.
Par lettre du 16 mars 2010, Monsieur [P] [Q] refuse au motif que l'avis du médecin du travail est un avis d'inaptitude au poste de conducteur offset et il sollicite une autre proposition.
Par lettre recommandée du 23 mars 2010, la SARL IMPRIMERIE ARTISANALE réitère sa demande de reprise de travail sur le poste aménagé avec l'aide et les conseils de la médecine du travail et autres organismes, lui rappelant qu'il a été déclaré apte au poste aménagé, faute de quoi il serait considéré comme démissionnaire.
A compter du 18 mars 2010, Monsieur [P] [Q] sera en arrêt de travail.
Monsieur [P] [Q] saisit le conseil de prud'hommes le 28 septembre 2011 d'une demande de résiliation judiciaire du contrat avec les conséquences de droit.
Le conseil de prud'hommes de Bayonne, section industrie, par jugement contradictoire du 10 septembre 2012, auquel il conviendra de se reporter pour plus ample exposé des faits, des moyens et de la procédure déboute Monsieur [P] [Q] de la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail et des demandes subséquentes et le condamne aux dépens de l'instance.
Monsieur [P] [Q] interjette appel de ce jugement le 2 octobre 2012 dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas discutées.
Les parties ont comparu à l'audience par représentation de leurs conseils respectifs.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par conclusions déposées le 28 mai 2014 et développées à l'audience, Monsieur [P] [Q] demande à la Cour de :
- déclarer l'appel recevable,
- réformer le jugement,
- prononcer la résiliation judiciaire du contrat aux torts de l'employeur et condamner la SARL IMPRIMERIE ARTISANALE à payer les sommes suivantes :
2.096,80 € à titre de rappel de salaire à compter du 16 mars 2010 avec les intérêts de droit à compter de chaque échéance de fin de mois,
4.531,38 € au titre de l'indemnité de préavis,
2.718,83 € au titre des congés payés,
22.536,06 € au titre de l'indemnité spéciale de licenciement,
27.188,28 € au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
2.265,69 € à titre de dommages et intérêts pour procédure irrégulière,
10.000 € à titre des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par le défaut d'organisation de la visite de reprise suite à l'accident de travail initial du 15 septembre 2009,
- condamner la SARL IMPRIMERIE ARTISANALE à remettre les bulletins de salaire, le solde de tout compte, l'attestation Pôle Emploi, le certificat de travail sous astreinte de 100 € par jour de retard et par document et condamner l'employeur aux dépens.
Monsieur [P] [Q] fait valoir que la résiliation judiciaire du contrat de travail est justifiée au vu des quatre éléments suivants :
- l'employeur n'a pas organisé la visite médicale de reprise obligatoire à la suite de l'accident du 15 septembre 2009 (lombalgie aiguë par effort de levage et travail du rachis lombaire en torsion ) qui lui aurait permis d'apprécier son aptitude à reprendre son emploi et lui a fait reprendre le travail alors que son contrat était suspendu. Il a été de nouveau en arrêt de travail à compter du 5 octobre 2009 au titre d'une rechute reconnue de l'accident de travail initial (hernie discale L4, L5, tendinite épaule droite cervicalgies) ;
- l'employeur n'a pas tenu compte de l'avis d'inaptitude définitif à son poste de travail de conducteur offset à la suite de deux visites des 1er et 16 février 2010 et a voulu le contraindre à reprendre son poste après aménagement alors que des pistes avaient été envisagées pour le reclassement sur un autre poste, l'inaptitude à son poste de travail étant définitivement acquise ce qui légitimait son propre refus de reprendre le travail dans ces conditions ;
- l'employeur a refusé de tirer les conséquences de son refus légitime de reprendre le travail car le refus par le salarié du poste proposé ne constitue pas une faute ; nonobstant ce fait l'employeur ne l'a pas licencié ;
- l'employeur n'a pas repris le paiement du salaire à défaut de reclassement ou de licenciement ; il s'est retrouvé dans une situation financière difficile et a été contraint de demander le bénéfice du RSA.
Du fait de la résiliation, l'employeur sera condamné à payer les salaires mensuels à compter du 16 mars 2010 ainsi que les indemnités de rupture outre les dommages-intérêts pour défaut d'organisation de la visite de reprise à la suite de l'accident du travail du 15 septembre 2009.
La SARL IMPRIMERIE ARTISANALE, intimée, par conclusions déposées le 20 août 2014 et développées à l'audience demande à la Cour de :
- confirmer le jugement,
- condamner Monsieur [P] [Q] à payer la somme de 3.000 € pour abus du droit d'ester en justice et celle de 2.500 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
La SARL IMPRIMERIE ARTISANALE expose être une petite entreprise artisanale qui compte cinq salariés, que suite à son accident du travail, Monsieur [P] [Q] a été en arrêt maladie du 17 au 27 septembre 2009. Lors de la reprise du travail, elle disposait d'un délai de huit jours expirant le lundi 5 octobre pour lui faire passer la visite médicale de reprise or, avant la fin du délai, le salarié a produit un nouvel arrêt de travail ; elle n'a donc pas été en mesure d'organiser la visite de reprise puisque cinq jours après il était de nouveau en arrêt de travail.
Postérieurement à l'avis d'inaptitude, elle s'est mise en rapport avec le médecin du travail et avec la SAMETH (service d'appui pour le maintien dans l'emploi de travailleurs handicapés), entreprise spécialisée, sur les conseils de la SIMETRA, pour étudier les possibilités d'aménagement de poste ou de reclassement qui pourraient être proposées.
Il a été décidé l'aménagement de son poste de travail moyennant l'achat de matériel de manutention robotisé afin que les tâches dites de flexion et de manipulation soient restreintes voire supprimées, l'embauche d'un apprenti qui procédera à toute manipulation nécessaire au bon fonctionnement des machines et la mission de former et de transmettre son savoir-faire à l'apprenti.
Cette proposition a été transmise au médecin du travail qui a convoqué le salarié et a rendu le 15 mars 2010 l'avis médical suivant : « apte au poste vu l'aménagement proposé : c'est-à-dire sans manutention de position prolongée en flexion antérieure du tronc. À revoir dans un mois. ».
Elle indique qu'il s'agissait-là d'une visite médicale de reprise qui n'a jamais été contestée auprès de l'Inspection du Travail et non d'un avis d'inaptitude qui seul lui aurait permis de mettre en 'uvre une procédure de licenciement en l'absence de reclassement.
Ces aménagements n'entraînaient aucune modification de son contrat de travail ; l'employeur lui a donc demandé de reprendre son travail ce qu'il a refusé or, ni la reconnaissance du statut de travailleur handicapé, ni la prétendue absence de précision sur les aménagements effectués n'exonèrent le salarié de réintégrer son poste de travail dès lors que le poste a été aménagé avec l'aval de la médecine du travail.
L'obligation de reprendre le paiement du salaire n'existe que lorsque l'on est en présence d'un avis d'inaptitude.
Monsieur [P] [Q] a produit des arrêts de travail successifs jusqu'au 3 octobre 2010, mis en demeure de justifier de son absence depuis cette date ou de reprendre son travail, il a produit de nouveaux arrêts de travail à compter du 12 mai 2011.
Monsieur [P] [Q] ne peut arguer de fautes suffisamment graves qui rendraient impossible le maintien du lien contractuel alors qu'il est seul à l'origine de la situation par son refus de reprendre un poste aménagé, agréé par la médecine du travail.
La procédure que Monsieur [P] [Q] a engagé constitue un abus du droit d'ester en justice au regard des efforts qu'elle a déployés pour le maintenir à son poste de travail.
La Cour se réfère expressément aux conclusions visées plus haut pour l'exposé des moyens de fait et de droit.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La Cour examinera successivement les points litigieux au vu du dossier de la procédure, des éléments des débats et des pièces régulièrement produites au dossier.
Sur la recevabilité de l'appel :
L'appel formalisé dans les délais et formes requis est recevable.
Au fond,
Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail :
La résiliation judiciaire d'un contrat de travail aux torts de l'employeur peut être prononcée si celui-ci a commis des manquements à ses obligations suffisamment graves pour justifier cette résiliation ; les manquements de l'employeur doivent être appréciés par le juge au jour de sa décision ;
Il appartient au salarié qui sollicite la résiliation judiciaire de son contrat de travail de démontrer les manquements suffisamment graves de l'employeur empêchant la poursuite du contrat.
En l'espèce, Monsieur [P] [Q] fait grief à son employeur d'avoir violé diverses règles relatives à la protection du salarié victime d'une inaptitude d'origine professionnelle à savoir :
- s'être abstenu d'organiser la visite médicale de reprise, visée aux articles R. 4624-21 et R. 4624-22 du code du travail à la suite de l'accident du travail du 15 septembre 2009, le faisant travailler du 27 septembre au 5 octobre 2009 date à laquelle il est de nouveau en arrêt de travail en raison d'une rechute de l'accident du 15 septembre ;
- ne pas avoir tenu compte de l'avis d'inaptitude définitive à son poste de travail lequel s'impose aux parties et au juge et fait courir le délai à compter duquel les solutions de reclassement doivent être recherchées ;
- ne pas avoir tenu compte du refus légitime du salarié de réintégrer l'entreprise, les propositions de reclassement envisagées entraînant une modification de son contrat de travail et l'obligation dans ces conditions de le licencier ;
- s'être abstenu de reprendre le paiement du salaire à défaut de reclassement ou de licenciement.
Sur la visite de reprise :
Conformément aux dispositions des articles R. 4624-21 et R. 4624-22 du code du travail, dans leurs dispositions alors applicables, le salarié, après une absence d'au moins huit jours pour cause d'accident du travail doit bénéficier d'un examen de reprise de travail par le médecin du travail, lequel a pour objet d'apprécier son aptitude médicale à reprendre son ancien emploi, la nécessité d'une adaptation des conditions de travail ou d'une réadaptation du salarié éventuellement de l'une et l'autre de ces mesures ; cet examen devant avoir lieu lors de la reprise du travail et au plus tard dans un délai de huit jours.
La visite de reprise incombe principalement à l'employeur ; il s'agit d'une composante de son obligation de sécurité de résultat.
En l'espèce, le salarié, victime d'un accident du travail le 15 septembre 2009, reprend son poste le 28 septembre 2009, à charge pour l'employeur d'organiser la visite de reprise conformément aux textes alors applicables à compter du 28 septembre 2009 et au plus tard au 5 octobre 2009.
L'employeur soutient ne pas avoir été en mesure d'organiser la visite de reprise en raison du nouvel arrêt de travail de Monsieur [P] [Q] à compter du 5 octobre 2009.
Cependant, il est évident que la date limite étant fixée au lundi 5 octobre, Monsieur [P] [Q] aurait dû recevoir une convocation pour une visite de reprise au plus tard le samedi 3 octobre ce qui n'a pas été le cas.
En effet, l'employeur ne démontre pas avoir organisé la visite au plus tard pour le 5 octobre et en avoir été empêché du fait de l'absence du salarié, il est en conséquence démontré que l'employeur n'a pas respecté son obligation d'organiser la visite médicale de reprise de Monsieur [P] [Q] à la suite de son arrêt de travail du 15 septembre.
Cependant, si la carence de l'employeur est fautive, il n'est pas établi qu'elle soit la cause de la rechute et donc qu'elle ait exercé une influence défavorable sur la poursuite du contrat de travail puisque le salarié a malheureusement fait l'objet d'une rechute alors que le délai alloué à l'employeur n'était pas expiré.
Sur l'avis d'inaptitude :
Dans le cadre de la deuxième visite de reprise en date du 16 février 2010 le salarié est déclaré, par le médecin du travail, le docteur [O], inapte au poste de conducteur offset, apte à un poste sans manutentions.
Conformément aux dispositions de l'article L. 1226-10 du code du travail, en cas de constat d'inaptitude à l'emploi précédemment occupé, le salarié bénéficie d'un droit au reclassement, que l'inaptitude soit totale ou partielle ; il appartenait en conséquence, à la SARL IMPRIMERIE ARTISANALE de proposer un autre emploi approprié aux capacités du salarié en tenant compte des conclusions écrites du médecin du travail, notamment, des indications formulées sur l'aptitude de l'intéressé à exercer des tâches existantes dans l'entreprise.
La SARL IMPRIMERIE ARTISANALE démontre par les pièces produites aux débats que le 23 février 2010 la société SAMETH, habilitée à proposer des aménagements de poste pour les travailleurs handicapés, s'est rendue dans l'entreprise afin de visiter le poste de Monsieur [P] [Q] et a proposé :
- soit un reclassement interne sur un poste de commercial ;
- soit une entraide humaine en sollicitant une aide compensatrice RLH ou bien aide « auxiliaire professionnelle » (9.000 € par an dans les deux cas) ;
- soit former un apprenti car départ à la retraite dans 1-2 ans.
Le médecin du travail, le docteur [O], rédigera le 15 mars 2010 dans le cadre d'une visite occasionnelle une fiche d'aptitude ainsi rédigée : Apte au poste (de conducteur offset) avec l'aménagement proposé : c'est-à-dire sans manutention, ni station prolongée en flexion antérieure du tronc.
À revoir dans un mois.
En conséquence en possession d'un avis d'inaptitude, l'employeur a régulièrement procédé à une recherche de reclassement du salarié avec l'aide de la société SAMETH Pays Basque, proposition d'aménagement du poste de conducteur offsett sans manutentions, ni position prolongée en flexion antérieure du tronc, validée par la médecine du travail le 15 mars 2010.
La proposition d'aménagement du poste a été notifiée à Monsieur [P] [Q] par courrier du 12 mars 2010 avec demande de reprise du travail à compter du lundi 15 mars, proposition de reclassement refusée par Monsieur [P] [Q] par lettre du 16 mars 2010 au motif d'un avis médical d'inaptitude au poste de conducteur offsett, sollicitant une autre proposition de reclassement.
Monsieur [P] [Q] sera en arrêt de travail à compter du 18 mars 2010.
À l'examen des pièces produites, Monsieur [P] [Q] a effectivement été déclaré inapte à son poste, cependant l'employeur, avec l'aide de la SAMETH, a proposé à la médecine du travail l'aménagement de son poste, validé par la médecine du travail, sous réserve d'une nouvelle visite médicale à prévoir dans un mois.
En conséquence, si Monsieur [P] [Q] a effectivement fait l'objet d'un avis d'inaptitude le 16 février, le reclassement proposé par l'employeur a été validé par la médecine du travail.
Cependant, Monsieur [P] [Q] était en droit de refuser de reprendre son travail au 15 mars alors qu'à cette date son poste n'avait fait l'objet d'aucun des aménagements proposés dès lors que ni l'investissement en matériel envisagé, ni l'embauche d'un apprenti n'étaient concrétisés.
En conséquence, à l'examen des pièces produites, en l'absence de réalisation des aménagements, la reprise exigée par l'employeur au 15 mars ne pouvait s'effectuer que dans les conditions antérieures du poste de conducteur offsett qui avait fait l'objet d'un avis d'inaptitude.
Postérieurement au refus de reclassement opposé par Monsieur [P] [Q], il appartenait à la SARL IMPRIMERIE ARTISANALE de réaliser effectivement les aménagements proposés ou de faire une nouvelle proposition de reclassement ou de le licencier.
Or, alors qu'elle envisageait un poste de technico-commercial dans un courrier adressé le 26 avril 2010 au conseil de Monsieur [P] [Q] cette proposition n'a été soumise, ni au salarié, ni à l'aval de la médecine du travail.
En conséquence, face au refus du salarié de reprendre son poste de conducteur offset et à défaut d'une nouvelle proposition de reclassement, il appartenait à l'employeur de procéder à son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement et non de le maintenir dans les effectifs.
Sur le non-paiement du salaire :
Enfin, conformément aux dispositions de l'article L. 1226-11 du code du travail, lorsque à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la date de l'examen médical de reprise du travail, le salarié déclaré inapte n'est pas reclassé dans l'entreprise ou s'il n'est pas licencié, l'employeur lui verse, dès l'expiration de ce délai, le salaire correspondant à l'emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail.
Le salarié ayant été déclaré inapte par le médecin du travail le 16 février 2010, la délivrance d'un nouvel arrêt de travail ne peut avoir pour conséquence juridique d'ouvrir une nouvelle période de suspension du contrat de travail et de tenir en échec le régime juridique applicable à l'inaptitude ; les salaires étaient dus à compter du 16 mars 2010.
En conséquence, alors que le salarié, déclaré inapte, était en droit de refuser les mesures de reclassement qui lui étaient proposées, l'employeur qui l'a maintenu dans les effectifs de l'entreprise pendant plus de 4 ans sans lui proposer de nouveaux reclassements et sans reprendre le paiement du salaire a commis des manquements graves.
Le jugement sera infirmé et il sera fait droit à la résiliation du contrat de travail aux torts de la SARL IMPRIMERIE ARTISANALE.
Sur l'indemnisation consécutive à la résiliation du contrat de travail :
La résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et compte tenu du manquement de l'employeur à ses obligations légales de reclassement du salarié déclaré inapte à la suite d'un accident du travail, les dispositions des articles L. 1226-14 et L. 1226-15 doivent recevoir application.
Conformément à l'article L. 1226-14 du code du travail la SARL IMPRIMERIE ARTISANALE devra verser à Monsieur [P] [Q] :
- une indemnité compensatrice égale à l'indemnité compensatrice de préavis de droit commun soit 4.531,38 €,
- l'indemnité spéciale de licenciement soit 22.536,06 €, justement évaluée par Monsieur [P] [Q].
Au visa de l'article L. 1226-15 du code du travail, l'employeur est redevable d'une indemnité égale à 12 mois de salaire soit la somme de 27.188,28 €.
Il sera également fait droit à la demande d'indemnité de congés payés à hauteur de 2.718,83 €.
Cependant à défaut pour l'employeur d'avoir procédé au licenciement de Monsieur [P] [Q], il ne sera pas fait droit à la demande d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement.
Sur le rappel de salaire :
Conformément aux dispositions de l'article L. 1226-11 du code du travail, l'employeur est tenu de verser à Monsieur [P] [Q] le salaire correspondant à l'emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail à compter du 16 mars 2010 et ce jusqu'à la date du prononcé de la résiliation du contrat de travail qui sera fixée à la date du présent arrêt, soit sur une période de 56 mois :
- 2.096,80 x 56 = 117.420,80 €.
Sur la demande de dommages-intérêts pour défaut d'organisation de la visite de reprise :
Ainsi que dit précédemment l'employeur n'a pas organisé la visite de reprise de Monsieur [P] [Q] au plus tard pour le 5 octobre à la suite de son arrêt de travail du 15 septembre.
Cependant, si la carence de l'employeur est fautive, il n'est pas établi qu'elle soit la cause de la rechute.
L'indemnité allouée de ce chef sera limitée à la somme de 3.000 €.
Il y a lieu de réformer le jugement sur ce chef de demande.
Sur la demande de remise des documents :
La SARL IMPRIMERIE ARTISANALE devra remettre à Monsieur [P] [Q] les bulletins de salaire, le solde de tout compte, l'attestation Pôle Emploi, le certificat de travail sans qu'il ne soit nécessaire de faire droit à la demande d'astreinte.
Sur la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive :
Le droit d'agir en justice ne dégénère en abus que s'il procède d'une légèreté blâmable ce qui n'est pas démontré en l'espèce.
En conséquence, la SARL IMPRIMERIE ARTISANALE sera déboutée de ce chef de demande.
Sur la demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile :
Il n'est pas inéquitable de débouter la SARL IMPRIMERIE ARTISANALE de ce chef de demande.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière prud'homale et en dernier ressort,
Reçoit l'appel formé par Monsieur [P] [Q] le 2 octobre 2012,
Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Bayonne en date du 10 septembre 2012 :
- en ce qu'il a débouté la SARL IMPRIMERIE ARTISANALE de ses demandes de dommages-intérêts pour procédure abusive et au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- en ce qu'il a débouté Monsieur [P] [Q] de sa demande de dommages-intérêts pour irrégularité de la procédure de licenciement,
L'infirme pour le surplus de ses dispositions,
Statuant à nouveau,
Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur,
Condamne la SARL IMPRIMERIE ARTISANALE à payer à Monsieur [P] [Q] la somme de 4.531,38 € à titre d'indemnité compensatrice conformément à l'article L. 1226-14 du code du travail,
Condamne la SARL IMPRIMERIE ARTISANALE à payer à Monsieur [P] [Q] la somme de 22.536,06 € à titre d'indemnité spéciale de licenciement conformément à l'article L. 1226-14 du code du travail,
Condamne la SARL IMPRIMERIE ARTISANALE à payer à Monsieur [P] [Q] la somme de 27.188,28 € par application de l'article L. 1226-15 du code du travail,
Condamne la SARL IMPRIMERIE ARTISANALE à payer à Monsieur [P] [Q] la somme de 2.718,83 € à titre à titre d'indemnité de congés payés,
Condamne la SARL IMPRIMERIE ARTISANALE à payer à Monsieur [P] [Q] la somme de 117.420,80 € à titre de salaire pour la période du 16 mars 2010 au jour de la résiliation soit le prononcé de l'arrêt,
Condamne la SARL IMPRIMERIE ARTISANALE à payer à Monsieur [P] [Q] la somme de 3.000 € de dommages et intérêts pour défaut d'organisation de la visite de reprise dans les délais légaux à la suite de l'accident du travail du 15 septembre 2009,
Dit qu'il appartiendra à la SARL IMPRIMERIE ARTISANALE de remettre à Monsieur [P] [Q] les bulletins de salaire, le solde de tout compte, l'attestation Pôle Emploi, le certificat de travail,
Dit n'y avoir lieu à astreinte,
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SARL IMPRIMERIE ARTISANALE aux dépens.
Arrêt signé par Monsieur CHELLE, Président, et par Madame HAUGUEL, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE,LE PRÉSIDENT,