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10/07/2014 | FRANCE | N°12/02508

France | France, Cour d'appel de Pau, Chambre sociale, 10 juillet 2014, 12/02508


RC/CD



Numéro 14/02574





COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale







ARRÊT DU 10/07/2014









Dossier : 12/02508





Nature affaire :



Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution















Affaire :



SARL LES VIANDES DU HAUT BÉARN



C/



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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











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Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 10 Juillet 2014, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'articl...

RC/CD

Numéro 14/02574

COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 10/07/2014

Dossier : 12/02508

Nature affaire :

Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution

Affaire :

SARL LES VIANDES DU HAUT BÉARN

C/

[J] [L]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 10 Juillet 2014, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 19 Mai 2014, devant :

Monsieur CHELLE, Président

Monsieur GAUTHIER, Conseiller

Monsieur SCOTET, Conseiller

assistés de Madame HAUGUEL, Greffière.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTE :

SARL LES VIANDES DU HAUT BÉARN

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentée par Maître MALTERRE, avocat au barreau de PAU

INTIMÉE :

Madame [J] [L]

[Adresse 2]

[Localité 2]

Comparante et assistée de Maître SANTI de la SELARL DARMENDRAIL/SANTI, avocat au barreau de PAU

sur appel de la décision

en date du 09 JUILLET 2012

rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DÉPARTAGE DE PAU

RG numéro : F 09/00543

FAITS ET PROCÉDURE

Mme [L] a été engagée par la société Viandes du Haut-Béarn (VHB), société à responsabilité limitée dont le siège est à [Localité 3] (Pyrénées-Atlantiques), en qualité de secrétaire expédition, par contrat à durée indéterminée en date du 26 décembre 2005. Elle occupait un emploi de la catégorie agent de maîtrise, coefficient 240.

Elle a été licenciée le 4 août 2009 pour inaptitude médicale.

Par requête reçue en date du 22 septembre 2009, Mme [L] a saisi le Conseil des Prud'hommes de Pau aux fins de contester son licenciement, et obtenir la condamnation de la société VHB à lui payer diverses sommes au titre de salaires, accessoires, de dommages et intérêts et indemnités.

Par jugement en date du 9 juillet 2012, auquel il y a lieu de renvoyer pour plus ample exposé des faits et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud'hommes de Pau, section commerce, sous la présidence du juge départiteur, a ainsi statué :

- déclaré nul le licenciement pour inaptitude de Mme [L] par la société VHB,

- dit que l'inaptitude est la conséquence d'une situation de harcèlement moral,

- condamné la société VHB à payer à Mme [L]': 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral, 20 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul'; 3 253 € à titre d'indemnité de préavis'; 325,30 € à titre de congés payés sur préavis'; 307,43 € nets au titre du solde de ses congés payés 2007-2008'; 761,24 € à titre de rappel sur indemnité de licenciement'; 50 € en remboursement des sommes indûment retenues sur le salaire de septembre 2007,

- dit que les sommes allouées à Mme [L] seront assorties des intérêts au taux légal à compter de la notification de la décision,

- condamné la société VHB à payer à Mme [L] la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- rappelé qu'en matière prud'homale l'exécution provisoire est de droit pour les condamnations en remise de documents que l'employeur est tenu de délivrer et celles en paiement de créances salariales ou assimilées dans la limite de neuf mois de salaire (article R. 1454-28 du code du travail), et dit n'y avoir à l'ordonner pour le surplus,

- débouté Mme [L] de ses autres demandes,

- débouté la société VHB de ses demandes,

- condamné la société VHB aux dépens.

Par déclaration de son conseil reçue au guichet unique de greffe du palais de justice de Pau le 18 juillet 2012, la société VHB a interjeté appel de la décision.

L'affaire a été fixée à l'audience du 19 mai 2014 pour laquelle les parties ont été convoquées avec proposition d'un calendrier de procédure.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions écrites déposées les 6 février et 14 mai 2014, et reprises oralement, auxquelles il convient de se référer pour le détail de l'argumentation, la société VHB demande à la Cour de :

- infirmant le jugement entrepris,

- constater que l'inaptitude de Mme [L] ne procède d'aucune origine professionnelle,

- constater que Mme [L] n'apporte aucun élément de faits précis prouvés et répétés d'agissements relatifs à un prétendu harcèlement,

- dire que le licenciement et la procédure liée aux recherches de reclassement ont été parfaitement respectés,

- débouter en conséquence Madame [L] de ses fins et demandes,

- confirmer le jugement du 9 juillet 2012 en ce qu'il a débouté Mme [L] de ses demandes d'heures supplémentaires, de travail dissimulé, de rappel de salaire pour congé payé, de complément d'indemnité de licenciement, de remise tardive d'attestation Pôle Emploi ou de non-respect du DIF,

- condamner Mme [L] à verser à la SARL VHB une somme de 2 500 € à titre de procédure particulièrement abusive,

- condamner Mme [L] à verser à la SARL VHB une somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La société appelante soutient qu'aucun des certificats produits ne fait état d'une quelconque maladie professionnelle ou d'un accident du travail, ni d'une date d'origine à laquelle cette pathologie serait survenue'; que ce n'est que le 22 septembre 2009 soit plus de 10 mois après le début de son absence professionnelle que Mme [L], dans l'unique but de tenter de percevoir des sommes d'argent importantes, invente une soi-disant origine professionnelle'; qu'elle n'a jamais évoqué ses prétendues difficultés'; qu'il ne peut y avoir le moindre harcèlement revendiqué par Mme [L] puisqu'elle ne travaillera plus à compter du 21 novembre 2008 et qu'elle imaginera recourir à cette notion de manière parfaitement artificielle à partir d'un courrier construit à son domicile plusieurs mois plus tard le 17 février 2009'; qu'elle n'établit, ni ne produit strictement aucun élément permettant d'étayer le prétendu harcèlement qu'elle invoque'; [NB': longues explications cependant sur divers détails p. 11 à 22] ;

Sur le licenciement, qu'alors que le contrat de travail de Mme [L] était suspendu pour cause de maladie depuis le 21 novembre 2008, les services de la CPAM ont estimé que l'arrêt de travail n'était plus justifié et que Mme [L] pouvait reprendre son travail'; que ses indemnités journalières étaient suspendues'; que deux avis d'inaptitude ont été rendus par le médecin du travail les 11 juin et 3 juillet 2009'; que la société a procédé à une recherche de reclassement'; que Mme [L] ne s'est pas présentée aux invitations destinées à tenter de trouver une solution de reclassement, ni davantage à l'entretien préalable'; qu'il est contradictoire de reprocher l'absence de proposition de reclassement alors que c'est Mme [L] qui refusait systématiquement de se rendre aux rendez-vous et entretiens dont c'était justement l'objet'; que le licenciement pour inaptitude prononcé le 3 juillet 2009 n'a strictement aucune origine professionnelle, et que la salariée ne pouvait effectuer de préavis'; que les documents relatifs à la rupture du contrat de travail sont quérables, et qu'en s'abstenant de venir au secrétariat de la société ou de mandater un tiers, Mme [L] s'est créée son propre préjudice ;

Sur les prétendues heures supplémentaires, qu'elle n'en effectuait aucune'; que cela a été démontré lors de la comparution personnelle'; que les tableaux informatisés qu'elle a fabriqués ne démontrent en rien que des heures auraient existé'; que les horaires de Mme [L] étaient tout à fait normaux et conformes à son contrat de travail'; qu'elle produit aux débats les bulletins de paie de différents salariés ayant effectué des heures supplémentaires'; que si Mme [L] en avait effectuées, celles-ci auraient été mentionnées sur ses bulletins de paie, comme pour ses collègues de travail';

La société produit enfin ses explications sur les autres demandes ;

Par conclusions écrites déposées le 28 mars 2014 et reprises oralement, auxquelles il convient de se référer pour le détail de l'argumentation, Mme [L] demande à la Cour de :

- confirmer la décision du 9 juillet 2012 en ce qu'elle a jugé nul le licenciement pour inaptitude, celle-ci étant la conséquence d'une situation de harcèlement moral ;

- l'infirmer pour le surplus et condamner l'appelante à payer': 10 000 € de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de prévention du harcèlement (article L. 1152-4 du code du travail), 25 000 € à titre de dommages et intérêts pour les faits de harcèlement moral (article L. 1152-1 du code du travail), 39 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul, 3 253 € à titre d'indemnité de préavis, 325,30 € à titre de congés payés sur préavis, 307,43 € nets au titre du solde de ses congés payés 2007-2008, 761,24 € à titre de rappel sur indemnité de licenciement, 50 € à titre des sommes indûment retenues sur le salaire de septembre 2007, 6 463,76 € au titre des heures supplémentaires non payées, 9 759 € à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé, 2 500 € à titre de dommages-intérêts pour violation de l'obligation de formation continue, l'intégralité des droits acquis au titre du DIF (60 heures), 3 000 € à titre de dommages et intérêts pour remise tardive de l'attestation ASSEDIC, 4 811,68 € au titre du complément de salaire brut.

- dire que l'ensemble des condamnations portera intérêts au taux légal depuis la saisine du conseil de prud'hommes du 22 septembre 2009,

- faire application des dispositions de l'article 1154 du code civil autorisant la capitalisation des intérêts,

- condamner l'appelante au paiement de 2.500 € au titre des frais irrépétibles d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens et frais d'exécution éventuels.

L'intimée fait valoir : sur le harcèlement qu'elle allègue, après avoir stigmatisé ce qu'elle considère être « une véritable entreprise de démolition psychique » par l'établissement d'écritures particulièrement agressives, que les faits de harcèlement moral sont les suivants : humiliations sans aucune raison, agressions verbales répétées, brimades constantes, pressions, reproches répétés et injustifiés, déstabilisation, colères nombreuses, accusation à tort du vol de 50 € et sanction pécuniaire illicite, ton désagréable et agressif même en présence de la clientèle, accusation d'être une menteuse au sujet d'un bon de livraison, ton narquois, amplification des erreurs, accès aigu de colère devant client, menace de licenciement, irritabilité, compétences professionnelles sournoisement mises en causes, pressions cherchant à pousser la salariée à la démission ou à la faute ; que ces faits de harcèlement sont établis par la lettre du 17 février 2009 de Mme [L] à son employeur, par les éléments médicaux, et par l'attestation d'une ancienne salariée ; qu'elle a subi un préjudice distinct résultant du harcèlement moral d'une part, et du manquement à l'obligation de prévention d'autre part ; que la Cour confirmera la décision ayant déclaré nul le licenciement, celui-ci étant la conséquence d'une situation de harcèlement moral.

La salariée explicite chacune de ses demandes chiffrées. Notamment, sur les heures supplémentaires dont elle demande paiement, elle soutient que des relevés mensuels comptabilisent les heures de travail effectuées, jour après jour, entre le 26 décembre 2005 et le 30 mars 2007'; que dans ces conditions, la réalité des heures supplémentaires est incontestable.

Par conclusions supplémentaires intitulées « conclusions d'incident de communication », déposées le 15 mai 2014 par la voie électronique, et également confirmées à l'audience, Mme [L] demande en sus à la Cour d'écarter des débats les conclusions de l'appelante et ses pièces n° 50 à 64. Elle fait valoir que ces éléments lui ont été communiqués deux jours ouvrés avant l'audience.

La Cour se réfère expressément aux conclusions visées ci-dessus pour un plus ample exposé des moyens de fait et de droit développés par les parties.

MOTIFS DE LA DÉCISION

L'appel, interjeté dans les formes et délais prescrits par la loi, est recevable en la forme.

Sur la procédure :

Il apparaît que les conclusions et pièces déposées par la société VHB le 14 mai 2014 et stigmatisées par Mme [L] sont la conséquence des conclusions déposées seulement le 28 mars précédent par l'intimée. Les parties ont chacune légèrement dépassé les délais proposés par le calendrier de procédure ci-dessus.

Il convient de rappeler que la procédure est orale.

Le délai de dépôt de nouvelles conclusions et pièces par l'appelante avant la date de l'audience, quoique bref, était suffisant pour permettre de constater que ces écritures ne soulèvent pas, ni n'apportent de moyen nouveau ni d'argument nouveau qui serait susceptibles de modifier les termes du débat. Le principe du contradictoire a dès lors été suffisamment respecté.

Dans ces conditions, il n'y a pas lieu à écarter des conclusions ou des pièces de la société appelante.

Sur le fond,

Sur le harcèlement invoqué :

Mme [L] invoque le harcèlement moral de la part de son employeur comme cause de son inaptitude médicale.

Conformément aux dispositions de l'article L. 1152-l du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Il appartient d'abord à la personne qui invoque un harcèlement d'établir les éléments de fait qui en laissent supposer l'existence. Au vu des éléments ainsi établis, il incombe alors à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

S'il n'est donc pas exigé du salarié qu'il rapporte la preuve que le fait allégué est un fait de harcèlement, en revanche, il lui incombe d'établir des faits, c'est-à-dire d'établir la matérialité des éléments de fait précis et concordants qu'il présente au soutien de ses allégations.

En l'espèce, Mme [L] énumère un nombre important de griefs à l'encontre de son employeur : humiliations sans aucune raison, agressions verbales répétées, brimades constantes, pressions, reproches répétés et injustifiés, déstabilisation, colères nombreuses, accusation à tort du vol de 50 € et sanction pécuniaire illicite, ton désagréable et agressif même en présence de la clientèle, accusation d'être une menteuse au sujet d'un bon de livraison, ton narquois, amplification des erreurs, accès aigu de colère devant client, menace de licenciement, irritabilité, compétences professionnelles sournoisement mises en causes, pressions cherchant à pousser la salariée à la démission ou à la faute.

Elle n'articule pas davantage ces nombreux griefs, renvoyant à une lettre du 17 février 2009 adressée par ses soins à son employeur (sa pièce n° 4).

Pour autant, c'est à juste titre que la société VHB oppose que cet écrit ne saurait valoir preuve des allégations.

Mme [L] invoque également des certificats médicaux.

Or, il doit être relevé que, contrairement à ce qu'elle soutient, l'avis d'inaptitude de la médecine du travail (sa pièce n° 2) n'évoque en aucun cas un quelconque harcèlement.

Les autres pièces médicales (n° 3, 7, 10 et 40) qu'elle produit n'évoquent pas davantage un quelconque harcèlement, ni même, à deux réserves près, un lien avec le travail de Mme [L]. Dans un arrêt de travail du 21 novembre 2008, le médecin traitant note « Anxiodépression réactionnelle (difficultés sur les lieux de son travail) » et relate dans un certificat en date du 15 juin 2010, soit très postérieur aux faits invoqués et au licenciement, que Mme [L] «'lui a fait part de difficultés sur les lieux de son travail ».

Ainsi, les éléments médicaux invoqués ne sont pas de nature à rapporter les preuves d'un harcèlement, faute de caractériser ou même de relever une telle situation, et se limitent à rapporter les propos de la salariée elle-même.

Les attestations produites (M. [M] pièce 36, M. [Y] pièce 37, M. [C] pièce 38, et Mme [P] pièce 39), se limitent à attester de sa «'jovialité'» et de sa bonne humeur, sans aucunement articuler et encore moins étayer les griefs ci-dessus listés.

Seule l'attestation de Mme [T], aide soignante et ancienne salariée de janvier à novembre 2008 (pièce 46) aborde un peu ces griefs en termes généraux': «'à de nombreuses reprises, Mme [E] agressait verbalement et humiliait Mme [J] [L] sans aucune raison'». Toutefois, l'attestante ne décrit, ni ne circonstancie de faits particuliers sur lesquels l'employeur pourrait utilement s'expliquer.

De l'examen des pièces produites et des explications de la salariée, il ne résulte donc pas la preuve d'éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral dont Mme [L] aurait été victime. Le jugement sera en conséquence infirmé et elle sera déboutée de sa demande de ce chef.

Les demandes financières pour violation de l'obligation de prévention du harcèlement et au titre de dommages-intérêts pour les faits de harcèlement allégués seront en conséquence également rejetées.

Sur le licenciement et ses conséquences :

Mme [L] demande que son licenciement pour inaptitude soit déclaré nul, celui-ci étant la conséquence d'une situation de harcèlement moral.

Cependant, le rejet de la demande de la salariée de ce chef doit conduire à écarter sa demande de nullité de son licenciement.

La société VHB relève à juste titre l'absence d'origine professionnelle de l'inaptitude de la salariée, aucune maladie professionnelle ou accident du travail n'ayant jamais été invoqués, et la médecine du travail n'ayant pas invoqué une difficulté de ce type.

L'employeur expose sans être démenti que, alors que le contrat de travail de Mme [L] était suspendu pour cause de maladie depuis le 21 novembre 2008, les services de la caisse primaire d'assurance maladie ont estimé que l'arrêt de travail n'était plus justifié et qu'elle pouvait reprendre son travail'; que Mme [L] s'est rendue à la médecine du travail pour une visite de reprise (convocation pièce n° 4 bis de l'employeur), qui a prononcé un premier avis défavorable à la reprise le 11 juin 2009 (pièce n° 5 de l'employeur), puis, après étude du poste (pièces n° 6 et 7 de l'employeur), le médecin a rendu le 3 juillet 2009 après une 2ème visite un avis d'inaptitude à tout poste dans l'entreprise.

La société VHB fait alors part de ses recherches de reclassement, et produit notamment le courrier en date du 9 juillet 2009 adressé à Mme [L] pour l'associer à ses recherches, et sa demande du même jour au médecin du travail (pièces n° 9 et 9 bis de l'employeur), ainsi que la réponse de ce médecin en date du 10 juillet suivant, précisant, après étude du poste et des conditions de travail, que Mme [L] est inapte médicalement à tout poste dans l'entreprise (pièce n° 10 de l'employeur).

La société VHB a alors convoqué Mme [L] à un entretien préalable par lettre du 22 juillet 2009.

Pas plus qu'elle ne s'était rendue à l'invitation à examiner d'éventuelles possibilités de reclassement, la salariée ne s'est pas rendue à cet entretien préalable, produisant des certificats de son médecin traitant.

A la suite de quoi la société VHB a notifié à Mme [L] son licenciement pour inaptitude médicalement constatée et impossibilité de trouver un reclassement, par lettre recommandée avec avis de réception du 4 août 2009 (sa pièce n° 16).

Il apparaît ainsi que le licenciement de Mme [L], fondé sur son inaptitude médicalement constatée par le médecin du travail, dont l'avis non contesté s'impose aux parties, est régulier tant en la forme qu'au regard des dispositions de l'article L. 1226-2 du code du travail relatif à la tentative de reclassement du salarié déclaré inapte.

Le licenciement sera donc déclaré régulier et bien-fondé, et Mme [L] sera déboutée de l'ensemble de ses demandes relatives à son licenciement.

Sur l'indemnité de préavis :

Mme [L] demande le paiement d'une indemnité de préavis, en soutenant que son employeur a manqué à son obligation de reclassement.

Toutefois, comme détaillé ci-dessus, l'employeur a rempli son obligation en la matière, et Mme [L] ne peut demander une indemnité pour un préavis qu'elle n'a pas effectué, sans que ce défaut d'exécution ne soit imputable à un manquement de l'employeur.

Sa demande sera donc rejetée.

Sur le rappel de l'indemnité de licenciement :

Mme [L] demande la confirmation du jugement qui lui a alloué une somme supplémentaire de 761,24 € au titre de l'indemnité de licenciement, qu'elle soutient ne pas avoir perçue dans son intégralité.

La société VHB n'oppose aucun moyen ni argument à cette demande, et la décision du conseil de prud'hommes sera dès lors confirmée.

Sur les heures supplémentaires :

Mme [L] soutient qu'elle a effectué de nombreuses heures supplémentaires qui n'ont pas été payées par la société VHB, et demande à ce titre la somme de 6 463,76 €. Elle soutient qu'elle a réalisé un total de 483,50 heures de travail, au-delà des 151,67 heures mensuelles, de 2005 à 2007, non payées et non récupérées.

Il résulte de l'article L. 3171-4 du code du travail que la preuve des heures effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties, que l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, et que celui-ci doit fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande.

A l'appui de sa demande la salariée produit :

Des feuillets comportant des calendriers photocopiés ou reproduits par ordinateur, portant chacun sur 5 à 6 mois des années considérées, dont elle affirme déduire des heures supplémentaires effectuées, portées au-dessous du calendrier (ses pièces sous le n° 24) et un tableau récapitulatif par semestres (sa pièce n° 25).

Toutefois, ces documents, manifestement élaborés pour les besoins de la cause, ne constituent que les mêmes allégations de ses conclusions, et non pas des relevés effectués au fur et à mesure par la salariée. Aucunement explicites quant aux heures effectuées, ils ne peuvent être utilement soumis à la contradiction de l'employeur.

Mme [L] se prévaut également des attestations de M. [Y] (sa pièce n° 37) et Mme [P] (sa pièce n° 39), déjà citées puisqu'elle les invoquait aussi à l'appui de ses allégations de harcèlement moral, mais qui se limitent à mettre en avant une personne qualifiée de «'souriante'» et «'de bonne humeur'», et dont il ne résulte pas les horaires effectués par la salariée, faute de la moindre précision de date et de circonstances dans lesquelles les témoins auraient constaté que la salariée était à son travail soit tôt le matin, soit tard dans l'après-midi, et susceptibles d'être soumises à la contradiction de l'employeur.

En effet, pour qu'une demande soit véritablement et valablement étayée, il faut que les éléments produits soient de nature à soutenir la demande pour que celle-ci ne soit pas qu'une simple allégation, et pour cela il est nécessaire que les éléments produits soient suffisamment précis, authentiques et fiables pour pouvoir être soumis à la contradiction.

Si le juge ne peut pas débouter un salarié de sa demande de paiement d'heures supplémentaires au seul motif qu'il ne produirait qu'un tableau à l'appui de sa demande, en revanche la présentation d'un tableau ne suffit pas nécessairement à constituer un véritable étayage de la demande. Pour étayer la demande, il faut que l'élément produit apporte quelque chose à la demande, à défaut de quoi elle ne constitue et ne demeure qu'une allégation. En l'espèce, le tableau produit n'apporte rien aux allégations de la salariée.

Ainsi, l'employeur peut soutenir sans être utilement contredit que Mme [L] effectuait les horaires suivants : de 8 h à 12 h 30 et de 13 h à 15 h 30 du lundi au mercredi, de 8 h à 12 h 30 et de 13 h à 18 h le jeudi, et de 8 h à 12 h 30 le vendredi, pour un total de 35 heures. Ces horaires correspondent d'ailleurs aux déclarations de la salariée dans le procès-verbal de comparution personnelle du 19 mai 2011 (page 5).

La société peut aussi ajouter sans être contredite que les salariés qui effectuaient des heures supplémentaires voyaient ces heures mentionnées sur leurs bulletins de paie (sa pièce n° 24).

C'est donc à juste titre que le conseil de prud'hommes a rejeté la demande de Mme [L] en paiement d'heures supplémentaires.

Sur les autres demandes :

- Travail dissimulé :

Mme [L] demande la condamnation de la société VHB à lui payer la somme de 9 759 € à titre de dommages-intérêts pour travail dissimulé. Elle fonde sa demande sur les heures supplémentaires qu'elle soutient avoir effectuées alors qu'elles ne figuraient pas sur ses bulletins de paie.

Cependant, sa demande sur ce point étant rejetée, il ne saurait y avoir caractérisation d'un travail dissimulé, et elle sera déboutée de ce chef de demande.

- Maintien du salaire durant les arrêts maladie :

Mme [L] demande la condamnation de la société VHB à lui payer 4 811,68€ au titre du complément de salaire brut.

Elle soutient qu'il existe un différentiel entre ce qu'elle a perçu et ce qu'elle aurait dû percevoir'; que les bulletins de paie prouvent que le seul revenu provient de la caisse complémentaire ISICA, alors que conformément à l'article 55 de la convention collective, elle aurait dû avoir l'intégralité de son salaire maintenu, ce qui n'a pas été le cas.

Pour autant, la société VHB produit l'intégralité de la disposition de la convention collective des industries et des commerces en gros des viandes, et relève que l'article 55 en prévoit que la durée maximale d'indemnisation de la maladie est limitée à 4 mois (pièce n° 63 de l'employeur). Elle justifie qu'ensuite (ses pièces n° 56 à 61) l'intégralité des sommes versées par l'ISICA à titre complémentaire a été reversée à la salariée.

Mme [L] demande aussi, dans le même paragraphe (page 35 de ses conclusions), bien que sur un fondement différent, la prime d'ancienneté de 3'%, sans le reprendre expressément et séparément dans le dispositif de ses conclusions :

Pour autant, sur ce point, la société VHB peut utilement objecter sans être contredite que l'article 63 de la convention collective des industries et des commerces en gros des viandes prévoit que la prime de fin d'année n'est pas due en cas de départ de l'entreprise. De plus, Mme [L] ne peut prétendre à l'intégration de 3'% au titre de la prime d'ancienneté, faute d'ancienneté suffisante, par application directe de la même convention collective.

Il y a donc lieu de confirmer la décision de rejet du conseil de prud'hommes sur ces demandes.

- Rappel solde congés payés 2007-2008 :

Mme [L] demande la somme de 307,43 € au titre du solde de ses congés payés 2007-2008. Elle fait valoir qu'elle n'a pu solder les congés payés acquis pour la période du 1er juin 2007 au 31 mai 2008'; que ces 5,5 jours ont été mentionnés sur les bulletins de paie jusqu'au 31 mai 2009 puis annulés.

La société VHB n'oppose aucun moyen, ni argument à cette demande, et la décision du conseil de prud'hommes sera dès lors confirmée.

- Rappel de 50 € retenus sur le salaire de septembre 2007 :

Mme [L] demande dans le dispositif de ses conclusions la confirmation du jugement qui lui a alloué la somme de 50 € au titre des sommes indûment retenues sur le salaire de septembre 2007.

La société VHB n'oppose aucun moyen, ni argument à cette demande, et la décision du conseil de prud'hommes sera dès lors confirmée.

- Violation de l'obligation de formation continue :

Mme [L] demande la condamnation de la société VHB à lui payer la somme de 2 500 € pour violation de son obligation de formation continue.

Aux termes de l'article L. 6321-1 du code du travail, l'employeur est tenu d'assurer l'adaptation des salariés à leur poste de travail et de veiller au maintien de leur capacité à occuper un emploi au regard notamment de l'évolution des emplois, des techniques et des technologies et des organisations.

En l'espèce toutefois, il apparaît que Mme [L] n'a été employée que quelque 42 mois dans l'entreprise'; qu'elle occupait un emploi de «'secrétaire expédition'» dont il n'est pas allégué qu'il aurait été d'une particulière technicité'; que la salariée était affectée à une mission correspondant aux fonctions pour lesquelles elle avait été engagée'; que le contenu de son poste n'a pas évolué ni fait l'objet d'évolutions techniques'; qu'enfin, même si la mise en 'uvre de cette formation n'est pas conditionnée à une demande du salarié, Mme [L] n'allègue pas qu'elle aurait demandé une quelconque formation ou adaptation à son employeur.

Ainsi, sur ce laps de temps relativement court, pour un emploi sur un poste peu technique pour lequel elle avait été recrutée avec une qualification suffisante, le fait que son employeur ne lui ait pas dispensé de formation particulière ne cause pas à Mme [L] un préjudice dans ses possibilités d'adaptation et de maintien dans son emploi qui nécessiterait une compensation financière.

Sa demande sera en conséquence rejetée.

- Manquement à l'information au droit au DIF dans la lettre de licenciement :

Mme [L] demande que la société VHB soit condamnée à «'restituer l'intégralité des droits au DIF'», en faisant valoir qu'aucune mention à cet égard ne figure dans la lettre de licenciement.

De fait, la lettre de licenciement du 4 août 2009 précitée ne comporte pas de mention relative au droit individuel à la formation (DIF).

Aux termes des dispositions de l'article L. 6323-19 du code du travail, l'employeur informe le salarié dans la lettre de licenciement de ses droits en matière de droit individuel à la formation.

Pour autant, c'est à juste titre que l'employeur objecte que cette disposition résulte de la loi n° 2009-1437 du 24 novembre 2009, qui ne saurait donc s'appliquer au licenciement de Mme [L] intervenu antérieurement à son entrée en vigueur.

Par ailleurs, la société VHB relève sans être contredite que le certificat de travail comporte bien les mentions obligatoires relatives au DIF, de sorte que la société a rempli ses obligations en la matière et que Mme [L] n'a subi aucun préjudice.

Sa demande a donc été rejetée à juste titre par le conseil de prud'hommes.

- Remise tardive de l'attestation ASSEDIC :

Mme [L] demande la condamnation de la société VHB à lui payer la somme de 3 000 € pour remise tardive de l'attestation ASSEDIC. Elle fait valoir qu'elle a sollicité le 10 août 2009 l'envoi par voie postale des documents relatifs à la fin de son contrat de travail'; que ce n'est que le 5 octobre 2009 que la société VHB a daigné s'exécuter, après une résistance abusive'; que depuis le 4 août 2009 et à défaut d'attestation ASSEDIC, elle n'avait pu s'inscrire en qualité de demandeur d'emploi et faire valoir ses droits auprès de cet organisme.

Si la remise tardive au salarié des documents lui permettant de s'inscrire au chômage entraîne nécessairement un préjudice, tel n'est pas le cas en l'espèce.

Il apparaît en effet que, alors que ce document est quérable, Mme [L] a refusé de se présenter au secrétariat de l'entreprise pour le retirer, et n'a pas jugé utile de donner mandat pour le faire.

Ainsi, c'est à juste titre que l'employeur constate que, par cette abstention, elle s'est créée son propre préjudice, et sa demande doit être rejetée.

- Article 700 du code de procédure civile et dépens :

Chacune des parties succombe partiellement en ses prétentions. Il n'y a donc pas lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ni en première instance, ni en cause d'appel, et, pour les mêmes motifs, chacune des parties gardera à sa charge les dépens de première instance et d'appel qu'elle aura engagés.

La demande relative aux frais d'exécution, présentée ici par Mme [L] avec celle relative aux dépens dont elle est pourtant distincte, n'est pas motivée, et, outre qu'elle concerne des frais futurs seulement hypothétiques, n'apparaît pas pertinente, faute de préciser davantage les frais qu'elle vise, étant observé que la loi met déjà par principe les frais d'une exécution forcée à la charge du débiteur.

Les sommes dues au titre des créances salariales et d'indemnité conventionnelle de licenciement portent intérêts au taux légal à compter de la notification de la saisine du conseil des prud'hommes à l'employeur.

Les sommes dues au titre des dommages et intérêts portent intérêts au taux légal à compter de la décision qui les fixe.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement, contradictoirement, en matière prud'homale et en dernier ressort,

Déclare l'appel recevable en la forme,

Infirme le jugement rendu entre les parties par le conseil de prud'hommes de Pau le 9 juillet 2012,

SAUF en ce qu'il a :

- alloué à Mme [L] la somme de 761,24 € à titre de complément d'indemnité de licenciement,

- rejeté la demande de Mme [L] au titre d'heures supplémentaires,

- rejeté la demande de Mme [L] au titre de la prime de fin d'année,

- rejeté la demande de Mme [L] au titre du maintien du salaire durant les arrêts maladie,

- alloué à Mme [L] la somme de 307,43 € au titre du solde de ses congés payés 2007-2008,

- alloué à Mme [L] la somme de 50 € retenus sur le salaire de septembre 2007,

- rejeté la demande de Mme [L] au titre de l'information au droit au DIF ;

L'infirmant pour le surplus sur l'ensemble de ses autres dispositions,

Et, statuant à nouveau,

Dit que le harcèlement moral invoqué n'est pas caractérisé,

Dit régulier et bien fondé le licenciement pour inaptitude médicale de Mme [L],

Déboute Mme [L] de l'ensemble de ses autres demandes,

Dit n'y avoir lieu à faire application de l'article 700 du code de procédure civile ni en première instance, ni en cause d'appel,

Dit que chaque partie conservera à sa charge les dépens de première instance et d'appel qu'elle aura engagés.

Arrêt signé par Monsieur CHELLE, Président, et par Madame HAUGUEL, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE,LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12/02508
Date de la décision : 10/07/2014

Références :

Cour d'appel de Pau 3S, arrêt n°12/02508 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-07-10;12.02508 ?
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